Problème du Développement de la Vision Mystique
Ce processus de sentir le but, de contacter l'idéal et d'avoir la vision des nombreux symboles qui voilent l'âme, laquelle dépeint et illustre le but ultime et le dessein final, constitue la prérogative reconnue de l'aspirant mystique. La littérature mystique de toutes les religions mondiales est, ainsi que vous le savez, remplie de ces visions, qui vont de l'inspiration sexuelle du Cantique des Cantiques de Salomon ou les ouvrages de nombreuses femmes mystiques appartenant à l'Eglise, jusqu'aux révélations étonnantes faites dans les anciens Puranas ou dans l'Apocalypse. Tout cela englobe un large domaine, de l'expression d'une "vie de désir" de haute qualité chez les mystiques, jusqu'aux prévisions exactes relatives à l'avenir de la race humaine telles qu'on les trouve dans les Ecritures prophétiques. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails. Ceux-ci ont été traités par les psychologues modernes, les éducateurs religieux et les écrivains ecclésiastiques, et examinés à fond. Je veux seulement toucher la question des effets que ces expériences ont sur le mystique lui-même. Je vous demanderai aussi de vous souvenir que je procède par généralisation et non pas par spécification.
Les difficultés auxquelles les mystiques sont enclins sont au nombre de quatre :
1.
La dévitalisation. Le mystique est attiré "vers le haut" d'une façon si constante (ainsi qu'il juge et s'exprime) vers la terre de ses rêves, vers la personne de son idéal ou vers l'idéal spirituel (personnifié ou non) de ses aspirations, qu'il renverse le processus normal et sain de "la Voie de matérialisation constante du Réel". Il vit entièrement dans le monde de son aspiration et ainsi il néglige la vie sur le plan physique, perdant non seulement le sens pratique mais une attitude positive à l'égard du plan physique. Il fait monter vers le haut toutes les forces de sa vie, si bien que le corps physique et l'existence sur le plan physique en souffrent. Techniquement, les forces du plexus solaire ne se trouvent pas attirées vers le haut et dans le centre cardiaque, ainsi qu'elles devraient l'être, et l'énergie cardiaque n'est pas non plus déversée à l'extérieur en un amour désintéressé pour l'humanité ; elles sont toutes centrées et distribuées sur le niveau le plus élevé de la conscience astrale et envoyées pour alimenter les forces du corps astral. Elles renversent donc le processus normal, et le corps physique, au cours de tout cela, souffre cruellement.
Une étude de la vie des saints et des mystiques fait ressortir notablement cette difficulté ; et même dans les rares cas où des services certains ont été rendus à l'humanité, les motifs furent fréquemment (je pourrais dire, généralement) la présence d'un sentiment de nécessité ou d'obligation qui serait utile au mystique, lui apportant une satisfaction émotionnelle et une récompense. Cette dévitalisation a été souvent si excessive qu'elle les a conduits à la débilité nerveuse, à des états de transe, à d'autres développements pathologiques, et parfois même à la mort.
2.
L'Illusion. La vie dramatique du mystique et la culture constante de la vision (quelle qu'elle puisse être) amènent aussi dans de nombreux cas des troubles psychologiques sérieux même s'ils ne sont pas reconnus. La vision absorbe l'attention tout entière du mystique ; et au lieu de lui indiquer un but qu'il puisse atteindre un jour, ou au lieu d'exister dans sa conscience comme le symbole d'une réalité intérieure qu'il connaîtrait un jour, ainsi que cela est véritablement, il vit tout le temps à l'intérieur de sa propre formepensée de ce but. Ce rêve puissant, cette forme-pensée bien définie (construite année après année au moyen de l'aspiration, de l'adoration et du désir), finit par l'obséder à un point tel qu'il finit par prendre le symbole pour la réalité.
Parfois, il meurt de l'extase occasionnée par son identification avec sa vision. Toutefois, je voudrais faire remarquer ici que la véritable réalisation du but mystique, tel qu'il n'est plus seulement perçu par la vue mais saisi en tant que fait réel, n'a jamais tué personne. C'est l'illusion qui tue. C'est seulement lorsque le centre de la vie se trouve dans le corps astral, lorsque le flot descendant de la force de l'âme est également là et que le centre cardiaque est exagérément stimulé que le mystique meurt, comme résultat de son aspiration.
Lorsque la mort ne se produit pas (et cela est inhabituel) des difficultés psychologiques sérieuses auront tendance à se manifester. Celles-ci ont causé beaucoup d'anxiété aux hommes d'Eglise en tous temps, ainsi qu'au psychologue moderne, et elles ont jeté le discrédit sur tout le sujet du développement mystique, particulièrement en cet âge scientifique moderne.
C'est la matérialisation de la vision en matière astrale, son développement au moyen du pouvoir de l'émotion (passant pour de la dévotion), et l'échec du mystique soit d'entrer dans le domaine de perception mentale soit de faire descendre son rêve idéalisé en une expression physique qui est à la racine du trouble. L'homme est dupé par le meilleur de ce qui existe en lui ; il est la victime d'une hallucination qui incarne ce qu'il connaît de plus élevé ; il est dominé par le mirage de la vie spirituelle ; il ne parvient pas à distinguer entre la vision et le Plan, entre l'irréel fabriqué par les longs temps d'activité mystique et le Réel qui se trouve toujours à l'arrière-plan de la vie de l'être humain intégré.
N'oubliez pas que la vision (du Ciel, de Dieu, du Christ, de n'importe quel conducteur d'homme ou de n'importe quel Avènement) est basée, dans la majorité des cas, sur les rêves et les aspirations des mystiques au cours des âges. Ceux-ci ont foulé le sentier mystique, ont utilisé la même terminologie, ont employé les mêmes symboles pour exprimer ce qu'ils ressentent, ce à quoi ils aspirent, et ce après quoi ils soupirent si ardemment. Ils sentent tous la même Réalité qui se trouve derrière le mirage de l'aspiration mondiale ; ils expriment tous leur désir et leur ardeur dans les mêmes formes symboliques, mariage avec le Bien-Aimé, vie dans la Cité Sainte, participation à quelque vision extatique de Dieu, adoration de quelque Individualité déifiée et aimée, telles que le Christ, le Bouddha ou Shri Krishna, marche avec Dieu dans le jardin de la vie, le jardin du Seigneur, montée au sommet de la montagne où l'on doit trouver Dieu, et où tout se trouve révélé.
Telles sont quelques-unes des formes que revêtent leurs aspirations et dans lesquelles leur sentiment de dualité trouve satisfaction. Ces idées existent en tant que puissantes formes pensées sur le plan astral et elles attirent, comme des aimants, l'aspiration du dévot qui, siècle après siècle, suit le même sentier de recherche ardente, d'imagination et d'expression d'une "vie de désir" spirituelle profondément ancrée et un flot émotionnel s'élançant vers la divinité, décrit parfois comme "l'élévation du coeur vers Dieu".
La dévitalisation et l'illusion constituent fréquemment l'historique du cas du mystique purement émotionnel. Lorsque ce cycle astral est terminé et que plus tard (et probablement dans une autre vie) il se lance dans un état d'esprit franchement agnostique, alors se produit un rétablissement de l'équilibre et un développement plus sain devient possible. Les fruits véritables et de valeur de l'expérience mystique du passé ne sont jamais perdus. La réalisation spirituelle intérieure demeure latente dans la teneur de la vie, pour être plus tard ressuscitée en son expression réelle, mais son caractère vague et le sentiment de dualité qu'elle donne doivent en fin de compte être transformés en une clarté mentale réalisée ; le dualisme doit céder la place à l'expérience de l'union et les brumes doivent s'éloigner. Le mystique voit à travers un verre, obscurément, mais un jour il devra Connaître, de même qu'il est connu.
Lorsque, en ces temps modernes, la personne encline au mysticisme reçoit les soins d'un psychologue avisé, celui-ci aurait certainement intérêt à développer en elle doucement et graduellement un cycle de doute qui conduirait même à un agnosticisme temporaire. Le résultat en serait l'établissement rapide d'un équilibre désirable.
J'attire votre attention sur les mots "doucement et graduellement".
Le fait d'encourager une vie physique normale avec ses intérêts habituels, le fait de remplir ses obligations et ses responsabilités, et le fonctionnement physique habituel doivent amener une orientation très saine et nécessaire.
3.
Le délire. J'emploie ce mot très fort délibérément lorsque je traite des stades dangereux et difficiles de la vie mystique. Lorsque les illusions du mystique et sa dévitalisation ont dépassé un certain point, il atteint un stade où il ne possède aucune maîtrise intérieure réelle ; il développe le sens mystique au point où il n'a aucun sens des proportions, ou les conventions (bonnes ou mauvaises), l'éducation, les responsabilités sur le plan économique, les obligations humaines et tous les aspects de la vie journalière qui intègrent la partie humaine dans l'ensemble de l'humanité ne parviennent pas à maintenir l'ordre dans la nature inférieure. Son expression extérieure devient anormale et lui (sous le rapport des valeurs les meilleures et les plus hautes) devient antisocial. Une semblable attitude anti-sociale pourra aller d'un fanatisme relatif et habituel qui oblige celui qui le possède à ne percevoir qu'un seul point de vue parmi tous ceux qui sont possibles, jusqu'à des formes prononcées et reconnaissables de démence. Le mystique est alors obsédé par sa propre et particulière forme-pensée de vérité et de réalité. Il a seulement une seule idée en tête. Son mental ne fonctionne pas, car son cerveau est devenu l'instrument de sa nature astrale et n'enregistre que sa dévotion fanatique et son obsession émotionnelle. Le centre ajna se met en activité avant qu'il n'y ait une véritable intégration de l'homme tout entier et un dessein véritable et utile à ses activités.
Une période s'ensuit durant laquelle l'homme se conduit sous bien des rapports d'une façon indésirable, y compris une focalisation trop tendue, un réel fanatisme, des efforts sadiques ayant des motifs supposés être spirituels (ainsi qu'on l'a vu dans l'Inquisition) et certaines formes d'épuisement nerveux. En termes occultes, "la vision de feu se met à brûler sa victime et ainsi elle détruit le fil qui maintient son mental et son cerveau en une étroite amitié." Cette brûlante fièvre astrale produit nécessairement un effet sur le corps physique aussi bien que sur l'expression de la personnalité ; et le trouble peut alors être reconnu par les autres, réel et sérieux dans ses conséquences et dans ses effets. Fréquemment, il y a peu de choses que l'on puisse faire ; souvent, toutes les tentatives de remédier à la situation restent sans effets. Le mystique, pour cette vie-ci, s'est fait un mal irréparable. L'influence curative de la mort et l'intermède de la vie au-delà du plan physique doivent accomplir leur oeuvre bienfaisante avant que l'homme puisse à nouveau atteindre un état normal et commencer à transmuer sa Vision du Bon, du Beau et du Vrai en une expression réalisable sur le plan de la vie journalière ; il appliquera alors son esprit à ce problème ; il découvrira alors que la vision n'est que la réflexion du Plan de Dieu.
Il saura que le pouvoir de personnifier l'aspiration doit être transformé en pouvoir de se dépersonnifier avant le service mondial et la coopération avec la Hiérarchie.
4.
Le détachement. C'est là une des principales difficultés psychologiques qui conduit au phénomène commun du clivage.
C'est une des plus ardues à traiter. Le mystique qui ne voit rien d'autre que sa vision, qui n'enregistre cette vision que sous les aspects de formes symboliques, de désir sexuel, d'aspirations agonisantes, d'intense "vie de désir", de rêve et de besoins peut finalement parvenir à rompre toutes les relations appropriées à la fois en lui-même (son corps physique étant en un endroit, sa vie émotive étant dirigée vers un autre endroit et son mental étant absorbé ailleurs) et avec son milieu et les responsabilités qui s'y rapportent, si bien qu'il vit entièrement dans un monde de sa propre fabrication, détaché, insensible et non atteint par les choses normales ou les appels humains. Cette condition est parfoi provoquée par un désir non reconnu d'échapper aux responsabilités, à la souffrance, à l'ennui de la vie journalière ou à l'étreinte de ceux qui l'aiment ; elle peut être rapportée d'une autre vie d'expérience mystique, qui devrait, dans cette existence, être transcendée et surmontée, puisqu'elle a atteint son dessein, son utilité et fait une oeuvre nécessaire. C'est là un faux détachement.
Je me rends compte, en vous faisant part de cet enseignement relatif aux difficultés de la vie mystique, dévitalisation, illusion, délire et détachement, que ceux qui doivent beaucoup aux mystiques, ou ceux qui, actuellement, sont enclins au mysticisme seront violemment en désaccord avec moi. Je voudrais essayer de m'exprimer clairement sur ces points.
La voie mystique est la voie qui convient aux gens qui se trouvent au stade d'évolution atlantéen, à condition qu'elle ne soit pas portée au point de démence, d'hallucination, de fanatisme furieux et de complications psychopathiques. Convenablement exprimé, c'est un processus utile et nécessaire, par lequel le corps astral est réorienté et où l'aspiration spirituelle commence à prendre la place du désir. Il est nécessaire qu'il y ait une vision, car "là où il n'y a pas de vision, les hommes périssent". La véritable vision est en réalité la réflexion astrale du Plan divin, réfléchie sur les niveaux supérieurs de la conscience astrale de la planète contactée et perçue par les êtres humains dont le centre dans la vie est de nature très élevée, dont "l'intention est dirigée vers Dieu et vers ce qui est juste", mais qui sont actuellement introvertis, qui manquent de connaissances techniques relativement soit à la loi divine, soit à la constitution de l'homme ou de la vie planétaire, et dont le mental est en repos, sans curiosité, excepté dans un sens émotionnel et en vue du soulagement de la propre détresse spirituelle du mystique, de son désir de paix et de sa propre satisfaction. On trouve peu de choses, par exemple, dans les oeuvres des mystiques du Moyen Age (soit en Orient soit en Occident) qui fournissent une indication d'un sentiment des besoins du monde ou de demande d'éclaircissements faite par l'humanité.
La réflexion astrale du Plan, telle est la vision. Là, les forces de vie de la nature physique mystique, de son corps astral et de son âme (deux forces et une énergie) s'unissent, et là, elles produisent une puissante expression de désir concentré, une aspiration profonde, une vive imagination et la construction d'une forme-pensée exprimant tout ce que le mystique désire contacter ou voir exprimé.
Au fur et à mesure que le temps passe, cette approche mystique se manifestera de moins en moins. Le travail de perception de la beauté et l'instinct de tendre vers la divinité sont maintenant si profondément enracinés dans la conscience raciale que le travail d'équilibre du mental et la présentation du Plan à la place de la Vision peuvent se poursuivre sans danger. Ceux des enfants de la race qui sont encore Atlantéens dans leur conscience continueront à utiliser l'approche mystique, et la beauté de cette contribution sera toujours l'héritage de la race. Mais le cycle de l'effort et de l'expérience mystique sera considérablement raccourci et scientifiquement dominé, car son but, sa place dans le développement racial et sa contribution à la "doctrine de Réalité" seront mieux compris.
Ce cycle mystique correspond au cycle de "l'adolescent" dans la vie des jeunes, cycle de valeur, de vision et cycle qui donne la vie, qui stimule vers la juste orientation et qui stabilise certaines valeurs. Un tel cycle, toutefois, sera considéré comme indésirable lorsque viendra le temps où un ensemble nouveau et plus élevé de valeurs, et une technique plus spirituelle et plus maîtrisée devront prendre sa place. Un but de vie, un plan reconnu et une activité correctement dirigée doivent finalement remplacer tous les rêves et les aspirations de caractère adolescent, les désirs et les aspirations de l'imagination dans la vie de l'individu et de la race.
Comprenez-moi bien. La vision est une vision de réalité. L'Eternel Rêveur rêve, et le plus grand de tous les Mystiques est le divin Logos Luimême.
Mais son rêve doit être enregistré dans notre conscience en tant que Plan de Dieu, et la vision mystique est le développement nécessaire, bien que passager, de l'esprit "rêvant" de la Nature de Dieu dans l'être humain.
Réfléchissez à cela, car là se trouve une révélation pour ceux qui savent réfléchir.