NOTES PRELIMINAIRES SUR LES

STANCES ARCHAÏQUES ET SUR LES

QUATRE CONTINENTS PREHISTORIQUES

 

Facies totius universi, quamvis infinitis modis variet, Manet tamen semper eadem.

Spinoza 1.

 

Les STANCES que contient ce volume, ainsi que leurs Commentaires, sont tirées des mêmes Archives Archaïques que les STANCES sur la Cosmogonie, que renferment les deux premiers volumes. Nous en donnons une traduction aussi littérale que possible, mais quelques-unes des STANCES sont trop obscures pour pouvoir être comprises sans explication, aussi, de même que dans ces volumes, nous les donnons d'abord textuellement, telles qu'elles sont, puis nous les reprendrons, verset par verset, avec leurs Commentaires, nous chercherons à les rendre plus claires, au moyen de mots ajoutés dans des notes, en attendant l'explication plus complète du Commentaire.

En ce qui concerne l'Evolution de l'humanité, la DOCTRINE SECRETE postule trois nouvelles propositions, qui sont en complète opposition avec la Science Moderne, comme aussi avec les dogmes religieux qui ont cours. Elle enseigne : (a) l'évolution simultanée de sept Groupes humains, sur sept différentes parties de notre globe ; (b) la naissance du corps astral avant le corps physique, le premier servant de modèle au second, et (c) elle enseigne enfin que, durant cette Ronde, l'homme a précédé tous les mammifères – y compris les anthropoïdes – dans le règne animal 2. [III 4]

 1 ["Le visage (apparence) de tout l'univers, quoiqu'il varie d'une infinité de manières reste pourtant toujours le même." Lettres de Spinoza, LXIV].

2 Voyez la Genèse, II, 19. Adam est formé dans le 7ème verset, et dans le 19ème, il est dit : "Le Seigneur Dieu forma, de la terre, toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux des cieux ; puis il les fit venir vers Adam afin de voir comment Il les nommerait." Ainsi l'homme fut créé avant les animaux, car les animaux mentionnés au chapitre I sont les signes du Zodiaque, tandis que l'homme "mâle et femelle" n'est pas l'homme, mais la Légion des Séphiroth, des FORCES ou des Anges "créés à son image [celle de dieu] et selon sa ressemblance". L'homme Adam n'est pas créé selon cette ressemblance et la Biblene parle pas de cela. De plus, le second Adam est, au point de vue ésotérique, un septénaire qui représente sept hommes ou plutôt sept groupes d'hommes. Car le premier Adam, Kadmon, est la synthèse des dix Séphiroth. Sur ces dix, la triade supérieure reste dans le Monde Archétype, comme la future "Trinité", tandis que les sept Séphiroth Inférieurs créent le monde matériel manifesté ; c'est ce septénaire qu'est le second Adam. La Genèseet les mystères sur lesquels elle est construite, viennent d'Egypte. Le "Dieu" du premier chapitre de la Genèse est le Logos, et le "Seigneur Dieu" du deuxième chapitre les Elohim Créateurs, les Puissances Inférieures.

3 Pymandre s'exprime ainsi : "Voici le mystère qui était caché jusqu'à ce jour. La Nature, étant mélangée avec l'Homme Céleste [Elohim ou Dhyânis], donna naissance à une merveille... sept Hommes, tous mâles et femelles [Hermaphrodites]... selon la nature des sept Gouverneurs" (II, 29), ou les sept Légions de Pitris ou d'Elohim qui le projetèrent ou le créèrent. Cela est très clair, mais voyez pourtant les Interprétations de nos théologiens modernes eux-mêmes, hommes supposés intellectuels et instruits. Dans Theological and Philosophical Works of Hermes Trismegistus, Christian [?] Neoplatonist, ouvrage compilé par John David Chambers du collège Oriel, à Oxford, le traducteur se demande "ce que sept hommes sont supposés représenter" ? Il résout la difficulté en concluant que "l'homme-modèle original [Adam Kadmon de la Genèse I] était masculin féminin... les sept peuvent signifier les patriarches successifs nommés dans la Genèse" (p. 9). Moyen vraiment théologique de trancher le nœud Gordien !

4 Chaldean Account of Genesis, de George Smith, p. 103.

 

La DOCTRINE SECRETE n'est pas seule à parler de la naissance simultanée des HOMMES primordiaux sur sept divisions de notre Globe. Dans le Divin Pymandre d'Hermès Trismégiste, nous retrouvons les mêmes sept hommes primordiaux 3 qui évoluent de la Nature et de l'Homme Céleste, dans le sens collectif du mot, c'est-à-dire des Esprits Créateurs ; et dans les fragments des tablettes chaldéennes, rassemblés par George Smith, sur lesquelles est inscrite la Légende Babylonienne de la Création, dans la première colonne de la tablette de Cutha, on fait mention de sept Etres humains "avec des figures de corbeaux", c'est-à-dire avec  un teint basané, Etres que "les [sept] Grands Dieux ont créés". Ou bien, suivant l'explication donnée dans les 16ème, 17ème et 18ème lignes 4  :

Au milieu de la terre ils se développèrent et devinrent grands,

Et augmentèrent en nombre,

Sept Rois, frères de la même famille.

 Ceux-ci sont les sept Rois d'Edom dont parle la Cabale; la Première Race qui était imparfaite, c'est-à-dire qui était née avant que la "balance" (les sexes) n'existât et qui fut, en conséquence, détruite 5. [III 5]

"Sept Rois, frères, apparurent et procréèrent des enfants ; leur lignée comprenait 6.000 membres. Le Dieu Nergas [la mort] les détruisit. "Comment les détruisit-il ?" En mettant en équilibre [ou balance] ceux qui n'existaient pas encore." 6

Ils furent "détruits", en tant que Race, en étant fondus dans leur propre descendance (par exsudation) ; c'est-à-dire que la race sans sexe se réincarna dans la Race (potentiellement) bisexuelle ; cette dernière dans les androgynes et enfin ceux-ci dans la Race sexuelle, la Troisième Race plus tardive. Si les tablettes avaient été moins endommagées, on y aurait trouvé mot pour mot le même récit que celui qui existe dans les Archives archaïques et dans Hermès, sinon en ce qui concerne les détails, tout au moins en ce qui concerne les faits fondamentaux, attendu qu'Hermès a été sensiblement défiguré par des traductions erronées.

Il est tout à fait certain que le super-naturalisme apparent de ces enseignements, bien qu'il soit allégorique, est si diamétralement opposé à la lettre des récits que contient la Bible 7, de même qu'aux hypothèses les plus récentes de la Science, qu'il provoquera des oppositions passionnées. Les Occultistes savent cependant que les traditions de la Philosophie Esotérique doivent être les vraies, simplement parce qu'elles sont les plus logiques et qu'elles aplanissent toutes les difficultés. De plus, nous avons le Livre de Thoth et le Livre des Morts des Egyptiens, ainsi que les Pourânas des Hindous, avec leurs sept Manous et les comptes rendus Chaldéo-Assyriens, sur les tuiles desquels se trouvent mentionnés sept Hommes, ou Adams primitifs, nom dont on peut contrôler la signification au moyen de la Cabale. Ceux qui savent quelque chose des Mystères de Samothrace, se souviendront aussi que le nom générique des Kabires  était les "Feux Sacrés", qui créèrent dans sept localités de l'île d'Electria, ou Samothrace, le "Kabir né de la Sainte Lemnos" – île consacrée à Vulcain.

5 Comparez avec le Zohar, la Siphrah Dzeniouta, l'Idvah Suta, 2928 et la Kabale, de Franck, p. 205.

6 Siphra Dzenioutha.

7 Comme on a maintenant la certitude que les tables chaldéennes, qui donnent une description allégorique de la Création, de la Chute et du Déluge, voire même la légende de la Tour de Babel, ont été écrites "avant l'époque de Moïse" (Chaldean Account of Genesis, de Smith), comment peut- on appeler le Pentateuque une "révélation" ? C'est tout bonnement une autre version du même récit.

 

Suivant Pindare, ce Kabir, dont le nom était Adamas 8, était, d'après la tradition de Lemnos, le type de l'homme [III 6] primitif né du sein de la Terre. C'était l'archétype des premiers mâles dans l'ordre de la  génération et il était l'un des sept ancêtres ou progéniteurs autochtones de l'humanité 9. Si nous rapprochons de cela le fait que la Samothrace fut colonisée par les Phéniciens et, avant eux, par les mystérieux Pélages qui vinrent de l'Orient, et si nous nous souvenons de l'identité des Dieux des mystères des Phéniciens, des Chaldéens et des Israélites, il sera facile de découvrir d'où ont été tirés les récits confus au sujet du Déluge de Noé. On ne peut désormais plus nier que les Juifs, qui doivent leurs premières idées sur la création à Moïse, qui les tenait lui-même des Egyptiens, ont composé leur Genèse et leurs premières traditions cosmogoniques, lorsqu'elles furent rédigées à nouveau par Ezra et autres, en se servant du compte rendu Chaldéo-Akkadien. Il suffit donc d'étudier les inscriptions cunéiformes ou autres des Babyloniens et des Assyriens, pour y trouver également, disséminée de-ci, de-là, non seulement la signification originale du nom d'Adam, d'Admi ou d'Adami, mais aussi la création de sept Adams, ou racines d'Hommes, nés, physiquement, de la Mère Terre et, spirituellement ou astralement, du Feu Divin des Progéniteurs. Les Assyriologues ignorant les enseignements Esotériques, on ne pouvait guère s'attendre à les voir prêter plus d'attention au mystérieux nombre sept, qui est sans cesse mentionné sur les cylindres babyloniens, qu'ils ne lui en accordèrent lorsqu'ils le rencontrèrent dans la Genèseet dans le reste de la Bible. Pourtant les nombres des esprits ancestraux et des sept groupes de leur progéniture humaine existent sur les cylindres malgré l'état de délabrement dans lequel se trouvent leurs fragments et on les y retrouve  aussi clairement que dans Pymandre et dans le Livre du Mystère Caché de la Cabale. Dans cette dernière, Adam Kadmon, est trouvé l'ARBRE Séphirotal, ainsi que "l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal". Cet ARBRE, dit le verset 32, "a autour de lui sept colonnes" ou palais des sept Anges créateurs, qui opèrent dans les Sphères des sept Planètes, sur notre Globe. De même qu'Adam Kadmon est un nom collectif, celui de l'homme Adam, l'est aussi. George Smith dit dans son Chaldean Account  of Genesis :

Le mot Adam, employé dans ces légendes pour désigner le premier être humain, n'est évidemment pas un nom propre mais est simplement employé pour désigner l'humanité. Adam est mentionné comme nom propre dans la Genèse, mais certainement, dans quelques [III 7] passages, il n'est employé que dans le sens qui est donné au mot assyrien. 10

8 Philosophomena, V. 7 ; édition de Miller, p. 98.

9 Ibid., p. 108.

 10 Philosophomena, p. 86.

11 Voyez Pline, IV, c. 12 ; Strabon, 10 ; Hérodote, VII c. 109 ; Pausanias, VII, c. 4, etc.

 

De plus, ni le Déluge Chaldéen, ni le Déluge Biblique, avec leurs histoires de Xisuthrus et de Noé, ne sont basés sur le Déluge universel ou même sur le Déluge Atlantéen, rapportés dans l'allégorie indienne de Vaivasvata Manou. Ce sont des allégories exotériques basées sur les Mystères Esotériques de Samothrace. Si les anciens Chaldéens connaissaient la vérité Esotérique que voilaient les légendes Pourâniques, les autres nations ne connurent que le Mystère de Samothrace et l'allégorisèrent. Ils l'adaptèrent à leurs notions astronomiques et anthropologiques, ou plutôt phalliques. La Samothrace est historiquement connue comme ayant été célèbre dans l'antiquité, en raison d'un déluge qui submergea la contrée et atteignit le sommet des plus hautes montagnes, événement qui se produisit avant l'époque des Argonautes. Elle fut très soudainement submergée par les eaux du Pont-Euxin, qui, jusqu'à cette époque, avait été considéré comme un lac 11. Les Israélites possédaient, en outre, une autre légende sur laquelle ils pouvaient baser leur allégorie, celle du déluge qui transforma pour la dernière fois le désert actuel de Gobi en une mer, il y a quelque 10.000 ou 12.000 ans, et qui poussa un grand nombre de Noés à se réfugier avec leurs familles sur les montagnes qui l'entourent. Comme ce n'est que maintenant que l'on reconstitue les récits Babyloniens, grâce à des centaines de mille de fragments brisés – le mont Kouyounjik seul a fourni plus de vingt mille fragments d'inscriptions à la suite des fouilles dirigées par Layard – les preuves que nous citons ici sont relativement rares ; néanmoins, telles qu'elles sont, elles corroborent presque tous nos enseignements : du moins trois d'entre elles, très certainement. Les voici :

  

  1. La première race qui tomba dans la génération fut une race sombre (Zalmat Qaqadi), qu'ils appelaient la Race d'Adamou, ou Race Sombre ; la Race de Sarkou, ou Race Claire, resta encore pure pendant longtemps.
  2. Les Babyloniens admettaient l'existence, à l'époque de la Chute, de deux Races principales, qui avaient été précédées toutes deux par la Race des Dieux, des Doubles Ethérés des Pitris : c'est l'opinion de Sir H. Rawlinson. Ce sont nos Seconde et Troisième Races-Racines.
  3. Les sept Dieux, dont chacun créa un Homme ou Groupe [III 8] d'hommes, étaient "les Dieux emprisonnés ou incarnés". Ces Dieux étaient : le Dieu Zi ; le Dieu Zi-Kou (Noble Vie, Directeur de la Pureté), le Dieu Mir-Kou (Noble Couronne), "Sauveur de la mort des Dieux emprisonnés [plus tard]" et créateur des "races sombres que sa main a faites" ; le Dieu Libzou, "sage parmi les Dieux" ; le Dieu Nissi ; le Dieu Souhhab ; et Héa ou Sa, leur synthèse, le Dieu de la Sagesse et de l'Abîme, identifié avec Oannès-Dagon, à l'époque de la Chute et collectivement appelé le Démiurge ou Créateur 12.

Il existe deux prétendues "Créations" dans les fragments babyloniens, et comme la Genèsea adhéré à ce principe, nous constatons que ses deux premiers chapitres font mention l'un de la Création Elohite et l'autre de la Création Jéhovite. L'ordre correct n'y est pourtant pas observé, pas plus que dans tous les autres comptes rendus exotériques. Or, ces "Créations", suivant les Enseignements Occultes, ont respectivement trait à la formation des sept Hommes primordiaux, par les Progéniteurs, les Pitris ou  Elohim, et à celle des Groupes humains, après la Chute.

Tout cela sera étudié à la lumière de la Science, à mesure que nous avancerons, et des comparaisons seront tirées des Ecritures de toutes les nations antiques, y compris la Bible. En attendant, et avant d'aborder l'Anthropogenèse des Races préhistoriques, il serait peut-être bon de se mettre d'accord au sujet des noms à donner aux continents sur lesquels les quatre grandes Races qui précédèrent notre Race Adamique, naquirent, vécurent  et  moururent. Leurs noms archaïques et Esotériques furent nombreux et varièrent avec la langue parlée par la nation qui en faisait mention dans ses annales et dans ses Ecritures. L'endroit que, dans la Vendidad, par exemple, on désigne sous le nom de Airyana Vaêjo 13 et où naquit le Zoroastre original 14, est appelé dans la littérature pouranique Shveta Dvîpa, Mont-Mérou, Demeure de Vishnou, etc., et dans la Doctrine Secrète on l'appelle simplement la "Terre des Dieux", sous la direction de leurs chefs, les "Esprits de cette Planète".

12 Chaldean Account of Genesis, p. 82.

 

Aussi, en raison de la confusion possible et même très probable qui pourrait naître, nous croyons qu'il est préférable [III 9] d'adopter, pour chacun des quatre Continents dont on a constamment à faire mention, un nom qui soit plus familier au lecteur cultivé. On propose donc de donner au premier continent, ou plutôt à la première terre ferme sur laquelle la Première Race fut évoluée par les divins Progéniteurs, le nom de :

  1. Terre Sacrée Impérissable.

Ce qui motive le choix de ce nom, c'est qu'il est dit que cette "Terre Sacrée impérissable" n'a jamais éprouvé le sort des autres continents, car c'est la seule qui soit destinée à subsister, depuis le commencement jusqu'à la fin du Manvantara, durant chaque Ronde. C'est le berceau du premier homme et la demeure du dernier mortel divin choisi comme Sishta pour la future semence de l'humanité. Sur cette terre mystérieuse et sacrée, on ne peut dire que peu de choses, sauf, peut-être, suivant la poétique expression employée dans un des Commentaires, que "l'Etoile polaire la surveille d'un œil vigilant, depuis l'aurore jusqu'à la fin du crépuscule d'un jour du GRAND SOUFFLE 15".

  1. Le continent Hyperboréen.

Tel sera le nom choisi pour le second Continent, la terre qui étendait ses promontoires au sud et à l'ouest du Pôle Nord, pour recevoir la Seconde Race qui englobait tout ce qu'on appelle aujourd'hui l'Asie du Nord.  C'était  le  nom  que  les  plus  anciens Grecs donnaient à cette région lointaine et mystérieuse, où, suivant leur tradition,  Apollon  l'Hyperboréen  se  rendait  tous  les ans.  Astronomiquement,  Apollon  est,  cela  va  sans  dire,  le  Soleil qui,  abandonnant  ses  sanctuaires  Hellènes,  se  plaisait  à  visiter annuellement  son  lointain  pays,  où  l'on  dit  que  le  soleil  ne  se couche jamais pendant la moitié de l'année. "Έγγὺς γὰρ νυκτός τε κα̉ὶ ήµατός ει̉σι κέλευθοι", dit un vers de l'Odyssée 16.

13 Voyez Bund, 79, 12.

14 Par le mot "original", nous entendons désigner l'Amshaspend appelé "Zarathustra, le seigneur et souverain du Vara fait par Yima dans ce pays". Il y a eu plusieurs Zarathustras ou Zertusts et le Dabistan en énumère à lui seul treize, mais tous furent des réincarnations du premier. Le dernier Zoroastre fut le fondateur du temple du Feu d'Azareksh et l'auteur des ouvrages qui traitent de la religion primordiale et sacrée des Mages détruite par Alexandre.

15 Appelé aux Indes, "Jour de Brahmâ".

16 X, 86. ["Si Proches sont les sorties de la nuit et du jour". Traduction de Butcher et Lang].

17 Voyez Volcker, Mythological Geography, pp. 145 à 170.

 

Pourtant, au point de vue historique, ou mieux, peut-être, au point de vue ethnologique et géologique, la signification est différente. La terre des Hyperboréens, la contrée qui s'étendait au-delà de Borée, le Dieu des neiges et des ouragans au cœur glacé, qui aimait à dormir lourdement sur la chaîne du Mont  Rhipæus, n'était ni une contrée idéale, comme le croient les Mythologues, ni même une contrée voisine de la [III 10] Scythie et du Danube 17. C'était un continent réel, une terre bona fide, qui ne connaissait pas d'hiver à cette époque primitive et dont les tristes restes n'ont maintenant encore pas plus d'une nuit et d'un jour durant l'année. Les ténèbres nocturnes ne s'abattent jamais sur cette terre, disaient les Grecs, parce que c'est la "Terre des Dieux", la  demeure favorite d'Apollon, le Dieu de la lumière, et que ses habitants étaient ses prêtres et serviteurs bien-aimés. Cela peut être considéré comme une fiction poétisée, maintenant ; c'était une vérité poétisée, à cette époque.

  1. La Lémurie.

Nous proposons d'appeler le troisième continent, Lémurie.  Ce nom est une invention ou une idée de M. P.L. Sclater, qui, entre 1850 et 1860, affirma, en s'appuyant sur des faits zoologiques, l'existence réelle aux époques préhistoriques d'un continent qui s'étendait, d'après lui, de Madagascar à Ceylan et Sumatra. Il comprenait quelques parties de ce qui est, aujourd'hui, l'Afrique, mais à part cela ce gigantesque Continent, qui s'étendait depuis l'Océan Indien jusqu'à l'Australie, a aujourd'hui complètement disparu sous les eaux du Pacifique, ne laissant voir, disséminés ça et là, que quelques-uns des sommets de ses hauts plateaux, qui sont aujourd'hui des îles. Le naturaliste A.R. Wallace, dit M. Charles Gould,

Etend l'Australie des périodes tertiaires jusqu'à la Nouvelle Guinée et aux îles Salomon et, peut- être, jusqu'aux îles Fidji, et déduit de ses types de marsupiaux une liaison avec le continent du nord durant la période secondaire. 18

Cette question est longuement traitée ailleurs 19. [III 11]

  1. L'Atlantide.

C'est le nom que nous donnons au quatrième continent. Ce serait la première terre historique, si l'on prêtait aux traditions des Anciens plus d'attention qu'on ne l'a fait jusqu'à présent. La fameuse île de Platon, connue sous ce nom, ne constituait qu'un fragment de ce grand continent 20.

  1. L'Europe.

Le cinquième Continent était l'Amérique, mais comme elle est située aux antipodes, ce sont l'Europe et l'Asie Mineure, presque ses contemporaines, qui sont généralement désignées par les Occultistes Indo-Aryens sous le nom de cinquième continent. Si leurs enseignements signalaient l'apparition des continents dans l'ordre géologique et géographique qui leur appartient, il y aurait lieu de modifier cette classification ; mais comme on a établi la succession des continents d'après l'ordre de l'évolution des  Races, depuis la Première jusqu'à la Cinquième, notre Race-Racine Aryenne, c'est l'Europe qu'on doit appeler le cinquième grand Continent. La Doctrine Secrète ne tient aucun compte des îles et des péninsules, ne suit pas la distribution géographique moderne des terres et des mers. Depuis l'époque de ses premiers enseignements et de la destruction de la grande Atlantide, la surface de la terre a changé plus d'une fois. Il fut un temps où le delta de l'Egypte et l'Afrique du Nord faisaient partie de l'Europe, avant que la formation du détroit de Gibraltar et le soulèvement ultérieur du continent n'eussent entièrement modifié l'aspect de la carte de l'Europe. Le dernier changement sérieux s'est produit il y a quelque 12.000 ans 21 et fut suivi de la submersion de la petite île de l'Atlantique à laquelle Platon donnait le nom d'Atlantis à cause du continent dont elle avait fait partie. La géographie faisait partie des Mystères, aux temps jadis. Le Zohar dit :

Ces secrets [des terres et des mers] furent divulgués aux hommes de la science secrète, mais non aux géographes 22. [III 12]

18 Mythical Monsters, p. 47.

19 Il est cependant bon de remarquer que M. Wallace n'accepte pas l'idée de M. Sclater, et même la combat. M. Sclater suppose une terre ou un continent qui unissait jadis l'Afrique, Madagascar et les Indes, mais non pas l'Australie et les Indes, et M. A.-R. Wallace établit, dans sa Geographical Distribution of animals, et dans Island Life, que l'hypothèse d'un tel continent n'a pas de raison d'être, si l'on se base sur de prétendues raisons zoologiques. Il admet cependant qu'un voisinage plus immédiat entre les Indes et l'Australie a dû certainement exister et cela à une époque si lointaine qu'elle était "certainement pré-tertiaire", et il ajoute dans une lettre particulière "qu'aucun nom n'a été donné à ce supposé continent". Il a cependant existé et était, cela va sans dire, "pré-tertiaire", attendu que la Lémurie, si toutefois nous adoptons ce nom pour le troisième continent, avait péri avant le développement complet de l'Atlantide et que ce dernier continent avait été submergé et que ses parties principales avaient disparu, avant la fin de la période Miocène.

20 Voyez Le Bouddhisme Esotérique.

 21 Encore une "coïncidence" :

"Il est aujourd'hui établi qu'à une époque récente au point de vue géologique, cette région du Nord de l'Afrique constituait, en fait, une péninsule de l'Espagne et que son union avec l'Afrique (proprement dite) fut réalisée, au Nord, par la déchirure de Gibraltar et au Sud par un exhaussement qui a donné naissance au Sahara. Les rivages de cette ancienne mer du Sahara sont encore indiqués par les coquilles des mêmes gastéropodes qui vivent sur les rivages de la Méditerranée." Professeur Oscar Schmidt, Doctrine of Descent and Darwinism, p. 244.

22 III, fol. 10 a.

 

L'affirmation que l'homme physique fut, à l'origine, un colossal géant pré-tertiaire, et qu'il existait, il y a 18.000.000 d'années, doit sembler déraisonnable aux admirateurs et aux fidèles de l'enseignement moderne. Tout le posse comitatus des Biologistes se détournera de la conception de cette Troisième Race de Titans de l'Ere Secondaire, de ces êtres bien faits pour lutter, avec succès, contre les monstres gigantesques de l'air, de la mer et de la terre; quant à leurs ancêtres, les prototypes éthérés de l'Atlantéen, ils n'avaient guère à craindre ce qui ne pouvait leur faire de mal. L'Anthropologue moderne peut bien se moquer de nos Titans, comme il se moque de l'Adam Biblique et comme le Théologien se moque de l'ancêtre pithécoïde de l'anthropologue. Les Occultistes et leurs critiques sévères peuvent éprouver l'impression d'avoir aujourd'hui réglé leurs comptes mutuels d'une manière assez satisfaisante. En tout cas, les Sciences Occultes prétendent moins et donnent plus que l'Anthropologie Darwiniste ou la Théologie Biblique.

La chronologie Esotérique ne devrait, du reste, effrayer personne, attendu qu'en ce qui concerne les chiffres, les plus grandes autorités actuelles sont aussi changeantes et aussi incertaines que les vagues de la Méditerranée. En ce qui a seulement trait à la durée des périodes géologiques, les savants de la Société Royale perdent désespérément pied et sautent d'un million à cinq cents millions d'années avec la plus grande facilité, ainsi que nous le constaterons plus d'une fois pendant cette comparaison.

Prenons en guise d'exemple, pour le moment, les calculs du Dr James Croll F.R.S. 23. Que le temps qui s'est écoulé depuis le commencement de l'Ere Tertiaire ou période Eocène, soit, d'après ce savant, de 2.500.000 ans, comme le lui fait dire un géologue américain 24, ou que M. Croll "assigne une durée de quinze millions d'années au temps qui s'est écoulé depuis le commencement de la période Eocène",  comme  le  dit  un  géologue anglais 25, les deux chiffres concordent avec les dires de la  Doctrine Secrète 26. En effet, comme elle assigne [III 13] une durée de quatre à cinq millions d'années à la période qui s'est écoulée entre les débuts de l'évolution finale de la Quatrième Race-Mère, sur les continents Lémuro- Atlantéens, une durée d'un million d'années à la Cinquième Race ou Race Aryenne, jusqu'à nos jours, et une durée d'environ 850.000 ans depuis la submersion de la dernière vaste péninsule de la grande Atlantide, tout cela peut facilement s'être passé durant les 15 millions d'années allouées par M. Croll pour l'Ere Tertiaire. Néanmoins, au point de vue chronologique, la durée de la période est d'importance secondaire, puisque après tout nous pouvons retomber sur certains Savants Américains. Ces messieurs, très peu émus de ce que leurs assertions soient proclamées non seulement douteuses, mais encore absurdes, n'en maintiennent pas  moins que l'homme existait durant l'Ere Secondaire. Ils ont découvert des empreintes de pieds humains sur des rocs datant de cette époque et, en outre, M. de Quatrefages ne trouve aucune bonne raison scientifique pour établir que l'homme n'a pu exister durant l'Ere Secondaire.

23 [Membre de la Royal Society].

24 A. Winchell, professeur de géologie, World Life, p. 399.

25 M. Charles GouId, ancien géologue Inspecteur de la Trasmanie, dans Mythical Monsters, p. 84.

26 Sir Charles Lyell, dont on dit qu'il a "heureusement inventé" les termes Eocène, Miocène et Pliocène, pour marquer les divisions de l'Epoque Tertiaire, aurait réellement dû assigner une longueur approximative aux "fruits de son imagination". Comme il a cependant abandonné la fixation de la durée de ces périodes aux recherches des spécialistes, cette heureuse pensée a eu pour résultat de faire naître la confusion et la perplexité, les plus grandes. Il semble vraiment impossible de pouvoir citer un chiffre tiré d'un ouvrage, sans courir le risque de le trouver contredit par le même auteur dans un volume antérieur ou postérieur. Sir William Thomson, une des plus éminentes autorités modernes, a changé à peu près une demi-douzaine de fois d'opinion au sujet de l'âge du Soleil et de la date de la consolidation de la croûte de la Terre. DansNatural Philosophy de Thomson et Tait, nous constatons que l'on n'assigne qu'une durée de dix millions d'années à la période qui s'est écoulée depuis que la température de la Terre a permis à la végétation d'y faire son apparition (App. D et seq. ; aussi Trans. Roy. Soc. Edin., XXIII. Pt. I, 157, 1862, où 847 est supprimé). M. Darwin cite l'estimation de Sir William Thomson comme variant entre "un minimum de 98 et un maximum de 200 millions depuis la consolidation de la croûte". (Voir Ch. Gould, op. cit., p. 83). Dans le même ouvrage (Nat. Phil.), on donne 80 millions d'années depuis le commencement de la formation de la croûte jusqu'à l'état actuel du monde, et dans sa dernière conférence, comme nous l'indiquions autre part, Sir William Thomson déclare (1887) que le Soleil n'a pas plus de 15 millions d'années ! En attendant, M. Croll, basant son argumentation au sujet de la limite de l'âge de la chaleur du Soleil, sur les chiffres précédemment fixés par Sir William Thomson, admet 60 millions d'années depuis le commencement de la période Cambrienne. Tout ceci est plein d'espoir pour ceux qui aiment la connaissance exacte. Ainsi, quels que soient les chiffres que donne la Science Occulte, ils seront certainement corroborés par ceux d'un savant quelconque parmi ceux qu'on tient pour des autorités.

27 Voyez Proceedings de la Société Royale, Londres, XXVIII, 281.

 

Les ères et les périodes en Géologie ne constituent, à vrai dire, que des termes purement conventionnels, attendu qu'elles ne sont encore qu'à peine délimitées et que l'on ne peut trouver deux Géologues ou deux Naturalistes qui soient d'accord sur les chiffres. La savante fraternité laisse donc une grande marge au choix qui est offert à l'Occultiste. Choisirons-nous M. T. Mellard Read pour l'un de nos soutiens ? Ce monsieur, dans une brochure sur "La pierre calcaire considérée comme un index du Temps Géologique", qu'il a lue en 1878 devant la Société Royale, prétend que le temps minimum qu'il faut [III 14] pour la formation des couches sédimentaires et pour l'élimination de la matière calcaire, est de 600 millions d'années 27 en chiffres ronds. Ou chercherons-nous à étayer notre chronologie sur les œuvres de Darwin, dans lesquelles, suivant sa théorie, il réclame de 300 à 500 millions d'années pour les transformations organiques ? Sir Charles Lyell et le professeur Houghton se contentaient de placer le commencement de l'époque Cambrienne l'un à 200 et l'autre à 240 millions d'années en arrière. Les Géologues et les Zoologistes réclament le maximum de temps, bien qu'à une époque M. Huxley ait placé à 1.000 millions d'années en arrière le commencement de la formation de la croûte terrestre et n'ait pas voulu faire grâce d'un millénaire.

Le point capital pour nous ne réside pas dans l'accord ou le désaccord des Naturalistes au sujet de la durée des périodes géologiques, mais dans le fait qu'ils sont, par extraordinaire, en parfait accord sur un point qui est de très grande importance. Ils déclarent tous que, durant le Miocène – que ce soit il y a un million ou dix millions d'années – le Grœnland et même le Spitzberg, c'est-à-dire ce qui reste de notre second continent ou continent Hyperboréen, "jouissait d'un climat presque tropical". Or, les Grecs pré- Homériques avaient conservé la tradition très vivace de cette "Terre du Soleil Eternel", où leur Apollon se rendait annuellement. La Science nous dit :

 Durant le Miocène, le Grœnland (par 70° de Lat. N.) était couvert d'une grande quantité d'arbres tels que l'if, l'érythroxyle, le sequoia, alliés aux espèces de la Californie, le hêtre, le platane, le saule, le chêne, le peuplier et le noyer, de même qu'un genre de magnolia et de zamia. 28

28 Gould, Mythical Monsters, p. 91.

 

Bref, le Grœnland renfermait des plantes du Sud, inconnues dans les régions du Nord.

Une question bien naturelle surgit alors. Si les Grecs de l'époque d'Homère avaient connaissance d'une contrée Hyperboréenne, c'est-à-dire d'une terre bénie hors de l'atteinte de Borée, le Dieu de l'hiver et de l'ouragan ; région idéale que les Grecs des générations suivantes et leurs écrivains ont vainement essayé de localiser au-delà de la Scythie ; contrée où les nuits étaient courtes et les journées longues, et au-delà de [III 15] laquelle se trouvait un pays où le soleil ne se couchait jamais et où le palmier croissait librement, s'ils savaient cela, dis-je, qui donc le leur avait dit ? A leur époque et bien des siècles auparavant, le Grœnland devait certainement être déjà couvert de neiges et de glaces éternelles comme il l'est maintenant. Tout tend à prouver que la contrée aux nuits courtes et aux longues journées était la Norvège ou Scandinavie, au-delà de laquelle se trouvait le pays béni de la lumière et de l'été perpétuels. Pour que les Grecs aient su cela, il faut que la tradition leur ait été transmise par un peuple plus ancien qu'eux, qui connaissait ces détails climatériques, dont les Grecs eux-mêmes ne pouvaient rien savoir. Même de nos jours, la science soupçonne, au-delà des mers polaires, sur le cercle polaire arctique lui-même, l'existence d'une mer qui ne gèle jamais et d'un continent toujours verdoyant. Les enseignements archaïques, de même que les Pourânas – pour celui qui comprend les allégories – renferment les mêmes affirmations. Cela suffit alors à nous faire considérer comme très probable que, durant la période Miocène de la science moderne, à une époque où le Grœnland était presque une contrée tropicale, un peuple, aujourd'hui inconnu de l'histoire, y vivait.

 AVIS

 

Le lecteur voudra bien se rappeler que les chapitres de cet ouvrage ne se suivront pas strictement dans l'ordre chronologique. Dans la première partie, les Stances qui forment l'ossature de l'exposé et certains points importants sont commentés et expliqués dans les chapitres de la deuxième et de la troisième partie, diverses données additionnelles sont groupées et on tente une explication plus complète du sujet.