SECTION VI

UNE ATTAQUE CONTRE LA THEORIE SCIENTIFIQUE DE LA FORCE, PAR UN HOMME DE SCIENCE

 

Les sages paroles de plusieurs Savants anglais sont maintenant à citer en notre faveur. Frappées d'ostracisme par un petit nombre, "par principe", elles sont tacitement approuvées par beaucoup. Tous les Occultistes et même quelques lecteurs profanes remarqueront que l'un d'eux prêche presque des doctrines Occultes – qui sont, pour certaines choses, identiques à notre "Fohat et ses sept Fils", le Gandharva Occulte des Védas, et souvent équivalent à sa reconnaissance publique.

Si ces lecteurs veulent bien ouvrir le volume V de la Popular Science Review 512, ils y trouveront un article sur "la Force Solaire et la Force Terrestre", écrit par le docteur B. W. Richardson et dont voici le texte :

512 pp. 329-334.

 

Dans ce moment, alors que la théorie qui fait du simple mouvement l'origine de toutes les variétés de force devient de nouveau la pensée dominante, ce serait presque une hérésie que de rouvrir un débat qui semble, d'un consentement unanime, être virtuellement clos depuis quelque temps, mais j'accepte d'en courir le risque et je vais, en conséquence, exposer quelle était l'opinion exacte de l'immortel hérétique dont j'ai murmuré le nom à l'oreille des lecteurs (Samuel Metcalfe), au sujet de la Force Solaire. Partant du principe sur lequel presque tous les physiciens sont d'accord, c'est-à-dire qu'il existe dans la nature deux agents – la matière qui est pondérable, visible et tangible, et quelque chose qui  est impondérable, invisible et appréciable uniquement par son influence sur la matière – Metcalfe soutient que l'agent impondérable et actif qu'il appelle "le calorique" n'est pas un simple mode de mouvement, pas plus qu'une vibration qui se produit au milieu des particules de matière pondérable, mais qu'il est lui-même une substance matérielle qui découle du soleil à travers l'espace 513, remplissant les vides qui existent entre les particules des corps solides et faisant naître, par sensation, la propriété que [II 276] l'on appelle la chaleur. La nature du calorique ou Force Solaire est défendue par lui sur la base des propriétés suivantes :

Cette force peut être ajoutée à d'autres corps ou en être extraite et être mesurée avec une précision mathématique.

  1. Elle augmente le volume des corps, qui redeviennent ensuite plus petits lorsqu'elle en est extraite.
  2. Elle modifie les formes, les propriétés et les conditions de tous les autres corps.
  3. Elle passe par radiation au travers du vide le plus parfait 514 qui puisse être formé et y produit, sur le thermomètre, les mêmes effets que dans l'atmosphère.
  4. Elle met en œuvre des forces mécaniques et chimiques que rien ne peut restreindre, comme les volcans, l'explosion de la poudre et celles d'autres compositions détonantes.
  5. Elle agit d'une manière sensible sur le système nerveux, en provoquant une douleur intense et, lorsque son action est trop forte, en désorganisant les tissus.

 

513 Non seulement "à travers l'espace", mais remplissant tous les points de notre Système Solaire, car c'est en quelque sorte le résidu physique de l'Ether, sa doublure sur notre plan, car l'Ether est appelé à servir dans d'autres buts cosmiques et terrestres, outre sa fonction d'agent pour la transmission de la lumière. C'est le Fluide Astral ou la Lumière Astrale des Cabalistes et aussi les "Sept Rayons" de Vishnou-Soleil.

514 Quel besoin a-t-on alors de vagues éthériques pour la transmission de la lumière, de la chaleur, etc., si cette substance peut traverser le vide ?

 

 A l'encontre de la théorie vibratoire, Metcalfe fait encore remarquer que si le calorique n'était qu'une simple propriété ou qualité, il ne pourrait augmenter le volume des autres corps : pour cela il faut qu'il ait lui-même un volume, qu'il occupe un espace et que ce soit, conséquemment, un agent matériel. Si le calorique n'était qu'en effet du mouvement vibratoire au milieu des particules de la matière pondérable, il ne pourrait pas irradier des corps chauds, sans que s'opérât simultanément la transmission des particules vibrantes, mais il est établi par les faits que la chaleur peut irradier de la substance matérielle pondérable, sans que celle-ci perde de son poids... Sur cette opinion au sujet de la nature matérielle du calorique ou de la force solaire, sur cette conviction bien arrêtée dans son esprit que "tout dans la nature est composé de deux sortes de matière, l'une essentiellement active et éthérée l'autre passive et sans mouvement 515 Metcalfe a fondé l'hypothèse que la force solaire ou calorique est un principe qui est actif par [II 277] lui-même. Il affirme que cette force éprouve de la répulsion pour ses propres particules et de l'affinité pour celles de toute matière pondérable ; elle attire les particules de matière pondérable avec une force qui varie en raison inverse du carré des distances. Elle agit ainsi à travers la matière pondérable. Si l'espace universel était rempli de calorique, de force solaire, uniquement (sans matière pondérable), le calorique serait aussi inactif et constituerait un océan sans limites d'éther impuissant et à l'état de repos, car il n'aurait rien sur quoi agir, tandis que la matière pondérable, bien qu'inactive par elle-même, possède "certaines propriétés au moyen desquelles elle modifie et contrôle l'action du calorique et tous deux sont gouvernés par des lois immuables qui tirent leur origine des relations qu'ils ont entre eux et des propriétés spécifiques de chacun d'eux".

515 Comment peut-il en être autrement ? La matière grossière, pondérable, est le corps, la coque  de la Matière ou Substance, le principe féminin passif ; et cette Force Fohatique est le second principe, Prâna – le masculin et l'actif ; sur notre globe cette Substance est le second principe de l'Elément septénaire – la Terre ; dans l'atmosphère c'est celui de l'Air, qui est le corps grossier cosmique ; dans le Soleil, elle devient le Corps Solaire et celui des Sept Rayons ; dans l'Espace Sidéral, elle correspond à un autre principe et ainsi de suite. L'ensemble constitue une seule Unité homogène, les parties sont toutes des différenciations.

 

Il formule ensuite une loi qu'il considère comme absolue et qu'il exprime en ces termes :

"En vertu de l'attraction du calorique pour la matière pondérable, celui-ci unit toutes  choses et leur donne de la cohésion ; en vertu de son énergie auto-répulsive, il sépare et diffuse toutes choses."

Il va de soi que c'est presque l'explication Occulte de la cohésion. Le docteur Richardson continue ainsi :

J'ai déjà dit que l'enseignement moderne tend à s'appuyer sur l'hypothèse... que la chaleur est mouvement, ou, peut- être, pour s'exprimer plus clairement, une force ou une forme spécifique de mouvement 516.

Pourtant cette hypothèse, si populaire qu'elle soit, ne devrait pas être acceptée à l'exclusion de la théorie plus simple de la nature matérielle de la force solaire et de l'influence qu'elle exerce en modifiant les conditions de la matière. Nous n'en savons pas encore assez pour être dogmatiques 517.

516 Ou la réverbération et, pour le son, la répercussion, sur notre plan, de ce qui est un mouvement perpétuel de cette Substance sur des plans supérieurs. Notre monde et nos sens sont continuellement les victimes de Mâyâ.

517 Voilà un honnête aveu.

 

L'hypothèse de Metcalfe au sujet de la force solaire et de la force terrestre est non seulement très simple, mais excessivement attrayante... Voilà deux éléments qui existent dans l'univers, l'un est la matière pondérable... le second est l'éther qui pénètre tout, le feu solaire. Il est sans poids, sans substance, sans forme, sans  couleur ; c'est de la matière divisible à l'infini et ses particules se repoussent  mutuellement ; sa raréfaction est telle que nous n'avons pas de mot, sauf le mot éther 518, pour l'exprimer. Il pénètre [II 278] et remplit l'espace, mais, seul il est lui aussi à l'état de repos – mort 519. Nous réunissons les deux éléments, la matière inerte, l'éther auto-répulsif [?] et voilà que la  matière  pondérable morte (?) est vivifiée. [La matière pondérable peut être inerte mais jamais morte – c'est la loi occulte – H.P.B.]... à travers les particules de la substance pondérable, pénètre l'éther [le second principe de l'Ether – H.P.B.] et en pénétrant il se combine avec les particules pondérables et les réunit en une masse, les maintient unies entre elles ; elles sont dissoutes dans l'éther.

Cette distribution dans l'éther de matière solide et pondérable s'étend, d'après la théorie que nous  avons sous les yeux, à tout ce qui existe à ce moment. L'éther pénètre tout. Le corps humain lui-même est saturé d'éther [plutôt de lumière astrale – H.P.B.] ; c'est lui qui maintient la cohésion entre ses plus petites particules. Il en est de même de la plante, de même encore des terres, des roches, des diamants, des cristaux et des métaux les plus solides. Il y a cependant une différence dans la faculté qu'ont différentes sortes de matière pondérable, de recevoir la force solaire et c'est de cela que dépendent les divers états changeants de la matière : l'état solide, l'état liquide et l'état gazeux. Les corps solides ont attiré plus de caloriques que les corps fluides et de là vient leur ferme cohésion ; lorsqu'un peu de zinc fondu est versé sur une plaque de zinc, le zinc fondu devient tout aussi solide, parce que le calorique se précipite du liquide dans le solide et lorsque l'équilibre s'établit, les particules primitivement sans liaison ou liquides sont plus étroitement rassemblées... Metcalfe lui-même, poussant plus loin son étude des phénomènes ci-dessus et les attribuant à l'unité de principe d'action, qui a déjà été expliquée, résume son argumentation, en termes très clairs, par un commentaire sur les densités des divers corps. "La dureté et la mollesse, dit-il, la solidité et la fluidité, ne sont pas des conditions essentielles des corps, mais dépendent des proportions relatives de matière éthérée et de matière pondérable qui entrent dans leur combinaison. Le gaz le plus élastique peut être réduit à l'état liquide par la soustraction du calorique et encore ramené à une forme solide, dont les particules adhéreraient les unes aux autres avec une force proportionnelle à l'accroissement de leur affinité [II 279] pour le calorique. D'autre part, en ajoutant une quantité du même principe aux métaux les plus denses, leur attraction pour lui est diminuée lorsqu'ils sont amenés à l'état gazeux et leur cohésion est détruite."

Après avoir ainsi exposé tout au long les théories  hétérodoxes du grand "hérétique" – théories qui, pour être correctes, n'auraient besoin que de la modification de quelques termes, par-ci, par-là – le docteur Richardson, qui est incontestablement un penseur original et libéral, entreprend le résumé de ces théories et continue en ces termes :

Je ne m'étendrai pas sur l'unité de force  solaire  et de force terrestre que cette théorie implique, mais nous pouvons en tirer, ou nous pouvons tirer de l'hypothèse du simple mouvement comme constituant la force, et de celle des propriétés sans substance, les conclusions suivantes, qui constituent le point le plus voisin de la vérité qu'il soit possible d'atteindre sur ce sujet, qui est le plus complexe et le plus profond de tous :

 

  1. L'espace inter-stellaire, inter-planétaire, inter-matériel, inter- organique, n'est pas un vide, mais est rempli par un fluide subtil ou gaz, que, faute d'un meilleur terme 520, nous pouvons encore appeler, comme le faisaient les anciens, Aith-ur – Feu solaire. – Æther. Ce fluide, d'une composition inchangeable, indestructible, invisible 521, pénètre, toutes choses et toute la matière [pondérable – H.P.B.] 522, le caillou dans le ruisseau qui court, l'arbre qui se penche au-dessus, l'homme qui regarde, sont imprégnés d'éther à des degrés divers ;  le caillou moins que l'arbre, l'arbre moins que l'homme. Tout sur la planète est imprégné de cette façon. Un monde a été édifié au milieu du fluide éthéré et se meut au milieu d'une mer de ce fluide.
  2. L'éther, quelle que soit sa nature, provient du soleil et des soleils 523 : les soleils en sont les générateurs, les magasins et les diffuseurs 524. [II 280]
  3. Sans l'éther il ne pourrait y avoir de mouvement ; sans lui, les particules de matière pondérable ne pourraient glisser les unes sur les autres ; sans lui il ne pourrait y avoir une impulsion, pour pousser ces particules à entrer en action.
  4. L'éther détermine la constitution des corps. Si  l'éther n'existait pas, il ne pourrait pas y avoir de changements de constitution dans la substance ; l'eau, par exemple,  ne pourrait exister que comme une substance compacte et insoluble, au-delà de toute idée que nous pourrions nous en faire. Elle ne pourrait même jamais être de la glace, jamais un fluide, jamais une vapeur, si ce n'est grâce à l'éther.
  5. L'éther relie le soleil à la planète, la planète à la planète, l'homme à la planète et l'homme à l'homme. Sans éther, il ne pourrait pas y avoir de communications dans l'Univers ; pas de lumière, pas de chaleur, pas de phénomènes de mouvement.

Nous voyons donc que l'Ether et les Atomes élastiques sont, dans la prétendue conception mécanique de l'Univers, l'Esprit et  l'Ame du Cosmos, et que la théorie – de quelque façon dont on l'expose ou sous quelque déguisement que ce soit – livre toujours aux hommes de Science une issue plus large que ne se l'imagine la majorité et qui leur permet de méditer sur des sujets au-delà de la portée du Matérialisme moderne 525. Qu'il s'agisse d'Atomes, d'Ether ou de tous les deux, la spéculation moderne ne peut sortir du cercle tracé par la pensée antique, saturée d'Occultisme archaïque ; qu'il s'agisse de théorie ondulatoire ou de théorie corpusculaire – c'est tout un. Ce ne sont que des théories tirées des aspects des phénomènes et non pas de la connaissance de la nature essentielle de la cause et des causes. Lorsque la Science [II 281] moderne a expliqué à ses auditeurs les dernières découvertes de Bunsen et de Kirchoff ; lorsqu'elle a montré que les sept couleurs constituent le principe d'un rayon qui est décomposé, dans un certain ordre fixe, sur un écran et lorsqu'elle a décrit les longueurs respectives des ondes lumineuses ; qu'a-t-elle prouvé ? Elle a justifié la réputation dont elle jouit d'exactitude mathématique dans ses découvertes, en mesurant jusqu'à la longueur d'une onde lumineuse – variant depuis environ sept cent soixante millionièmes d'un millimètre, à l'extrémité rouge du spectre, jusqu'à près de trois cent quatre-vingt-treize

 

 

 

millionièmes d'un millimètre, à l'extrémité violette. Tandis que l'exactitude du calcul est ainsi assurée, en ce qui concerne l'effet produit sur les ondes lumineuses, la Science est pourtant obligée d'admettre que la Force, qui est la cause supposée, est réputée produire "des ondes d'une petitesse inconcevable" dans un certain milieu "que l'on identifie généralement avec le milieu éthéré 526" et ce milieu lui-même n'est encore "qu'un agent hypothétique" !

 

Le pessimisme d'Auguste Comte au sujet de la possibilité de savoir un jour quelle est la composition chimique du Soleil, n'a pas été, comme on l'a affirmé, démenti trente ans plus tard par Kirchoff. Le spectroscope nous a permis de constater que les éléments qui sont familiers aux chimistes modernes doivent, selon toute probabilité, exister, dans les "enveloppes" extérieures du soleil et non pas dans le Soleil lui-même. Confondant ses "enveloppes" qui forment le voile solaire cosmique, avec le Soleil lui- même, les Physiciens ont déclaré que son éclat lumineux était dû à la combustion et aux flammes et, prenant le principe vital de ce luminaire pour une chose purement matérielle, l'ont appelé "chromosphère 527". Jusqu'à présent nous n'avons que des hypothèses et des théories, mais pas de loi – en aucune façon.

 

520 En effet, à moins d'adopter les termes Occultes des Cabalistes !

521 "Inchangeable" seulement durant les périodes manvantariques, après lesquelles il se perd de nouveau dans Mūlaprakriti ; "invisible" à jamais dans sa propre essence, mais visible sous les éclats réfléchis de sa lumière, appelée Lumière Astrale par les Cabalistes modernes. Pourtant de hautes Entités conscientes se meuvent dans cette Essence, dont elles sont revêtues.

522 Il faut ajouter le mot pondérable pour la distinguer de l'Ether qui, bien qu'étant un substratum, est encore de la Matière.

523 Les Sciences Occultes renversent la déclaration, et disent que C'est le soleil et tous les soleils qui en proviennent, qui émanent du Soleil Central à l'aurore du Manvantara.

524 Là, nous différons carrément d'opinion avec l'érudit savant. N'oublions pas que cet Æther – que ce terme s'applique à l'Akâsha ou à son principe inférieur l'Ether – est septénaire. Dans l'allégorie, Akâsha est Aditi et la mère de Mârttânda, le Soleil, la Devamâtri, Mère des Dieux. Dans le Système Solaire, le Soleil est sa Buddhi et son Vâhana, le Véhicule, par conséquent le sixième principe ; dans le Cosmos, tous les Soleils sont les Kâma Roupa de l'Akâsha et il en est ainsi du nôtre. Ce n'est que lorsqu'on le considère comme une Entité individuelle dans son propre Royaume, que Sourya, le Soleil, est le septième principe du grand corps de la matière.

 525 Pour être plus corrects disons plutôt l'Agnosticisme. Le Matérialisme brutal et franc est plus honnête que l'Agnosticisme de nos jours avec sa double face de Janus. Ce que l'on appelle le Monisme Occidental est le Pecksniff de la Philosophie moderne, tournant une face pharisienne vers la Psychologie et l'Idéalisme et sa face naturelle d'Augure Romain, enflant sa joue avec sa langue, vers le Matérialisme. De pareils Monistes sont pires que des Matérialistes, parce que  tout en étudiant l'Univers et l'homme psycho-spirituel, en se plaçant au même point de vue négatif, ils expliquent leurs cas d'une façon bien moins plausible que ne le font des sceptiques comme Tyndall ou même comme Huxley. Herbert Spencer, Bain et Lewes sont plus dangereux pour les vérités universelles que ne l'est Büchner.

 526 World Life, par le professeur A. Winchell.

527 Voyez Five Years of Theosophy, pp. 245-26 – Articles : "Les Adeptes nient-ils la Théorie Nébulaire ?" et "Le Soleil n'est-il qu'une Masse qui se Refroidit ?" – pour avoir le véritable enseignement Occulte.

 [II 282]