CINQ FAITS PROUVÉS
[38] NOTE
Une fois de plus, Madame Blavatsky cherche à accentuer certains aspects importants de l'enseignement, soulignant ce qui a déjà été expliqué et développant l'exposé des principes fondamentaux avec de plus amples commentaires et citations. Ainsi aux six paragraphes numérotés du Résumé, cinq articles sont ajoutés, présentés comme des "faits prouvés".
Les mots entre crochets [ ] sont donnés ainsi dans le texte, étant les éclaircissements de Madame Blavatsky, des passages cités. [39]
CINQ FAITS PROUVÉS
Quel que soit le sort réservé à ce travail dans un avenir lointain, nous espérons avoir au moins prouvé les faits suivants :
La Doctrine Secrète n'enseigne pas d'Athéisme, sauf dans le sens qu'implique le mot Sanscrit nâstika, rejet des idoles, incluant tout dieu anthropomorphe. Dans ce sens tout occultiste est un Nâstika.
Elle admet un Logos, ou un "Créateur" de l'Univers ; un Demi- urgos (Démiurge) dans le sens employé d'un architecte comme du "créateur" d'un édifice, bien que cet architecte n'en ait jamais touché une pierre, mais, qu'après en avoir donné le plan, il ait laissé tout le travail manuel aux maçons ; dans notre cas le plan fut donné par l'Idéation de l'univers, et le travail de construction fut laissé aux Légions de Puissances et de Forces intelligentes. Mais ce Démiurgos n'est pas une Divinité personnelle, c'est-à-dire un Dieu extracosmique imparfait, mais seulement l'ensemble des Dhyân Chôhans et des autres Forces.
Les Dhyân Chôhans ont un double caractère puisqu'ils sont composés (a) de l'Énergie brute, irrationnelle, inhérente à la matière, (b) de l'Ame intelligente ou Conscience cosmique qui dirige et guide cette énergie et qui est la Pensée Dhyân Chôhanique reflétant l'Idéation du Mental Universel. Cela a pour résultat une série perpétuelle de manifestations physiques et d'effets moraux sur la terre pendant les périodes manvantariques, le tout étant soumis au Karma. Comme ce processus n'est pas toujours parfait et que, si nombreuses que soient les preuves qu'il puisse laisser voir de l'existence d'une Intelligence dirigeante cachée derrière le voile, il n'en montre pas moins des lacunes et des défauts et aboutit même très souvent à des insuccès évidents – il s'ensuit que ni la Légion collective (Démiurgos), ni aucune des Puissances actives, prises individuellement, ne [40] sont adéquates aux honneurs divins ou à l'adoration. Tous ont cependant droit au reconnaissant respect de l'humanité, et l'homme devrait toujours s'efforcer à aider l'évolution divine des Idées, en devenant, au mieux de ses capacités, un collaborateur de la Nature dans la tâche cyclique. Seul, l'inconnaissable et l'incognoscible Kârana, la Cause sans Cause de toutes les causes, devrait avoir son sanctuaire et son autel sur le terrain sacré et à jamais inviolé de notre cœur – invisible, intangible, non mentionné, sauf par la "voix douce et calme" de notre conscience spirituelle. Ceux qui l'adorent devraient le faire dans le silence et dans la solitude sanctifiée de leur Ame, faisant de leur Esprit le seul intermédiaire entre eux et l'Esprit Universel, de leurs bonnes actions les seuls prêtres, et de leurs intentions pécheresses les seules victimes expiatoires visibles et objectives offertes à la Présence.
"Lorsque tu pries, ne sois pas comme sont les hypocrites... mais entre dans ta chambre intérieure, et après en avoir fermé la porte, prie ton père qui est dans le secret, Math. VI, 5-6. Notre Père est en nous "en secret", notre Septième Principe qui est dans la "chambre intérieure" de notre perception de l'âme. Le Royaume de Dieu et du Ciel est en nous, dit Jésus, et non au-dehors. Pourquoi les Chrétiens sont-ils si aveugles en ce qui concerne la signification évidente des paroles de sagesse qu'ils se plaisent à répéter machinalement ?"
La matière est éternelle. C'est l'upâdhi, ou base physique, dont se sert le Mental Universel, Unique et Infini, pour établir sur elle ses idéations. C'est pourquoi les ésotéristes maintiennent qu'il n'y a pas de matière inorganique ou "morte" dans la Nature, la distinction qu'établit la Science entre les deux étant aussi peu fondée qu'elle est arbitraire et dépourvue de raison. Quoiqu'en puisse penser la Science – et la science exacte est une dame inconstante, comme nous le savons tous par expérience – l'Occultisme sait et enseigne différemment, comme il l'a fait de temps immémorial, depuis Manu et Hermès, jusqu'à Paracelse et ses successeurs. [41]
Hermès Trismégiste, le Trois Fois Grand, dit .
O mon fils, la matière devient, autrefois elle fut, car la matière est le véhicule du devenir. Devenir est le mode d'activité du Dieu incréé et qui prévoit. Ayant été douée du germe du devenir, la matière [objective] est enfantée, car la force créatrice la moule selon tes formes idéales. La matière non encore engendrée n'avait pas de forme ; elle devient lorsqu'elle est mise en action.
La Vierge du Monde.
A ceci, feu le Dr. Anna Kingsford, l'excellent traducteur et compilateur des Fragments Hermétiques, remarque dans une note en bas de page : "Le Dr. Ménard fait remarquer qu'en grec le même mot signifie naître et devenir. L'idée ici est que la matière qui compose le monde est dans son essence éternelle et qu'avant la création ou le 'devenir', elle est dans une condition passive et immobile. C'est pourquoi elle 'fut' avant d'être mise en action ; maintenant elle 'devient', c'est-à-dire qu'elle est mobile et progressive". Et elle ajoute la doctrine purement Védântique de la philosophie Hermétique, à savoir que "la Création est, par conséquent, la période d'activité [Manvantara] de Dieu, qui, selon la pensée Hermétique [ou qui, selon les Védantins], a deux modes – l'Activité ou l'Existence, Dieu évolué (Deus explicitus), et Passivité de l'Etre [Pralaya], Dieu involué (Deus implicitus). Les deux modes sont parfaits et complets, comme le sont, pour l'homme, les états de veille et de sommeil. Fichte, le philosophe allemand, décrivait l'Etre (Sein) comme l'Unique que nous ne connaissons que par son existence (Dasein) en qualité de Multiple. Cette manière de voir est absolument Hermétique. Les 'Formes Idéales'... sont les idées archétypales ou plastiques des Néo-Platoniciens, les conceptions éternelles et subjectives de choses qui existent dans le Mental Divin avant la "création" ou le devenir".
Ou, comme dans la philosophie de Paracelse :
Tout est le produit d'un effort créateur universel... Il n'y a rien de mort dans la Nature. Tout est organique et vivant, et par conséquent le monde entier semble être un organisme vivant."
Franz Hartmann, Paracelse.[42]
L'univers a été tiré de son plan idéal, maintenu durant l'Eternité dans l'inconscience de ce que les Védantins appellent Parabrahman. C'est pratiquement identique aux conclusions de la plus haute philosophie occidentale, "les Idées innées, éternelles et existantes en elles-mêmes" de Platon, maintenant reprises par Von Hartmann. L'"Inconnaissable" d'Herbert Spencer ne ressemble que faiblement à cette Réalité transcendantale, à laquelle croient les occultistes, et qui ne semble être souvent que la personnification d'une "force cachée derrière les phénomènes" – une Energie infinie et éternelle de laquelle tout procède, tandis que l'auteur de La Philosophie de l'Inconscient arrive (sous ce rapport seulement) aussi près de la solution du grand Mystère que le peut un homme mortel. Rares ont été ceux qui, que ce soit dans la philosophie ancienne ou médiévale, ont osé s'approcher de ce sujet, ou même en faire mention. Paracelse en parle par voie d'inférence et ses idées sont admirablement synthétisées par le Dr. F. Hartmann dans son Paracelse.
Tous les Kabalistes Chrétiens comprenaient bien l'idée racine de l'Orient. Le Pouvoir actif, le "Mouvement Perpétuel du Grand Souffle", ne réveille le Kosmos qu'à l'aurore de chaque nouvelle Période, le mettant en mouvement au moyen des deux Forces contraires – la force centripète et la force centrifuge qui sont mâle et femelle, positive et négative, physique et spirituelle, qui forment à elles deux la Force Primordiale unique – et la rendent ainsi objective sur le plan de l'Illusion. En d'autres termes, ce double mouvement transporte le Kosmos du plan de l'Idéal Eternel dans celui de la manifestation finie, ou du plan nouménal dans le plan phénoménal. Tout ce qui est, fut et sera, EXISTE éternellement, même les formes innombrables, qui ne sont finies et périssables que dans leur Forme objective, mais non dans leur Forme Idéale. Elles ont existé comme Idées, dans l'Eternité, et, lorsqu'elles disparaîtront, elles existeront comme reflets. L'Occultisme enseigne qu'aucune forme ne peut être donnée à quoi que ce soit, par la Nature ou par l'homme, sans que son type idéal n'existe déjà sur [43] le plan subjectif ; plus que cela, qu'aucune forme ou aspect ne peut entrer dans la conscience de l'homme, ou évoluer dans son imagination, sans exister déjà à l'état de prototype, au moins approximativement. Ni la forme de l'homme, ni celle d'un animal, d'une plante ou d'une pierre, n'ont jamais été "créées", et ce n'est que sur notre plan qu'elles ont commencé à "devenir", c'est-à-dire à s'objectiver dans leur matérialité actuelle, ou à s'épandre du dedans au dehors, de l'essence la plus sublimée et la plus super-sensorielle jusqu'à son apparence la plus grossière. Par conséquent nos formes humaines ont existé dans l'Eternité comme des prototypes astrals ou éthérés, et c'est selon ces modèles que les Etres Spirituels, ou les Dieux, dont le devoir était de les amener à l'existence objective et à la vie terrestre, ont évolué les formes protoplasmiques des futurs Egos de leur propre essence. Après quoi, dès que cet upâdhi humain ou ce moule servant de base fut prêt, les forces terrestres naturelles commencèrent à travailler sur ces moules super-sensoriels qui contenaient, outre leur propre élément, ceux de toutes les formes végétales passées et de toutes les formes animales futures de ce globe. De sorte que la coque extérieure de l'homme passa par tous les corps végétaux et animaux, avant de revêtir la forme humaine.
La Doctrine Secrète, I 270-273.