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Les Enseignements du Maitre MORYA

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ISIS DEVOILEE

ISIS DÉVOILÉE - VOLUME II – THÉOLOGIE DEUXIEME PARTIE - CHAPITRE VIII - JESUITISME ET MAÇONNERIE

ISIS DÉVOILÉE

 

CLEF DES MYSTERES DE LA SCIENCE ET DE LA THEOLOGIE ANCIENNES ET MODERNES

 

VOLUME II – THÉOLOGIE DEUXIEME PARTIE

par H.P. BLAVATSKY

 

 

 

Traduction de Ronald JACQUEMOT entièrement révisée par le Docteur Paul THORIN

 

 

 

 

LIVRE

[7]

 

CHAPITRE VIII

JESUITISME ET MAÇONNERIE

 

"Les enfants chrétiens et catholiques peuvent accuser leurs parents d'hérésie... bien qu'ils sachent qu'en le faisant leurs parents seront brûlés sur le bûcher et mis à mort… Et non seulement peuvent-ils leur refuser la nourriture, s'ils cherchent à les détourner de la Foi Catholique, MAIS ILS PEUVENT LEGALEMENT LES TUER." – Précepte des Jésuites. (F. STEPHEN FAGUNDEZ, in Proecepta Decalogi. Lugduni, 1640.)

"Très Sage. Quelle heure est-i1 ?

 1re G∴ Gard∴ – C'est la première heure du jour, où le voile du temple se déchira en deux ; où les ténèbres et la consternation se répandirent sur la terre – l'heure où la lumière   s'obscurcit ;   où   l'étoile   flamboyante ayant disparu, les outils de la Maçonnerie furent dispersés ;  où la Parole fut perdue" – Magna est veritas et proevalebit.

 Le plus important ouvrage cabalistique des Hébreux – le Sohar רהז – a été écrit par le Rabbin Siméon Ben-Iochaï. Selon certains critiques, cette compilation eut lieu bien des années avant l'ère chrétienne ; suivant d'autres, ce ne fut qu'après la destruction du temple. De toutes façons il ne fut terminé que par le fils de Siméon, le Rabbin Eléazar et son secrétaire, le Rabbin Abba ; car l'ouvrage est si important et les sujets qui y sont traités sont si abstraits, que la vie entière de ce Rabbin, qu'on a surnommé le Prince des Cabalistes, n'avait pas suffi à la tâche. Comme on savait qu'il était en possession de ce savoir et de la Mercaba, qui assurait la réception de la "Parole", sa vie même se trouvait en danger, et il dut s'enfuir au désert, où il vécut dans une caverne pendant douze ans, entouré de fidèles disciples, et mourut finalement au milieu de signes et de merveilles 1. [8]

1 Nombreuses sont les merveilles qu'on dit avoir eu lieu à sa mort, ou plutôt à sa translation ; car il ne mourut pas comme tout le monde, mais, ayant disparu, tandis qu'une lumière éblouissante remplissait la caverne son corps ne fut vu de nouveau qu'après sa disparition. Lorsque cette lumière divine illumina la demi-obscurité de la sombre caverne, alors seulement, dit Ginsburg, "les disciples d'Israël s'aperçurent que le flambeau d'Israël était éteint". Ses biographes nous informent qu'on entendit des voix venant du Ciel pendant les préparatifs de ses funérailles et à sa mise au tombeau. Lorsque la bière fut descendue dans le profond caveau qu'on avait préparé pour la recevoir, une flamme s'en éleva et une voix puissante et majestueuse prononça les paroles suivantes : "C'est celui- ci qui fit trembler la terre et les royaumes !"

 

Mais si volumineux que soit l'ouvrage, qui renferme beaucoup d'éléments de sa tradition secrète et orale, néanmoins il n'embrasse pas tout. Nul n'ignore que ce vénérable cabaliste ne confia jamais les parties les plus importantes de sa doctrine, autrement qu'oralement, et cela à un nombre très limité d'amis et de disciples, parmi lesquels se trouvait son fils unique. Par conséquent, sans l'initiation finale à la Mercaba, l'étude de la Cabale sera toujours incomplète, et la Mercaba ne peut s'enseigner que dans "l'obscurité, c'est-à-dire dans un lieu désert, et après de nombreuses et terrifiantes épreuves". Depuis la mort de Siméon Ben-Iochaï, cette doctrine secrète est restée un secret inviolé pour le monde extérieur. Donnée à connaître seulement comme un mystère, on ne la communiquait au candidat qu'oralement, "face à face et de bouche à oreille".

Ce commandement maçonnique, "de bouche à oreille, et à  voix basse", est un legs des Tanaïm et des anciens Mystères païens. L'usage moderne qui en a été fait, est certainement dû à l'indiscrétion de quelque cabaliste renégat, bien que le "mot", lui-même, ne soit qu'un "substitut" pour la "parole perdue", et qu'il est, ainsi que nous le montrerons plus loin, une invention comparativement moderne. La phrase véritable est restée, pour   toujours,   en   possession   des   adeptes   de   diverses   contrées des hémisphères Oriental et Occidental. Seul un nombre limité parmi les chefs Templiers et quelques Rose-croix du XVIIème siècle, qui étaient restés en relation étroite avec les alchimistes et les initiés arabes, pouvaient réellement se  vanter de la  posséder.  Du VIIème  au  XVème  siècle  nul ne pouvait prétendre la connaître en Europe ; et bien qu'il y ait eu des alchimistes avant Paracelse, celui-ci fut le premier qui passa la véritable initiation, cette dernière cérémonie qui conférait à l'adepte la faculté de marcher vers le "buisson ardent" par-dessus le terrain brûlant, et de "brûler le veau d'or dans le feu, le réduire en poudre et de le répandre sur les eaux". Certes, cette eau magique, et la "parole perdue" ont ressuscité plus d'un Adoniram, Gedaliah et Hiram-Abiff pré-mosaïques. Le véritable mot, aujourd'hui substitué par Mac-Benac, et Mah, était utilisé des siècles avant que son effet pseudo-magique soit essayé sur les "fils de la veuve", pendant les deux derniers siècles. Qui fut, en fait, le premier Maçon opératif de quelque importance ? [9] Elie Ashmole, le dernier des Rose- croix et des alchimistes. Admis à la franchise de la Compagnie  des Maçons Opératifs de Londres, en 1646, il mourut en 1692. En ce temps-là la Maçonnerie n'était pas ce qu'elle devint par la suite ; ce n'était ni une institution politique ni une institution chrétienne, mais une véritable organisation secrète, qui admettait dans les liens de la fraternité tous ceux qui désiraient ardemment obtenir le précieux bienfait de la liberté de conscience, et se soustraire à la persécution cléricale 2. Ce n'est qu'une trentaine d'années après sa mort que ce que l'on nomme aujourd'hui la Franc-maçonnerie moderne prit naissance. Cette naissance eut lieu le 24 juin 1717, à la Taverne du Pommier (Apple-tree Tavern) dans Charles Street Covent Garden, à Londres. Ce fut alors, ainsi que nous le disent les Constitutions d'Anderson, que les quatre seules loges du Sud de l'Angleterre, nommèrent Anthony Sager, le premier Grand Maître des Maçons. Malgré sa grande jeunesse, cette grande loge a toujours exigé que tout le corps de la fraternité dans le monde entier reconnût sa suprématie, ainsi que le dirait à quiconque pouvant la voir l'inscription latine gravée sur la plaque au-dessous de la pierre d'angle du Temple des Francs-maçons de Londres en 1775. Nous y reviendrons plus tard.

Franck, l'auteur de Die Kabbala, poursuivant ses "divagations ésotériques", ainsi qu'il les appelle, nous donne en plus de sa traduction, ses commentaires. Parlant de ses prédécesseurs, il dit que Siméon Ben- Iochaï mentionne à plusieurs reprises ce que les "compagnons" ont enseigné dans les ouvrages plus anciens. Et l'auteur cite un nommé "leba, l'ancien,   et   Hamnuna,   l'ancien" 3.   Mais il ne nous donne pas la signification de ces deux "anciens", ni qui ils sont, car il ne le sait pas lui- même.

2 Plot : Natural History of Staffordshire. Publié en 1666.

3 Die Kabbala, 75 ; Sod, vol. II.

 

Dans la vénérable secte des Tanaïm, ou plutôt des Tananim, les sages, il y avait ceux qui enseignaient pratiquement les secrets et initiaient quelques disciples au grand Mystère final. Mais la Mishna Hagiga, la 2° section, dit que la table des matières de la Mercaba "ne doit être divulguée qu'aux sages âgés". 4 La Gemara est encore plus dogmatique. "Les secrets les plus importants des Mystères, n'étaient même pas révélés à tous les prêtres. On ne les divulguait qu'aux initiés." C'est ainsi que nous voyons que ces mêmes grands secrets prévalent dans toutes les  religions anciennes.

Mais nous constatons également que ni le Sohar ni aucun autre ouvrage cabalistique ne contient pas seulement la sagesse juive. La doctrine étant, par elle-même, le résultat de milliers d'années [10] de pensées, elle est, par conséquent, la propriété collective des adeptes de toutes les nations sous le soleil. Néanmoins, le Sohar enseigne l'occultisme pratique plus que ne le fait n'importe quel autre ouvrage sur ce sujet ; non pas, cependant, tel qu'il a été traduit et commenté par divers critiques, mais d'après les signes secrets inscrits en marge. Ces signes contiennent les instructions secrètes, en dehors des interprétations métaphysiques et des absurdités apparentes, si pleinement acceptées par Josèphe dans leur ensemble, car lui n'avait jamais été initié, et il transmit la lettre morte, telle qu'il l'avait reçue 5.

4 Die Kabbala, 47.

5 Il raconte comment le Rabbin Eléazar, en présence de Vespasien et de ses officiers, chassa les démons de quelques hommes simplement en mettant sous le nez du démoniaque une des nombreuses racines recommandées par le Roi Salomon ! Le célèbre historien nous affirme que le Rabbin faisait sortir les démons par les narines des patients, au nom de Salomon et par le pouvoir des incantations composées par le Roi-Cabaliste. Josèphe : Antiquités, VIII.II 5.

6 Il y a des miracles inconscients, lesquels, comme les phénomènes nommés aujourd'hui phénomènes " Spirites " sont produits par les pouvoirs cosmiques naturels, le mesmérisme, l'électricité, et les êtres invisibles qui sont continuellement à l'œuvre autour de nous, que ce soient des esprits humains ou élémentaires.

 

La véritable magie pratique contenue dans le Sohar et dans d'autres ouvrages cabalistiques, n'a de valeur que pour ceux qui le lisent, en dedans. Les apôtres chrétiens – du moins ceux qu'on dit avoir fait des "miracles" à volonté 6devaient être au courant de cette science. Il sied mal à un Chrétien de condamner les joyaux "magiques", amulettes et autres talismans contre le "mauvais œil", qu'on utilise comme des charmes pour exercer une influence mystérieuse, aussi bien sur le propriétaire que sur les personnes que le magicien voudrait contrôler ou de s'en moquer. Beaucoup de ces amulettes enchantées existent encore dans les collections particulières ou publiques d'antiquités. Les collectionneurs ont publié les dessins de joyaux convexes, ornés de légendes mystérieuses, dont la signification a déjoué toutes les recherches scientifiques. King nous en montre plusieurs dans ses Gnostics, et il donne la description d'une cornaline (Chalcédoine) blanche, recouverte des deux côtés de légendes interminables, dont l'interprétation serait toujours impossible ; pour les savants en tout cas sans doute, mais non pour un étudiant en hermétisme ou adepte. Mais nous renvoyons le lecteur à cet intéressant ouvrage, et aux talismans qui y sont représentés, afin de démontrer que même le "Voyant de Patmos" en personne, était bien versé dans la science cabalistique des talismans et des joyaux. Saint Jean fait clairement allusion à la puissante "cornaline blanche" – un joyau bien connu parmi les adeptes sous le nom d'"alba-petra", ou pierre de l'initiation sur laquelle on voit généralement gravé le mot de "prix", parce qu'elle était donnée au candidat qui [11] avait passé avec succès par toutes les épreuves préliminaires d'un néophyte. Le fait est que le livre de l'Apocalypse tout entier n'est pas moins que le livre de Job, le récit allégorique des Mystères et de l'initiation d'un candidat à ceux-ci, candidat qui n'est autre que Saint Jean lui-même. Aucun Maçon de haut grade, bien versé dans les différents degrés n'en disconviendra. Les nombres sept, douze et autres sont autant de traits de lumière jetés dans l'obscurité du texte. Paracelse affirmait la même chose il y a quelques siècles. Et lorsque nous lisons "qu'un être semblable à un fils d'homme" lui dit (chap. II, 17) : "A celui qui vaincra, je lui donnerai  de  la  manne cachée ; je lui donnerai une PIERRE BLANCHE ; et sur la pierre est écrit un nom nouveau, "– le mot – que nul ne connaît sauf celui qui le reçoit", quel Maître Maçon doutera qu'il s'agisse de la dernière ligne de titre du présent chapitre ?

Dans les Mystères Mythraïques pré-chrétiens, le candidat qui avait traversé courageusement les "douze tortures" qui précédaient l'initiation finale, recevait un petit gâteau rond, ou pain sans levain, symbolisant, dans une de ses significations, le disque solaire, et connu sous le nom de pain céleste ou "manne", sur lequel des figures étaient tracées. Un agneau, ou un taureau était tué, le candidat devant être aspergé de son sang, comme dans le cas de l'initiation de l'Empereur Julien. Les sept règles ou mystères étaient alors révélées au "nouveau-né", représentées dans l'Apocalypse par les sept sceaux qui sont brisés "dans l'ordre"(voir chap. V et VI). Nul doute que le Voyant de Patmos ne se référât à cette cérémonie.

L'origine des amulettes catholiques romaines et des "reliques" bénies par le Pape est la même que celle des "Charmes d'Ephèse" ou caractères magiques gravés sur une pierre ou tracés sur une feuille de parchemin ; les amulettes juives avec des versets de la Loi, appelés phylacteres, φυλακηρα, et les charmes musulmans avec des versets du Koran. Tous ont été utilisés comme des charmes magiques protecteurs, et portés sur eux par ceux qui y croyaient. Epiphane, le digne ex-Marcusien, qui parle de ces charmes dont font usage les Manichéens comme d'amulettes, c'est-à-dire d'objets qu'on porte autour du cou (Periapta) a des incantations et "semblables tromperies" – ne peut discréditer en aucune façon les "tromperies" des païens et des Gnostiques sans discréditer en même temps les amulettes catholiques romaines et papistes.

Toutefois, la stabilité est une vertu que, sous l'influence des Jésuites, nous craignons voir perdre le peu de prise qu'elle a jamais eu sur l'Eglise. Cette âme rusée, savante, dénuée de scrupules et terrible du Jésuitisme, au sein du Catholicisme Romain, prend [12] lentement mais sûrement possession de tout le prestige et de tout le pouvoir spirituel qui s'y attache encore. Pour mieux exposer notre thème, il sera nécessaire d'établir le contraste entre les principes moraux des anciens Tanaïm et des Théurgistes, et ceux professés par les Jésuites modernes qui ont pratiquement aujourd'hui le contrôle du Catholicisme Romain, et que ceux qui voudraient des réformes doivent nécessairement rencontrer et vaincre. Où trouverions-nous dans toute l'antiquité, et dans quel pays, quoi que ce soit qui ressemble à cet Ordre, ou même s'en approche ? Nous devons une place aux Jésuites dans ce chapitre sur les sociétés secrètes, car plus que toute autre, ils constituent une société secrète, et ils ont un lien bien plus étroit avec la Franc-maçonnerie réelle – du moins en France et en Allemagne – qu'on ne le suppose généralement. Le cri de la morale publique outragée s'est élevé contre cet Ordre dès son début 7. Quinze ans à peine s'étaient écoulés après la promulgation de la bulle qui approuvait leur  constitution,  que  ses  membres  commençaient  à  être  chassés  d'un endroit à l'autre. Le Portugal et les Pays-Bas s'en débarrassèrent en 1578 ; la France en 1594 ; Venise en 1606 ; Naples en 1622. Ils furent expulsés de Saint-Pétersbourg en 1815, et de la Russie tout entière en 1820.

7 Ce cri date de 1540 ; et en 1555 une clameur générale s'éleva contre eux dans certaines parties du Portugal, d'Espagne et d'autres pays.

 

Dés son bas âge ce fut un enfant plein de promesse. Ce qu'il devint, par la suite, chacun ne le sait que trop bien. Les Jésuites ont fait plus de mal moral dans ce bas monde que les armées réunies du Mythique Satan. L'énormité apparente de cette accusation, disparaîtra lorsque nos lecteurs d'Amérique, qui jusqu'à maintenant ne les connaissent que fort peu auront été mis au courant de leurs principes (principio) et de leurs règles, tels qu'ils apparaissent dans les ouvrages écrits par les Jésuites eux-mêmes. Nous rappelons aux lecteurs, que tout ce que nous avançons dans les citations en italiques est tiré de manuscrits authentiques, ou d'ouvrages publiés par cette célèbre société. Beaucoup d'entre eux ont été copiés dans le grand In-Quarto publié avec l'autorisation, et sous la vérification et la collation des Commissaires du Parlement français 8. Ces rapports furent réunis et présentés au Roi afin que, comme "l'Arrest du Parlement du 5 mars 1762" le dit, "le fils aîné de l'Eglise soit mis au courant de la perversité de cette [13] doctrine... qui autorise le Vol, le Mensonge, le Parjure, l'Impureté, toutes les Passions et tous les Crimes, qui enseigne l'Homicide, le Parricide et le Régicide, renversant la religion pour substituer à sa place la Superstition, en favorisant la Sorcellerie, le Blasphème, l'Irréligion et l'Idolâtrie... etc." Examinons donc les idées des Jésuites au sujet de la magie. Antonio Escobar 9 dit à ce sujet, dans ses instructions secrètes :

"Il est légal... de se servir de la science acquise à l'aide du Diable, pourvu que la conservation et l'usage de cette connaissance ne dépendent pas du Diable ; car la connaissance est bonne en elle-même, et le péché par lequel elle a été acquise est passé 10." Pourquoi un Jésuite ne bernerait- il pas le Diable, de même qu'il berne les laïques ?

 8 Des extraits de cet "Arrêt" furent réunis dans un ouvrage en 4 vol. 12 ms. qui parut à Paris en 1762, connu sous le titre d'Extraits des Assertions, etc. Dans un ouvrage intitulé Réponse aux Assertions les Jésuites firent un effort pour jeter le discrédit sur les faits réunis par les Commissaires du Parlement français en 1762, en les faisant passer pour des racontars malintentionnés. "Pour se faire une idée de la validité de l'accusation", dit l'auteur des Principes des Jésuites "on a cherché dans les bibliothèques des deux universités, du British Museum, et Collège de Sion, les auteurs cités ; et dans chaque cas où le volume fut découvert, on a reconnu l'exactitude de la citation".

9 Theologia Moralis, Tomus IV, Lugduni, 1663.

10 Tom. IV, lib. XXVIII, sect. I de Prœcept. I, c. 20 n. 184.

 

"Les Astrologues et les devins sont tenus, ou ne sont pas tenus, de rendre la rémunération de leur divination si l'événement qu'ils ont prédit ne se réalise pas. Je conviens", remarque le bon Père Escobar, "que la première opinion ne me satisfait point du tout, parce que, lorsque l'astrologue ou le devin a exercé toute diligence dans l'art diabolique, qui est nécessaire pour son but, il a rempli son devoir, quel que soit le résultat. De même que le médecin... n'est pas tenu de rendre ses honoraires... si le patient meurt : de même l'astrologue n'est pas obligé de rendre le prix de sa divination... sauf dans le cas où il n'aurait pas fait d'effort, ou aurait été ignorant de son art diabolique ; parce que, lorsqu'il a fait tous ses efforts, il n'a pas usé de tromperie 11."

Nous lisons encore ce qui suit au sujet de l'astrologie : "Si quelqu'un affirme, sur une supposition basée sur l'influence des astres, le caractère et la disposition d'un homme, qu'il serait soldat, prêtre ou évêque, cette divination est exemple de tout péché ; parce que les astres et la disposition de l'homme peuvent avoir le pouvoir de diriger la volonté humaine vers un certain but ou objet, mais non pas de l'y contraindre 12."

Busembaum et Lacroix nous disent dans la Theologia Moralis 13, que "la chiromancie peut être considérée comme légale, si dans les lignes et les signes de la main on peut s'assurer des dispositions du corps, et conjecturer avec probabilité les penchants et les affections de l'âme 14". [13]

Bien que plusieurs prédicateurs aient dernièrement formellement nié que cette noble confrérie ait jamais été une société secrète, les preuves existent qu'elle l'a certainement été. Leurs statuts ont été traduits en latin par le Jésuite Polancus, et imprimés au Collège de la Société à Rome en 1558.  "On  les  tenait  jalousement  secrets,  la  plupart  des  Jésuites, eux-mêmes, n'en connaissant que des fragments 15. Ils ne furent jamais exposés en lumière avant 1761, quand ils furent publiés par ordre du Parlement Français de 1761 à 1762, au cours du célèbre procès de Pierre Lavalette." Les degrés de l'ordre sont : 1° Novices ; 2° Frères laïques coadjuteurs temporels ; 3° Scholastiques ; 4° Coadjuteurs spirituels ; 5° Profés des Trois Vœux ; 6° Profés des Cinq Vœux. "Il existe aussi une classe secrète, connue seulement du Général et de quelques fidèles Jésuites, qui, peut-être plus que toute autre, a contribué au pouvoir redouté et mystérieux de l'Ordre", dit Nicolini. Les Jésuites considèrent comme un des plus brillants exploits de leur Ordre que Loyola ait appuyé, au moyen d'un mémoire spécial au Pape, une pétition pour la réorganisation de cet instrument abominable et détesté de boucherie en gros – l'infâme tribunal de l'Inquisition étant basée sur la loi de l'obéissance absolue, peut porter ses forces sur un point donné avec une exactitude infaillible et fatale 16."

11 Ibidem, sect. 2 de Prœcept. I. Probl. 113, n. 586.

12 Richard Arsdekin, Theologia Tripartita, Coloniæ, 1744. Tom. II. Pars II. Tr. 5. c. I. § 2, n. 4.

13 Theologia Moralis nunc pluribus partibus aucta, a R.P. Claudio Lacroix "Societatis  Jesu" Coloniæ 1757 (Ed. Mus. Brit.).

14 Tom. II, lib. III, Pars I. Fr. 1, c. I, dub. 2, resol VIII. Quel dommage que l'avocat de la défense, n'ait pas pensé à citer cette législation orthodoxe de la "tricherie au moyen de la chiromancie ou autrement", au cours du récent procès religio-scientifique du médium Slade à Londres.

15 Nicolini : Histoire des Jésuites.

 

L'Ordre des Jésuites est, aujourd'hui, tout puissant à Rome. Ils se sont réinstallés à la Congrégation des Affaires Ecclésiastiques Extraordinaires, au Département du Secrétariat d'Etat, et au Ministère des Affaires Etrangères. Pendant des années, avant l'occupation de Rome par Victor- Emmanuel, le Gouvernement Pontifical était complètement entre leurs mains. La Société compte aujourd'hui 8 584 membres. Mais voyons quelles sont leurs règles principales. Par ce qui précède, et en se rendant compte de leurs façons d'agir, on peut se faire une idée de ce que tout le Corps catholique est probablement appelé à devenir. Mackenzie nous dit que : "L'ordre a ses signes secrets, ses mots de passe, suivant les degrés auxquels les membres appartiennent, et comme ils ne portent pas d'uniforme spécial, il est difficile de les reconnaître, à moins qu'ils ne révèlent eux-mêmes qu'ils font partie de l'Ordre ; car ils apparaissent comme Protestants ou Catholiques, démocrates ou aristocrates, infidèles ou fanatiques, suivant la mission spéciale qui leur a été confiée. Leurs espions sont partout, ils appartiennent à tous les rangs de la société et ils se montrent érudits et savants, simples et benets, suivant les instructions qu'ils ont reçues. Il y a des Jésuites des deux sexes et de tout âge, et c'est un fait notoire que des membres de l'Ordre, de familles nobles et d'éducation raffinée, jouent le rôle de domestiques dans des familles protestantes, ou remplissent d'autres emplois analogues [15] afin de servir les fins de la Société.

Les Jésuites soutiennent que "la Société de Jésus n'est pas d'invention humaine, mais qu'elle procède de celui dont elle porte le nom. Car Jésus lui-même, établit la règle de vie qui régit la Société, premièrement par son exemple, et ensuite par la parole 17".

Que tous les pieux et fervents Chrétiens prennent par conséquent, connaissance de cette prétendue "règle de vie" et des préceptes de leur Dieu, ainsi qu'ils sont présentés par les Jésuites. Peter Alagona (St. Thomæ Aquitanis Summæ Theologiæ Compendium) dit : "Par le  commandement de Dieu il est légal de tuer une personne innocente, de voler ou de commettre… (Ex mandato Dei licet occidere innocentem,  furari, fornicari) ; car il est le Seigneur de la vie, de la mort, et de toute choses, et on lui doit d'exécuter ses commandements. (Ex. primâ secundæ, Quœst., 94.)

 "Un homme appartenant à un Ordre religieux, qui pendant un court laps de temps retire son habit pour une fin pécheresse, est libre de péché mortel, et n'encourt pas la peine d'excommunication." (Lib. III, sec. 2, Probl. 44, n. 212) 18.

Jean-Baptiste Taberna (Synopsis Theologicæ Praticæ) pose la question suivante : "Un juge vénal est-il tenu de restituer l'argent qu'il a reçu pour rendre un jugement ?" Réponse. "S'il a reçu l'argent pour rendre un jugement injuste, il est probable qu'il est en droit de le garder… Cette opinion est soutenue et défendue par cinquante-huit docteurs 19." (Jésuites).

 16 Royal Masonic Cyclopædia, p. 369.

17 Imago, Primi Sæculi Societis Jesu, lib. I, c. 3, p. 64.

18 Antoine Escobar : Universæ Theologiæ Moralis receptiore, absque lite sustentiæ, etc…, tomus I. Lugduni, 1652 (Ed. Bibl. Acad. Cant.). Idem sentio, e breve illud tempus ad unius horæ spatium traho. Religiosus itaque habitum demittens assignato hoc temporis interstitio, non incurrit excommunicationem, etiamsi dimittat non solum ex dausâ, turpi, scilicet fornicandi, aut etiam aliquid abripiendi sed etiam ut ncognitus ineat lupanar. Probl. 44, n. 213.

19 Pars II, Tra. 2, c. 31.

 

Nous renonçons à en dire plus long maintenant. La majeure partie de ces préceptes est si écœurante en raison de son caractère licencieux, hypocrite et démoralisant, qu'il a été impossible de les présenter au public, autrement qu'en latin 20. Nous en présenterons quelques uns des plus décents, au cours de notre étude, pour comparaison. Mais que devons-nous penser de l'avenir qui attend le monde catholique, s'il doit être contrôlé en précepte et en acte par cette Société néfaste ? Nous ne doutons pas qu'il en [16] sera ainsi, lorsque nous voyons le cardinal-archevêque de Cambrai le proclamer à grands cris à tous ses fidèles ? Sa pastorale fit certain bruit en France ; et cependant, puisque voici que deux siècles se sont écoulés depuis l'exposé de ces infâmes principes, les Jésuites ont eu tout le temps de mentir pour nier les justes accusations, que la plupart des Catholiques n'y ajouteront aucune foi. Le Pape infaillible, Clément XIV (Ganganelli) les supprima le 23 juillet 1773, et néanmoins ils revinrent à la vie ; un autre Pape, également infaillible, Pie VII, les réinstitua le 7 août 1814.

20 Voyez The Principales of the Jesuits, Developed in a Collection of Extracts from their own Authors. Londres, 1839.

 

Mais écoutons ce que Monseigneur de Cambrai proclamait avec tant d'ardeur en 1876. Nous citons d'un journal séculier :

"Entre autres choses, il soutient que le Cléricalisme, l'Ultramontanisme et le Jésuitisme ne sont qu'une seule chose– c'est-à-dire, le Catholicisme – et que les distinctions qu'on y a apportées ont été créées par les ennemis de la religion. Il fut un temps, dit-il, où certaine opinion théologique était couramment enseignée en France, au sujet de l'autorité papale. Elle était limitée à notre pays, et d'origine récente. Le pouvoir civil pendant un siècle et demi imposa l'instruction officielle. Ceux qui professaient ces opinions étaient appelés Gallicans et ceux qui protestaient, des Ultramontains, parce que leur centre doctrinal se trouvait au-delà des Alpes, à Rome. Aujourd'hui la distinction entre les deux écoles n'est plus admissible. Le Gallicanisme théologique n'existe plus, depuis que cette opinion a cessé d'être tolérée par l'Eglise. Le Concile OEcuménique du Vatican l'a solennellement condamné au-delà de tout retour. Nul  ne peut,  aujourd'hui, être Catholique, s'il  n'est Ultramontain – et Jésuite 21."

Voilà qui résout la question. Laissons, pour le moment, les conclusions de côté, afin de comparer les pratiques et les préceptes des Jésuites avec ceux des mystiques individuels des castes organisées et des sociétés de l'antiquité. Le lecteur sincère pourra, de cette manière, se faire une idée de la tendance qu'ont leurs doctrines pour faire du bien à l'humanité ou la corrompre.

Le Rabbin Jehoshua Ben Chananea, qui mourut vers 72 de notre ère, déclarait ouvertement qu'il avait accompli des "miracles" au moyen du Livre de Sepher Jezireh, et il lançait un défi à tous les sceptiques 22. Frank en citant le Talmud babylonien, donne les noms de deux autres thaumaturges, les Rabbins Chanina et Oshoi 23.

Simon le Magicien, fut sans aucun doute un élève des Tanaïm de Samarie : la réputation qu'il laissa derrière lui, ainsi que le [17] titre qu'on lui octroya de "Grand Pouvoir de Dieu", témoignent hautement en faveur du savoir de ses instructeurs. Les calomnies si libéralement répandues contre lui par les auteurs inconnus et les compilateurs des Actes des Apôtres et autres ouvrages, n'ont pas réussi à dénaturer la vérité au point de cacher le fait qu'aucun chrétien ne pouvait rivaliser avec lui en exploits thaumaturgiques. Le récit de la chute qu'il fit pendant un vol aérien, se cassant les deux jambes et se suicidant ensuite, est ridicule. Pourquoi, les apôtres au lieu de prier mentalement pour sa défaite, n'ont-ils pas prié pour pouvoir surpasser Simon dans ses merveilles et ses miracles, car de cette manière ils auraient servi leur cause bien plus utilement qu'ils ne le firent, et ainsi converti des milliers au christianisme. La postérité ne possède qu'une seule version de ce récit. Si nous entendions la version des disciples de Simon, nous trouverions peut-être que ce fut saint Pierre qui se cassa les jambes, si nous ne savions pas que cet apôtre était bien trop prudent pour jamais s'aventurer à Rome. De l'aveu de plusieurs auteurs ecclésiastiques, aucun apôtre n'accomplit jamais de telles "merveilles surnaturelles". Naturellement les fidèles diront que c'est une preuve de plus que le "Diable" agissait par Simon.

 21 Tiré de la Pastorale de l'Archevêque de Cambrai.

22 Voyez Jérusalem Talmud Synhedrin, c. 7, etc.

23 Franck, pp. 55-56.

 

On accusa Simon de blasphémer contre le Saint-Esprit, parce qu'il le présentait comme l'Esprit-Saint, le Mens (l'intelligence) ou "la mère de toutes choses". Mais nous retrouvons la même expression dans le Livre d'Enoch, où par opposition au "Fils de l'Homme", il dit "Le Fils de la Femme". Dans les Codex des Nazaréens, et dans le Sohar, de même que dans les Livres d'Hermès, cette expression est courante ; et même dans l'Evangelium apocryphe des Hébreux nous lisons que Jésus, lui-même, admettait le sexe du Saint-Esprit, lorsqu'il dit : Ma mère, la Sainte- Pneuma.

Mais qu'est-ce que l'hérésie de Simon le Magicien, et les blasphèmes de tous les hérétiques comparés à ceux des Jésuites qui ont réussi  à dominer le Pape, la Rome ecclésiastique et le monde  catholique  tout entier ? Ecoutez encore leur profession de foi.

"Faites ce que votre conscience vous commande de faire et vous dit être bien ; si, à la suite d'une erreur insurmontable, vous jugez que Dieu ordonne le mensonge et le blasphème, et bien blasphémez 24 !

Omettez de faire ce que votre conscience vous dit être défendu ; omettez le culte de Dieu si vous croyez invinciblement que Dieu l'a défendu 25." [18]

"Il existe une loi inférée... obéissez à un ordre de conscience invinciblement erroné. Mentez aussi souvent que vous croyez qu'un mensonge est impérieusement ordonné 26."

"Supposons qu'un Catholique croie absolument que le culte des images est défendu ; dans ce cas Notre- Seigneur Jésus-Christ se verra obligé de lui dire : "Va-t- en, damné... car tu as adoré mon image." II n'est pas plus absurde de supposer que le Christ lui dirait : "Viens, ô bienheureux..   parce   que   tu   as   menti, en croyant fermement, que dans ce cas c'est moi qui ai ordonné le mensonge 27."

24 Charles-Antoine Casnedi : Crisis Theologica, Ullyssipone, 1711, t. I, disp. 6, sect. 2, § 1, n. 59.

25 Ibidem.

26 Ibidem, § 2, n. 78.

27 Ibidem, sect. 5, § 1, n. 165.

28 Thesis propugnata in regio. Soc. Jés. Collegio celeberrimæ Academiæ Cadomensis, die Veneris, 30 jan. 1693. Cadomi, 1693.

 

Cela ne... mais non ! les mots sont incapables de rendre justice aux émotions que ces étonnants principes doivent éveiller dans le sein de tout homme honorable. Que notre silence, né d'un écœurement invincible, soit notre seule réponse à cette déviation morale sans précédent.

Le sentiment populaire à Venise (1606), lorsque les Jésuites en furent chassés, s'exprima d'une façon fort efficace. Une foule immense accompagna les exilés jusqu'au bord de la mer, et le cri d'adieu qui les poursuivit fut celui de Ande in malora ! (Allez-vous en ! et malheur à vous). "Ce cri se répercuta à travers les deux siècles qui suivirent", dit Michelet, qui ajoute ce renseignement : "en Bohême en 1618... aux Indes en 1623... et dans la chrétienté tout entière en 1773".

En quoi Simon le Magicien était-il donc coupable de blasphème, s'il ne faisait que ce que sa conscience lui dictait impérieusement comme la vérité ? Et en quoi les "Hérétiques", voire les pires infidèles étaient-ils plus répréhensibles que les Jésuites, ceux de Caen 28, par exemple, qui proclament ce qui suit :

"La religion chrétienne est... évidemment digne de croyance, mais non pas évidemment vraie. Elle est évidemment digne de croyance ; car il est évident que celui qui l'embrasse est prudent. Elle n'est pas évidemment vraie ; car elle enseigne obscurément et les points de son enseignement sont obscurs. Et ceux qui affirment que la religion chrétienne est évidemment vraie, sont obligés de reconnaître que c'est évidemment faux.

"Il faut en conclure :

Qu'il n'est point prouvé qu'il y ait aujourd'hui une religion vraie, dans le monde. [19]

 Qu'il n'est point prouvé que de toutes les religions existant en ce monde, la religion chrétienne est la plus véridique ; car avez-vous voyagé dans tous les pays du monde, ou savez-vous que d'autres l'ont fait ?...

…...……………………………………………………………

Qu'il n'est point prouvé que les prédictions des prophètes aient été inspirées par Dieu ; car comment réfuteriez- vous, si je nie que ce soient de véritables prophéties, ou si j'affirme que ce ne sont que des suppositions ?

Qu'il n'est point prouvé que les miracles attribués au Christ aient été véritables ; de même que nul ne peut prudemment nier qu'ils le soient (Position 6).

"Il n'est pas non plus nécessaire aux chrétiens de professer une croyance absolue en Jésus-Christ, dans la Trinité, dans tous les articles de foi et dans le Décalogue. La seule croyance qui était nécessaire pour ceux-là (les juifs) et qui est nécessaire pour ceux-ci (les chrétiens) est : 1° de croire en Dieu ; 2° de croire en un Dieu rémunérateur" (Position 8).

Par conséquent il est aussi plus que "prouvé" qu'il y a des moments dans la vie où le plus grand menteur est capable de formuler quelques vérités. "Les "bons Pères" l'ont si bien prouvé qu'on voit clairement maintenant d'où venaient les solennelles condamnations de certaines "hérésies" au Concile Œcuménique de 1870, et la sanction d'autres articles de foi auxquels nul ne croyait moins que ceux qui inspirèrent au Pape leur promulgation. L'histoire a peut-être encore à apprendre que le Pape octogénaire, grisé par l'encens de l'infaillibilité qu'on venait tout récemment de lui imposer, n'avait été qu'un fidèle écho des Jésuites. "Un vieillard est élevé, tremblant, sur le pavois du Vatican", dit Michelet, "tout est absorbé et contenu en lui... Pendant quinze siècles la chrétienté a été soumise au joug spirituel de l'Eglise... Mais ce joug ne leur suffisait point ; ils voulaient que le monde entier se pliât sous la main d'un seul maître. Ici, mes propres paroles sont trop faibles ; j'emprunterai celles des autres. Ils (les Jésuites) (voici l'accusation que leur jeta à la figure l'Evêque de Paris en plein Concile de Trente) voulaient faire de l'épouse de Jésus-Christ une prostituée aux volontés d'un homme 29."

Ils y ont réussi. L'Eglise est dorénavant un outil inerte, et le Pape n'est qu'un pauvre et faible instrument entre les mains de l'Ordre. Mais jusqu'à quand ? Jusqu'à ce que survienne la fin, et les Chrétiens sincères se souviendront des lamentations prophétiques [20] du Trismégiste trois fois grand, sur son propre pays : "Hélas, hélas, mon fils, un jour viendra où les hiéroglyphes sacrés se transformeront en idoles. Le monde prendra les emblèmes de la science pour des dieux, et accusera la superbe Egypte d'avoir adoré des monstres infernaux. Mais ceux qui nous calomnieront ainsi, adoreront eux-mêmes la Mort au lieu de la Vie, la folie au lieu de la sagesse ; ils dénonceront l'amour et la fécondité, ils rempliront leurs temples d'ossements des morts, en guise de reliques, et ils gaspilleront leur jeunesse dans la solitude et les larmes. Leurs vierges seront des veuves (des nonnes) avant d'avoir été des épouses, et elles se consumeront en détresse ; et cela parce que les hommes auront méprisé et profané les mystères sacrés d'Isis 30."

Nous reconnaissons la correction de cette prophétie dans le précepte jésuite suivant, que nous tirons encore du Parlement de Paris :

"La véritable opinion est : qu'il est légitime  d'adorer toute chose inanimée et irrationnelle", dit le Père Gabriel Vazquez, en parlant d'Idolâtrie. "Si la doctrine que nous avons mise en avant est bien comprise, non seulement toute image peinte, et tout objet de sainteté acceptés par l'autorité publique pour le culte de Dieu, doit être adoré comme l'image de Dieu Lui-même, mais encore toute autre chose, dans ce bas monde, qu'elle soit inanimée et irrationnelle, ou bien encore de nature rationnelle." 31.

29 Michelet et Quinet du Collège de France : Les Jésuites.

30 Champollion Hermes Trismégiste, XXVII.

31 De Cultu Adorationis Libri Tres., Lib. III, Disp I, c., 2.

 

"Pourquoi n'adorerions-nous pas en même temps que Dieu, et ne lui vouerions-nous pas un  culte,  danger à part, n'importe quelle chose dans ce bas monde ? car Dieu est en elle, selon Son essence…[C'est précisément ce que soutiennent les Panthéistes et les philosophes hindous], et Il la préserve continuellement par Sa puissance ; et lorsque nous nous prosternons devant elle et que nos lèvres la baisent, nous nous présentons avec toute notre âme devant Dieu, qui en est l'auteur, comme devant le prototype de l'image [viennent ensuite des exemples de reliques, etc.] Nous pourrions ajouter, que puisque toute chose ici bas est l'œuvre de Dieu, et que Dieu y est toujours présent et agissant en elle, nous nous Le représenterons bien plus aisément comme  étant en elle que le saint dans le vêtement qui lui appartenait. Par conséquent, sans égard aucun pour la dignité de la chose créée, en dirigeant nos pensées vers Dieu, tout en accordant à la créature les signes de soumission en nous prosternant devant elle ou en la [21] baisant, nous n'accomplissons pas un vain acte ou une superstition, mais bien un acte de pure religion 32."

Qu'il honore ou n'honore pas l'Eglise Chrétienne, ce précepte pourrait être revendiqué avec profit par tout hindou, japonais ou païen quelconque lorsqu'on lui reproche d'adorer des idoles. Nous le citons tout exprès pour le bénéfice de nos honorables amis "païens" qui liraient ces lignes.

La prophétie d'Hermès est moins équivoque que n'importe la quelle des prophéties d'Isaïe, qui ont fourni le prétexte pour déclarer que tous les dieux des autres nations étaient des démons. Seulement, les faits sont parfois plus puissants que la foi la plus enracinée. Tout ce que les Juifs savaient, ils l'avaient appris de nations plus anciennes qu'eux. Les Mages Chaldéens furent leurs maîtres dans la doctrine secrète, et ce fut pendant la captivité de Babylone qu'ils apprirent ses enseignements métaphysiques et pratiques. Pline mentionne trois collèges de Mages ; un de ceux-ci, selon lui, était d'une antiquité incalculable ; un autre fut établi par Osthanes et Zoroastre ; et le troisième par Moïse et Jambres. Et toute la connaissance de ces différentes écoles, Mage, Egyptienne ou Juive, était venue de l'Inde, ou plutôt des deux côtés de l'Himalaya. Plus d'un secret perdu est enfoui sous les sables du Désert de Gobi dans le Turkestan Oriental, et les sages de Khotan ont gardé d'étranges traditions et la connaissance de l'alchimie.

 32 Ibidem.

 

Le baron Bunsen nous montre que l'origine des anciens hymnes et prières du Livre des Morts égyptien, est antérieur à Ménès, et qu'elle date probablement de la Dynastie d'Abydos, pré-Ménite, entre 3100 et 4500 ans avant J.C. ; le savant égyptologue calcule que l'ère de Ménès, ou l'Empire National, n'est pas postérieure à l'an 3059 avant J.C. ; il prouve, en outre, que "le système du culte et la mythologie d'Osiris étaient déjà établis" 33 avant l'ère de Ménès.

Nous voyons dans les hymnes de cette époque pré-Edénique (époque scientifiquement établie, car Bunsen nous transporte en arrière, plusieurs siècles au-delà de la date de la création du monde, soit 4 004 ans avant J.C. fixée par la chronologie biblique) des leçons précises de morale, identiques en substance, sinon dans la forme des expressions, avec celles prêchées par Jésus dans son Sermon sur la Montagne. Notre assertion est corroborée par les plus éminents hiéroglyphistes et égyptologues. "Les inscriptions de la douzième Dynastie sont remplies de formules rituelles", dit Bunsen. On trouve sur les monuments des premières Dynasties des extraits des Livres d'Hermès, et "des parties d'un rituel [22] antérieur ne sont pas rares sur ceux de la douzième (Dynastie)... Nourrir les affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, enterrer les morts... constituaient le premier devoir de tout homme pieux... La doctrine de l'immortalité de l'âme est aussi ancienne que cette époque, elle-même" (Tablette, Brit. Mus., 562) 34.

Qui sait, bien plus ancienne peut être. Elle date de l'époque où l'âme était un être objectif, et où par conséquent on ne pouvait la nier en elle- même ; où l'humanité était une race spirituelle et où la mort n'existait pas. Vers le déclin du cycle de vie, l'esprit-homme éthéré tombait alors dans une douce somnolence d'inconscience momentanée, dans une sphère, pour se réveiller dans la lumière encore plus éclatante d'une sphère supérieure. Mais tandis que l'homme spirituel tend à s'élever toujours plus haut vers la source de son être, en traversant les cycles et les sphères de la vie individuelle, l'homme physique doit descendre avec le grand cycle de la création universelle, jusqu'à endosser le vêtement des enveloppes terrestres. Dès lors, l'âme était trop profondément enfouie sous son revêtement physique, pour pouvoir réaffirmer son existence, sauf dans le cas de ces natures plus spirituelles qui, à chaque cycle, devenaient de plus en plus rares. Et cependant aucune des nations préhistoriques n'a jamais songé à nier soit l'existence, soit l'immortalité de l'homme intérieur, le "Soi" véritable. Mais nous devons alors, avoir présent à la mémoire l'enseignement des anciennes philosophies : l'esprit, seul, est immortel – l'âme, en elle-même, n'est ni éternelle, ni divine. Lorsqu'elle s'allie de trop près au cerveau physique de son enveloppe terrestre, elle devient graduellement un mental fini, un simple animal, un principe vital sensitif, le nephesh de la Bible hébraïque 35. [23]

33 Egypt's Place in Universal History, vol. V, p. 94.

34 Ibidem : vol. V, p 129.

35 "Et Dieu créa... tous les nephesh (animaux vivants) qui se meuvent" (Genèse 1. 21) ; et il est dit (Genèse II. 7) : "Et l'homme devint un nephesh (une âme vivante) ; ce qui prouve que le mot nephesh était employé indifféremment pour l'homme immortel et l'animal mortel. "Sachez-le aussi je demanderai le sang de vos nepheshim (vies), je le redemanderai à tout animal et je redemanderai l'âme à l'homme" (Genèse IX.5). "Sauve-toi pour nephesh" (la traduction dit pour ta vie) (Genèse XIX.17). "Ne lui ôtons pas la vie" lisons-nous dans la traduction française. "Ne tuons pas son nephesh" dit le texte hébreu. "Nephesh pour nephesh" dit le Lévitique. "Celui qui frappera un homme mortellement sera puni de mort". "Celui qui frappera le nephesh d'un homme (Lévitique XXIV.17) et les versets suivants disent : "Celui qui frappera un animal (nephesh) mortellement le remplacera... vie pour vie (animal pour animal) "tandis que le texte original dit "nephesh pour nephesh". Au I Rois I-12 ; II-23 ; III-11 ; XIX.2.3. ; partout nous voyons nephesh pour la vie et l'âme. "Ta vie répondra de sa vie" (Ton nephesh répondra de son nephesh) s'écrie le prophète aux I Rois XX.39. En vérité si on ne lit cabalistiquement l'Ancien Testament, et qu'on ne comprenne sa signification cachée, on n'y apprendra pas grand'chose au sujet de l'immortalité de 1'âme. Le peuple hébreu en général n'avait pas la moindre notion de l'âme et de l'esprit, et ne faisait aucune différence entre la vie, le sang et l'âme, nommant celle-ci "le souffle de vie". Les traducteurs de la Bible en ont fait un tel galimatias que personne, excepté un cabaliste ne saurait rendre à la Bible sa forme originelle.

 

La doctrine de la triple nature de l'homme est aussi clairement définie dans les livres hermétiques, que dans les ouvrages de Platon, ou encore dans les philosophies Bouddhique et Brahmanique. Et cette doctrine est une des plus importantes et des moins bien comprises de la science hermétique. Les mystères égyptiens, si imparfaitement connus dans le monde, et cela seulement par quelques brèves allusions qui y sont faites dans les Métamorphoses d'Apulée, enseignaient les vertus les plus sublimes. Ils dévoilaient à l'aspirant aux mystères "supérieurs" de l'initiation, ce que beaucoup de nos étudiants hermétiques modernes, cherchent en vain dans les livres cabalistiques, et ce qu'aucun enseignement obscur de l'Eglise, sous la conduite de l'Ordre des Jésuites, ne sera jamais capable de dévoiler. De comparer, par conséquent, les anciennes sociétés secrètes des hiérophantes, avec les hallucinations artificielles de quelques fidèles de Loyola, qui étaient, peut-être, sincères au début de leur carrière, est faire une insulte à celle-là. Et cependant, pour leur rendre justice, nous sommes obligés de le faire.

Un des obstacles insurmontables à l'initiation chez les Egyptiens aussi bien que chez les Grecs était le meurtre sous quelle forme que ce soit. Un des plus grands titres à l'admission dans l'Ordre des Jésuites, est un meurtre commis en défendant le Jésuitisme. "Les enfants sont autorisés à tuer leurs parents s'ils les obligent à renoncer à la foi catholique !"

"Les enfants chrétiens et catholiques", dit Etienne Fagundez, "sont en droit d'accuser leurs parents du crime d'hérésie, s'ils cherchent à les détourner de la foi, bien qu'ils sachent qu'en ce faisant leurs parents périront sur le bûcher et seront mis à mort pour ce crime, ainsi que l'enseigne Tolet... Non seulement peuvent-ils leur refuser la nourriture... mais ils peuvent les tuer à bon droit 36."

36 Præcepta Decaloga (Edit. de la Bibliothèque de Sion), tom. I, lib. IV, c. 2, n. 7, 8.

 

Il est bien connu que l'Empereur Néron n'osa jamais solliciter son initiation aux Mystères, à cause du meurtre d'Agrippine !

Dans la Section XIV des Principes des Jésuites, nous trouvons les principes suivants sous la rubrique Hommicide, inculqués par le Père Henri Henriquez, dans la Sommæ Theologiæ Moralis. Tomus I. Venetiis 1600 (Ed. Coll. Sion) : "Si un adultère, même s'il est ecclésiastique... attaqué par le mari, venait à tuer son agresseur... il n'est pas considéré comme irrégulier : non videtur irregularis (Lib. XIV, de Irregularitæ, c. 10, § 3). [24]

 "Si un père était répréhensible pour l'Etat (étant exilé) et la société en général, et qu'il n'y eût pas d'autre moyen d'empêcher un pareil tort, j'approuverais  alors cette action (celle d'un fils qui tue son père) dit la Section XV, sous la rubrique de Parricide et Hommicide 37.

II est légal pour un ecclésiastique ou un membre d'un Ordre religieux de tuer un calomniateur qui menace de répandre d'atroces accusations contre lui ou sa religion 38", est la règle exposée par le Jésuite François Amicus.

En voilà assez. Les plus hautes autorités nous informent ce qu'un homme peut faire dans la communion catholique mais que la morale publique réprouve comme un acte criminel, sans cependant cesser d'être en odeur de sainteté auprès des Jésuites. Voyons par contre le revers de la médaille et étudions les principes inculqués par les moralistes paiens de l'Egypte, avant que le monde n'eût la bénédiction des améliorations modernes de l'éthique.

En Egypte, toute cité importante était séparée de sa nécropole par un lac sacré. La même cérémonie du jugement décrite dans le Livre des Morts comme ayant lieu dans le monde des Esprits, avait lieu sur terre pendant l'enterrement de la momie. Quarante-deux juges ou assesseurs se rassemblaient sur le bord du lac pour juger "l'âme" envolée, suivant ses actes pendant qu'elle occupait son corps, et ce n'était qu'après approbation unanime de ce jury post-mortem, que le batelier, qui représentait l'Esprit de la Mort, était autorisé à transporter le défunt justifié jusqu'à sa dernière demeure. Après cela les prêtres rentraient dans l'enceinte sacrée et instruisaient les néophytes au sujet du drame solennel qui probablement se déroulait dans le royaume invisible où l'âme s'était enfuie. L'Al-om-jah 39 enseignait alors avec force l'immortalité de l'esprit. On lit dans la Crata Nepoa 40, la description suivante des sept degrés de l'initiation.

 37 Opinion de Jean de Décastille, sect. XV, De Justitia et Jure, etc. cens pp. 319, 320.

38 Cursus Theologici, tomus V, Duaci, 1642, Disp. 36. Sect. 5, n. 118.

39 Nom du plus élevé des hiérophantes égyptiens.

40 "Crata Nepoa, ou les Mystères des anciens Prêtres égyptiens".

 

Après une épreuve préliminaire à Thèbes, où le néophyte avait à en traverser plusieurs, nommées les "Douze Tortures", on lui ordonnait de gouverner ses passions et de ne jamais perdre de vue un seul instant la notion de son Dieu. Puis, comme symbole des pérégrinations de l'âme non purifiée, il devait escalader plusieurs échelles, et errer dans une caverne obscure où toutes les nombreuses portes étaient fermées à clé. Après avoir traversé les terribles épreuves, on lui conférait le degré de Pastaphore ; les [25] deuxième et troisième degrés étant appelés le Néocore et le Melanephore. Amené dans une vaste chambre souterraine, remplie de momies couchées sur des lits de parade, on le mettait en présence de la bière qui contenait les restes ensanglantés et mutilés d'Osiris. Cette salle se nommait la "Porte de la Mort" et c'est sans doute à ce mystère que les passages du Livre de Job (XXXVIII, 17) et d'autres endroits de la Bible font allusion en parlant de ces portes 41. Nous donnerons au chapitre X l'interprétation ésotérique du Livre de Job qui est le poème de l'initiation par excellence.

"Les portes de la mort t'ont-elles été ouvertes ?

"As-tu vu les portes de l'ombre de la mort ?" demande à Job le "Seigneur" – c'est-à-dire de l'Al-om-jah, l'initiateur – en faisant allusion à ce troisième degré de l'initiation.

Après avoir vaincu les terreurs de cette épreuve, on le conduisait à la "Salle des Esprits" pour être jugé par eux. Entre autres règles auxquelles il devait obéir, "il ne devait ni désirer ni rechercher la vengeance ; être toujours prêt à aider un frère en danger, fût-ce au péril de sa propre vie ; enterrer tout corps mort, honorer ses parents par-dessus tout ; respecter la vieillesse et protéger les plus faibles que lui-même ; et enfin avoir toujours présent à l'esprit l'heure de la mort et celle de la résurrection dans un corps nouveau et indestructible 42". La Pureté et la Chasteté étaient hautement recommandées et l'adultère menacé de mort.

41 Voyez Mathieu XVI, 18, où le passage est mal traduit par "les portes de l'enfer".

42 Humberto Malhandrini : Ritual of Initiations, p. 105. Venise, 1657.

 

Le néophyte égyptien devenait alors un Kristophore. Dans ce degré on lui communiquait le nom mystérieux de IAO. Le cinquième degré était celui de Balahala, et il était instruit, par Horus en achimie, le "mot" étant chemia.  Dans  le  sixième  on  lui  àpprenait  la  danse  sacerdotale  dans le cercle, où on lui enseignait l'astronomie, car elle représentait le cours des planètes. Dans le septième degré il était initié aux derniers  Mystères. Après une probation finale dans un édifice mis à part à cet effet, l'Astronomus, comme on le nommait alors, sortait de ces appartements sacrés nommés Manneras, et recevait une croix – le Tau, qu'on plaçait, à sa mort, sur sa poitrine. Il était devenu un Hiérophante.

Nous avons vu ci-dessus les règles des saints initiés  dans la Chrétienne Société de Jésus. Comparez-les avec celles que devaient observer le postulant païen ; comparez la morale chrétienne (!) avec celle qui était enseignée dans les mystères des Païens, sur lesquels l'Eglise invoque toutes les foudres d'un Dieu vengeur. Celle-ci n'avait-elle donc pas de mystères à elle ? Ou étaient-ils [26] alors plus purs, plus nobles, ou aidaient-ils mieux à mener une vie sainte et vertueuse ? Ecoutons ce que Niccolini a à nous dire, dans son célèbre ouvrage Histoire des Jésuites, au sujet des mystères modernes des couvents chrétiens 43.

"Dans la plupart des monastères, et surtout dans ceux des Capucins et des réformés (reformati) commence à Noël, une série de festins, qui continue jusqu'au carême. On y joue toutes sortes de jeux, on y donne les banquets les plus magnifiques, et surtout dans les petites villes, le réfectoire du couvent est le lieu d'amusement le plus gai pour la majeure partie de ses habitants. Pendant le carnaval, deux ou trois grandes réceptions ont lieu ; la table est si somptueusement garnie qu'on pourrait croire que Copia y a versé tout le contenu de sa corne. N'oublions pas que ces deux ordres vivent d'aumônes 44. Le morne silence du cloître est remplacé par un bruit confus de ripailles, et ses sombres voûtes répercutent l'écho d'autres chants que ceux du psalmiste. Un bal vient égayer et terminer la fête ; et pour le rendre encore plus animé, et peut-être aussi pour démontrer jusqu'à quel point leur vœu de chasteté avait détruit tous leurs appétits charnels, quelques-uns des plus jeunes moines revêtent coquettement le costume du  beau sexe et dansent avec d'autres qui leur tiennent lieu de cavaliers. Ce serait dégoûter mes lecteurs que de faire la description des scènes scandaleuses qui suivent. Je puis seulement affirmer que j'ai été souvent, moi-même, témoin et spectateur de ces saturnales."

Le cycle descend, et en descendant la nature physique et bestiale de l'homme se développe de plus en plus au dépens de son Soi Spirituel 45. C'est avec dégoût que nous nous détournons [27] de cette farce religieuse qu'on nomme le Christianisme moderne, pour envisager les nobles croyances de l'antiquité !

 45 Bunsen, dans Egypt's Place in Universal History donne un cycle de 21.000 ans qu'il adopte pour faciliter les calculs chronologiques pour la reconstitution de l'histoire universelle de l'humanité. Il démontre que ce cycle "pour la nutation de l'écliptique" arrive à son point culminant dans l'année 1240 de notre ère. Il dit : "Le cycle se divise en deux moitiés de 10500 (ou deux fois 5250 ans), chacun. Le commencement de la première moitié : Le point culminant sera : 19760 avant J.C. Le plus bas : 9260. Par conséquent, le milieu de la ligne descendante (le commencement du second quart) sera : 14510. Le milieu de la ligne ascendante (le commencement du quatrième quart) : 4010. Le nouveau cycle, qui a commencé en l'an 1240 de notre ère, terminera son premier quart en l'an 4010 de notre ère".

Bunsen explique qu'en "chiffres ronds, les époques les plus favorables pour  notre hémisphère depuis la grande catastrophe de la moyenne Asie (le Déluge 10000 ans avant J.C.) sont : "les 4000 ans avant, et les 4000 ans après Jésus-Crist ; et le commencement de la première époque qui est la seule que nous puissions juger, puisqu'elle est la seule complète devant nous, coïncide exactement avec les commencements de l'histoire nationale, ou, ce qui est la même chose, avec le commencement de notre conscience de l'existence continue" (Egypt's Place in Universal History, Key p. 102).

"Notre conscience" signifie, croyons-nous, la conscience des savants qui n'acceptent rien sur la foi, mais beaucoup sur des hypothèses non vérifiées. Nous ne le disons pas pour l'auteur ci-dessus nommé, tout noble champion et sérieux investigateur qu'il est de la liberté dans l'Eglise Chrétienne, mais en général. Le baron Bunsen a parfaitement reconnu qu'un homme ne peut être en même temps un homme de science intègre et donner aussi satisfaction au parti clérical. Même les menues concessions qu'il fit en faveur de l'antiquité de l'humanité, lui valurent en 1859 un torrent de dénonciations insolentes, telles que : "Nous perdons toute confiance dans le jugement de  l'auteur... il a encore à apprendre les premiers principes de la critique historique... exagérations extravagantes et anti-scientifiques, et ainsi de suite – le pieux censeur terminant ses savantes dénonciations en assurant le public que le Baron Bunsen ne savait même pas construire une phrase grecque (Quaterly Review, 1859 ; voyez encore Eggpt's Place in Universal History, chapitre sur Egyptological Works and English Reviews). Mais nous regrettons sincèrement que Bunsen n'ait pas eu l'occasion d'étudier la "Cabale" et les livres brahmaniques des Zodiaques.

 Dans le Rituel Funéraire trouvé parmi les hymnes du Livre des Morts nommé par Bunsen "livre précieux et mystérieux", nous lisons une allocution du mort, dans le rôle de Horus, détaillant tout ce qu'il a fait pour son père Osiris. Entre autres choses le dieu dit :

"30 Je t'ai donné ton Esprit. 31 Je t'ai donné ton Ame.

32 Je t'ai donné ta force (corps)", etc.

Autre part on fait voir que l'entité appelée le "Père" par l'âme désincarnée, doit signifier "l'esprit" de l'homme ; car le verset dit : "J'ai fait venir mon âme pour parler avec son Père", son Esprit 46.

Les Egyptiens considéraient leur Rituel essentiellement comme une inspiration divine, en somme, comme les Hindous pour les Védas, et les Juifs modernes, les livres de Moïse. Bunsen et Lepsius démontrent que le terme Hermétique, veut dire inspiré ; car c'est Thoth, le Dieu lui-même, qui parle et qui révèle à ses élus parmi les hommes, la volonté de Dieu et les arcanes des choses divines. Il est expressément affirmé que certaines parties "furent écrites par le doigt de Thoth en personne" ; qu'elles ont été l'ouvrage et la composition du grand Dieu 47. "A une date ultérieure, leur caractère hermétique est reconnu encore plus clairement, car sur un sarcophage de la vingt-sixième dynastie, Horus annonce au mort que Thoth en personne lui a apporté les livres de sa parole divine, ou les écritures hermétiques 48". [28]

 46 Rituel funéraire des Exploits d'Horus.

47 Bunsen : Eggpt's Place in Universal History. Vol. V, p. 133.

48 Lepsius : Abth, III ; B1. 276 ; Bunsen, 134.

 

Du moment que nous savons que Moïse était un prêtre égyptien, ou du moins, qu'il était versé dans toute leur sagesse, nous ne devons pas nous étonner qu'il ait écrit dans le Deutéronome (IX. 10) "et le Seigneur me donna deux tables de pierre, écrites du doigt de DIEU" ; ou de lire dans l'Exode XXXI, 98 : "Il (le Seigneur) donna à Moïse... les deux tables du témoignage, tables de pierre, écrites du doigt de Dieu."

Suivant les conceptions égyptiennes, ainsi que dans celles de toutes les autres croyances basées sur la philosophie, l'homme n'était pas  seulement, ainsi que c'est le cas chez les chrétiens, l'union d'une âme et d'un corps ; il était une trinité lorsqu'on y ajoutait l'esprit. De plus, cette doctrine le faisait se composer de kha – le corps ; khaba – la forme astrale ou ombre ; de   ka –    l'âme animale ou principe de vie ; de ba l'âme supérieure ; et de akh – l'intelligence terrestre. Ils avaient encore un sixième principe nommé sah– –   ou la momie ; mais les fonctions de celle-ci ne commençaient qu'après la mort du corps. Après s'être dûment purifiée l'âme, séparée de son corps, continuait à visiter celui-ci dans sa condition de momie, cette âme astrale "devenait un Dieu", car elle était finalement absorbée dans "l'Ame du monde". Elle se transformait en une des divinités créatrices, "le dieu de Phtah 49", le Démiurge, nom générique donné à tous les créateurs du monde et que la Bible exprime par les Elohim. Dans le Rituel, l'âme bonne ou purifiée, "unie à son esprit supérieur ou incréé, devient plus ou moins la victime de la sombre influence du dragon Apophis. Si elle atteint la connaissance finale des mystères célestes et infernaux – la gnose, en d'autres termes la réunion complète avec l'esprit, elle triomphera de ses ennemis ; dans le cas contraire, l'âme n'échappait pas à la seconde mort. C'est "l'étang de feu où le soufre brûle" (les éléments) dans lequel ceux qui y sont jetés endurent la seconde mort 50 ! (Apocalypse). Cette mort est la dissolution graduelle de la forme astrale dans ses éléments primitifs, à laquelle nous avons plusieurs fois fait allusion au cours de cet ouvrage. Mais on évite cet affreux sort par la connaissance du "Nom Mystérieux" – le "Mot" 51, comme disent les cabalistes. [29]

 49 Dans le quatre-vingt-unième chapitre du Rituel l'âme est appelée le germe des lumières et dans le soixante-dix-neuvième le Démiurge, ou un des créateurs.

50 Rituel, VI.44. Champollion : La Manifestation à la Lumière ; Lepsius Le Livre  des  Morts ; Bunsen : Egypt's Place in Uniuersal History.

51 Nous ne pouvons nous empêcher de citer une remarque du baron Bunsen au sujet du "Mot" qui est identique au "Nom Ineffable" des Maçons et des Cabalistes. Tout en donnant des explications du Rituel dont quelques détails "ressemblent plutôt à des enchantements de magicien qu'à des rites solennels, bien qu'il ait dû s'y rattacher une signification cachée et mystique" (la loyale acceptation de cela même a déjà quelque valeur) l'auteur fait observer : "Le Mystère des noms, dont la connaissance constituait une vertu souveraine, et qui, plus tard, dégénère en pure hérésie (?) chez les Gnostiques et la magie des enchanteurs, parait avoir existé non seulement en Egypte mais ailleurs. On en trouve des traces dans la Cabale... elle prévalait dans la mythologie grecque et asiatique" (Egypt's Place, etc., p. 14).

 

Nous voyons donc les représentants de la Science se mettre d'accord au moins sur ce point. Les initiés de tous pays avaient le même "nom mystérieux". C'est aux savants à prouver maintenant que chaque adepte, chaque hiérophante, chaque magicien, chaque enchanteur (y compris Moïse et Aaron) de même que chaque cabaliste, depuis l'origine des Mystères jusqu'à nos jours, a été un coquin ou un imbécile, pour croire à l'efficacité de ce nom.

 Et quelle pénalité encourait-on alors, en n'en tenant pas compte ? Quand l'homme vit naturellement une vie pure et vertueuse il n'en encourt aucune ; sauf en ce qui concerne un temps d'arrêt dans le  monde des esprits, jusqu'à être purifié suffisamment pour le recevoir de son "Seigneur" Spirituel, qui fait partie de la puissante cohorte. Mais, si, au contraire, "l'âme", en tant que principe semi-animal, est paralysée et devient inconsciente de sa moitié subjective – le Seigneur – elle perdra tôt ou tard finalement la notion de sa mission divine sur cette terre, en proportion du développement sensoriel du cerveau et des nerfs.

Tout comme le Vourdalak, ou Vampire, du récit serbe, le cerveau se nourrit et vit, il croît en force et en puissance aux dépens de son parent spirituel. C'est alors que l'âme, déjà à demi inconsciente, pleinement grisée par les émanations de la vie terrestre, devient insensible au-delà de tout espoir de rédemption. Elle est impuissante à découvrir la splendeur de son esprit supérieur, à entendre l'avertissement de son "Ange Gardien" et de son "Dieu". Elle n'aspire qu'au développement de sa vie terrestre, et à sa compréhension plus complète ; elle ne découvre, par conséquent, que les mystères de la nature physique. Ses douleurs et ses craintes, son espoir et sa joie, sont intimement liés à son existence terrestre. Elle ignore tout ce qui ne peut être démontré soit par ses organes d'action, soit par ceux de la sensation. Elle commence à être virtuellement morte ; elle meurt enfin complètement. Elle est annihilée. Une pareille catastrophe peut avoir lieu longtemps avant la séparation finale du principe vital d'avec le corps. Lorsque vient la mort, son étreinte visqueuse et puissante s'attaque, comme de juste à la Vie ; mais il n'a plus d'âme à mettre en liberté. Toute l'essence de celle-ci a déjà été absorbée par le système vital de l'homme physique. La mort hideuse ne libère qu'un cadavre spirituel ; tout au plus un idiot. Incapable de s'élever plus haut ou de se réveiller de sa léthargie, elle se dissout bientôt dans les éléments de l'atmosphère terrestre.

Les voyants, les hommes justes, qui ont acquis la science suprême de l'homme intime, et la connaissance de la vérité, ont, comme Marc Antoine, reçu. leurs instructions "des dieux", pendant leur sommeil ou autrement. Aidés par les esprits purs, qui [30] séjournent dans les "régions de la félicité éternelle" ils ont observé le processus et averti l'humanité  à diverses reprises. Laissons railler les sceptiques ; la foi, basée sur la connaissance et sur la science spirituelle, croit et affirme.

 Le présent cycle est, par excellence, un cycle de pareilles morts de l'âme. Nous coudoyons des hommes et des femmes dépourvus d'âmes à chaque pas dans la vie. Nous ne pouvons, non plus, nous étonner de voir, dans le présent état des choses, la colossale faillite des derniers efforts de Schelling et de Hegel, pour échafauder un système métaphysique. Lorsque les faits, palpables et tangibles, des phénomènes spirites se présentent journellement et à toute heure, et qu'ils sont cependant niés par la plupart des nations "civilisées", il y a peu de chance pour que la métaphysique abstraite soit acceptée par la multitude toujours  croissante des matérialistes.

Dans le livre de Champollion, intitulé La Manifestation à la Lumière, il y a un chapitre qui traite du Rituel et qui est plein de dialogues mystérieux, avec des appels aux différentes "Puissances". Il y en a un, entre autres, qui exprime mieux que tous les autres le pouvoir du "Mot". La scène se passe dans la "Salle des deux Vérités". La "Porte" de la "Salle de la Vérité" et même les différentes parties de cette porte, s'adressent à l'âme qui se présente pour être admise. Toutes lui refusent l'entrée à moins qu'elle ne leur révèle leurs noms de mystère ou mystiques. Quel est l'étudiant de la Doctrine secrète, qui ne reconnaîtra en ces noms une identité de signification et de but, avec ceux qu'on rencontre dans les Védas, les ouvrages ultérieurs des Brahmanes et la Cabale ?

Les Magiciens, les Cabalistes, les Mystiques, les Néo-Platoniciens, les Théurgistes d'Alexandrie, qui surpassaient tellement les exploits des Chrétiens dans la science secrète ; les Brahmanes et les Samanéens (Shamans) de l'antiquité ; les Brahmanes modernes, les Bouddhistes et les Lamaïstes, tous ont affirmé qu'un certain pouvoir s'attache à ces divers noms, appartenant, tous, à un Mot ineffable. Nous avons montré, par expérience personnelle, combien profonde est la croyance aujourd'hui dans l'esprit de tout le peuple russe 52 que le Mot opère des "miracles" et qu'il est la base de tous les exploits magiques. Les cabalistes le rattachent mystérieusement à la Foi. Les apôtres firent de même, basant leurs affirmations sur les paroles de Jésus, auquel on fait dire "si vous avez autant de foi qu'un grain de moutarde... rien ne vous sera impossible" et saint Paul, répétant les paroles de Moïse, dit que "le MOT est près de toi dans ta bouche et dans ton cœur, c'est la [31] parole de la foi" (Romains X : 8). Mais, en dehors des initiés, qui peut prétendre à comprendre sa haute signification ?

52 Voy. T. III, chap. I, p. 58.

 

Aujourd'hui, comme dans les anciens temps, il faut de la foi pour croire aux "miracles" bibliques ; mais pour les produire soi-même, il est nécessaire de connaître la signification ésotérique du "mot". "Si le Christ", disent le Dr Farrar et le chanoine Westcott, "ne fit point de miracles, les évangiles ne sont alors pas dignes de foi." Mais même en supposant qu'il en eût fait, cela prouverait-il que les évangiles, écrits par d'autres que par lui, méritent une plus grande confiance ? Et si non, à quoi bon ce raisonnement ?

En outre, un pareil raisonnement laisserait croire que les miracles produits par d'autres que des Chrétiens rendraient leurs écritures dignes de foi. Cela n'implique-t-il pas, pour le témoin, un pied d'égalité entre les Ecritures Chrétiennes et les livres sacrés des Bouddhistes ? Car ceux-ci, aussi, abondent en phénomènes les plus extraordinaires. De plus, les prêtres chrétiens ne produisent plus de phénomènes authentiques, parce qu'ils ont perdu le Mot. Mais le nombre de Lamas Bouddhistes et de Talapoins siamois, à moins que tous voyageurs ne se soient concertés pour mentir – ont été capables de reproduire, et le sont encore aujourd'hui, tous les phénomènes énumérés dans le Nouveau Testament et de faire encore mieux, sans pour cela prétendre suspendre le cours des lois naturelles ou invoquer l'intervention divine. De fait, le Christianisme prouve qu'il est aussi mort dans sa foi, ses oeuvres, tandis que le Bouddhisme est plein de vie et étayé par des preuves pratiques.

Le meilleur argument en faveur de l'authenticité des "miracles" bouddhiques, réside dans le fait que les missionnaires catholiques, au lieu de les nier ou de les traiter de simples tours de passe-passe – comme l'ont fait quelques missionnaires protestants – se sont vus obligés d'adopter la malencontreuse alternative de tout mettre sur le dos du Diable. Et les Jésuites se sont vus si humiliés en présence de ces véritables serviteurs de Dieu, qu'avec leur astuce accoutumée, ils ont conclu d'agir envers les Talapoins et les Bouddhistes ainsi que Mahomet est réputé l'avoir fait avec la montagne. "Et voyant qu'elle ne voulait pas venir à lui, le prophète lui- même se mit en route pour aller vers la montagne." Considérant qu'ils ne pouvaient prendre les Siamois avec la glu de leurs doctrines pernicieuses, sous le couvert du Christianisme, ils se déguisèrent et, pendant des siècles ils apparurent au milieu du pauvre peuple ignorant comme des   Talapoins, jusqu'à ce qu'ils eussent été éventés. Ils sont allés jusqu'à voter et à adopter une résolution qui a aujourd'hui toute la force d'un ancien article de foi. "Naaman, le Syrien", disent les Jésuites de Caen, [32] "ne cacha pas sa foi lorsqu'il fléchit le genou devant le roi dans la maison de Rimmon ; et les Pères de la Société de Jésus ne dissimulent pas non plus la leur lorsqu'ils adoptent l'état et l'habit des Talapoins Siamois" (nec dissimulant Patres S.J. Talapoinorum Siamensium vestemque affectantes. Position 9. 30 janv. 1693).

Le pouvoir contenu dans les Mantras et le Vach des Brahmanes est encore aujourd'hui l'objet de la même croyance que dans la période Védique primitive. Le "Nom Ineffable" de chaque contrée et de chaque religion se rapporte à celui que les Maçons affirment être formé des neuf caractères mystérieux, emblèmes des neuf noms ou attributs sous lesquels la Divinité était connue des initiés. Le Mot Omnifique tracé par Enoch sur les deux deltas d'or fin, sur lesquels il grava deux des mystérieux caractères, est peut-être mieux connu du pauvre "païen" ignorant, que des doctes Grands Prêtres et Grands Z, des Suprêmes Chapitres d'Europe et d'Amérique. Seulement nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi les compagnons de l'Arche Royale se lamentent toujours si amèrement de sa perte. Cette parole des M.:. M.:. est, ainsi qu'ils le disent eux-mêmes, entièrement composée de consonnes. Par conséquent, nous doutons fort qu'aucun d'eux ait réussi à le prononcer, même s'il avait été placé à la lumière de la "voûte sacrée"au lieu de ses multiples corruptions. Néanmoins, c'est au pays de Mizraïm qu'on suppose que le petit-fils de Ham porta le delta sacré du Patriarche Enoch. Par conséquent, c'est en Egypte, seulement, et en Orient, qu'il faut rechercher la "Parole" mystérieuse.

Mais aujourd'hui que tant des plus importants secrets de  la Maçonnerie ont été divulgués par amis et ennemis, nous pourrions dire, sans qu'on nous accuse de malveillance ou de mauvaise intention, que depuis la lamentable catastrophe des Templiers, aucune Loge d'Europe et encore moins d'Amérique, n'a jamais su quelque chose qui valut la peine d'être caché. Désireux de ne pas voir notre assertion mal interprétée, nous disons bien aucune Loge, laissant quelques rares frères élus, hors de question. Les furieuses dénonciations de la Franc-Maçonnerie lancées par les écrivains catholiques et protestants sont tout simplement ridicules ; il en est de même de l'affirmation de l'abbé Barruel que tout "laisse supposer que  nos  Franc-Maçons  ne  sont  que  les  descendants  des chevaliers Templiers proscrits de 1314". Les Mémoires du Jacobinisme de cet abbé, qui fut un témoin oculaire des horreurs de la première Révolution, traite en grande partie des Rosicruciens et d'autres fraternités maçonniques. Le seul fait qu'il fait descendre les Maçons modernes des Templiers, et nous les montre sous le jour d'assassins secrets, entraînés au meurtre politique, montre combien peu il les connaît, mais aussi, combien ardemment il désire trouver dans ces sociétés les boucs émissaires qu'il faut [33] pour les crimes et les péchés d'une autre société secrète, laquelle, depuis sa naissance a donné asile à plus d'un dangereux assassin politique – la Société de Jésus.

Les accusations contre les Franc-Maçons sont presque toujours moitié de simples suppositions, et moitié de la pure méchanceté et de la calomnie préméditée. On n'a jamais eu la preuve concluante et certaine qu'ils aient commis quoi que ce soit ayant un caractère criminel. Et même leur enlèvement de Morgan est toujours resté dans le domaine de  la supposition. On s'en est servi, à ce moment, comme d'une arme politique au service de politiciens louches. Lorsqu'on découvrit dans la rivière du Niagara un corps méconnaissable, un des chefs de ce groupe peu scrupuleux, en apprenant que l'identité du cadavre était fort douteuse, dévoila tout le complot en s'écriant : "Qu'est-ce que cela fait, c'est un assez bon Morgan jusqu'après les élections !" D'autre part on constate que l'Ordre des Jésuites, non seulement permet dans certains cas la Haute Trahison et le Régicide, mais encore qu'il les enseigne et les préconise 53. [34]

 53 Voyez The Principles of the Jesuits, Developed in a collection of Extracts front their  own Authors, London, J.G. et F. Rivington, Saint-Paul. Charchyard and Waterloo Place, Pall Mall ; H. Wix, 41, New Bridge Street, Blackfriars ; J. Leslie, Queen Street, etc., 1839, Section XVII, High Treason and Regicide contenant trente-quatre extraits du même nombre d'autorités (de la Société de Jésus) sur la question, entre autres l'opinion du célèbre Robert Bellarmine. Ainsi Emmanuel Sa dit : "La rébellion d'un ecclésiastique contre un roi, n'est pas un crime de haute trahison, parce qu'il n'est pas un sujet du roi" (Confessarium Aphorismi Verbo Clericus, Ed. Coloniæ, 1615, Ed. Coll. Sion). "Le peuple, dit John Bridgewater, a non seulement la permission mais il est obligé et son devoir lui ordonne, qu'à l'appel du Vicaire du Christ, qui est le souverain pasteur de toutes les nations du monde, il ne doit pas garder la foi qu'il a jurée à de tels princes" (Concertatio Ecclesiæ Catholicæ in Anglia adversus Calvino Papistas, Resp. fol. 348).

Dans le De Rege et Regis Institutione, Libri Tres, 1640 (Édit. Mus. Brit.), Jean Mariana va même encore plus loin, car il dit : "Si les circonstances le permettent, il sera légal de détruire par le glaive le prince qui a été déclaré un ennemi public... Je ne considérerai jamais qu'un tel homme ait mal agi, qui, favorisant le désir public, essaierait de le tuer" et "il n'est pas seulement légitime de le mettre à mort, mais cela constitue une action louable et glorieuse". Est tamen salutaris cogitatio, ut sit principibus persuasum si republicam oppresserint, si vitiis et fœditatæ intolerandi erunt, eâ conditione vivere, ut non jure tantum, sed cum laude et gloriâ perimi possint (Lib. I, e. 6, p. 61).

Mais le morceau le plus savoureux de l'enseignement chrétien se trouve dans les préceptes de ce Jésuite, lorsqu'il argue au sujet de la manière la plus sûre et la meilleure de tuer les rois et les hommes d'Etat. "A mon avis", dit-il, "il ne faudrait pas administrer des drogues délétères à un ennemi, et on ne doit pas non plus mélanger du poison dans sa nourriture ou sa boisson... Toutefois il est certainement légitime de faire usage de cette méthode, dans le cas en question (que celui qui tuera le tyran jouira de l'estime générale, aussi bien dans la faveur qu'en louanges" car "c'est une œuvre méritoire de supprimer cette race méchante et pestilentielle de la communauté des hommes) non pas d'obliger la personne qui doit être tuée de prendre elle-même le poison, qui pris, intérieurement, le priverait de la vie, mais de le faire appliquer extérieurement par quelqu'un d'autre sous son intervention ; car, lorsque le poison est très puissant, en le répandant sur le siège ou les vêtements, il serait assez fort pour causer la mort" (Ibidem, lib. I, c. f. p. 67). "C'est ainsi que Squire attenta à la vie de la reine Elizabeth, à l'instigation du Jésuite Walpole." Pasquier. Catéchisme des Jésuites (1677, p. 350, etc.) et Rapin (fol. Lond., 1733, vol. II, livre XVII, p. 148).

54 Puffendorf : Droit de la Nat., livre IV, ch. I.

 

 Nous avons sous les yeux une série de conférences sur la Franc- Maçonnerie et ses dangers, faites en 1862 par James Burton Robertson, professeur d'Histoire Moderne à l'Université de Dublin. Le conférencier y fait mention à maintes reprises et cite comme autorité ledit abbé (Barruel, l'ennemi naturel des Franc-Maçons, qu'on ne peut prendre au confessionnal) ainsi que Robinson un apostat maçon bien connu de 1798. Ainsi qu'il est d'usage dans chaque parti, qu'il soit du côté maçonnique ou anti-maçonnique, le traître du camp opposé est accueilli avec louanges et encouragement, et l'on prend bien soin de le laver blanc comme neige. Quelque commode qu'ait pu paraître à la Convention anti-maçonnique de 1830 (Etats-Unis d'Amérique) la formule jésuitique de Puffendorf "que les serments ne lient pas lorsqu'ils sont absurdes ou hors de propos", et cette autre qui enseigne que "un serment ne lie pas s'il n'est accepté par Dieu 54", aucun honnête homme ne se rendrait complice de pareils sophismes. Nous croyons en toute sincérité que la meilleure moitié de l'humanité aura toujours présent à l'esprit qu'il existe un code moral de l'honneur  qui engage un homme bien plus qu'un serment, que celui-ci soit prêté sur la Bible, sur le Koran ou sur les Védas. Les Esséniens ne prêtaient serment sur rien du tout, mais leurs "oui" et leurs "non" valaient bien plus qu'un serment. En outre, il semble extrêmement étrange, que des nations qui se prétendent chrétiennes, aient institué des coutumes dans leurs tribunaux ecclésiastiques   et  civils,   diamétralement   opposées à  celles que leur ordonne leur Dieu 55, qui défend formellement de prêter serment, "ni par le ciel... ni par la terre... ni par la tête". A notre avis, soutenir qu'un "serment n'engage pas s'il n'est accepté par Dieu", outre une absurdité – car nul être vivant, qu'il soit faillible ou infaillible, n'est capable de connaître la pensée intime de Dieu – est une chose anti-chrétienne dans le sens le plus large du mot 56. L'argument est mis en avant simplement parce qu'il vient à point pour répondre à la question. Les serments n'engageront personne jusqu'à ce qu'on comprenne que l'humanité est la plus haute manifestation ici-bas de la Divinité Suprême Invisible, et que chaque homme est une incarnation de son Dieu ; lorsque le sentiment de la responsabilité personnelle sera tellement développé en lui qu'il considérera le parjure comme la plus grande insulte qu'il soit possible de lui [35] faire à lui et à l'humanité. Aucun serment ne lie aujourd'hui, s'il n'est pris par celui qui, sans la nécessité de prêter serment, tiendrait fidèlement une simple promesse sur l'honneur. Par conséquent mettre en avant des autorités comme Barruel et Robison n'est que capter la confiance publique par de faux prétextes. Ce n'est pas "l'esprit de l'astuce maçonnique dont le cœur répand la  calomnie à profusion", mais surtout celui du clergé catholique et de ses défenseurs ; et celui qui essaierait d'une manière ou d'une autre de concilier les deux notions d'honneur et de parjure, ne mériterait pas qu'on se fiât à lui.

Le XIXème siècle proclame à grands cris la prééminence de sa civilisation sur celle des anciens, et les églises et leurs sycophantes crient encore plus haut que c'est le christianisme qui a sauvé le monde de la barbarie et de l'idolâtrie. Nous avons essayé de prouver dans cet ouvrage combien peu leurs affirmations sont justifiées. Le flambeau du christianisme n'a servi qu'à faire voir combien d'hypocrisie et de vice son enseignement a engendrés dans le monde depuis sa venue et de combien les anciens nous étaient supérieurs au point de vue de l'honneur 57. En enseignant l'impuissance de l'homme, sa dépendance absolue de la Providence et la doctrine de la rédemption, le clergé a détruit chez ses fidèles tout germe de confiance en soi et du respect de soi-même. Et cela est si vrai, qu'il est devenu un axiome que c'est chez les athées et les prétendus "infidèles" qu'on rencontre les hommes les plus honorables. Nous lisons dans Hipparque, qu'à l'époque du paganisme "la honte et l'opprobre qui s'attachaient avec raison à la violation de son serment, mettaient le pauvre diable dans un accès de folie et de désespoir, au point de lui faite attenter à ses jours en se coupant la gorge, et sa mémoire causait une telle horreur que son cadavre restait sans autre sépulture que le sable de la mer dans l'île de Samos 58. Mais dans notre XIXème  siècle,  nous voyons quatre-vingt-seize délégués à la Convention antimaçonnique des Etats-Unis, tous sans aucun doute membres d'une Eglise protestante quelconque, et forts du respect dû à des hommes d'honneur, mettre en avant les arguments les plus jésuitiques au sujet de la validité d'un serment maçonnique. Le Comité, ayant la prétention de citer l'autorité "des guides les plus distingués dans la philosophie de la morale, et se réclamant de l'aide la plus ample des inspirés 59... qui écrivirent avant que la Franc- Maçonnerie [36] eût existé, " décidèrent que, comme un serment est "une transaction entre l'homme, d'une part, et le Juge Suprême de l'autre" ; et que comme les Maçons sont tous des infidèles et "impropres à remplir un emploi civil", leurs serments, par conséquent, sont considérés comme illégitimes et ne les engageant pas 60.

55 "Vous avez encore appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras point... Mais moi, je vous dis de ne jurer aucunement", etc. "Que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce qu'on y ajoute vient du malin. (Matthieu V. 33.34.37).

56 Barbeyrac, dans ses notes sur Puffendorf, démontre que les Péruviens ne prêtaient  jamais serment, mais faisaient une simple déclaration devant l'Inca, et on n'a pas d'exemple qu'ils aient jamais failli à leur parole.

57  Que le lecteur veuille bien se rappeler que par le christianisme nous n'entendons pas dire les enseignements du Christ, mais ceux de ses soi-disant serviteurs – le clergé.

58 "Défense a du Dr Anderson, citée par John Yarker dans ses Notes on the Scientific and Religions Mysteries of Antiquity.

59 Y compris Epiphane, après qu'il envoya en exil, en violation de son serment, plus de soixante-dix personnes appartenant à la société secrète qu'il avait trahie.

60 United Stades Anti-Masonic Convention : "Obligation of Masonic Oaths" discours de  M. Hopkins de New-York.

 

Mais, revenons aux Conférences de Robertson et à ses accusations contre la Franc-Maçonnerie. Son plus grand grief contre celle-ci est que les Maçons rejettent la notion d'un Dieu personnel (toujours sur l'autorité de Barruel et de Robison), et qu'ils prétendent posséder "un secret pour rendre les hommes meilleurs et plus heureux que ne l'ont fait le Christ, ses apôtres et son Eglise". Si cette accusation n'était vraie qu'en partie, elle laisserait encore l'espoir consolant d'avoir vraiment découvert ce secret en brisant toute relation avec le Christ mythique de l'Eglise et le Jéhovah officiel. Mais les deux accusations sont aussi malignes qu'elles sont absurdes et dépourvues de vérité, ainsi que nous le verrons par la suite.

 Qu'on ne s'imagine pas que nous sommes influencés par un sentiment personnel dans nos réflexions sur la Franc-Maçonnerie. Loin d'être le cas nous n'hésitons pas à proclamer que nous avons un sincère respect pour le but originel de l'Ordre, et quelques-uns de nos meilleurs amis comptent parmi ses membres. Nous n'avons rien à dire contre la Franc-Maçonnerie telle qu'elle devrait être, mais nous la dénonçons comme elle est en train de devenir grâce aux intrigues du clergé, tant catholique que protestant. Etant, soi-disant la plus absolue des démocraties, elle est pratiquement l'apanage de l'aristocratie, de la fortune et de l'ambition personnelle. Se targuant d'enseigner l'éthique pure, elle se rabaisse à faire de la propagande pour la théologie anthropomorphe. On apprend à l'apprenti moitié nu, amené devant le maître pendant l'initiation au premier degré, que toute distinction sociale est mise de côté à la porte de la loge, et que le frère le plus pauvre est l'égal de tous les autres, fussent-ils tête couronnée ou prince impérial. Dans la pratique, l'ordre se transforme, dans tout pays monarchique, en adulateur de tout rejeton de famille royale qui daigne revêtir la symbolique peau d'agneau, afin de s'en servir comme d'un marchepied politique.

Nous pouvons nous rendre compte jusqu'à quel point la Franc- Maçonnerie a dévié dans cette direction, par les paroles d'une de ses plus célèbres autorités. John Yarker Junior, d'Angleterre, Ancien Grand Surveillant de la Grande Loge de la Grèce ; Grand Maître du Rite Swedenborgien ; Grand [37] Maître, aussi, du Rite Ancien et Primitif de la Maçonnerie et Dieu sait de combien d'autres 61, dit que la Franc- Maçonnerie ne perdrait rien en "adoptant un étalon plus élevé (non pas pécuniairement) pour ses membres et sa moralité, avec l'exclusion de la "pourpre" de tous ceux qui inculquent les fraudes, les faux degrés historiques et d'autres abus immoraux "(p. 158). Et encore à la page 157 : "De la façon dont la Fraternité Maçonnique est gouvernée aujourd'hui, l'Ordre se transforme rapidement en paradis du bon vivant ; du "charitable" hypocrite qui oublie la version de saint Paul et décore sa poitrine du "bijou de la charité" (ayant, par cette dépense judicieuse obtenu la pourpre", il mesure la justice à d'autres frères plus habiles et plus moraux que lui mais moins riches) ; le fabricant de clinquant Maçonnique ; l'indigne négociant qui filoute des mille et des cents, en faisant appel aux sensibles consciences de ceux qui respectent encore leurs O. B. ; et les  "Empereurs" Maçonniques et autres charlatans qui font de l'argent ou acquièrent de la puissance avec les prétentions aristocratiques qu'ils attachent à notre institution – ad captandum vulgus."

61 John Yarker, Junior : Notes on the Scientific and Religions Mysteries of Antiquity ; the Gnosis and Secret Schools of the Middle Ages ; Modern Rosicrucianism ; and the various Rites and Degrees of Free and Accepted Masonry, Londres, 1872.

 

Nous ne prétendons nullement exposer ici des secrets qui ont déjà été depuis longtemps dévoilés par des Maçons parjures. Tout ce qui est vital, que ce soit en représentations symboliques, en rites ou en mots de passe, en usage dans la Franc-Maçonnerie moderne, est bien connu dans les fraternités orientales, quoiqu'il ne semble pas y avoir de rapports ou de connexions entre elles. Si Ovide décrit Médée comme ayant "le bras, la poitrine et le genou découverts, et le pied gauche déchaussé" ; et Virgile, en parlant de Didon dit que cette "Reine elle-même... résolue à mourir avait un pied déchaussé, etc. 62", pourquoi douterait-on qu'il existe de véritables "Patriarches des Védas sacrés" en Orient, qui expliquent l'ésotérisme de la pure théologie indoue et le brahmanisme, aussi parfaitement que les "Patriarches" européens ?

Mais, si un nombre restreint de Maçons à la suite de l'étude des livres rares ou cabalistiques, et au contact personnel des "Frères" du lointain Orient, ont appris quelque chose de la Maçonnerie ésotérique, ce n'est certes pas le cas pour les centaines de Loges Américaines. Pendant que nous écrivions ce chapitre, nous avons reçu d'une manière tout à fait inattendue, par l'attention d'un ami, un exemplaire de l'ouvrage de M. Yarker, auquel nous avons emprunté les passages ci-dessus. Il fourmille à notre avis [38] de savoir et ce qui plus est de connaissance. Il vient à point à ce moment pour corroborer, sur beaucoup de choses, ce que nous avons dit dans cet ouvrage. Nous y lisons entre autres :

"Nous croyons avoir suffisamment démontré le fait du rapport de la Franc-Maçonnerie avec les autres rites spéculatifs de l'antiquité, de même que l'ancienneté et la pureté de l'ancien rite anglais des Templiers, de sept degrés et la fausse dérivation de beaucoup d'autres rites de celui-là 63.

 Il est inutile de dire à ces Maçons de haut grade quoiqu'en général, il y ait à le dire aux Artisans, que l'heure est venue de remodeler la Maçonnerie et de rétablir les anciennes bornes, empruntées aux confréries primitives, que les fondateurs de la Franc-Maçonnerie spéculative du XVIIIème siècle avaient voulu incorporer dans la fraternité. Il n'y a plus aujourd'hui de secrets à divulguer ; l'Ordre dégénère en une commodité dont les égoïstes se servent et que déprécient de mauvaises gens.

62 Ibidem, p. 151.

63 John Yarker : Notes, etc., p. 150.

 

Ce n'est que tout récemment qu'une majorité des Suprêmes Conseils du Rite Ancien et Accepté se réunit à Lausanne, justement outrés d'une croyance aussi blasphématoire que celle d'un Dieu personnel, investi de tous les attributs humains ; ils firent entendre les paroles suivantes : "La Franc-Maçonnerie proclame, ainsi qu'elle l'a fait depuis son origine, l'existence d'un principe créateur, sous le nom du Grand Architecte de l'Univers." Une faible minorité protesta, alléguant que "la croyance en un principe créateur n'est pas la croyance en un Dieu, que la Franc- Maçonnerie exige de chaque candidat, avant de pouvoir franchir ses portes".

Cette confession ne ressemble pas au rejet d'un Dieu personnel. Si nous avions le moindre doute à ce sujet, il s'évanouirait à la suite des paroles du Général Albert Pike 64, qui est peut-être la plus haute autorité du jour, parmi les Maçons américains, et qui s'élève avec force contre une pareille innovation. Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ce qu'il dit :

"Ce Principe Créateur n'est pas un terme nouveau, ce n'est qu'un vieux terme qu'on a fait revivre. Nos nombreux et formidables adversaires, nous diront, et ils sont en droit de nous le dire, que notre Principe Créateur est identique au Principe Générateur des Indiens et des Egyptiens, et qu'on peut, fort à propos, le symboliser, ainsi que les anciens le faisaient, par le Lingae... Accepter cela à la place d'un Dieu personnel, c'est ABANDONNER LE [39] CHRISTIANISME et le  culte de Jéhovah pour retourner se vautrer dans les boues du Paganisme."

64 Proceedings of the Supreme Council of Sovereign Grand Inspectors General of the Thirty-third and Last Degree, etc., etc. Tenu dans la cité de New-York, le 15 août 1876, p. 54-55.

 

Et celles du Jésuitisme valent-elles mieux ? "Nos nombreux et formidables adversaires." Cette phrase résume tout. Inutile de demander quels sont ces ennemis si formidables. Ce sont les Catholiques Romains  et quelques Presbytériens réformés. En lisant la prose des deux factions on est en droit de se demander lequel des deux adversaires a le plus peur de l'autre. Mais quel intérêt aurait-on à s'organiser contre une fraternité qui n'ose même pas avoir une croyance qui lui soit propre de peur d'offenser quelqu'un ? Comment se fait-il alors, si les serments maçonniques comptent pour quelque chose, et si les pénalités maçonniques sont quelque chose de plus qu'une farce, que des adversaires, nombreux ou non, faibles ou forts, puissent être renseignés sur ce qui se passe au sein des loges, ou qu'ils puissent y pénétrer, en passant devant ce "frère terrible, ou tuileur, qui garde la porte du temple, une épée nue à la main ?" Ce "frère terrible" n'est-il pas plus formidable que le Général Boum de l'opérette d'Offenbach, avec ses pistolets fumants, ses éperons et son mirifique panache ? A quoi servent les millions d'hommes qui constituent cette grande fraternité dans le monde entier, s'ils ne peuvent se coaliser pour faire face à tous leurs adversaires ? Se peut-il que le "lien mystique"ne soit qu'une corde de fumée, et la Franc-Maçonnerie qu'un jouet pour satisfaire la vanité de quelques chefs qui se plaisent à arborer des rubans et des insignes ? Son autorité est-elle aussi fausse que son antiquité ? On pourrait vraiment le croire ; et cependant "de même que les puces ont des parasites plus petits qui les mangent", il y a, même ici, des alarmistes catholiques qui prétendent avoir peur de la Franc-Maçonnerie !

Malgré cela, ces mêmes catholiques, dans toute la sérénité de leur impudence  traditionnelle,  menacent  ouvertement  l'Amérique,  avec   ses 500.000 Maçons et ses 34.000.000 de Protestants d'une Union de  l'Eglise et de l'Etat, sous le contrôle de l'Eglise romaine ! Le danger qui menace les institutions libres de cette république, nous viendra, dit-on, des "principes du Protestantisme logiquement développés". L'actuel secrétaire de la Marine, l'Hon. R. W. Thompson, d'Indiana, ayant eu l'audace de publier, tout récemment dans ce pays protestant de la liberté, un livre sur le Papisme et le Pouvoir civil, dans lequel le langage est aussi modéré qu'il est bienséant et juste, un prêtre catholique de Washington – le siège même du Gouvernement le dénonce avec violence. Et, qui plus fort est, un membre représentant de la Société de Jésus, le Père F. H. Weninger, Docteur en Théologie, déverse sur lui toute sa bile qu'on dirait importée directement du Vatican. "Les affirmations de M. Thompson, dit-il, au sujet de l'antagonisme nécessaire [40] entre l'Eglise catholique et les institutions libres, sont caractérisées par une ignorance pitoyable et une aveugle audace. Il ignore la logique, l'histoire, le sens commun et la charité ; il se présente devant le loyal peuple américain comme un bigot à l'esprit étroit. Aucun savant ne se permettrait de ressasser les calomnies surannées, si souvent déjà réfutées... Répondant à ses accusations contre l'Eglise d'être l'ennemie de la liberté, je lui dis que si jamais ce pays devait être un jour un pays catholique, c'est-à-dire un pays où la majorité serait catholique, et aurait le contrôle sur les pouvoirs politiques, il verrait alors les principes de notre constitution développés au maximum ; il verrait que ces Etats mériteraient vraiment le nom d'Unis. Il verrait un peuple vivant en paix et en harmonie ; réunis par les liens d'une seule foi, les cœurs battant à l'unisson pour l'amour de la patrie, charitables et patients envers tous, et respectant jusqu'aux droits et aux consciences de leurs calomniateurs."

Au nom de cette "Société de Jésus", il conseille à M. Thompson d'envoyer son livre au Tsar Alexandre II et à l'Empereur d'Allemagne Frédéric-Guillaume ; il recevra probablement en échange, comme gage de leur sympathie, les ordres de Saint-André et de l'Aigle Noir. "Des Américains patriotes, perspicaces et réfléchis, il ne peut attendre que la décoration de leur mépris. Tant que des cœurs américains battront dans les poitrines américaines, tant que le sang de leurs ancêtres coulera dans leurs veines, les efforts comme ceux de Thompson n'auront aucun succès. Les vrais Américains protègeront, dans ce pays, la religion catholique, et finiront par l'embrasser." Après cela, ayant, comme il se l'imagine, laissé le cadavre de son antagoniste sur le carreau, il se retire en versant sur lui le reste de son venin de la manière suivante : "Nous abandonnons ce volume, dont nous avons tué le raisonnement, comme un cadavre pour être dévoré par ces busards du Texas – ces oiseaux puants – par là nous voulons dire ces hommes qui se nourrissent de corruption, de calomnies et de mensonges, et qui sont attirés par les mauvaises odeurs qui s'en dégagent."

Cette dernière phrase mérite d'être classée comme un appendice aux Discorsi del Sommo Pontifice Pio IX, de Don Pasquale di Fransciscis, immortalisé par le mépris de M. Gladstone. Tel maître, tel valet !

Morale : Cela servira de leçon aux écrivains bien pensants, modérés et honorables, que des antagonistes aussi courtois que M. Thompson s'est montré dans son livre, n'échapperont pas à la seule arme disponible de l'arsenal catholique – l'insulte grossière. L'argument tout entier de l'auteur prouve que tout en agissant avec force, il entend être juste ; mais il aurait aussi bien fait d'attaquer avec la violence d'un Tertullien, car on ne l'aurait pas [41] traité plus mal pour cela. Ce sera, sans doute, une consolation pour lui de savoir qu'il a été mis sur le même pied que les rois et les empereurs infidèles et schismatiques.

Tandis que les Américains, y compris les Maçons, sont dores et déjà avertis d'avoir à se préparer à être incorporés dans la Sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, nous sommes heureux de constater que parmi les Maçons il y en a quelques uns, loyaux et respectés, qui adoptent notre manière de voir. Un des plus notables parmi ceux-ci est notre vénérable ami, M. Léon Hyneman P.M. et membre de la Grande Loge de Pennsylvanie. Il fut, pendant huit ou neuf ans l'éditeur du Masonic Mirror and Keystone, et il est en même temps un auteur de marque. Il nous a affirmé que, personnellement, pendant plus de trente ans, il a combattu le projet d'ériger en un dogme Maçonnique, la croyance en un Dieu personnel. Dans son ouvrage, Ancient York and London Grand Lodges, il dit (p. 169) : "Au lieu de se développer professionnellement avec  le progrès intellectuel des connaissances scientifiques, et l'intelligence générale, la Maçonnerie s'est écartée du but originel de la fraternité, et se rapproche, semble-t-il d'une société sectaire. Cela se voit clairement... dans la volonté persistante de ne pas écarter les innovations  sectaires, interpolées dans le Rituel... Il semblerait que la fraternité Maçonnique  de ce pays est aussi indifférente aux anciennes bornes et coutumes de la Maçonnerie, que l'étaient les Maçons du siècle dernier, sous la direction de la Grande Loge de Londres " C'est cette conviction, qui lui fit refuser la Grande Maîtrise du Rite des Etats-Unis, et le 33ème degré honoraire du Rite ancien et accepté lorsqu'en 1856, Jacques-Etienne Marconis de Nègre, Grand Hiérophante du Rite de Memphis vint en Amérique pour les lui offrir.

Le Temple fut la dernière organisation secrète européenne, qui, en tant que corporation, possédait un reste des mystères de l'Orient. A vrai dire, il y avait au siècle dernier (et il y en a peut-être encore aujourd'hui) quelques "Frères" isolés, qui travaillaient fidèlement et secrètement sous la direction des confréries de l'Orient. Mais, lorsque ceux-là faisaient partie des sociétés européennes, ils y entraient invariablement dans un but qui ignorait la fraternité mais qui lui était profitable. C'est par leur entremise que les Maçons modernes ont appris tout ce qu'ils savent d'important ; et la ressemblance qu'on constate aujourd'hui entre les Rites spéculatifs de l'antiquité, les mystères des Esséniens, des Gnostiques, des Hindous et des degrés maçonniques les plus élevés et les plus anciens, en sont la preuve certaine. Si ces frères mystérieux devinrent possesseurs des secrets des sociétés, ils n'ont jamais pu rendre la pareille, bien que dans leurs mains, ces secrets étaient peut-être mieux gardés qu'en étant confiés aux Maçons [42] européens. Lorsque, parmi ceux-ci, quelques-uns étaient reconnus dignes d'être affiliés aux sociétés orientales, on les instruisait et on les affiliait en secret, sans que les autres en aient jamais eu connaissance.

Nul n'a jamais pu mettre la main sur les Rose-croix, et malgré les prétendues découvertes de "chambres secrètes", de vellums appelés "T", et de chevaliers fossiles munis de lampes inextinguibles, cette ancienne institution, de même que son objet, demeurent encore à ce jour un mystère. On a parfois brûlé de prétendus Templiers et de faux Rose-croix, en même temps que quelques véritables cabalistes ; on a déniché et mis à la torture quelques malheureux théosophes et alchimistes ; on leur a même arraché de fausses confessions par les moyens les plus féroces, mais malgré  cela, la véritable société demeure encore aujourd'hui, comme elle l'était par le passé, inconnue de tous, et surtout de son ennemie la plus acharnée, l'Eglise.

Pour ce qui est des plus modernes Chevaliers du Temple et des Loges Maçonniques qui, aujourd'hui, prétendent descendre en ligne directe des anciens Templiers, leur persécution par l'Eglise a été une comédie dès le commencement. Ils n'ont pas et n'ont jamais eu de secrets dangereux pour l'Eglise ; bien au contraire, car nous voyons que J.G. Findel dit que les degrés écossais, ou le système des Templiers ne date que de 1735-1740, et "poursuivant sa tendance catholique il établit sa résidence principale dans le Collège des Jésuites de Clermont, à Paris, et prit, de là, le nom de Système de Clermont". Le système suédois actuel, a aussi quelque chose de l'élément des Templiers, mais affranchi des Jésuites et de l'intervention de la politique : néanmoins il affirme posséder l'original du testament de Molay, parce qu'un comte Beaujeu, neveu de Molay – inconnu ailleurs, dit Findel – transplanta l'ordre des Templiers dans la Franc-Maçonnerie, et donna, de cette manière un sépulcre mystérieux aux cendres de son oncle.

Il suffit pour prouver que tout cela n'est qu'une fable maçonnique de lire sur le monument la date du décès de Molay comme ayant eu lieu le 11 mars 1313, tandis que la date de sa mort était le 19 mars 1313. Cette production illégitime, qui n'est ni du véritable Ordre du Temple, ni de la Franc-Maçonnerie authentique, n'a jamais pris racine ferme en Allemagne. Mais il en fut autrement en France.

 Traitant de ce sujet, écoutons ce que Wilcke a à dire de ces prétentions :

"Les actuels Templiers de Paris, prétendent être les descendants directs des anciens Chevaliers ; ils cherchent à le prouver au moyen de documents, de règlements intérieurs et de doctrines secrètes. Foraisse dit que la Fraternité des Franc-Maçons fut fondée  en Egypte, Moïse ayant transmis l'enseignement secret  aux israélites, Jésus à ses apôtres, et que ce fut ainsi qu'il parvint aux Chevaliers du Temple. Ces inventions sont nécessaires... pour étayer l'assertion que les Templiers parisiens sont la progéniture de l'ancien ordre. Toutes ces affirmations, non confirmées par l'histoire, ont été fabriquées de toutes pièces au Grand Chapitre de Clermont (des Jésuites) et conservées par les Templiers parisiens comme un héritage de ces révolutionnaires politiques, les Stuarts et les Jésuites." C'est la raison pour laquelle ils ont été soutenus par les évêques Grégoire 65 et Münter 66.

65 Histoire des sectes religieuses, vol. II, p. 392-428.

66 Notitia codicis græci evangelium Johannis variantum continentis, Havaniæ, 1828.

67 Voilà la raison pour laquelle, jusqu'à ce jour, les membres fanatiques et cabalistiques des Nazaréens de Basra, en Perse, conservent une tradition de la gloire, du pouvoir et de la richesse de leurs "Frères" agents ou messagers comme il les appellent, à Malte et en Europe. Il en reste quelques uns, disent-ils, qui tôt ou tard, restaureront la doctrine de leur prophète Johanan (saint Jean), le fils du Seigneur Jourdain, et élimineront des cœurs de l'humanité tout autre faux enseignement.

68 Les deux grandes pagodes de Madura et de Bénares sont construites en forme de croix, chaque branche étant de longueur égale. (Voyez Mauri : Indian Antiquities, Vol. III, pp. 360-376).

 

En rattachant les Templiers modernes aux anciens, on peut, tout au plus concéder qu'ils ont adopté certains rites et cérémonies d'un caractère purement ecclésiastique, après que ceux-ci eussent été adroitement introduits par le clergé dans ce grand et ancien Ordre. Mais à la suite de cette profanation, il perdit, peu à peu, son caractère simple et primitif et s'achemina à grands pas vers la ruine finale. Fondé en 1118 par les Chevaliers Hugues de Payens et Geoffroi de Saint-Omer, nominalement pour protéger les pèlerins, son véritable but était de restaurer le culte secret primitif. La véritable version de l'histoire de Jésus et du Christianisme primitif, fut communiquée à Hugues de Payens par le Grand Pontife de l'Ordre du Temple (de la secte des Nazaréens ou Johannites) un certain Théoclète, après quoi cette version fut connue, en Palestine, de quelques Chevaliers appartenant aux membres influents et plus intellectuels de la secte de saint Jean, initiés à ses mystères 67. Leur but secret était la liberté de pensée intellectuelle et la restauration d'une seule religion universelle. Ayant fait vœu d'obéissance, de pauvreté et de chasteté, ils furent dès l'abord les véritables Chevaliers de Saint-Jean-Baptiste, prêchant dans le désert et se nourrissant de miel sauvage et de sauterelles. Telle est la tradition et la véritable version cabalistique.

C'est une erreur de prétendre que ce ne fut que plus tard que l'Ordre devint anti-catholique. Il le fut dès le début, et la croix rouge sur le manteau blanc, uniforme de l'Ordre, avait la même signification pour les initiés de tous pays. Cette croix pointait vers [44] les quatre points cardinaux et était l'emblème de l'univers 68. Lorsque, par la suite, la Fraternité fut transformée en Loge, les Templiers se virent contraints, afin d'éviter les persécutions, de pratiquer leurs propres cérémonies dans le secret le plus absolu, généralement dans la salle du chapitre, et plus souvent dans des souterrains ou dans des maisons isolées au milieu des bois, tandis que la forme ecclésiastique de leur culte se célébrait publiquement dans les chapelles de l'Ordre.

Bien que la plupart des accusations portées contre eux par Philippe IV aient été absolument fausses, les principales au point de vue de ce que l'Eglise considérait comme des hérésies, étaient certainement bien fondées. Les Templiers d'aujourd'hui, s'en tenant strictement à la lettre de la Bible, ne peuvent guère revendiquer leur origine chez ceux qui ne croyaient pas au Christ, en tant qu'homme-Dieu, ou que Sauveur du monde ; qui niaient aussi bien le miracle de sa naissance, que ceux qu'il avait accomplis lui même ; qui ne croyaient ni à la transsubstantiation, ni aux saints, ni aux saintes reliques, ni au purgatoire, etc. Le Christ Jésus était, à leurs yeux, un faux prophète, mais l'homme Jésus était pour eux un Frère. Ils considéraient saint Jean-Baptiste comme leur patron, mais ils ne le reconnurent jamais sous le jour où il est présenté dans la Bible. Ils vénéraient les doctrines de l'alchimie, de l'astrologie, de la magie, des talismans cabalistiques et adhéraient aux enseignements secrets de leurs chefs en Orient. "Dans le siècle dernier", dit Findel, "lorsque la Franc- Maçonnerie s'imagina faussement descendre des Templiers, on s'efforça d'innocenter l'Ordre des Chevaliers Templiers... Dans ce but on inventa non seulement des légendes et des histoires, mais on prit grand soin de cacher la vérité. Les admirateurs maçonniques des Chevaliers Templiers achetèrent tous les documents du procès publiés par Moldenwaher, parce qu'ils établissaient la preuve de la culpabilité de l'Ordre 69".

Cette culpabilité était leur "hérésie" contre l'Eglise Catholique Romaine. Tandis que les véritables "Frères" subirent une mort ignominieuse, le faux Ordre, qui chercha à chausser leurs bottes, devint exclusivement une branche des Jésuites sous la tutelle de ceux-ci. Les véritables Maçons, loin de vouloir descendre de ceux-ci, devraient rejeter avec horreur tout lien avec eux.

"Les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, écrit le commandeur Gourdin 70, appelés quelquefois Chevaliers Hospitaliers, [45] et Chevaliers de Malte, n'étaient pas des Franc-Maçons. Bien au contraire, ils paraissent avoir été hostiles à la Franc-Maçonnerie, car, en 1740, le Grand Maître de l'Ordre de Malte fit publier, dans cette île, la Bulle du Pape Clément XII, et interdit les réunions maçonniques. A cette occasion, plusieurs  Chevaliers et nombre de citoyens quittèrent l'île ; et en 1741, l'Inquisition persécuta les Franc-Maçons de Malte. Le Grand Maître interdit leurs réunions sous des peines sévères, et six Chevaliers furent exilés à perpétuité de l'île pour avoir assisté à une de leurs réunions. De fait, contrairement aux Templiers, ils ne pratiquaient même pas une forme secrète de réception. Reghellini dit qu'il ne put se procurer une copie du Rituel secret des Chevaliers de Malte. La raison est excellente – il n'y en avait pas !"

Malgré cela l'Ordre des Templiers Américains comprend trois degrés : 1° Chevaliers de la Croix-Rouge ; 2° Chevaliers Templiers ; et 3° Chevaliers de Malte. Il fut introduit de France aux Etats-Unis en 1808 et le premier Grand Convent Général fut organisé le 20 juin 1816 avec le Gouverneur De Witt Clinton, de New-York, comme Grand Maître.

II n'y a pas lieu de se glorifier de cet héritage des Jésuites. Si les Chevaliers Templiers veulent justifier leurs prétentions ils auront à choisir entre la descendance des Templiers primitifs, "hérétiques",    anti-chrétiens et cabalistiques, ou se rattacher aux Jésuites et tendre leurs dais directement sur l'autel de l'Ultra-Catholicisme ! Autrement leurs prétentions manquent totalement de base.

69 Findel : History of Freemasoury, appendice.

70 A Sketch of the Knight Templars and the Knights of the St.-John of Jerusalem ; par Richard Woof, S. A. commandeur de l'Ordre des Chevaliers Templiers Maçonniques.

 

Bien qu'il soit impossible pour les fondateurs du pseudo-ordre ecclésiastique des Templiers, introduit en France, selon Dupuy, par les partisans des Stuarts, d'éviter qu'on les prenne pour une branche de l'Ordre des Jésuites, nous ne sommes nullement étonnés de voir un auteur anonyme, justement soupçonné d'appartenir au Chapitre Jésuite de Clermont, publier en 1751 à Bruxelles, un ouvrage sur le procès des Chevaliers Templiers. Dans ce volume, par diverses notes tronquées, des ajoutures et des commentaires, il fait ressortir l'innocence des Templiers de l'accusation "d'hérésie", leur enlevant ainsi le meilleur titre au respect et à l'admiration, auquel ces martyrs et primitifs libres penseurs avaient droit !

Ce dernier pseudo-ordre fut institué à Paris, le 4 novembre 1804, en vertu d'une Constitution qui était un faux et depuis lors, il a "contaminé la Franc-Maçonnerie authentique", ainsi que nous le disent les Maçons des plus hauts grades. La Charte de Transmission (tabula aurea Larmenii) présente tous les signes extérieurs d'une si haute antiquité, "que Grégoire confesse que si toutes les autres reliques de la trésorerie parisienne de l'Ordre n'avaient [46] pas calmé ses doutes quant à leur descendance, la vue de la charte elle-même l'aurait persuadé au premier coup d'œil 71. Le premier Grand Maître de cet ordre apocryphe, fut un médecin parisien le Dr  Fahre-Palaprat, qui prit le nom de Bernard Raymond.

Le comte Ramsay, Jésuite, fut le premier à lancer l'idée de réunir les Templiers aux Chevaliers de Malte. C'est pour cette raison que nous lisons ce qui suit, de sa plume :

"Nos ancêtres (!!!) les Croisés rassemblés en Terre Sainte, venant de toute la Chrétienté, désiraient former une fraternité embrassant toutes les nations, de sorte, qu'une fois unis, cœur et âme, pour le perfectionnement mutuel, ils puissent, avec le temps, représenter un seul peuple intellectuel."

 71 Findel : History of Freemasoury, Appendice.

 

C'est pourquoi on a fait se joindre les Templiers aux Chevaliers de Saint-Jean, et ceux-ci s'incorporèrent dans la Franc-Maçonnerie sous le nom de Maçons de Saint-Jean.

Nous trouvons, par conséquent, dans le Sceau Rompu, en 1745, l'effronté mensonge suivant, digne des Fils de Loyola : "Les Loges furent dédiées à saint Jean, parce que les Chevaliers-Maçons, pendant les guerres de Palestine, s'étaient réunis aux Chevaliers de Saint-Jean."

Le degré des Kadosh fut inventé à Lyon en 1743 (du moins c'est ce que dit Thory) et "il doit représenter la vengeance des Templiers". Et nous constatons, qu'à ce sujet, Findel dit que "l'Ordre des Chevaliers Templiers fut aboli en 1311, et c'est à cette époque qu'ils durent se reporter, lorsque, après l'exil de Malte de quelques Chevaliers, inculpés d'être Franc- Maçons, en 1740, il ne fut plus possible de maintenir les relations avec l'Ordre de Saint-Jean, ou Chevaliers de Malte, alors à l'apogée de leur puissance sous la souveraineté du Pape".

Si nous écoutons maintenant Clavel, un des meilleurs auteurs sur la Maçonnerie, nous lisons "qu'il est clair que l'institution de l'Ordre français des Chevaliers Templiers, ne date pas d'avant 1804, et qu'il ne peut légitimement prétendre à être la continuation de la soi-disant société de la petite Résurrection des Templiers", et que celle-ci non plus, ne descend pas de l'ancien Ordre des Chevaliers Templiers". Par conséquent nous voyons ces pseudo-Templiers, sous la direction des dignes Pères Jésuites, forger à Paris en 1806, la célèbre charte de Larmenius. Vingt ans après, ce corps néfaste et ténébreux, guidant le bras des assassins, le dirigea contre un des meilleurs et un des plus grands princes de l'Europe, dont la mort mystérieuse, malheureusement pour l'intérêt de la vérité et de la justice, n'a jamais fait l'objet d'une enquête, [47] ou proclamée à la face du monde comme elle aurait dû l'être, et cela pour des raisons politiques. C'est ce prince, lui-même un Franc-Maçon, qui fut le dernier dépositaire des secrets des véritables Chevaliers Templiers. Pendant de longs siècles, ils étaient restés inconnus et même insoupçonnés. Se réunissant tous les treize ans, à Malte, leur Grand Maître ne prévenant les frères européens que quelques heures à l'avance, du lieu du rendez-vous ces représentants du corps  jadis le plus puissant et le plus glorieux des Templiers, se rassemblaient à jour fixe, venant de divers points de la terre. Au nombre de treize, en souvenir de l'année de la mort de Jacques Molay (1313) les Frères, maintenant Orientaux,  parmi  lesquels  il  y  avait  des  têtes  couronnées, concertaient ensemble l'avenir religieux et politique des nations ; tandis que les Chevaliers papistes, leurs successeurs bâtards et sanguinaires dormaient tranquillement dans leurs lits, sans qu'un rêve vint troubler leurs coupables consciences.

"Et cependant, dit Rebold, malgré la confusion qu'ils avaient créée (1736-72), les Jésuites ne purent accomplir qu'un seul de leurs buts, c'est-à-dire : dénaturer et jeter le discrédit sur l'institution maçonnique. Après avoir réussi, comme ils le croyaient, à la détruire sous une forme, ils étaient résolus à s'en servir sous une autre. Dans ce but, ils instituèrent les systèmes dénommés "Secrétariat des Templiers", un amalgame des différentes histoires, incidents et caractéristiques des croisades mélangés aux rêveries des alchimistes. Dans cette combinaison, le Catholicisme dirigeait tout, et tout l'édifice se mouvait sur des roues, représentant le grand but pour lequel la Société de Jésus avait été fondée 72."

Par conséquent, les rites et les symboles de la Maçonnerie, bien qu'ayant une origine "païenne" ont tous une saveur de Christianisme et servent celui-ci. Il faut qu'un Maçon déclare croire en un Dieu personnel, Jéhovah, et dans les degrés de campement, également au Christ, avant d'être reçu dans la Loge, tandis que les Templiers de Saint-Jean croyaient au Principe inconnu et invisible, duquel procèdent les Pouvoirs Créateurs, nommés à tort des dieux, et se tenaient à la version nazaréenne que Ben- Panther était le père pécheur de Jésus, qui se proclamait ainsi "le fils de Dieu et de l'humanité 73". Cela explique encore [48] pourquoi les Maçons prêtent un si terrible serment sur la Bible, et pourquoi aussi leurs conférences concordent d'une manière si servile avec la chronologie Patriarco-Biblique. Dans l'Ordre Américain des Rose-Croix, par exemple, lorsque le néophyte s'approche de l'autel, les "Chevaliers sont debout et à l'ordre et le T. :. Sage fait la proclamation". "A la gloire du Gr.:. Ar.:. de l'U.:. (Jehovah-Binah ?), et sous les auspices du Souverain Sanctuaire de la Franc-Maçonnerie Antique et Primitive, etc., etc. Le Chevalier d'Eloquence frappe alors un coup et informe le néophyte que les antiques légendes de la Maçonnerie datent de QUARANTE Siècles ; il ne revendique pas une antiquité plus grande pour aucune d'elles que celle de 622 A.M. à laquelle époque, dit-il, Noé est né. En pareille circonstance, il faut reconnaître que c'est faire une concession fort libérale aux préférences de la chronologie. Après cela on 74 apprend aux Maçons que ce fut à peu près vers l'an 2188 avant J.-C. que Mizraïm emmena des colonies en Egypte, où il fonda l'Empire égyptien, lequel empire subsista pendant 1663 ans (!!!). Bien étrange cette chronologie, qui, si elle se conforme pieusement à celle de la Bible,  est  en  parfait  désaccord  avec  celle  de  l'histoire.  Les  neuf noms mythiques de la Divinité, importés en Egypte, suivant les Maçons, seulement au cours du XXIIème siècle avant J.-C. se trouvent inscrits sur des monuments deux fois plus anciens, si nous devons en croire les plus célèbres égyptologues. Toutefois il faut aussi prendre en considération que les Maçons, eux-mêmes, ignorent complètement ces noms.

 72 General History of Freemasoury, p 218.

73 Voyez la version de Gaffarel ; La Science des Esprits d'Eliphas Lévy ; le Royal Masonic Cyclipœdia de Mackenzie ; le Sepher Toldos Jeshu et autres ouvrages cabalistiques et rabbiniques. Le récit qui y est donné est le suivant : Une vierge nommée Mariam, fiancée à un jeune homme du nom de Johanan, fut outragée par un autre homme nommé Ben-Panther, ou Joseph Panther, dit le Sepehr Toldos Jeshu. "Son fiancé ayant appris son infortune, l'abandonna tout en lui pardonnant. L'enfant qui naquit était Jésus, nommé Joshua. Adopté par son oncle le Rabbin Jehosuah, il fut initié dans la doctrine secrète par le Rabbin Elhanan, un cabaliste, puis par des prêtres égyptiens, qui le consacrèrent Suprême Pontife de la Doctrine Secrète Universelle, à cause de ses grandes qualités mystiques. A son retour en Judée, ses connaissances et ses pouvoirs excitèrent la jalousie des Rabbins, qui lui reprochèrent publiquement son origine et insultèrent sa mère. De là les paroles qui lui ont été attribuées à la noce de Cana : "Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi ?"(St-Jean II, 4). Ses disciples lui ayant reproché sa dureté envers sa mère, Jésus se repentit, et ayant appris d'eux les détails de la triste histoire, il déclara que "Ma mère n'a point péché, elle n'a point perdu son innocence ; elle est immaculée, et cependant elle est ma mère... Quant à moi je n'ai pas de père, dans ce monde, je suis le Fils de Dieu et de l'humanité !" Paroles sublimes de confiance dans le Pouvoir invisible, mais fatales, aujourd'hui, pour les millions de millions d'hommes qui ont été immolés parce que ces paroles ont été si mal comprises !

74 Nous parlons du Chapitre Américain des Rose-Croix.

 

La vérité est que la Maçonnerie moderne est bien différente de ce qu'était, jadis, la fraternité secrète universelle, à l'époque où les adorateurs brahmaniques du AUM échangeaient les attouchements et les mots de passe avec les fervents du TUM, et que les adeptes de tous les pays sous le soleil étaient des "Frères".

Qu'était alors ce nom mystérieux, cette "parole" puissante au moyen de laquelle les initiés hindous, chaldéens et égyptiens  exécutaient tous leurs miracles ? Au chapitre CXV du Rituel égyptien [49] des Funérailles, intitulé : "Le Chapitre de la sortie du ciel... et de la  connaissance des Esprits de An" (Héliopolis), Horus dit : "J'ai connu les Esprits de An.   Les très glorieux ne passent pas au-dessus... à moins que les dieux ne me donnent la PAROLE." Dans un autre hymne, l'âme transformée s'écrie : "Ouvrez-moi la route vers Rusta. Je suis le Sublime, vêtu comme le Sublime. Me voici ! Me voici ! Doux sont pour moi les rois d'Osiris. Je crée l'eau (par le pouvoir de la Parole)... Je n'ai point  vu  les  secrets cachés ?... J'ai donné au Soleil la Vérité. Je suis clair. On m'adore pour ma pureté" (CXVII-CXIX, chapitres de l'entrée et de la sortie de Rusta). Autre part, le manuscrit de la momie s'exprime comme suit : "Je suis le Grand Dieu (l'esprit) existant par moi-même, le créateur de Son Nom... Je connais le nom de ce Grand Dieu qui est là."

Ses ennemis accusaient Jésus d'avoir fait des miracles, et suivant ce que disaient ses apôtres, d'avoir chassé les démons par le pouvoir du NOM INEFFABLE. Ceux-là étaient persuadés qu'il l'avait volé dans le Sanctuaire. "Et il chassait les esprits avec sa parole... et guérissait tous ceux qui étaient malades." (Mat. XVIII.16). Lorsque les magistrats des Juifs demandèrent à Pierre (Actes IV. 7) : "Par quelle puissance ou par quel nom avez-vous fait cela ?" Pierre répond : "C'est par le NOM de Jésus- Christ de Nazareth." Mais cela veut-il dire le nom du Christ, ainsi que les traducteurs voudraient nous le faire croire ; ou alors cela signifierait-il "par le NOM qui était en la possession de Jésus de Nazareth", l'initié que les Juifs accusaient de l'avoir appris, mais qu'il avait vraiment reçu par initiation ? En outre, il affirme à maintes reprises que tout ce qu'il faisait, il le faisait au "Nom de son Père", et non au sien.

Mais quel est le Maçon moderne qui l'a entendu prononcer ? Dans leur propre rituel, ils confessent qu'ils ne l'ont jamais entendu. Le "Chevalier d'Eloquence" dit au "Chevalier T. :. Sage"que les mots de passe qu'il a reçus dans les degrés précédents "sont autant de corruptions" du véritable nom de Dieu, gravé sur le triangle ; et que, par conséquent, on a adopté un "substitut". C'est le cas, également, pour la Loge Bleue, où le Maître, représentant le Roi Salomon, est d'accord avec le Roi Hiram que le Mot *** "doit servir de substitut pour la parole de Maître jusqu'à ce que des siècles plus sages fassent découvrir la vraie parole". Quel est le Premier Surveillant parmi tous les milliers de ceux qui ont aidé à amener les candidats des ténèbres à la lumière ; ou quel est le Maître qui. "murmuré à l'oreille du supposé Hiram Abi, la "parole" mystique, en le tenant par les cinq points de compagnon, ont soupçonné la véritable signification de ce substitut qu'ils transmettent à "voix basse" ? Peu nombreux sont les nouveaux Maîtres [50] Maçons qui s'imaginent qu'il a un rapport occulte quelconque avec la "Moelle dans l'os". Que savent-ils de ce personnage mystique connu seulement de quelques adeptes sous le nom du "vénérable MAH", ou de ces mystérieux Frères Orientaux qui lui Obéissent, et dont le nom est abrégé dans la première syllabe des trois qui composent  le substitut Maçonnique – Le MAH, qui vit encore aujourd'hui en un lieu ignoré de tous, sauf des initiés, et auquel on ne peut accéder qu'en traversant des déserts impraticables, où n'ont passé ni les Jésuites ni les missionnaires, car la route est semée de dangers capables d'épouvanter les explorateurs les plus courageux ? Et néanmoins, pendant des générations entières ce jeu incompréhensible de voyelles et de consonnes a été murmuré à l'oreille des novices, comme s'il eût possédé assez de pouvoir pour faire dévier de sa course un duvet de chardon flottant dans l'air ! De même que le Christianisme, la Franc-Maçonnerie est un cadavre dont l'esprit s'est, depuis longtemps, envolé.

En relation avec ce qui précède, nous reproduisons une lettre de M. Charles Sotheran, Secrétaire Correspondant du Club Libéral de New-York, et que nous avons reçue le jour qui suivait la date qui y est indiquée. M. Sotheran est connu comme écrivain et conférencier sur des sujets d'antiquités, de mysticisme et autres. Il a pris un grand nombre de degrés dans la Maçonnerie, de sorte qu'il peut être considéré comme une autorité dans tout ce qui a trait à l'Ordre. Il est 32.:. A. et P.R ; 94.:. Memphis,  K.R +, Ch. Kadosh, M. M. 104. Aug. etc. Il est également un initié de la Fraternité anglaise moderne des Rose-Croix et d'autres sociétés, et éditeur Maçonnique du New-York Advocate. Voici la lettre en question, que nous plaçons devant les Maçons, afin qu'ils voient ce qu'un de leurs membres a à en dire : Club de la Presse de New-York, le 11 janvier 1877

 En réponse à votre lettre, je vous donne avec plaisir les renseignements que vous demandez au sujet  de l'antiquité et de la condition actuelle de la Franc- Maçonnerie. Je le fais avec d'autant plus de plaisir que nous appartenons tous deux aux mêmes sociétés secrètes, et que vous pourrez, par conséquent, mieux apprécier la nécessité où je me verrai de temps à autre de faire preuve de  réserve.  Vous  avez  raison  de  dire  que  la Franc-Maçonnerie, de même que les stériles théologies modernes, a une histoire fabuleuse à raconter. Embarrassé comme l'Ordre l'a été par le rebut et le courant des légendes bibliques absurdes, il ne faut pas s'étonner que son utilité ait été amoindrie, et que son action civilisatrice ait été entravée. Il est fort heureux que le mouvement anti-maçonnique, qui s'est déchaîné aux Etats-Unis pendant une partie du siècle actuel, ait obligé un nombre considérable de travailleurs à rechercher la véritable origine de la société, amenant ainsi un état de choses plus salutaire. De l'Amérique l'agitation s'est répandue en [51] Europe et les efforts littéraires des auteurs maçonniques, des deux côtés de l'Atlantique, tels que Rebold, Findel, Hyneman, Mitchell, Mackenzie, Hughan, Yarker et autres bien connus de la Fraternité font partie aujourd'hui de l'histoire. Le résultat de leurs travaux a été, en grande partie, de placer l'histoire de la Maçonnerie en pleine lumière, où ses enseignements, sa jurisprudence et son rituel ne sont plus des secrets pour les "profanes" qui savent lire entre les lignes.

"Vous avez raison de dire que la Bible est la "grande lumière"de la Maçonnerie européenne et américaine. La conséquence en est que cette conception théistique de Dieu, et de la cosmogonie biblique ont toujours été considérées comme deux de ses pierres d'angle. Sa chronologie  paraît  être  fondée  sur  la  même  pseudo-révélation. C'est ainsi que le Dr Dalcho, dans un de ses traités, affirme que les principes de l'Ordre maçonnique furent présentés à la création et lui sont contemporains. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'un pundit comme lui dise que Dieu fut le premier Grand Maître, Adam le second, et que celui-ci initia Eve au Grand Mystère, comme je le suppose que le furent par la suite plus d'une Prêtresse de Cybèle et plus d'une "chevalière"     Kadosh.

Le révérend Dr Oliver, autre autorité maçonnique, donne fort sérieusement ce qu'on pourrait nommer le procès-verbal d'une Loge où Moïse présidait comme Grand Maître, Josué comme Député Grand Maître et Aholiab et Bezaléel comme Grands Surveillants ! Le Temple de Jérusalem, que les archéologues modernes ont démontré être un édifice qui était loin d'avoir l'antiquité qu'on lui attribuait, et qui porte par erreur le nom d'un monarque où l'on reconnaît son caractère mythique, Sol-Om-On (le nom du soleil en trois langues), joue, comme vous le dites fort correctement, un rôle considérable dans le mystère maçonnique. Les fables de cette nature, et la traditionnelle colonisation maçonnique de l'ancienne Egypte, ont fait bénéficier l'Ordre d'une origine illustre à laquelle il n'a aucun droit et devant les quarante siècles de son histoire légendaire, les mythologies de Grèce et de Rome sont insignifiantes. Les théories égyptiennes, chaldéennes et autres, indispensables pour tous ceux qui ont été promoteurs des "hauts degrés", ont eu, chacune, leur courte période de prééminence. Par conséquent la dernière "hache à affûter" a été la féconde mère de la stérilité.

"Nous sommes d'accord tous deux, que les prêtres de l'antiquité avaient leurs doctrines ésotériques et leurs cérémonies secrètes. De la fraternité des Esséniens, elle- même une évolution des Gymnosophes hindous, procédèrent les Solidarités de la Grèce et de Rome, telles que les ont décrites les écrivains dits "païens". Fondées sur celles-ci, et les copiant en matières de rituel, de signes, d'attouchements et de mots de passe, les corporations du moyen âge se sont développées. De même que les "corporations à livrée" de la ville de Londres, reliques des corps de métiers anglais, les maçons opératifs n'étaient qu'une corporation d'ouvriers, ayant les plus hautes prétentions. Notre terme anglais Mason, constructeur de maison, vient du mot français "Maçon", dérivé de "Mas", ancien mot normand qui veut dire "maison". De même que les compagnies de Londres donnent, de temps à autre, à des étrangers, la franchise des Livrées, nous voyons les corporations de  maçons faire de même. C'est ainsi que le fondateur du Musée d'Ashmole reçut la franchise des Maçons à    Warrington dans le Lancashire, en Angleterre, le 16 octobre 1646. L'entrée dans la Fraternité d'hommes comme Elie Ashmole, aplanit le chemin pour la grande "Révolution Maçonnique en 1717", lors de la naissance de la Maçonnerie SPECULATIVE. Les Constitutions de 1723 et de 1738, par l'imposteur maçonnique Anderson, furent élaborées pour la première Grande Loge des "Maçons libres et [52] acceptés" d'Angleterre, de laquelle dérivent toutes les autres dans le monde d'aujourd'hui.

Ces constitutions factices, écrites par Anderson, furent compilées vers ce temps là, et pour faire accepter par la société son abject rebut, baptisé histoire, il eut l'audace de dire que presque tous les documents ayant rapport à la Maçonnerie en Angleterre avaient été détruits par les réformateurs de 1717. Fort heureusement, Rebold, Hughan et d'autres ont découvert au British Museum, à la Bodleian Library et dans d'autres institutions publiques, des preuves suffisantes, sous forme d'anciennes charges d'artisans Maçons pour réfuter ces allégations.

Il me semble que les mêmes écrivains ont victorieusement renversé les arguments des deux autres documents qu'on a attribués à la Maçonnerie, c'est-à-dire la fausse charte de Cologne de 1535, et le questionnaire falsifié, attribué à Leylande, l'antiquaire, d'après un manuscrit du roi Henri VI d'Angleterre. Dans celui-ci on parle de Pythagore comme ayant formé une Loge à Crotona, "où il initia beaucoup de Maçons, dont quelques-uns se transportèrent en France où ils en initièrent d'autres, et de là, à la suite des temps, l'art passa en Angleterre". Sir Christopher Wren, l'architecte de la cathédrale de Saint-Paul, à Londres, souvent appelé le Grand Maître des Franc-Maçons, était tout simplement le Maître ou le Président de la Compagnie des Artisans Maçons de Londres. Si un pareil tissu de fables a pu se mélanger à l'histoire des Grandes Loges qui président aujourd'hui aux trois premiers degrés symboliques, il ne faut pas s'étonner de ce que presque tous les  Hauts degrés Maçonniques aient eu le même sort, car on les a appelés avec raison "un mélange incohérent de principes contradictoires".

II est curieux de noter que la plupart des corps qui les travaillent, tels que le Rite Ecossais, ancien et accepté, le Rite d'Avignon, l'Ordre du Temple, le Rite de Fessler, le Grand Concile des Empereurs de l'Orient et de l'Occident – les Souverains Princes Maçons, etc., etc., sont presque tous des progénitures, des fils d'Ignace de Loyola. Le baron Hundt, le chevalier Ramsay, Tschoudy, Zinnendorf, et beaucoup d'autres qui fondèrent les grades de ces rites, travaillaient d'après les instructions de Général des Jésuites. Le nid où ces hauts degrés sont éclos (et aucun rite Maçonnique n'est plus ou moins à l'abri de leur influence néfaste), était le Collège des Jésuites de Clermont, à Paris.

"Ce Bâtard enfant-trouvé de la Franc-Maçonnerie, le "Rite Ecossais Ancien et Accepté", qui n'a pas été reconnu par les Loges Bleues, fut, à l'origine, l'œuvre du Jésuite le Chevalier Ramsay. Il fut introduit par lui en Angleterre en 1736-1738, pour venir en aide à la cause des Stuarts catholiques. Dans sa forme actuelle de trente-trois degrés, le rite fut réorganisé vers la fin du XVIIIème siècle  par  une  demi  douzaine  d'aventuriers  Maçons, à

Charleston, dans la Caroline du Sud. Deux d'entre eux, Pirlet un tailleur et un maître de danse nommé Lacorne, furent les prédécesseurs appropriés pour préparer la ressuscitation ultérieure que fit un nommé Gourgas, qui remplissait le rôle aristocratique de commis à bord d'un navire faisant le commerce entre New-York et Liverpool.

Le Dr Crucefix, autrement dit Goss, l'inventeur de quelques  médecines  brevetées  d'une  nature discutable, était à la tête de l'affaire en Angleterre. Les pouvoirs suivant lesquels ces dignes personnages  agissaient étaient un document qu'on prétendait avoir été signé à Berlin par Frédéric le Grand, le 1er mai 1786, révisant la Constitution  et  les  Statuts  des  grades  élevés, du Rite Ancien et Accepté. Ce document était un faux impudent et il fallut un protocole des Grandes Loges et des Trois Globes de Berlin, pour prouver surabondamment  que tout cet [53] arrangement était faux d'un bout à l'autre. En vertu des prétentions de ce document fictif, le Rite Ancien et Accepté a escroqué aux frères confiants de l'Amérique et de l'Europe, des milliers de dollars, pour la plus grande honte et le discrédit de l'humanité.

"Les Templiers modernes, auxquels vous vous référez dans votre lettre, ne sont que des geais parés de plumes de paon. Le but que se proposent les Templiers Maçons est d'instaurer une attitude sectaire dans la  Maçonnerie ou plutôt de la christianiser et d'en faire une fraternité qui admettrait les Juifs, les Parsis, les Mahométans, les Bouddhistes, en somme des fidèles de toutes les religions, qui professent la doctrine d'un dieu  personnel et l'immortalité de l'esprit. Suivant la croyance d'une section, sinon de tous les Israélites faisant partie de l'Ordre en Amérique, l'Ordre du Temple c'est le Jésuitisme.

"Il semble étrange, aujourd'hui que la croyance en un Dieu personnel est en train de s'éteindre, et que même les théologiens ont transformé leur divinité en une chose indéfinissable, impossible à décrire, qu'il y en ait encore qui s'opposent à l'acceptation générale du sublime panthéisme oriental primitif, de Jacob Boehme et de Spinoza. On chante encore souvent dans la Grande Loge et les dépendances de cette juridiction et d'autres, l'antique doxologie avec son Gloire au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, pour le plus grand déplaisir des Israélites et des frères libres penseurs, qu'on insulte de cette manière, sans nécessité. Cela n'aurait jamais lieu en Inde où la grande lumière de la Loge serait le Koran, le Zend- Avesta, ou un des Védas. L'esprit sectaire chrétien dans la Maçonnerie doit être aboli. Il y a  aujourd'hui des Grandes Loges en Allemagne qui n'admettent pas qu'on initie des Juifs, ou qu'on accepte dans leur juridiction des Israélites de pays étrangers comme frères. Les Maçons français, toutefois, se sont insurgés contre cette tyrannie et le Grand Orient de France permet maintenant qu'on reçoive dans l'Ordre des athées et des matérialistes. C'est un opprobre à la réputation d'universalité de la Maçonnerie que les frères français soient aujourd'hui mis à l'index.

Malgré ses nombreux défauts – car la Maçonnerie spéculative, après tout, est humaine, et par conséquent faillible – aucune autre institution n'a fait autant qu'elle, et n'est encore capable de si grandes choses dans l'avenir pour le progrès humain, politique et religieux. Au siècle dernier les Illuminés enseignaient d'un bout à l'autre de l'Europe "paix à la chaumière et guerre au palais". Au siècle dernier les Etats-Unis furent délivrés de la tyrannie de la mère patrie plus qu'on ne pourrait le croire par l'action des Sociétés Secrètes. Washington, Lafayette, Franklin, Jefferson, Hamilton étaient Maçons. Et au XIXème siècle ce fut le Grand Maître Garibaldi, 33°, qui fit l'unité de l'Italie, agissant d'accord avec l'esprit des frères fidèles, suivant les principes des Maçons, ou plutôt des carbonari, "liberté, égalité, humanité, indépendance, unité", enseignés déjà depuis des années par le frère Joseph Mazzini.

La Maçonnerie spéculative a encore beaucoup à faire. Il faut accepter la femme comme collaboratrice de l'homme dans la lutte pour la vie, ainsi que les maçons hongrois l'ont fait dernièrement, en initiant la comtesse Haideck. Un autre point important serait de reconnaître pratiquement la fraternité de l'humanité en ne refusant personne à cause de sa couleur, sa race, son rang social ou ses croyances. Les hommes de couleur ne devraient pas être, en théorie, seulement les frères des blancs. Les Maçons de couleur qui ont été dûment et régulièrement initiés, demandent à être admis dans toutes les Loges américaines, et [54] s'en voient refuser l'entrée. Puis il faut gagner l'Amérique du Sud à participer aux devoirs de l'humanité.

Si la Maçonnerie est, ainsi qu'elle le prétend, une science progressive,  et  une  école  de religion pure, elle doit toujours être à l'avant-garde de la civilisation et non pas à l'arrière-garde. Si elle ne constitue qu'un  effort empirique, un projet informe de l'humanité pour résoudre les plus profonds problèmes de la race, sans faire plus, qu'elle abandonne la place à de plus aptes successeurs, un de ceux, peut-être, que vous et moi connaissons, un conseiller qui a travaillé avec les chefs de l'Ordre, au moment de ses plus grands triomphes, en leur soufflant à l'oreille comme faisait le démon de Socrate.

Bien à vous CHARLES SOTHERAN.

C'est ainsi que s'effondre le grand poème épique de la Maçonnerie, chanté par tant de mystérieux chevaliers, comme un nouvel évangile révélé. Nous constatons que le Temple de Salomon a été miné et renversé par ses propres "Maîtres Maçons", pendant le siècle actuel. Mais  si, suivant l'ingénieuse description exotérique de la Bible, il y a encore des Maçons pour persister à croire qu'il y a eu une fois un édifice véritable de cette nature, quel est l'étudiant de la doctrine ésotérique qui envisagera ce temple mythique autrement que comme l'allégorie de la science occulte ? Nous laissons aux archéologues le soin de décider si oui ou non il a jamais existé ; mais aucun lettré sérieux versé dans le jargon des cabalistes et des alchimistes de l'antiquité et du moyen âge ne doutera un seul instant que la description qui en est donnée au I Livre des Rois, n'est autre chose qu'une pure allégorie. La construction du Temple de Salomon est la représentation symbolique de l'acquisition graduelle de la sagesse secrète, autrement dit, la magie ; la croissance et le développement du spirituel en partant du terrestre ; la manifestation de la puissance et de la beauté de l'esprit dans le monde physique, au moyen de la sagesse et du génie du constructeur. Lorsque celui-ci devient un adepte, il est un roi plus puissant que Salomon, lui-même, qui était l'emblème du soleil ou Lumière – la lumière du monde subjectif lui-même réel, éclairant les ténèbres de l'univers objectif. Voilà le Temple qui peut être édifié sans qu'on y entende "pendant sa construction" le bruit des marteaux, ou celui des outils de fer.

Dans l'Orient, cette science est appelée, dans certains endroits, le "Temple  aux  sept  étages"  dans  d'autres  le  "Temple  aux  neuf   étages" chaque étage correspond, allégoriquement, à l'acquisition d'un degré de la connaissance. Dans tous les pays orientaux, où on étudie la Magie ou la Religion de Sagesse, les pratiquants et les élèves, sont connus dans leur école comme des Constructeurs – car ils édifient le Temple de la connaissance, ou de la science [55] occulte. On appelle les adeptes actifs, les constructeurs pratiques ou opératifs, tandis que les étudiants ou néophytes sont spéculatifs ou théoriques. Les premiers prouvent leurs œuvres par le contrôle des forces sur la nature inanimée et animée : les derniers ne font que se perfectionner dans les rudiments de la science sacrée. Il est évident que tous ces termes ont été empruntés dès le début, par des fondateurs inconnus, aux premières corporations maçonniques.

Dans le jargon populaire d'aujourd'hui, on comprend par "Maçons opératifs", les ouvriers qui composaient la société jusqu'à l'époque de Sir Christopher Wren ; et par "Maçons spéculatifs" tous les membres de l'Ordre tels qu'ils apparaissent aujourd'hui. Les paroles attribuées à Jésus : "Tu es Pierre... et sur cette pierre je bâtirai mon église ; et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle", défigurées comme elles l'ont été par la fausse traduction et l'incompréhension fournissent clairement la véritable signification. Nous avons donné la signification que les hiérophantes attribuaient aux mots de Pater et de Petra – cette interprétation était tracée sur les tables de pierre de l'initiation finale, et était remise par l'initiateur au futur élu. Après avoir pris connaissance de son mystérieux contenu, qui lui révélait les mystères de la création, l'initié devenait, lui-même, un constructeur, car on lui avait donné à connaître le dodécahédre, ou figure géométrique sur laquelle l'univers est édifié. A ce qu'il avait appris dans les initiations précédentes au sujet de la règle et des principes de l'architecture, venait s'ajouter une croix, dont les branches horizontales et perpendiculaires, supposées former la fondation du temple spirituel en les plaçant en travers de la jonction, ou point central primordial, l'élément de toutes les existences 75, représentaient la première idée concrète de la divinité. Il pouvait, dorénavant comme un maître- constructeur (voyez I Corinthiens III. 10) élever pour lui-même un temple de sagesse sur ce roc, Petra ; et lui ayant posé un soubassement solide "laisser un autre bâtir dessus".

 75 Pythagore.

 

L'hiérophante égyptien recevait une coiffure carrée qu'il devait porter continuellement, et une équerre (voyez les signes maçonniques) sans laquelle il ne pouvait sortir. Le Tau parfait, formé par la ligne perpendiculaire (le rayon descendant mâle, ou esprit) la ligne horizontale (le rayon femelle, ou matière) et le cercle mondial était un attribut d'Isis, et ce n'était qu'à la mort de l'hiérophante que la croix égyptienne était placée sur la poitrine de sa momie. Ces coiffures carrées sont portées, encore de nos jours, par les prêtres arméniens. La prétention que la croix soit un symbole purement chrétien, introduit après notre ère, est en vérité fort [56] étrange, car nous constatons qu'Ezéchiel mettait au front des hommes de Judah qui craignaient le Seigneur (Ezéchiel IX. 4) la marque du Tau, ainsi qu'il est traduit dans la Vulgate. Chez les anciens hébreux ce signe avait la forme de , mais dans  les  hiéroglyphes  égyptiens  originaux  il prenait celle de la parfaite croix chrétienne t. De même, dans l'Apocalypse, "l'Alpha et l'Oméga" (l'esprit et la matière), le premier et le dernier, met le nom de son Père sur le front des élus.

Et si nos affirmations sont erronées, si Jésus n'était pas un initié, un sage constructeur, ou Maître Maçon, ainsi qu'on les nomme aujourd'hui, comment se fait-il que sur les plus anciennes cathédrales nous le voyons représenté avec tous les signes d'un Franc-Maçon ? Dans la cathédrale de la Santa-Croce, à Florence, on peut voir au-dessus du grand portail, la figure du Christ une équerre parfaite à la main.

Les "Maîtres Maçons" survivants des corporations d'artisans du véritable Temple peuvent maintenant circuler à jamais, littéralement demi- nus et le pied déchaussé, non pas comme une simple cérémonie, mais parce que, de même que le "Fils de l'Homme" ils n'ont pas où reposer la tête – tout en étant les seuls survivants qui possèdent encore la "Parole". Leur "câble" est la triple corde de certains Sannyâsis Brahmanes, ou le cordon auquel certains lamas suspendent leur pierre yu ; mais aucun d'eux ne voudrait se séparer de son talisman en apparence sans valeur aucune, pour tous les trésors de Salomon et de la reine de Saba. Le bambou à sept nœuds du fakir peut devenir aussi puissant que la verge de Moïse "laquelle fut créée au déclin du jour et sur laquelle était gravé le NOM sublime et glorieux, par le pouvoir duquel il devait faire tant de miracles à Mizraïm".

Mais ces "artisans" n'ont aucune crainte de voir leurs secrets dévoilés par les traîtres ex-grands prêtres des chapitres, quoiqu'ils aient été transmis à leur génération par d'autres que Moïse, Salomon et Zerubabel. Si Moïse Michel Hayes, le Frère israélite qui introduisit la Maçonnerie de l'Arche Royale dans ce pays (en décembre 1778) 76 avait eu un pressentiment prophétique des trahisons futures, il aurait sans doute, institué des obligations plus efficaces qu'il ne le fit.

En vérité la Parole omnifique de l'Arche Royale, "depuis longtemps perdue, mais maintenant retrouvée" a tenu sa promesse prophétique. Le mot de passe de ce degré n'est plus "JE SUIS CELUI QUI SUIS", il est simplement aujourd'hui "J'étais, mais je ne suis plus !" [57] 77.

 76 Le premier Grand Chapitre fut fondé à Philadelphie en 1797.

77 Voici la traduction de ce texte écrit en utilisant l'alphabet indiqué à la page 60 et obtenu suivant la première méthode : "O Maçons de l'Arche Royale, comme vous avez mal préservé vos mystères ; que ces lignes l'attestent." (N. du Trad.).

 

Afin qu'on ne puisse pas nous accuser de forfanterie, nous donnerons les clés de quelques chiffres secrets, des prétendus Hauts-Grades Maçonniques les plus exclusifs et les plus importants. Si nous ne faisons erreur, ils n'ont pas encore été révélés au monde profane (sauf celui des Maçons de l'Arche Royale en 1830), ils ont été, au contraire, jalousement gardés par les différents Ordres. Nous n'avons fait aucune promesse, nous n'avons pris aucune obligation et fait aucun serment, et nous ne violons, par conséquence aucune confidence. Notre objet n'est point de satisfaire une vaine curiosité ; nous voulons seulement démontrer aux Maçons et aux affiliés de toutes les autres sociétés occidentales – y compris la Société de Jésus – qu'il est impossible pour eux de garder le secret que les Fraternités orientales ont un intérêt à connaître. Cela leur prouvera, par conséquent, que si celles-ci sont capables de soulever le masque qui cache les sociétés européennes, elles réussissent néanmoins à se mettre elles-mêmes à l'abri ; car, s'il est une chose universellement reconnue, c'est que pas  un seul secret véritable, des anciennes fraternités survivantes, n'est devenu la possession des profanes.

Quelques-uns de ces chiffres furent en usage chez les Jésuites dans leur correspondance secrète lors de la conspiration des Jacobins, et lorsque la Franc-Maçonnerie (les prétendus successeurs des Templiers) fut employée par l'Eglise dans un but politique.

Findel dit (dans son History of Freemasoury, p. 253) qu'au XVIIIème siècle, "outre les Chevaliers Templiers modernes, nous voyons les Jésuites... défigurer la bonne renommée de la Franc-Maçonnerie. Plusieurs auteurs maçonniques, bien au courant de l'époque, et en parfaite connaissance des événements, affirment positivement, qu'à ce moment, et plus tard encore, les Jésuites exercèrent une influence pernicieuse sur la fraternité, ou tout au moins essayèrent de le faire". Il remarque, au sujet de l'Ordre des Rose-Croix, sur l'autorité du Professeur Woog, que "dès l'abord, son but n'était... que de faire avancer et développer le Christianisme. Lorsque cette religion manifesta la détermination d'abolir complètement la liberté de pensée... les Rose-Croix de leur côté, se mirent en oeuvre pour arrêter, s'il était possible, les progrès de cette instruction largement répandue".

On reconnaît, dans le Sincerus Renatus (le véritable convert) de S. Richter, Berlin (1714) que des lois furent promulguées pour [58] le gouvernement des "Rose-Croix d'Or" qui "portent la preuve évidente de l'intervention des Jésuites".

Commençons par la cryptographie des "Souverains Princes Rose- Croix", aussi nommés Chevaliers de Saint-André, Chevaliers de l'Aigle et du Pélican, Heredom, Rosx Crucis, Rose-Croix, Triple Croix, Frères Parfaits, Princes Maçons, et ainsi de suite.

Les "Rose-Croix Heredom" prétendent aussi descendre des Templiers de 1314 78.

 CHIFFRE DES S.:. P.:. R.:. C.:.

 78 Voyez les Notes on the Mysteries of Antiquity, p. 153, de Yarker.

 

CHIFFRE DES CHEVALIERS ROSE-CROIX DE HEREDOM

 

(de Kilwining).

 

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CHIFFRE DES CHEVALIERS KADOSH

 

(aussi celui de l'Aigle Blanc et Noir et des Chevaliers Templiers)

 

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z

 

Les Chevaliers Kadosh possèdent encore un autre chiffre – ou plutôt hiéroglyphe – lequel, dans ce cas est copié de l'hébreu, probablement afin d'être mieux en rapport avec les Kadeshim du Temple de la Bible 79. [59]

79 Voyez o, Rois XXIII, 7 textes hébreu, et anglais, mais tout spécialement le premier. On donne dans le degré Kadosh une conférence sur l'origine de la Maçonnerie depuis Moïse, Salomon, les Esséniens et les Templiers. Les Chevaliers K. chrétiens peuvent se faire une idée du "Temple" auquel leurs ancêtres avaient été liés, par descendance généalogique, en consultant le verset 13 du chapitre déjà mentionné.

 

 

HIÉROGLYPHE DES K∴ KAD∴

  

Quant au chiffre de l'Arche Royale, il a été déjà divulgué, mais nous ferons bien de le transcrire, quelque peu amplifié.

Ce chiffre consiste en des combinaisons d'angles droits avec ou sans points. Voici la base sur laquelle il a été construit :

  [60]

Or, l'alphabet comprend vingt-six lettres, et en disséquant ces deux signes, on forme treize caractères distincts, comme suit :

 Un point placé au centre de chaque signe en donne treize autres :

 Ce qui fait un total de vingt-six lettres, équivalant au nombre des lettres de l'alphabet.

Il y a, pour le moins, deux manières de combiner et de se servir de ces caractères pour la correspondance secrète. Dans une de ces méthodes on appelle le premier signe a ; le même avec un point au milieu      b,    etc. L'autre méthode consiste à les appliquer à la suite les uns des autres à la première moitié de l'alphabet a, b, et ainsi de suite jusqu'à m ;   après quoi on les répète avec un point en commençant par n, o, etc., jusqu'à z.

Suivant la première méthode l'alphabet se présente ainsi :

 et d'après la seconde méthode :

 Outre ces signes, les Maçons français, sans doute à la suite de l'enseignement de leurs distingués maîtres – les Jésuites, ont perfectionné ce chiffre dans tous ses détails. Ils ont donc imaginé des signes pour les virgules, les diphtongues, les accents, la ponctuation, etc., et ces signes sont les suivants : [61]

 Mais en voilà assez. Nous pourrions, si nous le voulions, donner les alphabets chiffrés avec leurs clés d'une autre méthode des Maçons de l'Arche Royale, avec une forte ressemblance à certains caractères hindous ; du G.:. El.:. de la Cité Mystique ; d'une forme bien connue du manuscrit Devanagri des Sages (français) des Pyramides ; et du Sublime Maître du Grand ouvre, et de bien d'autres. Nous y renonçons, mais, qu'on le sache bien, seulement, parce que seules quelques-unes de ces branches latérales des Loges Bleues Maçonniques originelles maintiennent la promesse d'un avenir utile. Quant aux autres, abandonnons-les aux cendres du temps. Les Maçons de haut grade comprendront ce que nous voulons dire par-là.

Il faut maintenant que nous fassions la preuve de ce que nous avançons, que le nom de Jehovah, si les Maçons le maintiennent, demeurera toujours un substitut, mais ne sera jamais identique au mirifique nom perdu. C'est si bien connu des cabalistes, que dans leur soigneuse étymologie du יהוה, ils prouvent d'une manière incontestable qu'il est un des nombreux substituts pour le véritable nom et qu'il est composé du double nom du premier androgyne – Adam et Eve, Jod (ou Yodh), Vau et He-Va – le serpent féminin comme le symbole de l'Intelligence Divine, qui procède de L'UNIQUE générateur ou Esprit Créateur 80. Par conséquent Jéhovah n'est pas du tout le nom sacré. Si Moïse avait communiqué à Pharaon le véritable "nom", celui-ci n'aurait pas répondu comme il le fit, car les Rois-Initiés égyptiens le connaissaient aussi bien que Moïse, qui l'avait appris d'eux. Le "nom" était, à cette époque, la propriété commune des adeptes de toutes les nations de la terre, et Pharaon connaissait sans aucun doute, le "nom" du plus Grand Dieu mentionné dans le Livre des Morts. Mais au lieu de cela, Moïse (si nous nous en tenons littéralement à l'allégorie du livre de l'Exode) communique à Pharaon le nom de Yeva, l'expression ou la forme du nom Divin employée par tous les Targums prononcés par Moïse. De là la réponse du Pharaon : "Et qui est ce Yeva 81 pour que j'obéisse à sa voix ?"

 80 Eliphas Lévi, Dogme et Rituel, vol. 1.

81 Yeva est le Heva, la contre-partie féminine de Jéhovah-Binah.

 

"Le Jéhovah" ne date que de l'innovation Masorétique. Quand les Rabbins, craignant de perdre la clé de leur propre doctrine, écrite à ce moment-là, exclusivement au moyen de consonnes, commencèrent à insérer leurs points de voyelles dans leurs manuscrits, ils étaient absolument ignorants de la véritable prononciation du [62] NOM. Ils lui donnèrent, par conséquent, le son de Adonah, en le faisant lire Ja-ho-vah. Celui-ci est donc une pure fantaisie, une perversion du Nom Sacré. Et comment auraient-ils pu le connaître ? Seuls, dans toute leur nation, les Grands Prêtres en avaient la possession, qu'ils repassaient respectivement à leurs successeurs, de même que le Brahmaâtma le fait avant sa mort. Une fois par année seulement, le jour de l'expiation, le Grand Prêtre pouvait le prononcer en murmurant. Passant derrière le voile dans la chambre intérieure du sanctuaire, le Saint des Saints, il invoquait, la lèvre tremblante, et en baissant les yeux le NOM redouté. La persécution acharnée contre les cabalistes, qui reçurent les précieuses syllabes après avoir mérité cette faveur par une vie entière de sainteté, venait de ce qu'on soupçonnait qu'ils en faisaient un mauvais usage. Au début de ce chapitre nous avons raconté l'histoire de Siméon Ben-Jochai, une des victimes de cette connaissance inestimable, et nous constatons combien il avait peu mérité ce cruel traitement.

 D'après ce que nous dit un prêtre hébreu, fort savant, de New-York, le Livre de Jasher est un ouvrage écrit en Espagne au XIIème siècle, dans le style des "récits populaires", mais qui n'avait pas la sanction du collège des Rabbins de Venise ; il fourmille d'allégories cabalistiques, alchimiques   et

magiques. Si nous faisons cette concession, il faut avouer qu'il n'y a que peu de récits populaires qui ne soient pas fondés sur des vérités historiques. Le Norsemen in Iceland 82 par le Dr G.-W. Dasent, est aussi une collection de contes populaires mais ils contiennent la clé du culte religieux primitif de ce peuple. Il en est de même du Livre de Jasher. Il contient sous une forme condensée, tout l'Ancien Testament, et ainsi que le prétendaient les Samaritains, les Cinq Livres de Moïse, à l'exception des Prophètes. Bien qu'il ait été rejeté par les Rabbins orthodoxes, nous ne pouvons nous empêcher de penser que, de même que pour les Evangiles apocryphes, qui ont été écrits avant les livres canoniques, le Livre de Jasher est l'original véritable qui a servi plus tard de modèle pour écrire la Bible. Tant les Evangiles apocryphes, que le Livre de Jasher sont une suite de récits religieux, dans lesquels un miracle vient s'ajouter à l'autre, en donnant la narration des légendes populaires telles qu'elles apparurent à l'origine, sans toutefois tenir compte de la chronologie ou du dogme. Il n'y a pas de doute qu'il a dû y avoir un Livre de Jasher antérieur au Pentateuque de Moïse, car on en parle dans les livres de Josué, d'Isaie et de II Samuel.

 82 Les Scandinaves en Islande.

 

La différence entre les Elohistes et les Jéhovistes n'est nulle part aussi apparente que dans le Livre de Jasher. On y parle de [63] Jéhovah comme le comprenaient les Ophites, c'est-à-dire le fils de Ilda-Baoth, ou Saturne. Dans ce livre, lorsque le Pharaon leur demande "Qui est-il, celui dont parle Moïse comme du Je suis ? les Mages égyptiens répondent que le Dieu de Moïse "ainsi que nous l'avons appris, est le Fils des Sages, le Fils d'anciens rois" (ch. LXXIX. 45) 83. Or, ceux qui affirment que le Livre de Jasher est un faux du XIIème siècle – et nous le croyons aisément – devraient néanmoins fournir l'explication du fait curieux que, tandis que le texte ci- dessus ne se trouve point dans la Bible, la réponse, elle, s'y trouve bien,   et dans des termes qui ne prêtent pas à l'équivoque. Dans Isaïe XIX. II, "Seigneur Dieu" s'en plaint amèrement au prophète en disant : "Les princes de Zoan ne sont que des insensés, les sages conseillers de Pharaon forment un conseil stupide. Comment osez-vous dire à Pharaon : Je suis fils des Sages, fils d'anciens Rois ?" ce qui constitue, sans contredit, la réponse à la question ci-dessus. Dans Josué X. 13, on voit que le Livre de Jasher est mentionné pour corroborer l'outrageante affirmation que le soleil s'arrêta et que la lune suspendit sa course, jusqu'à ce que la nation eût tiré vengeance de ses ennemis. "Cela n'est-il pas écrit dans le livre du Juste ? (le Livre de Jasher) dit le texte. Dans le 2 Samuel 1.19 le même livre est encore cité ; on y lit : "Il est écrit dans le Livre de Jasher". Il est clair que Jasher doit avoir été antérieur à Josué ; et, puisque le verset d'Isaïe se réfère, sans contredit, au passage ci-dessus mentionné, nous avons autant de raisons pour accepter l'édition courante de Jasher comme une transcription, ou compilation tirée du livre originel, que de croire au Pentateuque de la version des Septante en tant qu'annales sacrées primitives des Hébreux.

 83 Voici un rapprochement fort suggestif, par rapport à ce nom de Jéhovah, "le Fils d'anciens Rois", avec la secte des Jains de l'Hindoustan, connue sous le nom de Sauryas. Ils admettent que Brahma est un Devatâ, mais ils contestent son pouvoir créateur, et lui donnent le nom de "Fils de Roi". Voyez les Asiatic Researches, vol. IX, p. 279.

 

De toutes manières, Jéhovah n'est pas l'ancien des anciens du Sohar ; car nous le retrouvons, dans ce livre, discourant avec Dieu le Père au sujet de la création du monde. "Le maître des travaux dit au Seigneur : Faisons l'homme à notre image" (Sohar L, fol. 25). Jéhovah n'est que le Métatron, et peut-être même pas le plus élevé, mais seulement un des Mons ; car celui qu'Onkelos nomme Memro, la "Parole", n'est pas le Jéhovah exotérique de la Bible, et il n'est pas non plus le Jahve הוהי, Celui qui Est.

L'inextricable confusion des noms divins est due, au secret qu'ont gardé les cabalistes primitifs, anxieux de mettre le véritable nom mystérieux de l'Eternel a à l'abri de la profanation, [64] et plus tard à la prudence que les alchimistes et occultistes du moyen âge étaient obligés d'adopter pour ne pas mettre leur vie en danger. C'est cette raison qui fit accepter le nom biblique de Jéhovah comme celui de "l'unique Dieu Vivant" Tout juif ancien, prophète ou homme d'une  importance quelconque connaissait la différence ; mais comme cette différence consistait dans la vocalisation du "nom", et que sa prononciation exacte était punie de mort, la masse du peuple en était ignorante, car aucun initié n'aurait risqué sa vie pour la leur apprendre. C'est ainsi que la divinité du Sinaï en vint graduellement à être confondue avec "Celui dont le nom n'est connu que des Sages". Lorsque Capellus traduit : "Quiconque prononcera le nom de Jéhovah sera puni de mort", il commet une double erreur. La première c'est de mettre un h final à ce nom, s'il veut que cette divinité soit considérée comme mâle ou androgyne, car cette lettre rend le nom féminin, comme il devrait être, puisqu'il est un des 'noms de Binah, la troisième émanation ; sa seconde erreur est d'affirmer que le mot nokeb signifie seulement prononcer distinctement. Il signifie prononcer correctement. Par conséquent il faut envisager le nom biblique de Jéhovah seulement comme un substitut, lequel, appartenant à une des "puissances", a été employé pour celui de "l'Eternel". Il y a, sans doute, une erreur (parmi beaucoup d'autres) dans un texte du Lévitique, qui a été corrigé par Cahen, et qui prouve que l'interdiction ne touchait pas le nom exotérique de Jéhovah dont les nombreux autres noms pouvaient être prononcés sans encourir une pénalité quelconque 84. Dans la traduction erronée anglaise on lit : "Celui qui blasphèmera le nom du Seigneur sera puni de mort"  (Lévit.XXIV. 16). Cahen le rend beaucoup plus correctement par : "Celui qui blasphèmera le nom de l'Eternel sera puni de mort", etc. "L'Eternel" étant quelque chose de plus élevé que le "Seigneur" exotérique et personnel 85.

85 Bible hébraïque de Cahen, III, p. 117.

84 Comme par exemple, Shaddai, Elohim, Sabaoth, etc.

 

 

De même que chez les nations des Gentils, les symboles des Israélites portaient toujours, directement ou indirectement sur le culte du soleil. Le Jéhovah exotérique de la Bible est un dieu double, comme tous les autres dieux ; et le fait que David – qui est absolument ignorant de Moïse – loue son "Seigneur", et l'assure que "le Seigneur est un grand Dieu, et un grand Roi au-dessus de tous les dieux", peut être d'une importance capitale pour les descendants de Jacob et de David, mais leur Dieu national n'a absolument rien à faire avec nous. Nous sommes tout prêts à montrer au "Seigneur Dieu" d'Israël le même respect que nous professons pour Brahma, Zeus ou n'importe quelle autre Divinité [65] secondaire. Mais nous refusons catégoriquement de reconnaître en lui, soit la divinité qu'adorait Moïse, ou le "Père" de Jésus, ou encore le "Nom Ineffable" des cabalistes. Jéhovah est, peut-être, un des Elohim, employés dans la formation (nous ne disons pas la création) de l'univers, un des architectes qui édifia avec de la matière préexistante, mais il n'a jamais été la cause "Inconnaissable" qui créa le "bara" dans la nuit de l'Eternité. Ces Elohim commencent par former et bénir ; puis ils maudissent et détruisent ; en tant qu'une de ces puissances, Jéhovah est tour à tour bienfaisant et malfaisant ; il punit à un moment donné pour se repentir ensuite. Il est l'antétype de plusieurs patriarches – d'Esaü et de Jacob, les jumeaux allégoriques, symboles du double principe qui se manifeste toujours dans la nature. De même Jacob qui est Israël, est le pilier de gauche – le principe féminin d'Esaü, qui est le pilier de droite et le principe mâle. Lorsqu'il lutte avec Malach-Iho, le Seigneur, c'est celui-ci qui devient le pilier de droite, et Jacob-Israël appelle Dieu ; bien que les traducteurs de la Bible aient cherché à le transformer en un simple "ange du Seigneur" (Genèse XXXII) Jacob le terrassa – de même que la matière est souvent victorieuse de l'esprit – mais il eut la hanche démise dans la lutte.

Le nom d'Israël est dérivé d'Isaral ou d'Asar, le Dieu Solaire, connu sous les noms de Suryal, Surya, et Sur. Israël signifie "luttant avec Dieu". Le "soleil se levant sur Jacob-Israël s, est le Dieu-Solaire Isaral, qui féconde la matière ou la terre, représentée par le Jacob féminin. Comme d'habitude,  cette  allégorie  a  plusieurs  significations  cachées  dans la Cabale. Esaü, Æsaou et Asu, sont aussi le Soleil. De même que le "Seigneur", Esaü lutte avec Jacob, mais ne sort pas vainqueur du combat. Le Dieu-Solaire lutte premièrement contre lui, et conclut ensuite un pacte avec lui.

"Le soleil se levait, lorsqu'il passa sur Péniel, Jacob boitait de la hanche" (Genèse XXXII. 31) Israël Jacob combattu par son frère Esaü, c'est Samael, et "les noms de Samael sont Azazel et Satan" (l'adversaire).

Si l'on prétend que Moïse n'était pas au courant de la philosophie hindoue, et que, par conséquent, il n'a pas pu prendre Siva, le régénérateur et le destructeur, comme modèle pour Jéhovah, nous devons admettre qu'une intuition miraculeuse, internationale pousse chaque nation à choisir pour sa divinité nationale exotérique, le double type que nous retrouvons dans le "Seigneur Dieu" d'Israël. Toutes ces fables parlent par elles- mêmes. Siva, Jéhovah, Osiris, sont, tous, le symbole du principe actif, par excellence, de la nature. Ce sont les forces qui président à la formation  ou à la régénérescence de la matière et à sa destruction. Ce sont les types [66] de la Vie et de la Mort, se fécondant et se décomposant sous le flux incessant de l'anima mundi, l'Ame Universelle intellectuelle, l'esprit invisible, mais toujours présent, qui est derrière la corrélation des forces aveugles. Cet esprit, seul, est immuable, et par conséquent, les forces de l'univers, la cause et l'effet, sont toujours en parfaite harmonie avec la Grande Loi Unique et Immuable. La Vie Spirituelle est l'unique principe primordial, là-haut ; la Vie Physique est le principe primordial, ici-bas, mais ils sont Un sous leur double aspect. Lorsque l'Esprit  est complètement libéré des entraves de la corrélation et que son essence s'est purifiée au point d'être réunie à sa CAUSE, il peut – mais qui dira s'il le veut en réalité – avoir une lueur de la Vérité Eternelle. Jusqu'à ce moment, ne nous élevons pas d'idoles à notre propre image, et n'acceptons pas les ombres à la place de la Lumière Eternelle.

Le plus grand tort de notre siècle a été de vouloir comparer les mérites relatifs de toutes les anciennes religions, et de tourner en ridicule les doctrines de la Cabale et autres superstitions.

Mais la vérité est plus étrange encore que la fiction ; et cet adage, ancien comme le monde, s'applique parfaitement au cas en question. La "sagesse a des âges archaïques ou la "doctrine secrète" incorporée dans la Cabale Orientale, dont, nous l'avons déjà dit, celle des Rabbins n'est qu'un abrégé, n'est pas morte avec les Philalethéens de la dernière Ecole Eclectique. La Gnose plane encore sur la terre et ses fidèles, bien qu'inconnus, sont nombreux. Les fraternités secrètes de cette catégorie ont été mentionnées avant l'époque de Mackenzie, par plus d'un grand auteur. Si on les a tenues pour des fictions de romanciers, cela n'a fait qu'aider les "frères adeptes" à garder plus aisément leur incognito. Nous en avons personnellement connu quelques-uns, qui avaient vu l'histoire de leurs loges, les communautés dans lesquelles ils vivaient et les merveilleux pouvoirs qu'ils exerçaient depuis de longues années niés et tournés en ridicule par des sceptiques qui ne soupçonnaient pas à qui ils avaient affaire. Quelques-uns de ces frères appartiennent au groupe peu nombreux des "voyageurs". Jusqu'à la fin de l'heureux règne de Louis-Philippe, les garçons d'hôtel parisiens et les commerçants leur donnaient pompeusement le titre de "nobles étrangers" et on les prenait innocemment pour des "Boyards", des "Hospodars" valacques, des "Nababs" hindous et des "Margraves" hongrois, qui affluaient à la capitale du monde civilisé pour admirer ses monuments et jouir de ses plaisirs. Il y en  eut, toutefois, d'assez fous pour croire que la présence de certains mystérieux hôtes à Paris, avait une relation quelconque avec les événements politiques qui eurent lieu par la suite. Ceux-là rappellent, du moins comme de curieuses coïncidences, la Révolution de 1793, le scandale des Mers du Sud, [67] immédiatement après l'arrivée des "nobles étrangers" qui avaient révolutionné Paris plus ou moins longtemps soit par leurs doctrines mystiques, soit par leurs "dons surnaturels". Les Saint-Germain et les Cagliostro de notre siècle ayant appris d'amères leçons à la suite des diffamations et des persécutions du passé, adoptent aujourd'hui une tactique différente.

Mais nombre de ces fraternités mystiques n'ont rien du tout à faire avec les pays "civilisés", et c'est au sein de leurs communautés ignorées, que se cachent les squelettes du passé. Ces "adeptes", s'ils le voulaient, pourraient revendiquer d'étranges ancêtres, et exhiber des documents authentiques qui fourniraient l'explication de plus d'une page mystérieuse de l'histoire profane et sacrée. Si la clé des écritures hiératiques, et le secret des symbolismes égyptien et hindou avaient été connus des  Pères chrétiens, ils n'auraient pas laissé debout un seul monument antique. Et cependant, si nous sommes bien informés – et nous avons la prétention de l'être – il n'en existe pas un seul dans toute l'Egypte, dont les annales secrètes et les hiéroglyphes n'aient pas été soigneusement enregistrés par la caste sacerdotale. Ces annales existent encore aujourd'hui, bien "qu'inexistantes" pour le public en général, et bien que les monuments eux- mêmes aient peut-être à jamais disparu.

Sur quarante-sept tombeaux de rois, près de Gornore, mentionnés par les prêtres égyptiens sur leurs registres sacrés, dix-sept seulement sont connus du public, suivant Diodore de Sicile, qui visita l'emplacement, environ soixante ans avant J.-C. Malgré cette preuve historique, nous affirmons que le nombre entier existe encore à ce jour, et le tombeau royal découvert par Belzoni, dans les montagnes de grès de Biban-el-Melook (Melech ?) n'en est qu'un faible spécimen. Nous ajouterons, en outre, que les Chrétiens arabes, les moines, disséminés dans leurs pauvres couvents désolés, sur les confins du désert de Lybie, connaissent l'existence de ces reliques ignorées. Mais ce sont des Coptes, seuls survivants de la véritable race égyptienne, et les Coptes, d'une nature plus prédominante que celle des moines chrétiens, gardent le silence ; pour quelle raison ? ce n'est pas à nous à le dire. Il y en a qui croient que leur vêtement monacal n'est qu'un masque, et qu'ils ont choisi leur demeure dans ces déserts arides et désolés, entourés de tribus musulmanes, dans un but futur tout spécial d'eux seul connu. Quoi qu'il en soit, les moines grecs de Palestine les tiennent en haute estime ; il court même une rumeur parmi les pèlerins chrétiens de Jérusalem, qui accourent en grand nombre à Pâques au Saint-Sépulcre, que le feu sacré du ciel ne descend jamais aussi miraculeusement [68] que lorsque ces moines du désert sont là pour le faire descendre par leurs prières 86.

"Le royaume des Cieux est violenté, et les impétueux le prennent de force." Les candidats sont nombreux qui assiègent la porte de ceux qui ont la réputation de connaître le chemin qui conduit aux confréries secrètes. La grande majorité s'en voit refuser l'entrée, et ils s'en vont en interprétant le refus comme une preuve de la non-existence de ces sociétés secrètes. Sur la minorité qui est acceptée, plus des deux tiers échouent aux épreuves. La septième règle des anciennes confréries de Rose-Croix, qui est universelle pour toutes les véritables sociétés secrètes : "On devient un Rose-Croix, on ne le fait pas", est plus que la généralité des hommes est capable d'endurer.

 86 Les moines grecs font exécuter ce miracle pour les fidèles tous les ans, dans la nuit avant Pâques. Des milliers de pèlerins attendent pour allumer leurs cierges à ce feu sacré, qui descend de la voûte de la chapelle et flotte au-dessus du sépulcre en langues de feu, à l'heure précise et au moment donné, jusqu'à ce que chacun des milliers de pèlerins y ait allumé son cierge.

 

Mais n'allez pas supposer qu'aucun candidat ayant échoué, osera divulguer au monde même le peu qu'il a appris, ainsi que c'est le cas pour beaucoup de Francs-Maçons. Nul ne sait mieux qu'eux combien il est improbable qu'un néophyte révèle ce qui lui a été communiqué. Ces sociétés continueront à laisser nier leur existence sans dire un mot, jusqu'au jour où elles abandonneront leur réserve et feront voir jusqu'à quel point elles sont maîtresses de la situation.

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