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LE BIEN ETRE AU QUOTIDIEN

Qi (spiritualité)

Qi (spiritualité)

Le qi [tɕʰi˥˩] (ch. trad. : 氣 (炁 ou encore kǎnqì 坎炁) ; ch. simp. : ; py : qì ; lit. : « souffle, énergie »[N 1]), ou ki [xǐ] (japonais : 気), est une notion essentielle de la culture sino-japonaise qui désigne un principe fondamental formant et animant l'univers et la vie[1].

Dans cette approche spirituelle, le qi englobe tout l'univers et relie les êtres et les choses entre eux. Dans un organisme vivant, il circule à l'intérieur du corps par des méridiens qui se recoupent tous dans le « centre des énergies » appelé « champ du cinabre », seika tanden au Japon et dāntián en Chine. Il est présent dans toutes les manifestations de la nature.

La notion qi n'a aucun équivalent précis en Occident. On peut toutefois noter de nombreux liens de convergence avec la notion grecque de pneuma πνεῦμα (traduite par « souffle »), et dans la même optique avec la notion d'esprit, en latin « spiritus » (dérivé de spirare = souffler) qui signifie souffle, vent.

Plusieurs concepts de la philosophie indienne s'en rapprochent, tels que le prana, le soma ou l'ojas.

Notion

Sinogramme qì

Le qì reste difficile à traduire parce que sa notion s'étend à différents aspects de la vie et de l'univers, dans une cosmologie spécifique à la Chine. La pensée chinoise tout au long de son histoire le désigne comme un souffle vital, à la circulation alternée, qui accompagne et anime la naissance ou la mort autant que la vie. Mais le qì est aussi un principe fondamental et unique qui donne sa forme à l'univers et aux êtres, et qui les transforme sans cesse. Il circule indifféremment dans les choses et les êtres, les reliant en permanence. Dans la philosophie taoïste et dans la médecine traditionnelle chinoise, il s'agit d'une sorte d'essence immatérielle, invisible, qui anime, réchauffe, et circule. Différentes formes de qì sont évoquées selon son origine, l'endroit où il circule et sa fonction, ce qui engendre ainsi différentes manières de le représenter en idéogramme. Existent ainsi le qì primordial (yuánqì 元氣), le qì prénatal (jīng 精), le qì issu du travail de la respiration et de la digestion, le qì qui alimente la pensée et la vie spirituelle (shén 神), etc.

Évolution du sinogramme

Si la notion qì pose des problèmes de traduction[2], d'autant que la signification a changé au fil des époques, on peut se référer directement aux caractères chinois qui ont servi à l'évoquer, notamment à partir du dictionnaire Shuowen Jiezi élaboré par Xǔ Shèn au IIe siècle. Les premières traces archéologiques évoquant le qì montrent, gravée sur une carapace de tortue, une graphie à trois barres horizontales. De type jiǎgǔwén 甲骨文, époque des Zhou occidentaux, elle évoque la vapeur ou la brume[3]. Cette même graphie se retrouve sur une tasse de thé en bronze, la qihe hu, datant de la même période mais « fondue » en graphie de type jīnwén 金文[4]. L'idée de qi apparaît également sur un bijou de jade datant de la période des Royaumes combattants (-403 à -256), le xingqi ming (texte des mouvements) exposé au musée de Tianjin, sous la forme du sinogramme 炁 ; composé de la vapeur (ou respiration) sur le radical 灬, qui se rapporte au feu (huǒ 火). Dans le système d'écriture lishu, sous la Dynastie Han (-206 à 220), le qì est exprimé lui aussi par un sinogramme combinant la vapeur 气 sur le feu 火. C'est seulement sous la Dynastie Song (960 - 1279) que le qì est représenté par le sinogramme 氣 qui évoque la vapeur émanée de la cuisson du riz ; c'est-à-dire au moment où la médecine chinoise a besoin de transcrire une « énergie » issue de la nourriture et de la respiration. Graphié en style songti ou zhengkai, ce sera l'idéogramme encore utilisé de nos jours.

Sinogramme actuel

Le sinogramme traditionnel 氣, qui désigne le qì, illustre le caractère à la fois matériel et immatériel de la notion. Le sinogramme a pour clé le pictogramme 气 (qì). Utilisé comme clef pour les gaz[5], il représente un nuage convectif et signifie l'air. La partie inférieure gauche du sinogramme est le pictogramme 米 (mǐ), qui représente des grains de riz et signifie riz[6]. Le caractère complet 氣 exprime ainsi l'idée du riz qui explose. S'il représentait autrefois le riz pour les invités, il symbolise aujourd'hui le souffle vital, puis également l'esprit et la morale[7]. Il est aussi à associer au prana[8] de la médecine ayurvédique dont les concepts demeurent très proches de ceux de la médecine chinoise, et qui possède la même origine étymologique indo-européenne (*ane-, « souffle vital ») que le mot âme en français[9].

Le sinogramme décrit donc le qì comme étant à la fois aussi immatériel et éthéré que la vapeur et aussi dense et matériel que la céréale. Il signifie également que le qì est une substance subtile (vapeur) dérivée d'une substance grossière (céréale)[10].

Si, comme vu précédemment, le mot âme a des origines étymologiques communes avec le prana, la philosophie chinoise désigne plus précisément par shén (神) la notion d'âme[11]. Le notion qì, désignant alors l'idée d'énergie vitale, manque d'un équivalent précis en Occident aujourd'hui. Si aucun terme ne parvient à retranscrire véritablement la nature du qì, de nombreuses traductions restent possibles : « souffle vital », « énergie », « force vitale », etc.

Le qi comme principe fondamental de l'univers

Dans la cosmologie chinoise, le souffle (qì 气), ou parfois énergie vitale (yuánqì 元气, littéralement souffle primordial), précède la scission binaire du yin et du yang, elle-même à l'origine des « dix-mille êtres » ( wànwù 万物), c'est-à-dire de tous les êtres et les choses qui composent le monde. Car dans la pensée chinoise, le qì est à l'œuvre dans le règne du vivant et dans le règne minéral. Les nervures du jade, en particulier, sont considérées comme étant organisées avec la même influence du qì que les veines du corps humain. Par ailleurs, dans la peinture chinoise, les strates géologiques des montagnes sont une des manifestations macro-cosmiques du qì, et l'esthétique d'une toile dépend de ce souffle. Le qì se manifeste aussi dans l'ambiance d'une habitation, le caractère d'une personne, l'esthétique d'un objet et même l'intelligence ou la spitirualité, sans jamais aucun rapport toutefois avec la notion de divinité[12]. À partir de la période des Royaumes Combattants, dans les Commentaires de Zuo (Zuo zhuan 左傳), l'alternance yin et yang manifeste le souffle qui s'anime en deux phases ; tantôt en yin, tantôt en yang.

Ainsi, la notion qì est présente dans toutes les manifestations de la nature, donc de l'homme.

Dans la philosophie confucianiste le qì est associé au lǐ 理, principe structurant des êtres et des choses[13].

Dans la spiritualité indienne, le prāṇa est un équivalent du qì, en français on le nomme âme (même origine indoeuropéenne que prana), mais l'âme possède aujourd'hui plusieurs sens qui ne coïncident pas tous avec la notion de qì.

Les centres du qì

La médecine traditionnelle chinoise établit l'existence de trois zones de concentration du qì, réparties dans le corps le long du méridien Ren. Elle les nomme dāntián 丹田, champ d'élixir. Dans le langage commun ce terme désigne la zone localisée au ventre, appelée plus précisément xiàdāntián 下丹田, champ d'élixir inférieur.

  • Dāntián inférieur (下丹田)

Autrement nommé qìhǎi 气海, mer de qì, il est celui dont on parle le plus parce qu'il fabrique du qì. C'est le fameux hara (nombril) ou seika tanden japonais, ou hypogastre français. Le taoïsme et la médecine traditionnelle chinoise en font le lieu de transformation de l'essence jīng en qì. Jīng 精 désigne à la fois le souffle qu'on reçoit des parents, et celui qui découle de la digestion. Sa position se repère à deux largeurs de doigt (environ 3 cm) sous le nombril et s'enfonce de 4 doigts à l'intérieur de l'abdomen.

  • Dāntián médian (中丹田)

Autrement nommé tánzhong 檀中, ce centre transforme le qì en énergie spirituelle (shén 神) qui anime la vie mentale et la conscience. Sa position se repère au niveau du sternum sur une ligne horizontale située entre les tétons.

  • Dāntián supérieur (上丹田)

Autrement nommé yintáng 印堂, il transforme shén l'esprit en une sorte d'état spirituel libre conduisant à ce que les philosophies taoïstes et confucianistes nomment le retour au wuji 無極 ou 无极. Il est situé entre les deux sourcils, à 3 cun 寸 à l'intérieur du corps, soit environ 4 doigts.


Le point abdominal est un symbole fort dans cette croyance. On peut remarquer que :

  1. Lorsqu'une personne respire, c'est son ventre qui se gonfle et se dégonfle (les poumons s'étendent vers le bas en poussant le diaphragme et les viscères à l'inspiration), on peut le constater en regardant une personne dormir.

  2. Le centre de gravité du corps humain se situe vers cet endroit : si l'on allonge une personne sur une balançoire à bascule, il faut que ce point soit au-dessus du pivot pour que la planche puisse rester horizontale ; au judo, de nombreuses techniques de projection consistent à bloquer le corps sous ce point pour le faire basculer.

  3. La mère porte le fœtus dans son ventre.

La coïncidence de ces phénomènes explique l'importance qu'ont pu accorder certaines cultures à ce point précis du corps. La manifestation la plus dramatique de l'importance de ce point est sans doute le seppuku (suicide rituel japonais parfois appelé à tort hara kiri), qui consiste à s'ouvrir le ventre avec un tantō (couteau-sabre).

Circulation du qi

Méridien Du, par Hua Shou 1716

La circulation du qi dans le corps a été découverte par empirisme au fil de siècles de pratique en Chine. L'existence même du qi et sa circulation n'ont pas encore trouvé de validation expérimentale en termes scientifiques. La circulation du qi reste donc pour l'instant l'interprétation d'une expérience sensitive, que la médecine traditionnelle chinoise lie à l'activité cérébrale, la pensée. Les éventuels effets sont mesurés par observation d'autres paramètres comme le rythme cardiaque, la pression sanguine, les changements de température, la sudation, le tonus musculaire, la douleur, etc. De prudentes recherches cliniques sont par exemple menées en Chine, à l'Institut de médecine traditionnelle de Chongqing ou à l'Institut de physique et des hautes énergies de Pékin. La médecine chinoise distingue deux formes de qi, le souffle intègre (zhèngqì 正氣) garant d'une bonne santé et le souffle vicié (xiéqì 邪氣) générateur de maladies[14]. Le qi circule soit en phase yang, soit en phase yin dans des canaux spécifiques.

C'est d'après ces schémas de circulation que furent définis des exercices statiques (par la pensée) et dynamiques (par le mouvement) de développement et d'entretien du qi, à dessein de préserver une santé autant physique que morale. Les mouvements du tai chi chuan 太极拳 et du hsing i chuan 形意拳 par exemple respectent ces principes de circulation. En alliant respiration et mouvements, ces arts martiaux internes chinois stimulent le qi dans les méridiens en plus d'offrir un système martial efficace.

Les méridiens

Le qi engendre différentes sensations lorsqu'il circule dans le corps, sous forme de chaleur ou de picotement. C'est en concentrant leur attention sur ces sensations que, par empirisme, les médecins traditionnels chinois ont pu établir au fil des siècles un réseau de circulation parcourant le corps. Ce réseau est définit par des méridiens principaux et secondaires, autrement appelés vaisseaux, et par des points. La sensation est éprouvée soit par sensibilité naturelle, soit après des exercices de qigong. C'est ainsi que la médecine traditionnelle chinoise insiste sur le fait que la circulation du qi interne est corrélée d'une certaine manière à l'activité de la pensée. La topographie de ces canaux et points n'a pas varié au fil des époques et des expériences, de sorte que le schéma proposé par le médecin Li Shizhen de la dynastie Ming (1368 - 1644), dans son livre « Exploration des huit canaux extraordinaires », reste valable dans un livre contemporain d'acupuncture[15]. Ont ainsi été établis 12 méridiens dits ordinaires, et 8 méridiens dits extraordinaires ou curieux. Ces méridiens relient en tout 361 points d'acupuncture, auxquels s'ajoutent 48 points hors méridiens fixés et adoptés en 1987 lors du colloque de Séoul[16].

La sensation la plus classique se manifeste sur deux méridiens principaux, qui sont le vaisseau gouverneur (Ren Mai 任脉), qui descend du dessous des yeux à l'entre-jambe par la face avant du corps, et le vaisseau conception (Du Mai 督脉) qui remonte de l'entre-jambe vers le sommet du crâne par le dos, pour finir entre le nez et la bouche (philtrum). Le ren mai alimente tous les méridiens dits yin, le du mai tous les méridiens yang. Chaque partie du corps possède son méridien yin et son méridien yang. Chez les personnes entraînées, les sensations se manifestent sur les douze méridiens (zheng jing 正经) des pieds et des mains — trois méridiens par côté et par face — selon le sens suivant : sur un corps bras levés, les trois méridiens yin montent du pied, sur la face avant de la jambe, puis l'abdomen, en passant par les aisselles et les paumes pour aboutir aux trois doigts auriculaire, majeur et pouce ; les trois méridiens yang descendent des trois doigts index, annulaire et auriculaire par le dos de la main, l'épaule, remontent vers la tête par la nuque et redescendent dans le long du dos vers l'arrière des jambes, les mollets, jusqu'aux pieds. Mais la plupart des exercices classiques visent la circulation du qi dans ce qui est nommé « les huit méridiens extraordinaires » (Qi Jing Ba Mai 奇经八脉) : conception (Du 督), gouverneur (Ren 任), pénétrant (Chong 冲), ceinture (Dai 带), régulateur yin (Yinwei 阴维), régulateur yang (Yangwei 阳维), mobilité yin (Yinqiao 阴跷) et mobilité yang (Yangqiao 阳跷)[17].

Il existe encore d'autres méridiens qui relient également les viscères et d'autres organes, la peau et les muscles. Mais leur schéma change selon les époques et les écoles de médecine, bien qu'il existe désormais un schéma de référence pour l'acupuncture contemporaine.

Autour du corps

Selon la tradition chinoise, la circulation interne du qi dans le corps génère un flux constant de qi externe autour du corps, d'après un schéma établi par empirisme et qui n'a pas connu de modifications au cours des époques. Pour correspondre à une vision plus contemporaine, cette activité a été nommée « champ de qi » à l'image du champ magnétique. Mais la comparaison reste strictement métaphorique et ne doit pas laisser penser que le qi engendre un champ magnétique. Le schéma décrit un flux linéaire qui file le long du corps, et un flux circulaire qui s'enroule comme un solénoïde autour des membres et du corps. Le champ linéaire parcourt la face extérieure droite du corps de haut en bas, sort par le pied (et la main), puis remonte en décrivant un arc de cercle pour rejoindre le haut de la tête avant de redescendre le long du corps. La face gauche du corps est parcourue par un champ similaire en sens opposé. Le champ circulaire entoure chaque membre, le tronc et la tête en spirale.

Les trois portes

Les trois portes ou passages, sanguān 三关, sont appelées ainsi parce qu'elles se réfèrent à des zones où le passage du qì est difficile. Situées le long du méridien du, on trouve la passage weiluguān 尾闾关 au niveau du coccyx, le passage jiajiguān 夹脊关 autour du point mingmen 命門 (porte de la vie) au niveau de la seconde lombaire, et le passage yuzhenguān 玉枕关 (coussin de jade) au niveau de l'occiput. Raideurs, douleurs et congestions à ces endroits témoignent, selon la médecine chinoise, d'un passage difficile du qi. Des massages, l'acupuncture ou des techniques de contractions/respirations sont alors utilisés pour fluidifier la circulation.

À chaque porte sa fonction. Quand le qì circule par la porte du coccyx, autrement nommée porte de la moelle (suikong 髓孔), il stimule la moelle et le système immunitaire. Un autre nom, changqiang 长强, en fait aussi un générateur de vitalité. Lorsqu'il circule par la porte de la vie, il est censé stimuler le fonctionnement des reins. Et quand enfin il passe par la porte du coussin de jade, aussi appelée porte des fonctions du cerveau (naohu 脑户), il stimule le fonctionnement cérébrale[18].

Les applications de la théorie du qi

La médecine chinoise se base en grande partie sur la notion du qi. Dans cette médecine, on y distingue les liquides organiques, le sang et le qi, qui est lui-même subdivisé en plusieurs types. La notion de qi est à l'origine de techniques comme l'acupuncture et les massages qui consistent à stimuler les points de rencontre des méridiens. Elle inspire des théories chinoises de l'équilibre alimentaire et des exercices tels que ceux pratiqués dans les arts martiaux dits « internes », le taiji quan ou le hsing i, ainsi que la gymnastique basée sur la respiration, le qi gong. Leur but est de maintenir l'équilibre et le dynamisme du qi dans le corps, voire de le manipuler. De même au Japon, le but du shiatsu (massages) et des exercices physiques (dont les exercices respiratoires) est de stimuler le ki.

La maîtrise du qi fait aussi partie de l'enseignement avancé des bouddhistes et des taoïstes à travers la méditation et divers exercices, ce qui met l'accent sur l'aspect du qi lié à l'activité mentale.

Le qi est aussi présent dans la calligraphie et la peinture, comme la peinture chinoise de type xieyi (xiě yì huà 写意画 ). L'impression d'harmonie qui se dégage des mouvements du pinceau révèle une bonne circulation du qi, à la fois chez l'artiste et dans l'imprégnation des pigments dans le support.

Le qi et les arts martiaux

Les arts martiaux chinois (wushu) 武術 et japonais (budo) font énormément référence à cette notion, respectivement le qi ou le ki. Ceux d'origine vietnamienne, coréenne ou indienne utilisent également cette notion dans leur pratique.

Arts martiaux chinois

Tous les arts martiaux chinois utilisent la notion de qi, à ceci près que certains mettront l'accent sur la maîtrise de la circulation et la manipulation du souffle plutôt que sur l'exercice musculaire. On distingue ainsi les arts martiaux internes, nèijiā quán 内家拳, des arts martiaux externes, wàijiā quán 外家拳[19]. Les applications du taiji quan manipulent le qi en tant que ressource qui servira à renvoyer une force vers l'adversaire après avoir détourné la sienne. Le dāntián est fondamental ; « faire descendre le souffle », une technique de respiration avec le ventre imitant celle des nourrissons, permet d'ancrer les postures et d'améliorer la circulation du qi, autrement appelé « énergie ». Lors d'entraînements de taiji quan, que ce soit l'exercice de la poussée des mains tuī shǒu 推手 ou le combat libre sǎnshǒu 散手, l'attention portée à ces fondamentaux permet de travailler mieux (en respirant par le ventre le souffle peut être plus profond), plus longtemps, plus efficacement en plus de rendre les mouvements aussi fluides que possible. Dans la croyance du qi, la mise en circulation de l'énergie dans les méridiens générée par les enchaînements du taiji quan est identique à ce que produit l'acupuncture.

Le kung fu 功夫 shaolin (plus exactement shàolín wǔshù 少林武術) s'appuie pour certaines techniques sur le ciblage de points précis du corps, spécialement sensibles, afin de rendre les attaques plus efficaces.

Lors des guerres, les médecins stimulaient la circulation du qi pour prolonger la période pendant laquelle les prisonniers de guerre pouvaient être torturés si l'on désirait obtenir des informations sur l'ennemi.

Arts martiaux japonais

Pour désigner le ki, on utilise parfois l'expression « souffle-énergie » (kokyu-ryokyu).

Dans les arts martiaux japonais, lorsqu'un coup est porté (atemi en japonais), c'est le ki du frappeur qui est transmis à l'adversaire et provoque la blessure ; à ce titre, l'important est plus de frapper un point vital (rencontre de méridiens) que de mettre de la puissance physique. Le cri, kiaï (parfois vu à tort comme le « cri qui tue » des karatékas), est une autre manière d'extérioriser le ki. Lors des exercices de casse (de briques, tuiles, planches, pierres, blocs de béton…), le ki est concentré à l'extrémité du poing et provoque la rupture. La concentration du ki dans le seika tanden est un des éléments fondamentaux des budo : les hanches sont la liaison entre le haut du corps (qui manipule les armes) et le bas du corps (la stabilité). D'un point de vue symbolique, le seika tanden réalise la liaison entre « le ciel et la terre » (tenchi), notion que l'on peut traduire par unification entre l'intention (le ciel, la pensée) et l'énergie (la terre) ; on peut par exemple y voir la métaphore d'un arbre qui puise sa nourriture dans la terre pour tendre vers le ciel.

Le ki reliant les êtres, il relie également les deux adversaires (ou partenaires dans le cadre d'une pratique amicale). Ainsi, un des principes de l'aikido est d'unir les énergies des partenaires afin de supprimer l'agression. Au kyudo (tir à l'arc zen), on considère que la flèche est reliée à la cible, qu'elle fait déjà partie de la cible avant même d'être décochée.

La notion de vigilance, le zanshin que l'on retrouve dans tous les arts martiaux japonais (y compris le ninjutsu, l'art des ninjas), s'appuie aussi sur le concept de ki. À travers le ki, on peut « sentir » l'intention de l'ennemi, ce qui permet de riposter plus efficacement, voire d'agir avant que l'adversaire ait pu lui-même agir. On utilise également le terme sen pour désigner cette action simultanée (sensen no sen : attaque anticipant l'action adverse ; go no sen : riposte anticipant l'action ; sen no sen : attaque simultanée).

Les arts martiaux japonais font également appel à la médecine traditionnelle, avec les notions de kappo et katsu, par exemple pour « réanimer » une personne sonnée.

Expressions

元气 (en chinois, yuánqì) : originel + souffle : le souffle originel à l'origine du monde ;

  • 天气 (en chinois, tiānqì ; en japonais, tenki) : ciel + souffle = temps (météorologie) ;

  • 生气 (en chinois, shēngqì) : naître + souffle = se mettre en colère ;

  • 脾气 (en chinois, píqi) : rate + souffle = colère ;

  • 气质 (en chinois, qìzhì) : souffle + qualité = grâce (employé pour apprécier le raffinement d'une femme) ;

  • 合気 (en japonais, ai ki) : union des énergies ;

  • en japonais, ki no nagare : continuité du ki, désigne la fluidité des mouvements, par exemple l'application d'une technique d'aikido sans marquer d'arrêt et en maintenant constamment le déséquilibre du partenaire (s'oppose à kihon waza, techniques de base en tant qu'élément du mouvement complet)

  • en japonais, genki : forme physique, « genki desu ka ? » — « Tu vas bien ? » « Tu es en forme ? »

Inspiration

La notion de ki a inspiré la notion de Force dans l'univers de Star Wars, qui est d'ailleurs globalement très inspiré du Japon médiéval (forme des casques des soldats de l'Empire, scénario inspiré de La Forteresse cachée de Kurosawa, analogies redondantes entre Jedi et Samouraï…).

Les mangas rendent très souvent compte de cette notion qui est courante dans les sociétés asiatiques (Dragon Ball, Ranma 1/2…)

Notes

  1.  romanisation : Pinyin qi, Wade-Giles ch'i, EFEO ts'i

Références

  1.  Lin Housheng, Luo Peiyu, 300 questions on qigong exercises, What is meant by Qi in qigong, p. 21, Guangdong Science and Technology Press, Guangzhou (China), 1994. (ISBN 7535912699)

  2. Elman (Benjamin A.), From Philosophy to Philology, Intellectual and Social Aspects of Change in Late Imperial China, Cambridge Mass., Harvard University Press, 1990, p. 19 et 20.

  3.  Xu Zhongshu (徐中舒), Jiaguwen Zidian 甲骨文字典 (dictionnaire des graphies sur os et carapaces), éd. Chengdu, Sichuan sishu (成都 : 四川辭書出版社), 1989.

  4.  Chen (Chusheng) 陳初生, Jinwen changyong zidian 金文常用字典, (Dictionnaire des caractères fréquents dans les inscriptions sur bronze), Shanxi : Renmin chubanshe, 1987.

  5.  气 (qì, l'air en chinois traditionnel)  sur le dictionnaire étymologique Zhongwen.com

  6.    sur zhongwen.com

  7.    sur Zhongwen.com

  8. (en)Libbrecht (Ulrich), Prâna = Pneuma = Ch'i ?, in Tought and law in Qin and Han China, Idema (Wilt L.) & Zurcher (Erik), Brill Academic Pub, 1990, p42-62. (ISBN 978-9004092693)

  9.  Dictionnaire étymologique du français de Jacqueline Picoche, éd Le Robert

  10.  Giovanni Maciocia, Les principes fondamentaux de la médecine chinoise, Elsevier Masson, 2008, pp. 43-45, 1286 p. (ISBN 2842999592)

  11.  Bi Yongsheng, Chinese qigong, Outgoing-qi Therapy, Essence, Vital Energy and Spirit (Jing, Qi and Shen), p. 41, Shandong Science and Technology Press, Jinan (China), 1992. (ISBN 7533110412)

  12.  Robinet (Isabelle), Histoire du taoïsme, des origines au XIVe siècle, éditions Cerf, 1991, p. 14 (ISBN 220404251X)

  13.  Cheng (Anne), Le renouvellement intellectuel des IIIe et IVe siècles, Entre indifférencié et principe structurant, in Histoire de la pensée chinoise, Seuil-Points collection Essais, 1997, page 336 (ISBN 9782020540094)

  14.  Xue Li Gong, Traitement de 43 Maladies en acupuncture traditionnelle - (Maladies pour lesquelles l'efficacité de l'acupuncture est reconnue par l'OMS), traduit par Lin Shi Shan, Institut Yin-Yang, 2010. (ISBN 978-2910589301)

  15.  Bi Yongsheng, Chinese qigong, Outgoing-qi Therapy, The channels and collaterals, pp. 51-62, Shandong Science and Technology Press, Jinan (China), 1992. (ISBN 7533110412)

  16.  (en)World Health Organization (OMS), WHO Scientific Group on International Acupuncture Nomenclature, A Proposed Standard International Acupuncture Nomenclature: Report of a WHO Scientific Group, Genève, 1991. (ISBN 9241544171)

  17.  Maciocia (Giovanni), Les principes fondamentaux de la médecine chinoise, chapitre 53 Les huit merveilleux vaisseaux, pp. 897-950, édition Elsevier Masson SAS, Issy-les-Moulineaux, 2008. (ISBN 978-2-84299-959-9)

  18.  Guan-Cheng Sun, The Physiology of the 3 Gates in the Process of Energetic Development, in Qi, the journal of Traditionnal Eastern health and Fitness, Vol. 14, No. 2 : Summer 2004.

  19.  Charles (George), Les exercices de santé du Kung Fu, Albin Michel, collection Arts de vivre d'Orient, 1983. (ISBN 2226017410)

Bibliographie

Traité d'acupuncture et de moxibustion / médecine traditionnelle chinoise (éditions des sciences et techniques de Shangai)

  • L'acupuncture moderne pratique / L'acupuncture et les sports / Dr R. de la Fuye (librairie E. Le François 91, bd St Germain, Paris)

  • Le livre du Ki - L'unification de l'esprit et du corps dans la vie quotidienne, de Koichi Tohei (Guy Trédaniel Éditeur)

Liens externes

Analyse du terme Qi dans sa langue d'origine

 

 

 
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