DISTINCTION ENTRE L'AME ET L'ESPRIT
Question – Est-il vrai que vous enseigniez l'annihilation de toute personnalité, ainsi que quelques Spirites Français et quelques Spiritualistes vous accusent de le faire ?
Réponse – Non, certes. Mais nos opposants ont répandu cette absurde accusation sur notre compte pour la raison suivante : la question de la dualité – c'est-à-dire l'individualité de l'Ego Divin et la personnalité de l'animal humain – entraîne, à sa suite, la possibilité de voir l'Ego réel et immortel apparaître à des séances sous la forme d'un "esprit matérialisé", et voilà ce que nous nions absolument, comme nous l'avons déjà expliqué.
Question – Vous venez de parler de Psyché se dirigeant rapidement vers sa complète annihilation, si elle s'attache à Anoia. Que voulait dire Platon, et que voulez-vous dire vous-même par cela ?
Réponse – Il s'agit de l'entière annihilation de la conscience personnelle ; ce qui, je pense, est un cas rare et exceptionnel. En règle générale et à peu près invariable, la conscience personnelle est absorbée dans la conscience individuelle et immortelle de l'Ego, par une transformation ou une transfiguration divine ; et l'annihilation entière [134] ne s'applique qu'au quaternaire inférieur. Voudriez-vous que la chair ou la personnalité temporaire, l'ombre ou "le corps astral", les instincts animaux et même la vie physique, durassent à perpétuité avec "l'Ego spirituel ?" Il faut, naturellement, que tout cela cesse d'exister à la mort, ou peu de temps après ; Voilà ce qui est entièrement annihilé, car cela se désintègre peu à peu et finit par disparaître tout à fait.
16 Le Nous de Platon est appelé "Esprit" par Paul ; Mais, puisque cet esprit est substance", il va sans dire qu'il s'agit de Buddhi et non point d'Atma, qui, au point de vue philosophique, ne peut jamais être appelé substance. C'est afin de ne pas occasionner de plus grande confusion que nous avons placé Atma au nombre des principes humains. Atma n'est point un principe "humain", mais le principe Universel et absolu, dont Buddhi, l'Ame-Esprit, est le véhicule.
Question – Mais alors vous n'admettez pas non plus la résurrection de la chair ?
Réponse – Cela va sans dire. Comment nous, qui croyons à la philosophie ésotérique et archaïque des Anciens, pourrions-nous accepter les spéculations très peu philosophiques que la théologie chrétienne des temps plus récents emprunta aux systèmes exotériques des gnostiques Grecs et Egyptiens ?
Question – Comment pouvez-vous établir une pareille comparaison ? Les Egyptiens vénéraient les Esprits de la nature, et ont même déifié des oignons ; vos Hindous sont, jusqu'à présent, des idolâtres ; les Zoroastriens adoraient et adorent encore le Soleil ; enfin les meilleurs d'entre les philosophes grecs n'étaient que des rêveurs et des matérialistes – témoin Platon et Démocrite.
Réponse – Il se peut que les faits se trouvent rapportés de la sorte dans vos catéchismes modernes, chrétiens et même scientifiques ; mais les esprits libres de tout préjugé en jugent autrement. [135] Les Egyptiens adoraient le "Un-seul-Un", sous le nom de Nout qui fournit à Anaxagore la dénomination de Noûs, ou, comme il l'appelle, Noǔς χύτοχρατής, l'intelligence ou Esprit Puissant par soi-même, l'Aρχŋτŋς χινηδεως, le moteur principal ou primum mobile de tout. Pour lui, le Nous était Dieu, et le Logos, l'homme, émanation de Dieu. Le Nous est l'esprit, dans le Kosmos et dans l'homme, et le Logos considéré, soit comme Univers, soit comme corps astral, est son émanation, car le corps physique n'est autre chose que l'animal. Nos facultés extérieures perçoivent les phénomènes dont notre Nous seul est capable de reconnaître les noumènes. Le Logos, ou Noumenon, seul, peut continuer d'exister, car sa nature même et son essence sont immortelles. Or, dans l'homme, le Logos est l'Eternel Ego qui se réincarne et qui vit éternellement. Mais comment se pourrait-il que ce qui est ressuscité en incorruptibilité fût l'ombre fugitive ou extérieure, le vêtement passager de cette Emanation divine qui retourne à la source d'où elle provient ?
Question – Pourtant, vous ne vous soustrairez guère à l'accusation d'avoir inventé une nouvelle division des éléments spirituels et psychiques dont l'homme est composé ; car, bien que vous pensiez que Platon en a parlé, il n'y a aucun philosophe qui en fasse mention.
Réponse – Je maintiens, néanmoins, ce que j'ai dit. Non seulement Platon, mais Pythagore, a [136] suivi le même système 17. Il décrivit l'Ame comme une Unité (monade) mouvante par soi-même, composée de trois éléments Nous (l'Esprit), Phren (l'Intelligence) et Thumos (la vie ou le souffle, le Nephesh des Kabbalistes), lesquels correspondent à Atma- Buddhi (l'Esprit-Ame Supérieur), Manas (l'Ego), et Kama-rupa uni à la réflexion inférieure de Manas. Ce que les anciens philosophes Grecs appelaient Ame, en général, nous l'appelons Esprit, ou Ame Spirituelle, Buddhi, le véhicule d'Atma (Agathon, la Déité Suprême dont parle Platon). Par le fait même que Pythagore, et d'autres avec lui, disent que nous possédons Phren et Thumos on commun avec les animaux, ils prouvent tout simplement que, dans ce cas, il s'agit de la réflexion Manasique inférieure (l'instinct) et de Kama-rupa (agrégation des passions animales). Puisque Socrate et Platon adoptèrent et suivirent ce système de division, si, aux cinq principes suivants : Agathon (Deité ou Atma), Psyché (l'Ame prise dans le sens collectif), Nous (l'Esprit ou l'Intelligence), Phren (l'intelligence physique) et Thumos (Kama-rupa ou siège des passions), nous ajoutons l'Eidolon des Mystères, c'est-à-dire la forme astrale, ou le double, et le corps physique, il sera facile de démontrer que les idées de Pythagore et de Platon sont parfaitement d'accord avec les nôtres. Les Egyptiens s'en tenaient également à la division septénaire. Ils enseignaient que l'Ame (ou l'Ego), en partant, devait traverser, des sept chambres ou principes, ceux qu'elle laissait en arrière et ceux qu'elle prenait avec elle. II n'y a qu'une différence entre leur enseignement et le nôtre ; c'est que, puisqu'ils risquaient la mort, s'ils révélaient les doctrines des Mystères ; ils étaient obligés de n'en donner que le contour, pour ainsi dire, tandis que nous expliquons et que nous entrons dans les détails. Et, bien que nous révélions tout ce qu'il nous est possible de dire, nous sommes néanmoins obligés d'omettre bien des détails importants, qui ne sont connus que de ceux qui étudient la philosophie ésotérique et qui, ayant prêté le serment du silence, sont, par conséquent, seuls autorisés à les savoir. [138]
17 "Platon et Pythagore" dit Plutarque, "divisent l'âme en deux parties : la rationnelle (Noëtique) et l'irrationnelle (Agnoia). Ils disent que cette partie de l'âme de l'homme. Qui est rationnelle, est éternelle ; car, quoique ce ne soit pas Dieu, c'est pourtant le produit d'une Déité éternelle, Mais cette partie de l'âme qui est privée de raison (Agnoia), meurt". Le terme moderne, Agnostique vient du mot Agnosis, de même origine.
Nous nous demandons pourquoi M. Huxley, l'auteur de ce terme, aurait établi une parenté entre sa grande intelligence et "l'âme privée de raison" qui meurt ? Faut-il y voir l'humilité exagérée du matérialiste moderne ?