SECTION II

LA LANGUE DES MYSTERES ET SES CLEFS

 

De récentes découvertes, faites par de grands mathématiciens et cabalistes, prouvent donc, sans l'ombre d'un doute, que toute théologie depuis la première jusqu'à la dernière, n'a pas jailli seulement d'une source commune d'idées abstraites, mais d'une langue ésotérique universelle, ou langue des mystères. Ces savants sont en possession de la clef de la langue universelle de jadis et l'ont tournée avec succès, bien qu'une seule fois, dans la porte hermétiquement close qui conduit à la Salle des Mystères. Le grand système archaïque connu depuis les temps préhistoriques sous le nom de Science-Sagesse sacrée, système qui est contenu dans toutes les religions, tant anciennes que nouvelles, où on peut en suivre les traces, possédait et possède encore sa langue universelle – soupçonnée par le franc-maçon Ragon – la langue des Hiérophantes qui comprend pour ainsi dire, sept "dialectes" dont chacun a trait à un des sept mystères de la nature, auquel il est spécialement approprié. Chacun de ces dialectes avait son symbolisme propre. On pouvait ainsi déchiffrer la nature dans sa plénitude, ou sous l'un de ses aspects spéciaux.

La preuve en est que, jusqu'à présent, les Orientalistes, en général et les Indianistes et les Egyptologues, en particulier, éprouvent une extrême difficulté à interpréter les écrits allégoriques des Aryens et les archives hiératiques de l'Egypte antique. C'est parce qu'ils ne veulent jamais se souvenir que toutes les archives antiques ont été écrites dans une langue qui était jadis universelle et également connue de toutes les nations, mais qui n'est maintenant intelligible que pour le petit nombre. Comme les chiffres arabes, que comprennent les hommes de toutes les nations, ou comme le mot anglais and, qui devient et pour le français, und pour l'allemand et ainsi de suite, mais qui peut s'exprimer pour toutes les nations civilisées par le signe & – de même tous les mots de la langue mystérieuse avaient la même signification pour tous les hommes, quelle que fût leur nationalité. Plusieurs hommes célèbres ont essayé de remettre en vigueur une langue de ce genre, universelle et philosophique, comme Delgarme, Wilkins, Leibniz ; mais Demaimieux, dans sa [II 11] Pasigraphie, est le seul qui en ait prouvé la possibilité. La méthode de Valentin, que l'on appelle la "Cabale grecque" et qui est basée sur la combinaison de caractères grecs, pourrait servir de modèle.

Les différents aspects de la Langue des mystères ont conduit à l'adoption d'une grande variété de dogmes et de rites, dans l'exotérisme des rituels de l'Eglise. C'est encore ces mêmes aspects qui sont l'origine de la plupart des dogmes de l'Eglise chrétienne ; par exemple les sept Sacrements, la Trinité, la Résurrection, les sept Péchés Capitaux et les sept Vertus. Cependant les Sept Clefs de la Langue des mystères ayant toujours été sous la garde des plus grands parmi les Hiérophantes initiés de l'antiquité, l'usage partiel de quelques-unes d'entre elles seulement passa, par suite de la trahison de quelques-uns des Pères de l'église – ex-initiés des temples – dans les mains de la secte nouvelle des Nazaréens. Quelques-uns des premiers Papes étaient des initiés, mais les derniers fragments de leur savoir sont maintenant tombés au pouvoir des Jésuites, qui les ont transformés en un système de sorcellerie.

On prétend que l'INDE – non pas réduite à ses limites actuelles, mais en y comprenant ses antiques frontières est le seul pays du monde qui possède encore parmi ses fils des Adeptes ayant une complète connaissance des sept sous-systèmes et possédant la clef du système entier. Depuis la chute de Memphis, l'Egypte commença à perdre ces clefs l'une après l'autre, et la Chaldée n'en possédait plus que trois à l'époque de Bérose. Quant aux Hébreux, ils ne font preuve, dans tous leurs écrits, que d'une profonde connaissance des systèmes astronomique, géométrique et numérique, servant à symboliser les fonctions humaines  et particulièrement les fonctions physiologiques. Ils n'ont jamais possédé les clefs supérieures.

M. Gaston Maspero, le grand Egyptologue français, successeur de Mariette Bey, écrit :

Toutes les fois que j'entends parler de la religion de l'Egypte, je suis tenté de demander de laquelle des religions de l'Egypte on veut parler ? Est-ce de la religion égyptienne de la quatrième dynastie, ou de celle de la période ptolémaïque ? Est-ce de la religion de la foule, ou de celle des érudits ? De la religion que  l'on enseignait dans les écoles d'Héliopolis, ou de celle qui vivait dans le mental et les conceptions de la classe sacerdotale de Thèbes ? Car entre le premier tombeau Memphite, qui porte le cartouche d'un roi de la troisième dynastie et les dernières pierres gravées à Esneh sous Philippe-César, l'Arabe, il y a un intervalle d'au moins cinq mille ans. Laissant de côté l'invasion des  Pasteurs, la [II 12] domination des Ethiopiens et des Assyriens, la conquête perse, la colonisation grecque et les mille révolutions de sa vie politique, l'Egypte a traversé, durant ces cinq mille ans, bien des vicissitudes morales et intellectuelles. Le chapitre XVII du Livre des Morts, qui semble contenir la description du système du monde tel qu'on le comprenait à Héliopolis, à l'époque des premières dynasties, ne nous est connu que par quelques rares copies, datant des onzième et douzième dynasties. Chacun des versets qui le composent avait déjà été interprété de trois ou quatre façons différentes, si différentes même, que, suivant telle ou telle école, le Démiurge était, soit le feu solaire – Ra-shoo – soit l'eau primordiale. Quinze siècles plus tard, le nombre des significations avait considérablement augmenté. Le temps dans son cours avait beaucoup modifié leurs idées, au sujet de l'univers et des forces qui le gouvernaient. Durant sa courte existence de dix-huit siècles, le Christianisme a fondé, développé et transformé la plupart de ses dogmes ; combien de fois les prêtres égyptiens n'ont-ils donc pas modifié les leurs pendant le cours de ces cinquante siècles qui séparent Théodose des rois qui ont construit les pyramides 8.

8 Guide du Musée de Boulaq, pp. 148, 149.

 

Nous croyons que l'éminent égyptologue va ici trop loin. Il  est possible que les dogmes exotériques aient été souvent changés, mais les ésotériques jamais. Il ne tient pas compte de l'immuabilité sacrée des vérités primitives, révélées seulement pendant les mystères de l'Initiation. Les prêtres égyptiens avaient beaucoup oublié, mais n'ont rien altéré. La perte d'une grande partie des enseignements primitifs a été due au décès soudain de grands hiérophantes, qui disparurent avant d'avoir eu le temps de tout révéler à leurs successeurs et surtout sans avoir pu trouver des héritiers dignes de leur savoir. Ils ont cependant conservé dans leurs rituels et leurs dogmes les principaux enseignements de la DOCTRINE SECRETE.

Ainsi nous trouvons, dans le chapitre du Livre des Morts 9 dont parle Maspero,

9 Le Livre des Morts, trad. fr. de Pierret.

 

  1. Osiris disant qu'il est Toom – la force créatrice de la nature, qui donne la forme à tous les êtres, aux esprits comme aux hommes, soi-générée et soi-existante – issu de Noon, le fleuve céleste, appelé le Père-Mère des Dieux, la divinité primordiale, qui est le Chaos ou l'Abîme imprégné par l'Esprit invisible.
  2. Osiris a trouvé Shou, la force solaire, sur l'Echelle dans la Ville des Huit (les deux carrés du Bien et du Mal) et il a annihilé les Enfants de la Rébellion, les mauvais principes dans Noon (le Chaos).
  3. Il est le Feu et l'Eau, Noon le Parent Primordial et il créa les Dieux en les tirant de ses Membres – quatorze Dieux (deux fois sept), sept Dieux de ténèbres et sept de lumière – les [II 13] sept Esprits de la Présence des Chrétiens et les sept Mauvais Esprits des ténèbres.
  4. Il est la Loi de l'Existence et de l'Etre, le Bennoo, ou Phénix, l'Oiseau de la Résurrection dans l'Eternité, dans lequel la Nuit succède au Jour et le Jour à la Nuit – allusion aux cycles périodiques de résurrection cosmique et de  réincarnation humaine. En effet, quelle autre  signification  cela  pourrait-il avoir ? "Le voyageur qui traverse des millions d'années est le nom de l'un et le Grand Vert [l'Eau Primordiale ou le Chaos] celui de l'autre", l'un engendrant des millions d'années successives, l'autre les engouffrant, pour les faire reparaître.
  5. Il parle des Sept Entités Lumineuses qui suivent leur Seigneur, Osiris, qui rend la justice dans l'Amenti.

 On a maintenant montré que tout cela a été la source et l'origine des dogmes Chrétiens. Ce que les juifs ont pris à l'Egypte, par l'entremise de Moïse et d'autres Initiés, était assez confus et défiguré dans les derniers temps, mais ce que l'Eglise a pris à tous deux est encore plus mal interprété.

Il est toutefois établi que le système hébraïque, en ce qui concerne spécialement le symbolisme – cette clef des mystères de l'astronomie, dans leurs rapports avec ceux de la génération et de la conception –  est identique aux idées qui, dans les religions antiques, ont développé l'élément phallique de la théologie. Le système juif de mesures sacrées, appliqué aux symboles religieux, est le même, pour les combinaisons géométriques et numériques du moins, que celui de la Grèce, de la Chaldée et de l'Egypte, car il fut adopté par les Israélites pendant leur esclavage et leur captivité séculaires dans ces deux derniers pays 10.  Qu'était  ce système ? L'auteur de The Source of Measures croit fermement que "les livres de Moïse étaient destinés, au moyen d'artifices de langage, à exposer un système géométrique et numérique de science exacte, qui devait être employé comme origines des mesures". Piazzi Smyth partage la même opinion. Quelques érudits sont d'avis que ce système et ces mesures sont ceux mêmes [II 14] dont on s'est servi lors de la construction de la Grande Pyramide : mais ce n'est qu'en partie vrai. "La base de ces mesures était la proportion Parker", dit Ralston Skinner dans The Source of Measures.

10 Comme nous l'avons dit dans Isis Dévoilée (IV, 125) : "Jusqu'à présent, en dépit de toutes les controverses et de toutes les recherches, l'Histoire et la Science restent aussi ignorantes que jamais au sujet de l'origine des juifs. Ils peuvent aussi bien être les Chandâlas exilés de l'Inde ancienne, les "maçons" dont parlent Véda-Vyâsa et Manou, que les Phéniciens d'Hérodote, les Hyksos de Joseph, les descendants de bergers Pali, ou bien un mélange de tous ceux-ci. La Bible parle des Tyriens comme d'un peuple apparenté et prétend régner sur eux... Néanmoins, quoi qu'ils aient pu être, ils sont devenus un peuple hybride peu après l'époque de Moïse, car la Bible nous les montre s'unissant librement par les liens du mariage, non seulement avec les Chananéens, mais encore dans toutes les nations ou races, avec lesquelles ils venaient en contact."

 

L'auteur de ce livre très extraordinaire dit qu'il l'a découverte en employant le rapport intégral du diamètre à la circonférence d'un cercle, découvert par John A. Parker, de New York. Cette proportion est 6561 comme diamètre et de 20612 comme circonférence. En outre, dit-il, cette proportion géométrique était l'origine, très ancienne et probablement divine, de ce qui est maintenant devenu, par suite de manipulations exotériques et d'applications pratiques, les mesures linéaires   britanniques, "dont l'unité sous-jacente, c'est-à-dire le pouce, était aussi la base d'une des coudées royales égyptiennes et du pied romain".

Il découvrit aussi qu'il existait une autre forme de cette proportion, soit 113 à 355, et que, tandis que cette dernière se rapportait par son origine  à la valeur exacte de n, ou rapport de 6561 à 20612, elle servait aussi de base aux calculs astronomiques. L'auteur découvrit qu'un système de science exacte, géométrique, numérique et astronomique, basé sur ces proportions et dont on constate la mise en pratique pour la construction de la Grande Pyramide d'Egypte, constituait en partie le fardeau imposé à cette langue, telle qu'elle est contenue et dissimulée sous le verbiage du texte hébreu de la Bible. Il fut démontré que le pouce et la mesure de deux pieds de 24 pouces, ainsi mis en usage au moyen des éléments du cercle et des proportions précitées, formaient la base ou l'assise de ce système scientifique naturel, égyptien et hébreu, en même temps qu'il paraît évident que le système en lui-même était considéré comme ayant une origine divine et comme étant dû à une révélation divine 11.

11 Voir Manuscrit, p. 7.

 

Mais voyons ce que disent les adversaires des mesures que le professeur Piazzi Smyth donne de la Pyramide.

M. Petrie semble refuser de les admettre et paraît avoir complètement détruit les calculs de Piazzi Smyth sous leur aspect biblique. M. Proctor, le champion des "coïncidences", depuis plusieurs années, dans toutes les questions d'arts et de science antiques, fait de même. Parlant "du grand nombre de rapports, indépendants de la Pyramide qui ont pris naissance pendant que les pyramidalistes essayaient de relier la Pyramide au système solaire", il dit :

Ces coïncidences [qui n'en existeraient pas moins s'il n'y avait pas de Pyramide] sont bien plus  curieuses qu'aucune de celles qui [II 15] existent entre la Pyramide et les nombres astronomiques. Les premières sont aussi mystérieuses et aussi remarquables qu'elles sont réelles, tandis que les dernières, qui ne sont qu'imaginaires (?), n'ont  été  établies  qu'au  moyen  de  ce  que  les écoliers appellent "des blagues" et, grâce aux nouvelles et récentes mesures, tout le travail est à refaire 12.

A ce sujet, M. C. Staniland Wake remarque avec justesse :

Elles doivent cependant avoir été plus que de simples coïncidences si les constructeurs de la pyramide possédaient le savoir astronomique, utilisé pour sa parfaite orientation et ses autres traits notoirement astronomiques 13.

12 Knowledge, vol. I : voir aussi la lettre de Petrie The Academy du 17 décembre 1881.

13 The Origin and Significance of the Great Pyramid, p. 8. Note. 1882.

 

Ils le possédaient assurément et c'est sur ce "savoir" qu'était fondé le programme des MYSTERES et de la série des Initiations. Il en résulta la construction de la Pyramide, éternelles archives et symbole indestructible de ces Mystères et de ces Initiations sur Terre, comme l'est dans le ciel la course des étoiles. Le cycle de l'Initiation était une reproduction en miniature de cette grande série de changements cosmiques, à laquelle les astronomes ont donné le nom d'Année Tropique ou Sidérale. De même qu'à la fin du cycle de l'Année Sidérale (25.868 ans), les corps célestes reviennent aux positions relatives mêmes qu'ils occupaient à son début, de même, à la fin du cycle de l'Initiation, l'Homme Intérieur a regagné l'état primitif de pureté et de connaissance divines, d'où il est parti pour entreprendre son cycle d'incarnation terrestre.

Moïse, Initié de la Mystagogie égyptienne, basa les mystères religieux de la nouvelle nation qu'il fonda, sur les mêmes formules abstraites dérivées de ce cycle sidéral, symbolisé par la forme et les dimensions du Tabernacle, qu'il est supposé avoir construit dans le Désert. Sur ces données, les Grands-Prêtres juifs postérieurs édifièrent l'allégorie du Temple de Salomon – construction qui n'a jamais réellement existé, pas plus que le Roi Salomon lui-même, qui n'est qu'un mythe solaire, tout comme le plus récent Hiram Abif des Maçons, ainsi que l'a bien prouvé Ragon. Par conséquent, si les mesures de ce Temple allégorique, symbole du cycle de l'Initiation, coïncident avec celles de la Grande Pyramide, cela tient à ce qu'elles en dérivent en passant par les mesures du Tabernacle de Moïse. [II 16]

 

14 Se rapporte semble-t-il au livre juste mentionné de C. Staniland Wake. N.D.E.

 Que notre auteur 14 ait incontestablement découvert une et même deux des clefs est pleinement démontré dans l'ouvrage que nous venons de citer. Il suffit de le lire pour sentir une conviction croissante que la signification cachée des allégories et des paraboles des deux Testaments est maintenant dévoilée. Mais il est non moins certain, même peut-être plus encore, qu'il doit cette découverte beaucoup plus à son propre génie qu'à Parker et à Piazzi Smyth. En effet, comme nous venons de l'exposer, il n'est nullement certain que les mesures de la Grande Pyramide, adoptées par les Pyramidalistes Bibliques, soient au-dessus du soupçon. On en trouve la preuve dans l'ouvrage de M. F. Petrie, intitulé The Pyramids and Temples of Gizeh, et aussi dans d'autres livres écrits tout récemment à l'encontre de ces mêmes calculs, que leurs auteurs qualifient de "préconçus". D'après ce que nous voyons, presque toutes les mesures de Piazzi Smyth diffèrent de celles prises plus récemment et avec plus de soin par M. Petrie,  qui termine l'Introduction de son ouvrage par ces mots :

En ce qui concerne le résultat final des recherches, bien des théoriciens partageront peut-être l'opinion d'un Américain qui, lorsqu'il arriva à Gizeh, était un ardent partisan des théories sur les pyramides. J'ai eu le plaisir de passer là deux jours avec lui et, pendant notre dernier repas commun, il me dit avec tristesse : "Eh bien, monsieur ! J'éprouve l'impression d'avoir été à un enterrement. Accordons aux anciennes théories des obsèques convenables, mais ayons soin, dans notre hâte, de n'enterrer vivante aucune des blessées."

En ce qui concerne les calculs faits par J. A. Parker, en général, et surtout sa troisième proposition, nous avons consulté d'éminents mathématiciens, et voici le résumé de ce qu'ils disent :

Le raisonnement de Parker repose sur des considérations sentimentales plutôt que mathématiques, et n'est pas logiquement concluant.

 La proposition III, entre autres, qui dit que :

Le cercle est la base naturelle de toute superficie, et faire du carré cette base, dans la science mathématique, n'est qu'artificiel et arbitraire.

est un exemple de proposition arbitraire, à laquelle on ne saurait se fier dans un raisonnement mathématique. La même remarque s'applique, avec plus de force encore, à la proposition VII, qui déclare que : [II 17]

Puisque le cercle est la forme primaire dans la nature et par suite la base de superficie, et puisque le cercle a pour mesure un carré et ne lui est égal que dans le rapport  de la demi-circonférence au rayon, il s'ensuit que la circonférence et le rayon, et non pas le carré du diamètre, sont les seuls éléments naturels et légitimes de superficie, au moyen desquels toutes les formes régulières peuvent être ramenées au carré et au cercle.

La proposition IX est un échantillon remarquable de raisonnement vicieux, bien que ce soit celui sur lequel repose principalement la Quadrature de M. Parker ; elle dit que :

Le cercle et le triangle équilatéral sont opposés l'un à l'autre dans tous les éléments de leur construction, d'où il résulte que le diamètre fractionnel d'un cercle donné, qui est égal au diamètre d'un carré donné, est inversement proportionnel au double du diamètre d'un triangle équilatéral dont la superficie est l'unité, etc.

En admettant, pour les besoins du raisonnement, qu'on puisse parler du rayon d'un triangle, dans le sens que nous donnons au mot rayon d'un cercle – car ce que Parker appelle le rayon d'un triangle est celui du cercle inscrit et par conséquent nullement le rayon du triangle – et en admettant provisoirement toutes les propositions, tant fantaisistes  que mathématiques, qu'il fait entrer dans ses prémisses, pourquoi en conclurions-nous que, si le triangle équilatéral et le cercle sont opposés dans tous les éléments de leur construction, le diamètre d'un cercle quelconque est inversement proportionnel au double du diamètre d'un triangle équivalent quelconque ? Quelle relation nécessaire y a-t-il entre les prémisses et la conclusion ? Un raisonnement de cette sorte est inconnu en géométrie et n'est pas acceptable pour de rigoureux mathématiciens.

Que le système archaïque Esotérique ait donné naissance au pouce britannique ou non, cela n'a toutefois que peu d'importance pour le métaphysicien rigoureux et vrai. Et la façon ésotérique de lire la Biblede

  1. Ralston Skinner ne devient pas incorrecte par cela seul que les mesures de la Pyramide peuvent ne pas concorder avec celles du temple de Salomon, de l'arche de Noé, etc., ou parce que les mathématiciens refusent d'accepter la Quadrature du Cercle de M. Parker. Le procédé de  M. Skinner s'appuie, en effet, avant tout, sur les méthodes Cabalistiques et sur la valeur que les rabbins donnaient aux lettres de l'alphabet hébreu. Mais il est extrêmement important d'établir si les mesures employées dans l'évolution de la religion symbolique des Aryens, dans la construction de leurs temples, dans les chiffres que renferment les Pouranas et surtout dans leur chronologie, leurs symboles [II 18] astronomiques, la durée des cycles et dans d'autres computations, étaient ou n'étaient pas les mêmes que celles employées dans les calculs et les glyphes de la Bible. Cela prouverait, en effet, que les juifs, à moins qu'ils n'aient emprunté leurs mesures et leur coudée sacrée aux Egyptiens – Moïse ayant été initié par leurs prêtres – doivent les avoir tirées de l'Inde. En tout cas, ils les ont transmises aux premiers chrétiens. Ce sont donc les Occultistes et les Cabalistes qui sont les vrais héritiers de la Connaissance, ou Sagesse Secrète, qu'on trouve encore dans la Bible, car eux seuls en comprennent maintenant la vraie signification, tandis que les profanes, juifs et chrétiens, ne s'attachent qu'à l'extérieur et à la lettre morte. Il est aujourd'hui prouvé par l'auteur de The Source of Measures que c'est à ce système de mesures que fut due l'invention des noms d'Elohim et de Jéhovah ainsi que leur adaptation au Phallicisme et que Jéhovah est une copie peu flatteuse d'Osiris. Mais ce même auteur et M. Piazzi Smyth semblent être tous les deux sous l'impression
    1. que la Priorité du système appartient aux Israélites, la langue hébraïque étant la langue divine, et
    2. que cette langue universelle appartient à la révélation directe !

Cette dernière hypothèse n'est correcte que dans le sens indiqué  dans le dernier paragraphe de la Section précédente ; mais il nous reste à nous entendre sur la nature et le caractère du divin "Révélateur". La justesse   de la première hypothèse, au sujet de la priorité, dépendra sans doute pour les profanes,

  1. des preuves internes et externes de la révélation et
  2. des préconceptions individuelles de chacun.

Ce qui n'empêchera du reste pas le Cabaliste Théiste, ou l'Occultiste Panthéiste, de croire chacun à sa façon ; aucun des deux ne convainquant l'autre. Les données de l'histoire sont trop maigres et trop peu satisfaisantes pour que l'un des deux puisse prouver au sceptique que c'est lui qui a raison.

D'autre part, les preuves fournies par la tradition sont rejetées avec trop de persistance pour que nous puissions espérer résoudre la question à l'époque actuelle. En attendant, la Science Matérialiste se moquera aussi bien des Cabalistes que des Occultistes. Mais, la difficile question de priorité une fois mise de côté, la Science, en ce qui concerne la Philologie et les Religions Comparées, finira par se trouver prise à partie  et sera forcée d'admettre les affirmations communes.

[Les affirmations sont admises, l'une après l'autre, à mesure que les Savants se voient successivement forcés de reconnaître les faits avancés par la DOCTRINE SECRETE, bien qu'ils ne reconnaissent que rarement, si même ils le font jamais, qu'ils ont été devancés dans leurs déclarations. Par exemple, à l'époque où l'opinion de M. Piazzi Smyth faisait autorité au [II 19] sujet de la Pyramide de Gizeh, il soutenait la théorie que le sarcophage de porphyre de la Chambre du Roi était "l'unité de mesure de deux des nations les plus éclairées de la terre, l'Angleterre et l'Amérique", et n'était autre qu'un "coffre à blé". C'est ce que nous avons énergiquement nié dans Isis Dévoilée, qui venait d'être publiée à ce moment. Aussi la presse de New York (principalement les journaux le Sun et le World) prit- elle les armes à la seule idée que nous avions la prétention d'en remontrer à un tel astre de savoir. Dans cet ouvrage nous avions dit qu'Hérodote, lorsqu'il parlait de cette Pyramide :

... aurait pu ajouter, qu'extérieurement elle symbolisait le principe créateur de la Nature et mettait en lumière les principes de la géométrie, des mathématiques, de l'astrologie et de l'astronomie. Intérieurement, c'était un temple majestueux, dans les sombres profondeurs duquel les Mystères étaient célébrés et dont les murs avaient été souvent témoins des cérémonies de l'initiation de membres de la famille royale. Le sarcophage de porphyre, que le Professeur Piazzi Smyth, Astronome Royal d'Ecosse, rabaisse au niveau d'un coffre à blé, était les fonts baptismaux au sortir desquels le néophyte était "né une seconde fois" et devenait un adepte 15.

On s'est moqué alors de ce que nous disions. On nous  a accusée d'avoir tiré nos idées de la "manie" de Shaw, écrivain anglais, qui avait soutenu que le sarcophage avait servi à la célébration des Mystères d'Osiris, bien que nous n'eussions jamais entendu parler de cet écrivain. Et maintenant que six ou sept années se sont écoulées (1882), voici ce qu'écrit

  1. Staniland Wake :

La prétendue Chambre du Roi – en parlant de laquelle un pyramidiste enthousiaste s'écrie : "Les murs polis, les matériaux de choix, les imposantes proportions et la situation dominante, parlent éloquemment de gloires à venir", à moins d'être "la chambre des perfections" du tombeau de Chéops, était probablement l'endroit où était admis le néophyte, après avoir traversé le passage étroit et montant et la grande galerie avec son extrémité peu élevée, qui le préparaient peu à peu à la phase finale des Mystères sacrés 16.

Si M. Staniland Wake avait été un Théosophe, il aurait pu ajouter que l'étroit passage montant conduisant à la Chambre du Roi, avait en vérité une "porte étroite", cette même "porte étroite" qui "conduit à la vie" ou à la nouvelle renaissance spirituelle, à laquelle Jésus fait allusion dans [II 20] Saint-Matthieu 17, et que c'était à cette porte du Temple de l'Initiation que pensait l'écrivain en rapportant les mots qu'on prétend avoir été prononcés par un Initié.]

15 Op. cit., II, 321.

16 The Origin and Significance of the Great Pyramid, p. 98. 1882.

17 VII, 14.

 

Ainsi les plus grands érudits de la Science, au lieu de se moquer de cette prétendue "masse de fictions et de superstitions absurdes" comme on appelle ordinairement la littérature Brâhmanique, essayeront d'apprendre la langue symbolique universelle, avec ses clefs numérique et géométrique. Mais ici encore ils auront peu de succès, s'ils s'imaginent que le système cabaliste juif contient la clef de tout le mystère, car il n'en est rien. Elle ne se trouve du reste, actuellement, dans aucune autre Ecriture, puisque les Védas elles-mêmes ne sont pas complètes. Chaque ancienne religion ne représente qu'un ou deux chapitres du volume entier des mystères archaïques primordiaux ; or l'Occultisme oriental seul peut se vanter de posséder le secret tout entier, avec ses sept clefs. On établira des comparaisons et l'on donnera autant d'explications que possible dans cet ouvrage ; le reste sera laissé à l'intuition personnelle de l'étudiant. En disant que l'Occultisme Oriental possède le secret, l'auteur ne prétend pas posséder un savoir "complet", ni même approximatif, car ce serait absurde. Ce que je sais, je le donne ; ce que je ne puis expliquer, il faut que l'étudiant le découvre par lui-même.

Mais quoique nous puissions supposer que le cycle entier de  la Langue universelle des Mystères ne sera pas connu avant bien des siècles, il n'en est pas moins vrai que le peu qui en a été découvert dans la Bible, par quelques savants, suffit à lui seul pour en démontrer mathématiquement l'existence. Comme le Judaïsme faisait usage de deux clefs sur sept et que l'on vient de les découvrir de nouveau, il ne saurait plus être question de spéculation ou d'hypothèse individuelle,  encore moins de "coïncidence", mais simplement de la lecture correcte des textes Bibliques, tout comme une personne connaissant l'arithmétique lit et vérifie le total d'une addition. [En un mot, tout ce que nous avons dit dans Isis Dévoilée, est maintenant corroboré dans l'Egyptian Mystery ou The Source of Measures, par cette façon d'interpréter la Bibleau moyen des clefs numérique et géométrique.]

D'ici à quelques années, ce système tuera l'interprétation de la Biblebasée sur la lettre morte, en même temps que celle de toutes les autres croyances exotériques, en montrant les dogmes sous leur jour véritable et dépouillé. C'est alors que cette signification indéniable, quoique incomplète, dévoilera le mystère de l'Etre et changera en même temps entièrement les systèmes scientifiques modernes d'Anthropologie, d'Ethnologie [II 21] et surtout de Chronologie. L'élément Phallique que l'on trouve dans chacun des noms donnés à Dieu, dans chacun des récits de l'Ancien  Testament  et, dans une certaine mesure, dans le  Nouveau Testament, finira peut-être par changer,    avec le temps, les idées matérialistes modernes sur la Biologie et la Physiologie.

Dépouillés de leur choquante crudité moderne, ces tableaux de la Nature et de l'homme dévoileront, en s'appuyant sur l'autorité des corps célestes et de leurs mystères, les évolutions du mental humain et prouveront à quel point cette manière de voir était naturelle. Les prétendus symboles phalliques ne sont devenus choquants qu'en raison de l'élément matériel et animal qu'ils contiennent. Au début, ces symboles n'étaient que naturels, parce qu'ils avaient pris naissance parmi les races archaïques, qui, se sachant issues d'ancêtres androgynes, représentaient, à leurs propres yeux, les premières manifestations phénoménales, de la séparation des sexes et du mystère en vertu duquel ils créaient à leur tour. Si les races postérieures et surtout "le peuple élu" ont dégradé ces symboles, cela ne change en rien leur origine. Cette petite tribu Sémite – l'un des moindres rameaux issus, après la disparition du grand Continent, du mélange des quatrième et cinquième sous-races, les Mongolo-Touraniens et les prétendus Indo-Européens – ne pouvait accepter ses symboles que dans le sens qui leur était donné par les nations qui les lui avaient fournis. Il est probable qu'au début de la période Mosaïque les symboles n'étaient pas aussi grossiers qu'ils le devinrent plus tard, sous la direction d'Ezra qui refondit le Pentateuque tout entier. Pour en donner un exemple, le glyphe de la fille de Pharaon (la femme), du Nil (le Grand Abîme et l'Eau), et de l'enfant masculin que l'on trouva flottant dessus, dans une corbeille d'osier, ne fut pas tout d'abord composé pour Moïse, ni par lui. Il avait déjà servi, d'après des fragments trouvés sur les carreaux babyloniens, dans l'histoire du roi Sargon qui avait vécu bien avant Moïse.

 

18 p. 224.

19 Vol. I, Part. I, 46.

20 X, 10

[Dans ses Assyrian Antiquities 18, M. George Smith dit : "Dans  le palais de Sennachérib, à Kouyundjik, j'ai trouvé un autre fragment de la curieuse histoire de Sargon... traduit par moi dans les Transactions of the Society of Biblical Archeology 19. La capitale de Sargon, le Moïse babylonien, était la grande ville d'Agadi, que les sémites appellent Akkad et dont la Genèsefait mention 20 comme de la capitale de Nemrod... Akkad se trouvait non loin de la ville de Sippara sur [II 22] l'Euphrate et au nord de Babylone 21." Il y a une autre "coïncidence" étrange dans le fait que le nom de Sippara, la ville voisine, est le même que celui de la femme de Moïse – Zipporah 22. Il va sans dire que cette histoire est une habile interpolation d'Ezra qui ne pouvait ignorer la véritable. Cette curieuse histoire se trouve sur des fragments de tablettes provenant de Kouyundjik et elle est ainsi conçue :

  1. Sargina, le roi puissant, le roi d'Akkad, c'est moi.
  2. Ma mère était une princesse, mon père je ne l'ai pas connu : un frère de mon père gouvernait le pays.
  3. Dans la ville d'Azupiranu, située près du fleuve l'Euphrate.
  4. Ma mère, la princesse, me conçut : c'est avec difficulté qu'elle me mit au monde.
  5. Elle me mit dans une corbeille d'osier dont elle enduisit le fond de bitume.
  6. Elle me mit à flots sur le fleuve qui ne me noya pas.
    1. Le fleuve me porta jusqu'à Akki, le porteur d'eau, qui m'éleva.
    2. Akki, le porteur d'eau, dans la  tendresse  de  ses  entrailles, me prit 23.

Comparons maintenant cela au récit de la Bibledans l'Exode :

Et lorsqu'elle [la mère de Moïse] ne put le cacher plus longtemps, elle prit une corbeille de joncs, l'enduisit d'argile et de poix et y mit l'enfant, puis la déposa parmi les roseaux au bord de la rivière 24.

21 Voir Isis Dévoilée, IV, 129.

22 Exode, II, 21.

23 George Smith, Chaldean Account of Genesis, pp. 299-300.

24 II, 3.

 

M. G. Smith continue :

On suppose que le fait se produisit environ 1.600 ans avant J.-C., un peu antérieurement à l'époque assignée à Moïse et, comme nous savons que la renommée de Sargon est parvenue jusqu'en Egypte, il est probable que ce récit a quelques rapports avec les événements mentionnés dans le livre II de l'Exode, car tout acte qui a été accompli a une tendance à se répéter.

Mais maintenant que le professeur Sayce a eu le courage de reculer de deux mille ans les dates assignées aux rois chaldéens et assyriens, Sargon se trouve avoir précédé Moïse d'au moins 2.000 ans. L'aveu est suggestif, mais il manque encore un ou deux zéros au nombre ci-dessus.]

Quelle conclusion logique tirerons-nous de cela ?  C'est assurément que nous avons le droit de dire que l'histoire de Moïse, [II 23] racontée par Ezra, avait été apprise par lui pendant son séjour à Babylone et qu'il appliqua au législateur juif l'allégorie concernant Sargon. En un mot, que l'Exode n'a jamais été écrit par Moïse, mais refait par Ezra, avec d'anciens matériaux.

S'il en est ainsi, pourquoi d'autres glyphes et symboles, beaucoup plus grossiers dans leur élément phallique, ne pourraient-ils pas avoir  été ajoutés par cet adepte du culte phallique postérieur des Sabéens et Chaldéens ? On nous enseigne que les croyances primitives des Israélites étaient tout à fait différentes de celles qui ont été développées bien des siècles après, par les Talmudistes et, avant eux, par David et Ezéchiel.

Tout cela, en dépit de l'élément exotérique, tel qu'on le rencontre maintenant dans les deux Testaments, suffit amplement à classer la Bibleparmi les ouvrages ésotériques et à rattacher son système secret au symbolisme Indien, Chaldéen et Egyptien. Le cycle entier des glyphes et des chiffres Bibliques, tel qu'il est suggéré par les observations astronomiques – l'Astronomie et la Théologie étant intimement liées – se trouve dans les systèmes Indiens, tant exotériques qu'ésotériques. Ces figures et leurs symboles, les signes du zodiaque, les planètes,  leurs aspects et leurs nœuds – ce dernier terme étant même passé dans notre Botanique moderne – sont connus en Astrologie sous les noms de Sextiles, Quadratures et ainsi de suite, et les nations archaïques s'en sont servi pendant des siècles et des siècles ; dans un sens, ils ont la même signification que les chiffres hébreux. Les premières formes de la géométrie élémentaire doivent certainement avoir été suggérées par les observations des corps célestes et de leurs groupements. Par conséquent, les symboles les plus antiques de l'Esotérisme Oriental sont le cercle, le point, le triangle, le carré, le pentagone, l'hexagone et d'autres figures planes à côtés et à angles divers. Cela montre que la  connaissance et l'usage de la symbologie géométrique sont aussi vieux que le monde.

En partant de là, il est facile de comprendre comment la Nature, même sans l'aide de ses instructeurs divins, a pu enseigner à l'humanité primitive les premiers principes d'une langue symbolique,  numérique  et géométrique 25. C'est pourquoi [II 24] nous trouvons les nombres et les chiffres employés pour exprimer et enregistrer la pensée dans toutes les antiques Ecritures Saintes symboliques. Ce sont toujours les mêmes, sauf certaines variations qui découlent des premiers chiffres. Ainsi  l'évolution et la corrélation des mystères du Cosmos, de sa croissance et de son développement – spirituels et physiques, abstraits et concrets – furent d'abord enregistrées par des modifications géométriques de forme. Chaque Cosmogonie Commença par un cercle, un point, un triangle et un carré 26, jusqu'au nombre 9 et fut alors synthétisée par la première ligne et un cercle – la Décade mystique de Pythagore, la somme totale, contenant et exprimant les mystères du Cosmos tout entier ; mystères rapportés avec cent fois plus d'exactitude qu'ailleurs dans le système hindou, pour celui qui peut en comprendre le langage mystique. Les nombres 3 et 4, dont la combinaison donne 7, ainsi que les nombres 5, 6, 9 et 10, sont les pierres angulaires des Cosmogonies Occultes. Cette Décade, avec ses mille combinaisons, se retrouve dans toutes les parties du globe. On la reconnaît dans les cavernes et les temples taillés dans le roc, de l'Hindoustan et de l'Asie Centrale, dans les Pyramides et les Lithoi d'Egypte et d'Amérique, dans les Catacombes d'Ozimandyas, sur les sommets neigeux des étendues du Caucase, dans les ruines de Palenque, dans l'île de Pâques, partout où l'homme de jadis a posé les pieds. Le 3 et le 4, le triangle et le carré, ou les glyphes universels, masculin et féminin, montrant le premier aspect de la divinité évoluante, sont à jamais représentés dans les Cieux par la Croix du Sud, comme ils le sont par la Croix Ansée égyptienne. Comme le dit si bien l'auteur de The Source of Measures :

  Le développement du Cube donne, soit le Tau, ou croix de forme égyptienne, soit la croix chrétienne... En ajoutant un cercle à la première, on a la croix ansée... les nombres 3 et 4 comptés sur la croix donnant la forme du chandelier (Hébreu) d'or (dans le Saint des Saints) et 3 + 4 = 7 ou 6 + 1 = 7 donnant l'idée des Jours de la semaine comme des 7 lumières du soleil. De même que  la semaine de sept lumières est l'origine du mois et de l'année, de même elle marque la date des naissances... La forme de la croix étant ainsi établie par l'emploi simultané de la formule 113 : 355, le symbole est complété par l'attachement d'un homme sur la Croix27. Ce genre de mesure était relié à l'idée de l'origine de la vie humaine, d'où la forme phallique 28. [II 25]

25 Pour rappeler combien de fois la religion ésotérique de Moïse a été écrasée et remplacée par le culte de Jéhovah tel que l'avait rétabli David, entre autres par Ezéchiel, comparez avec Isis Dévoilée (IV, 122). Assurément il devait y avoir de bonnes raisons pour que les Sadducéens, qui fournissaient presque tous les Grands-Prêtres de Judée, se fussent attachés aux Lois de Moïse et eussent rejeté les prétendus "Livres de Moïse", le Pentateuque de la synagogue et le Talmud.

26 Cube, dans l'édition de 1888.

 27 Souvenez-vous, encore une fois, de l'Hindou Wittoba [une forme de Vishnou] crucifié dans l'espace ; de l'importance du "signe sacré", la Svastika ; de l'Homme crucifié dans l'espace, de Platon, etc.

28 Voir manuscrit, p. 27, etc.

 

Les STANCES nous montrent la croix et ces nombres jouant un rôle important dans la Cosmogonie archaïque. En attendant, nous pouvons profiter des preuves rassemblées par le même auteur, dans la partie qu'il intitule, avec raison, les "Vestiges primordiaux de ces Symboles", pour montrer l'identité des symboles et de leur signification ésotérique sur toute la surface du globe.

Après avoir jeté un coup d'œil d'ensemble sur la nature des formes numériques... il devient très intéressant de rechercher où et quand elles prirent naissance et furent d'abord employées. Est-ce le produit d'une révélation faite dans ce que nous appelons les temps historiques – époques excessivement modernes lorsque nous considérons l'âge de  la race humaine ? Il semble, en effet, en ce qui concerne leur emploi par l'homme, qu'elles datent d'une époque bien plus éloignée des anciens Egyptiens que ceux-ci ne le sont de nous.

Les Iles de Pâques, au "milieu du Pacifique", ont l'air d'être tout ce qui reste des pics de montagnes appartenant à un continent submergé, attendu que ces pics sont couverts de statues cyclopéennes, reliques de la civilisation d'un peuple nombreux et cultivé, qui a dû, nécessairement, occuper une surface très étendue. Sur les dos de ces statues, on trouve la "croix ansée" et cette même croix modifiée de façon à présenter les contours de la forme humaine. On en trouve, dans le numéro de janvier 1870 du London Builder, une description détaillée, accompagnée de gravures, représentant le pays planté d'un grand nombre de statues et donnant le dessin de celles-ci...

Dans l'un des premiers numéros (environ 36) du Naturalist, publié à Salem, Massachusetts, on trouve la description de très curieuses et très anciennes sculptures découvertes sur les crêtes des montagnes de l'Amérique du Sud et incontestablement bien antérieures aux races actuelles. Ce qu'ont d'étrange ces sculptures, c'est qu'elles représentent les contours d'un homme étendu sur une croix 29, dans une série de dessins dans lesquels la forme d'un homme finit par devenir celle d'une croix, mais qui sont faits de telle sorte qu'on peut prendre la croix pour l'homme ou l'homme pour la croix...

 29 Voyez plus loin la description de la première Initiation Aryenne : Vishvakarman crucifiant, sur une planche en forme de croix, le Soleil, Vikarttana, dépouillé de ses rayons.

 

Il est connu que les Aztèques avaient gardé la tradition bien nette du déluge... Le baron de Humboldt dit que nous devons chercher le pays d'Aztalan, pays d'origine des Aztèques, au moins à la hauteur du 42ème parallèle nord, d'où leurs voyages finirent par les amener dans la vallée  de Mexico. Dans cette vallée, les buttes [II 26] de terre de l'extrême nord deviennent les élégantes pyramides de pierres et les autres édifices dont on trouve aujourd'hui les vestiges. Les rapports qui existent entre les reliques des Aztèques et celles des Egyptiens sont bien connus... Atwater, après en avoir examiné des centaines, est convaincu que leurs auteurs connaissaient l'astronomie. L'une des plus parfaites constructions, en forme de pyramide, laissées par les Aztèques, est ainsi décrite par Humboldt :

"La forme de cette Pyramide [celle de Papantla], qui a sept étages, est plus effilée que celle d'aucun des autres monuments du même genre qu'on ait encore découvert, mais sa hauteur n'a rien de remarquable, puisqu'elle n'atteint que 57 pieds et que sa base ne mesure que 25 pieds de chaque côté. Elle a cependant ceci de remarquable : c'est qu'elle est entièrement construite en pierres de taille énormes et que sa forme est très pure.

 Trois escaliers dont les marches étaient ornées de hiéroglyphes sculptés et de petites niches disposées avec beaucoup de symétrie, conduisaient au sommet. Le nombre de ces niches semble se rapporter aux 318 signes simples et composés des jours de leur calendrier civil."

Le nombre 318 représente chez les Gnostiques la valeur du mot Christ, ainsi que le fameux nombre des serviteurs exercés ou circoncis d'Abraham. Si l'on  considère que 318 est un nombre abstrait et universel, exprimant la valeur d'un diamètre dont la circonférence est l'unité, son emploi dans la composition d'un calendrier civil devient manifeste 30.

30 Skinner, Source of Measures, édition de 1875, Sect. II, § 24, pp. 54 à 59.

 

On trouve en Egypte, au Pérou, au Mexique, dans l'Ile de Pâques, aux Indes, en Chaldée et dans l'Asie Centrale, des glyphes, des nombres et des symboles ésotériques identiques – des Hommes Crucifiés et les symboles de l'évolution de races issues des Dieux – et cependant nous voyons la Science repousser l'idée d'une race humaine qui ne serait pas faite à notre image ; la Théologie se cramponner à ses 6.000 années depuis la création ; l'Anthropologie nous enseigner que nous descendons du singe et le Clergé nous faire remonter à Adam, 4.004 ans avant J.-C. !

Faut-il, de crainte d'être qualifié de fou superstitieux et même de menteur, s'abstenir de donner d'aussi bonnes preuves que possible, pour la seule raison que nous sommes encore loin du jour où les SEPT CLEFS seront données à la Science, ou plutôt aux érudits et aux chercheurs qui étudient la symbologie ? En présence des découvertes écrasantes de la Géologie et de l'Anthropologie en ce qui concerne l'antiquité de l'homme, devons-nous – pour éviter le châtiment qui attend [II 27] habituellement ceux qui sortent des chemins battus de la Théologie ou du Matérialisme – nous attacher aux 6.000 ans et à la "création spéciale" ou accepter, avec une admiration pleine de soumission, la généalogie qui nous fait descendre du singe ? Non pas, du moins tant que nous saurons que les Archives Secrètes contiennent les SEPT CLEFS du mystère de la Genèsede l'homme. Si erronées, matérialistes et préconçues que puissent être les théories scientifiques, elles sont mille fois plus près de la vérité que les divagations de la Théologie. Celles-ci en sont à leurs derniers jours, pour tous ceux qui ne sont pas des bigots et des fanatiques irréconciliables. [Il faut même que quelques-uns de leurs défenseurs aient perdu la raison. En effet, que peut-on penser, lorsque, malgré l'absurdité de la lettre morte  de la Bible, celle-ci est encore publiquement défendue, avec autant de force que jamais, et que l'on trouve encore des Théologiens pour soutenir que, bien que "les Ecritures Saintes s'abstiennent (?) soigneusement de contribuer directement au savoir scientifique, ils n'ont jamais butté sur aucune déclaration qui ne fût de nature à supporter la lumière de la Science en progrès !" 31.]

Notre seule ressource est donc ou d'accepter aveuglément les déductions de la Science, ou bien de rompre avec elle et de lui faire résolument face, en proclamant ce que nous enseigne la DOCTRINE SECRETE et en étant entièrement prêts à en supporter les conséquences.

Mais voyons si la Science, dans ses spéculations matérialistes, et même la Théologie, qui râle dans sa lutte suprême pour concilier les 6.000 ans depuis Adam avec les Geological Evidences of the Antiquity of Man de Sir Charles Lyell, ne nous prêtent pas inconsciemment une main secourable. L'Ethnologie, de l'aveu de quelques-uns de ses plus érudits partisans, reconnaît déjà qu'il est impossible d'expliquer les variétés de la race humaine, si l'on n'admet pas l'hypothèse de la création de plusieurs Adams. Ils parlent "d'un Adam blanc et d'un Adam noir, d'un Adam rouge et d'un Adam jaune" 32. Des Hindous énumérant les renaissances de Vâmadeva, d'après le Linga Pourâna, n'en pourraient guère dire davantage. En effet, lorsqu'ils énumèrent les naissances successives de Shiva, ils nous le montrent dans un Kalpa avec un teint blanc, dans un autre avec un teint noir, puis ensuite avec un teinte rouge, après quoi le Kumâra se transforme "en quatre adolescents de couleur jaune". Cette étrange "coïncidence", comme dirait M. Proctor, plaide en [II 28] faveur de  l'intuition scientifique, car Shiva-Kumâra n'est que la représentation allégorique des Races humaines pendant la Genèsede l'homme. Elle a donné naissance à un autre phénomène d'intuition – dans les rangs des théologiens cette fois. L'auteur inconnu de Primeval Man, dans un effort désespéré pour protéger la Révélation Divine contre les impitoyables et éloquentes découvertes de la Géologie et de l'Anthropologie, fait remarquer "qu'il serait fâcheux que les défenseurs de la Biblefussent soumis à l'alternative d'abandonner le caractère inspiré de l'Ecriture Sainte, ou de nier les conclusions des Géologues" et trouve un compromis. Il consacre même un gros volume à prouver ceci : "Adam ne fut pas le premier homme 33 créé sur cette terre." Les reliques de l'homme pré-Adamique qui ont été exhumées, "au lieu d'ébranler notre confiance  dans  l'Ecriture  Sainte,  corroborent sa véracité" 34. Comment cela ? De la façon la plus simple du monde ; car l'auteur déclare que, dorénavant, "nous [le clergé] pourrons laisser les hommes de science continuer leurs études, sans chercher à les contraindre par la crainte de l'hérésie". En vérité, quel soulagement pour MM. Huxley, Tundall et Sir Charles Lyell !

31 Primeval Man Unveiled, ou the Anthropology of the Bible, par l'auteur (inconnu) de The Stars and the Angels, 1870, p. 14.

32 Op. cit., p. 195.

 

Le récit biblique ne commence pas avec la création, comme on le suppose ordinairement, mais avec la formation d'Adam et d'Eve, des millions d'années après la création de notre planète. Son  histoire antérieure, en ce qui concerne les Ecritures, n'est pas encore rédigée... Il se peut qu'il y ait eu, non pas une, mais vingt races différentes sur la terre, avant l'époque d'Adam, de même qu'il y a peut-être vingt différentes races d'hommes dans d'autres mondes 35.

33 Surtout en présence de la preuve qu'en fournit la Bible autorisée elle-même dans la Genèse(IV, 16, 17) où l'on parle de Caïn allant au pays de Nod pour y prendre femme.

34 Primeval Man Unveiled, p. 194.

35 Ibid., p. 55.

 

Qu'étaient donc ces races, puisque l'auteur soutient toujours qu'Adam est le premier homme de notre race ? C'étaient la Race et les Races Sataniques ! "Satan (ne fut) jamais dans le ciel, les Anges et les hommes (étant) une seule espèce." Ce fut la race pré-Adamique des "Anges qui péchèrent". Nous lisons que Satan "était le premier prince de ce monde". Ayant succombé à la suite de sa rébellion, il resta sur la terre comme esprit désincarné et tenta Adam et Eve.

Les premiers âges de la race  Satanique  et  surtout  du  vivant  de Satan (!!!), peuvent avoir été une période de civilisation patriarcale et de repos relatif l'époque des Tubal-caïns et des Jubales, alors que les sciences et les arts essayèrent d'implanter leurs racines dans la terre maudite... Quel sujet pour un poème épique !... [II 29] Il a dû se produire des incidents inévitables. Nous voyons devant nous... le joyeux amant  primordial, faisant la cour à sa rougissante bien-aimée, lorsque tombe la rosée du soir, sous les chênes danois, qui poussaient alors où ne pousse plus maintenant aucun chêne... ce vieux patriarche primordial... la jeunesse primordiale gambadant innocemment à ses côtés... Un millier de tableaux de ce genre se dressent devant nous 36.

  36 Ibid., pp. 206-7.

 

L'évocation rétrospective de cette "rougissante fiancée" Satanique, à l'époque de l'innocence de Satan, ne perd pas en poésie ce qu'elle gagne en originalité. Bien au contraire. La fiancée chrétienne moderne – qui ne rougit guère de nos jours en présence de ses joyeux amoureux – pourrait même prendre une leçon de morale de cette fille de Satan, créée par l'exubérante imagination de son premier biographe humain. Ces tableaux – qu'on ne peut vraiment apprécier qu'en les étudiant dans le volume où ils sont décrits – sont tous suggérés par le désir de concilier l'infaillibilité de l'Ecriture Sainte révélée, avec l'Antiquity of Man de Sir Charles Lyell et avec d'autres ouvrages scientifiques dangereux. Mais cela n'empêche pas de constater que ces divagations, que l'auteur n'a pas osé signer ni de son nom ni même d'un nom d'emprunt, ont pour base des faits véridiques. Car ces Races pré-Adamiques – non pas Sataniques, mais tout simplement Atlantéennes, ainsi que les races Hermaphrodites qui les ont précédées – sont mentionnées dans la Bible, si on la lit ésotériquement, tout comme elles le sont dans la DOCTRINE SECRETE. Les SEPT CLEFS ouvrent les mystères passés et futurs des sept grandes Races-Racines et des sept Kalpas. Bien que la Genèsede l'homme et même la géologie de l'Esotérisme doivent être sûrement rejetées par la science aussi bien que les races Sataniques et pré-Adamiques, cependant, si les Savants, faute de pouvoir sortir autrement d'embarras, sont forcés de choisir entre les deux, nous sommes convaincus que en dépit de l'Ecriture Sainte – dès que la Langue des Mystères sera approximativement comprise, c'est l'enseignement archaïque qui sera accepté.

 [II 30]