d. Le Besoin de Vie Créatrice
Ceci nous amène à considérer un peu plus en détail notre quatrième point, qui est le besoin de vie créatrice au moyen de l'utilisation divine de l'imagination. Ainsi que nous l'avons vu, il est nécessaire pour l'humanité de reconnaître qu'il existe un monde de signification derrière le monde des apparences et de la forme, derrière ce qui a été appelé le "monde de ce qui semble être". C'est la révélation de ce monde de signification intérieure qui se trouve dans l'avenir immédiat de la race. Jusqu'à présent, en tant que race, nous nous sommes occupés du symbole et non pas de ce qu'il représente et de ce dont il n'est que l'apparence extérieure. Mais aujourd'hui, nous avons largement épuisé l'intérêt que nous portions au symbole tangible et, toujours en tant que race, nous cherchons ce que le monde extérieur de l'apparence est destiné à exprimer.
On entend aujourd'hui beaucoup parler du Nouvel Age, de la prochaine révélation, de l'imminent bond en avant dans une reconnaissance intuitive de ce qui, jusqu'à présent, n'a été que vaguement perçu par le mystique, le prophète, le poète inspiré, le savant intuitif, et le chercheur occulte qui ne se préoccupe pas trop des aspects techniques ni des activités académiques du mental inférieur. Mais dans cette grande attente, on oublie souvent une chose. Il n'est pas besoin de faire un trop grand effort vers le haut ou de regarder à l'extérieur d'une manière trop intense, pour employer des termes que des esprits au point de vue généralement limité peuvent comprendre. Ce qui doit être révélé se trouve tout autour de nous et au-dedans de nous. C'est la signification de tout ce qui est incorporé dans la forme, le sens derrière l'apparence, la réalité voilée par le symbole, la vérité exprimée dans la substance.
Deux choses seulement permettront à l'homme de pénétrer dans le royaume intérieur des causes et de la révélation. Ce sont :
Premièrement, l'effort constant, basé sur une impulsion subjective, de créer des formes qui exprimeront quelque vérité perçue ; car, par là et par cet effort, l'attention soutenue est constamment portée du monde extérieur de ce qui semble être, au côté intérieur des phénomènes. Par ces moyens, on produit une centralisation de conscience qui finalement se stabilise et se retire de l'actuelle et intense extériorisation. Un initié est essentiellement une personne dont le sens de connaissance s'occupe de contacts et d'impacts subjectifs, et qui n'est pas préoccupée d'une manière dominante par le monde des perceptions sensorielles extérieures. Cet intérêt qu'elle cultive à l'égard du monde intérieur de signification produira non seulement un effet prononcé sur le chercheur spirituel lui-même, mais finalement soulignera le fait, reconnu dans la conscience du cerveau de la race, que le monde de signification est le seul monde de réalité pour l'humanité. La compréhension de ce fait, à son tour, amènera deux effets subséquents :
1. Une étroite adaptation de la forme aux facteurs significatifs qui l'ont amenée sur le plan extérieur.
2. La production d'une beauté plus vraie dans le monde, et par conséquent, une approximation plus étroite dans le monde des formes créées avec la vérité intérieure émergeante. On pourrait dire que la divinité est voilée et cachée dans la multiplicité des formes avec leurs détails infinis, et que dans la simplicité des formes que l'on verra finalement, nous arriverons à une beauté plus neuve, un plus grand sentiment de vérité et à la révélation de la signification et du dessein de Dieu dans tout ce qu'Il a accompli à travers les âges.
Deuxièmement, l'effort constant de se rendre sensible au monde des réalités significatives, et de produire par conséquent des formes sur le plan extérieur qui se révéleront fidèles à l'impulsion cachée. Cela est amené par la culture de l'imagination créatrice. Jusqu'à maintenant, l'humanité connaît peu de choses relativement à cette faculté, latente chez tous les hommes. Un éclair de lumière fait son apparition à l'esprit qui aspire ; un sentiment de splendeur dévoilée passe pour un instant à travers l'aspirant, tendu en vue de la révélation ; la réalisation soudaine d'une couleur, d'une beauté, d'une sagesse et d'une gloire audelà de toute expression apparaît devant la conscience harmonisée de l'artiste, dans un moment élevé d'attention intense, et la vie, durant une seconde, est alors aperçue telle qu'elle est essentiellement. Mais la vision part, la ferveur s'en va et la beauté s'évanouit. L'homme demeure avec un sentiment de deuil, de perte, et pourtant avec la certitude d'une connaissance et d'un désir d'exprimer ce qu'il a contacté et qui représente une expérience comme il n'en a jamais eue auparavant. Il doit retrouver ce qu'il a vu ; il doit le faire découvrir à ceux qui n'ont pas eu son moment secret de révélation ; il doit l'exprimer sous une forme quelconque et révéler aux autres la signification qu'il a saisie derrière l'apparence phénoménale. Comment peut-il le faire ? Comment peut-il retrouver ce qu'il a possédé une fois et qui semble avoir disparu et s'être évanoui du champ de sa conscience ? Il doit comprendre que ce qu'il a vu et touché est toujours là et incarne la réalité ; que c'est lui qui s'est retiré et non pas la vision. Dans ces moments d'intensité, la souffrance doit être supportée et vécue de nouveau et encore de nouveau jusqu'à ce que le mécanisme de contact soit habitué à la vibration supérieure et puisse non seulement percevoir et toucher, mais puisse tenir et prendre contact à volonté avec ce monde caché de beauté. La culture de ce pouvoir d'entrer, de tenir et de transmettre dépend de trois choses :
1. Le consentement à supporter la souffrance de la révélation.
2. Le pouvoir de se maintenir au plus haut point de conscience auquel vient la révélation.
3. La centralisation de la faculté d'imagination sur la révélation, ou sur une aussi grande partie de celle-ci que la conscience du cerveau peut faire passer dans la zone éclairée de la connaissance extérieure. C'est l'imagination, ou la faculté de bâtir des images, qui relie le mental et le cerveau ensemble et qui produit ainsi l'extériorisation de la splendeur voilée.
Si l'artiste créateur veut réfléchir aux trois conditions requises, endurance, méditation et imagination, il développera en lui-même le pouvoir de répondre à cette quatrième règle de contrôle de l'âme, et finalement il connaîtra l'âme en tant que secret de persistance, révélateur des récompenses de la contemplation et créateur de toutes les formes sur le plan physique.
L'utilisation de l'imagination créatrice et les fruits de son entreprise se manifesteront dans les nombreux champs de l'art humain, conformément au rayon de l'artiste créateur. Nous ne devons pas oublier que l'on trouve des artistes sur tous les rayons ; aucun rayon particulier ne produit plus d'artistes qu'un autre. La forme prendra apparemment une expression spontanée lorsque la vie intérieure de l'artiste sera ordonnée, produisant ainsi l'organisation extérieure des formes de sa vie. L'art vraiment créateur est une fonction de l'âme ; la première tâche de l'artiste est donc l'alignement, la méditation et la centralisation de son attention sur le monde de la signification. Cela est suivi d'une tentative d'exprimer les idées divines en des formes adéquates, suivant la capacité innée et les tendances du rayon de l'artiste, dans tout champ qu'il a pu choisir et qui constitue pour lui le meilleur moyen dans ce qu'il entreprend. Cela est doublé de l'effort effectué sans arrêt, sur le plan physique, d'équiper, d'instruire et de former les mécanismes du cerveau, de la main et de la voix à travers lesquels l'inspiration doit se manifester, de façon qu'il puisse y avoir une juste expression et une extériorisation appropriée de la réalité intérieure.
La discipline que cela implique est grande, et c'est là que de nombreux artistes échouent. Leur échec est basé sur plusieurs causes, sur la crainte que l'utilisation du mental ne paralyse leur effort, et que l'art créateur spontané, étant et devant être surtout émotionnel et intuitif, ne soit paralysé ni handicapé par une trop grande attention donnée à la formation mentale.
L'échec est fondé sur l'inertie de l'artiste pour lequel le travail créateur constitue une ligne de moindre résistance, et qui ne cherche pas à comprendre la façon dont arrive l'inspiration, ou comment l'extériorisation de la vision devient possible, ou à comprendre la technique des activités intérieures, mais suit simplement une impulsion. Là encore, cela indique un développement inégal, sans équilibre, qui résulte du fait que, en raison d'une spécialisation ou d'un intérêt intense centralisé pendant une série d'existences, une capacité d'établir un contact avec l'âme suivant une seule ligne d'entreprise, finit par se manifester, mais non pas la capacité d'être en contact avec l'âme. Ceci est facilité par le fait que l'artiste, durant de nombreuses vies se trouve sous l'influence d'un rayon particulier de la personnalité. De là vient le paradoxe occulte énoncé plus haut qui demande toute l'attention de l'artiste. Un autre facteur qui cause souvent cet échec est la vanité et l'ambition suprêmes de nombreux artistes. La capacité d'exceller dans un certain domaine existe, ainsi que celle de montrer dans un domaine particulier une plus grande capacité que la moyenne des hommes, mais la capacité de vivre en tant qu'âme n'existe pas, et l'excellence dont on se fait gloire n'existe que dans une seule direction. Fréquemment, il n'existe ni discipline de vie ni contrôle de soi, mais au lieu de cela il y a des envolées de génie, des réalisations prodigieuses dans la branche artistique choisie et une existence vécue d'une manière qui contredit la divinité exprimée par les accomplissements artistiques. La compréhension de la signification et de la technique du génie est l'une des tâches de la nouvelle psychologie. Le génie est toujours l'expression de l'âme dans quelque activité créatrice, révélant ainsi le monde de la signification, de la divinité, et la beauté cachée que voile généralement le monde phénoménal mais qu'il indiquera un jour dans sa vérité.