INTRODUCTION
"Le POUVOIR appartient à celui qui sait" ; c'est un axiome très ancien. La connaissance – dont le premier pas est la faculté de saisir la vérité, de discerner le réel du faux – n'est destinée qu'à ceux qui, après s'être libérés de tout préjugé et avoir vaincu leur suffisance humaine et leur égoïsme, sont prêts à accepter toute vérité, dès qu'elle leur est démontrée. Ceux-là sont fort rares. La plupart jugent une œuvre d'après les préjugés respectifs de ses critiques, qui se laissent guider à leur tour par la popularité ou l'impopularité de l'auteur, plutôt que par ses propres fautes ou par ses mérites. En dehors du cercle théosophique, il est donc certain que ce volume sera accueilli par le public en général, avec plus de froideur encore que ses deux prédécesseurs. De nos jours, aucun exposé ne peut avoir l'espoir d'être jugé impartialement, ou même d'être écouté, si ses arguments ne suivent pas la voie tracée aux recherches légitimes et acceptées, en se maintenant strictement dans les limites de la Science officielle et de la Théologie orthodoxe.
Notre époque constitue une anomalie paradoxale. Elle est éminemment matérialiste et tout aussi éminemment piétiste. Notre littérature et ce que l'on appelle notre pensée et notre progrès modernes, suivent ces deux voies parallèles, si complètement dissemblables et pourtant toutes deux si populaires et si foncièrement orthodoxes, chacune dans son genre. Celui qui voudrait tenter de tracer une troisième voie, comme trait d'union réconciliant les deux autres, devrait être tout à fait prêt au pire. Son œuvre sera mutilée par les critiques, tournée en dérision par les sycophantes de la Science et de l'Eglise, citée d'une manière inexacte par ses adversaires et repoussée [V 6] même par les pieux cabinets de lecture. Les absurdes mésinterprétations de l'antique Religion Sagesse (Bodishm), par les soi-disant cercles instruits de la société, après les explications si admirablement claires et si scientifiquement présentées dans Le Bouddhisme Esotérique, en sont une bonne preuve. Elles auraient pu servir d'avertissement même aux Théosophes qui, endurcis par une lutte presque aussi longue que leur vie, au service de leur Cause, n'ont pas la plume timide, et ne sont pas épouvantés le moins du monde par les suppositions dogmatiques ou par l'autorité de la Science. Pourtant, quoi que fassent les écrivains Théosophes, ni le Matérialisme, ni le Piétisme doctrinal, ne prêteront jamais une oreille impartiale à leur Philosophie. Leurs doctrines seront systématiquement repoussées et l'on refusera une place à leurs théories, même parmi ces éphémères de la Science, les fluctuantes "hypothèses de travail" de nos jours. Pour les avocats de la théorie "animale", nos enseignements cosmogénétiques et anthropogénétiques sont tout au plus des "contes de fée". En effet, pour ceux qui veulent éviter toute responsabilité morale, il semble plus commode d'accepter un ancêtre simiesque commun et de considérer comme un frère un babouin muet et sans queue, que d'admettre la paternité des Pitris, les "Fils de Dieu", et d'avoir à reconnaître pour frère un famélique des taudis.
"Arrière !" clament à leur tour les piétistes. "Vous ne transformerez jamais de respectables Chrétiens qui fréquentent les églises, en Bouddhistes Esotériques".
En vérité, nous ne désirons pas le moins du monde tenter cette métamorphose. Mais cela ne peut empêcher et n'empêchera pas les Théosophes de dire ce qu'ils ont à dire, surtout à ceux qui, en opposant à notre doctrine la Science moderne, ne le font pas loyalement par amour pour elle, mais seulement pour assurer le succès de leurs propres marottes et leur glorification personnelle. S'il est beaucoup de nos dires que nous ne pouvons pas prouver, ils ne le peuvent pas davantage ; nous pouvons cependant montrer qu'au lieu d'exposer des faits historiques et scientifiques – pour l'édification de ceux qui, moins instruits qu'eux, comptent sur les Savants pour penser pour eux et former leurs opinions – beaucoup d'entre eux ne paraissent chercher qu'à détruire les anciens faits ou à les transformer en points d'appui pour soutenir leur propre manière de voir. C'est fait sans intention méchante ou même critique, car l'auteur admet volontiers que la plupart de ceux, qu'il trouve en faute sont incommensurablement plus savants que lui, mais une grande érudition n'exclut pas les préjugés ni les préventions et ne met pas non plus à l'abri de la suffisance ; c'est plutôt le contraire. En outre, ce n'est que pour la légitime défense de nos propres déclarations, c'est-à-dire [V 7] pour la justification de l'Antique Sagesse et de ses grandes vérités, que nous prenons à partie nos "hautes autorités".
En vérité, à moins que l'on ne prenne la précaution de répondre d'avance à certaines objections que feront naître les propositions fondamentales que renferme cet ouvrage – objections qui se produiront certainement sous l'égide de tel ou tel Savant, à propos du caractère Esotérique de tous les traités de Philosophie, archaïques ou anciens – nos déclarations seront encore une fois contredites et discréditées. Un des buts principaux de ce volume est de révéler, dans les oeuvres des anciens Philosophes Aryens, Grecs et autres, ainsi que dans toutes les Ecritures de ce monde, la présence d'une puissante allégorie et d'un puissant symbolisme Esotériques. Un autre but est de prouver que la clef d'interprétation, telle qu'elle est fournie par le canon de l'Occultisme Hindou-Bouddhique Oriental – clef qui s'adapte aussi bien aux Evangiles Chrétiens qu'aux livres archaïques Egyptiens, Grecs, Chaldéens, Persans et même Hébreux mosaïques – doit avoir été commune à toutes les nations, si différents qu'aient pu être leurs méthodes respectives et leurs "voiles" exotériques. Ces affirmations sont énergiquement repoussées par quelques- uns des savants les plus éminents de nos jours. Dans ses Conférences d'Edimbourg, le professeur Max Müller écarte cette déclaration fondamentale des Théosophes, en faisant allusion aux Shâstras et aux Pandits Hindous qui ignorent cet Esotérisme 1. Le savant sanscritiste déclara en quelques mots qu'il n'y avait ni sens occulte, ni éléments Esotérique, ni "voiles" dans les Pourânas ou les Oupanishads. Considérant que le mot "Oupanishad" veut dire "DOCTRINE SECRETE", cette assertion semble tout au moins extraordinaire. Sir M. Monier Williams est aussi du même avis en ce qui concerne le Bouddhisme. A l'entendre, on devrait considérer Gautama, le Bouddha, comme l'adversaire de toute prétention à des enseignements Esotériques. Lui-même ne les aurait jamais enseignés ! Toutes ces "prétentions" au savoir Occulte et aux "pouvoirs magiques" sont dus aux Arhats postérieurs, aux disciples de la "Lumière de l'Asie !" Le professeur B. Jowett passe aussi dédaigneusement l'éponge sur les "absurdes" interprétations du Timée de Platon et des Livres Mosaïques, par les Néo-Platoniciens. Il n'y a pas trace de l'esprit Oriental (Gnostique) de [V 8] Mysticisme, dans les Dialogues de Platon, nous dit le professeur royal de grec, pas plus que la moindre trace de Science. Enfin, pour couronner l'édifice, le professeur Sayce, l'Assyriologue, tout en ne niant pas que les tablettes assyriennes et la littérature cunéiforme contiennent réellement un sens caché – Beaucoup de textes sacrés... étant écrits de façon à n'être intelligibles que pour les initiés – prétend pourtant que "les clefs et les commentaires" sont maintenant entre les mains des Assyriologues. Les savants modernes, affirme-t-il, possèdent, pour interpréter les Archives Esotériques, des indices Que les prêtres initiés (de la Chaldée), eux-mêmes, ne possédaient pas.
1 La plupart des Pandits ignorent maintenant la philosophie Esotérique, parce qu'ils en ont perdu la clef ; pourtant aucun d'entre eux, s'ils est honnête, ne niera que les Oupanishads et surtout les Pourânas soient allégoriques et symboliques ; il ne niera pas non plus qu'il n'existe encore en Inde quelques grands érudits qui pourraient, s'ils le voulaient, leur donner la clef de ces interprétations. Les Pandits ne nient pas davantage l'existence réelle des Mahatmas – Yogis et Adeptes initiés même à notre époque de Kali Youga.
Ainsi, suivant la savante interprétation de nos Orientalistes et de nos professeurs modernes, la science était dans son enfance à l'époque des astronomes Egyptiens et Chaldéens. Pânini, le plus grand Grammairien du monde, ignorait l'art d'écrire. Il en était de même, en Inde, du Seigneur Bouddha et de toute autre personne, jusqu'à l'an 300 avant J.-C. L'ignorance la plus grossière régnait à l'époque des Richis Indiens et même à celle de Thalès, Pythagore et Platon. Il faut, en vérité, que les Théosophes soient de superstitieux ignorants pour parler comme ils le font, en présence d'aussi savantes preuves du contraire !
On dirait vraiment que depuis la création du monde il n'y eu sur terre qu'une seule époque de réel savoir – l'époque actuelle. Dans le crépuscule embrumé, à la terne aurore de l'histoire, on distingue les pâles ombres des antiques Sages universellement renommés. Ils tâtonnaient désespérément à la recherche de la signification véritable de leurs propres Mystères, dont l'esprit a disparu sans se révéler aux Hiérophantes et est resté latent dans l'espace jusqu'à la venue des initiés de la Science et de la Recherche Modernes. L'éclat maximum du savoir n'a été atteint qu'à présent par le "Sachant Tout" qui, se chauffant au soleil éblouissant de l'induction, s'active à son travail de Pénélope, consistant en "hypothèses de travail", et proclame hautement ses titres au savoir universel. Qui s'étonnerait alors qu'en raison des opinions actuelles, le savoir de l'antique Philosophe et parfois même celui de ses successeurs directs des siècles passés, aient toujours été inutiles au monde et sans valeur pour lui-même ? Ainsi que nous l'avons maintes fois expliqué, en effet tandis que les Richis et les Sages de jadis s'étaient portés fort en avant à travers les champs arides du mythe de la superstition, les savants du Moyen Age et même la moyenne de ceux du XVIIIème siècle, ont toujours été plus ou moins empêchés par [V 9] leur religion "surnaturelle" et par leurs croyances. Il est vrai que l'on admet généralement que certains savants anciens même du Moyen Age, tels que Pythagore, Platon, Paracelse et Roger Bacon, suivis par une pléiade de noms glorieux, avaient laissé de nombreux jalons sur les précieuses mines de la Philosophie et les filons inexplorés de la Science Physique. Mais les fouilles opérées, la fusion de l'or et de l'argent et la taille des pierres précieuses qu'elles renfermaient, tout cela est dû aux patients travaux du Savant moderne. N'est-ce pas au génie incomparable de ce dernier que le monde, jusqu'alors ignorant et trompé, est redevable de la connaissance exacte qu'il a de la réelle nature du Cosmos, de la véritable origine de l'univers et de l'homme, telles que les révèlent les théories automatiques et mécaniques des Physiciens, d'accord avec la Philosophie strictement scientifique ? Avant notre époque cultivée, la Science n'était qu'un mot, la Philosophie une illusion et un piège. Suivant les modestes prétentions des autorités modernes en fait de véritable Science et de véritable Philosophie, c'est maintenant seulement que l'Arbre de la Connaissance a jailli des broussailles de la superstition, comme un magnifique papillon émerge d'une laide chrysalide. Nous ne devons donc aucune reconnaissance à nos aïeux. Les Anciens ont, tout au plus, préparé et fertilisé le sol ; ce sont les modernes qui ont planté les germes du savoir et élevé les charmantes plantes que l'on appelle la négation absolue et l'agnosticisme stérile.
Tel n'est cependant pas l'avis des Théosophes. Ils répètent ce qu'ils ont déclaré il y a vingt ans. Il ne suffit pas de parler des "conceptions insoutenables d'un passé sans culture intellectuelle" (Tyndall) du "parler enfantin" des poètes Védiques (Max Müller) des "absurdités" des Néo- Platoniciens (Jowett) et de l'ignorance des Prêtres initiés Chaldéo- Assyriens en ce qui concerne leurs propres symboles, lorsqu'on la compare à la connaissance qu'en ont les Orientalistes de la Grande-Bretagne (Sayce). De telles affirmations doivent s'appuyer sur quelque chose de plus solide que la simple parole de ces érudits. Aucun degré d'arrogante vantardise ne saurait voiler les carrières intellectuelles d'où proviennent les pierres sur lesquelles ont été gravés les exposés de tant de Philosophes et de Savants modernes. Quant au nombre des Savants les plus distingués de l'Europe qui ont acquis honneur et réputation en habillant les idées de ces anciens Philosophes qu'ils sont toujours prêts à dénigrer, nous laissons à la postérité impartiale le soin de le déterminer. Il semble donc assez juste de dire, comme dans Isis Dévoilée, que certains Orientalistes et Savants en langues mortes préféreraient laisser fuir leur suffisance sans limites et leur opiniâtreté en compagnie de leur logique et de leur faculté de raisonner, plutôt que [V 10] d'admettre que les anciens Philosophes aient pu connaître quelque chose que les modernes ne connaissent pas.
Comme une partie de cet ouvrage traite des Initiés et des connaissances secrètes communiquées durant les Mystères, il y a lieu, tout d'abord, d'étudier les déclarations de ceux qui, bien que Platon ait été un Initié, soutiennent que l'on ne peut découvrir aucune trace de Mysticisme occulte dans ses oeuvres. Trop nombreux sont les érudits en Grec et en Sanscrit qui, à notre époque, sont portés à oublier facilement les faits, dans l'intérêt de leurs propres théories préconçues, basées sur leurs préjugés personnels. Ils oublient complaisamment, dans toutes les occasions, non seulement les nombreuses modifications de langage, mais encore que le style allégorique des oeuvres des anciens Philosophes et le secret gardé par les Mystiques, avaient leur raison d'être ; que les auteurs classiques pré- Chrétiens et même Chrétiens – la grande majorité d'entre eux, du moins – étaient soumis à l'obligation sacrée de ne jamais divulguer les secrets solennels qui leur étaient confiés dans les sanctuaires et que ce fait seul suffit à dérouter complètement leurs traducteurs et leurs critiques profanes. Mais, comme on va le voir, ces critiques ne veulent rien admettre de semblable.
Pendant vingt-deux siècles, tous ceux qui ont lu Platon savaient que, de même que la plupart des autres Philosophes Grecs, il avait été initié et que, par suite, lié comme il l'était par le serment Sodalien, il ne pouvait parler de certaines choses que sous le voile de l'allégorie. Son respect pour les Mystères est sans limites ; il avoue franchement écrire en termes "énigmatiques" et on le voit prendre les plus grandes précautions pour dissimuler le véritable sans de ses paroles. Toutes les fois que le sujet effleure les grands secrets de la Sagesse Orientale – la cosmogonie de l'univers, ou le monde idéal préexistant – Platon voila sa philosophie dans les ténèbres les plus profondes. Son Timée est si confus, qu'un Initié seul peut en saisir le sens caché. Ainsi que nous l'avons déjà dit dans Isis Dévoilée :
Les spéculations de Platon dans le Banquet, sur la création ou plutôt sur l'évolution des hommes primordiaux, et l'essai de cosmogonie dans Timée, doivent être pris allégoriquement, si on les accepte. C'est ce sens pythagoricien caché du Timée, du Cratyle, du Parménide et de quelques autres trilogies ou dialogues, que les Néo-Platoniciens cherchèrent à expliquer, autant que le leur permettait leur vœu théurgique de garder le secret. La doctrine pythagoricienne, d'après laquelle Dieu est le mental universel diffusé à travers toutes choses et le dogme de l'immortalité de l'âme sont les traits principaux de ces enseignements, en apparence hétérogènes. Sa piété et sa grande vénération pour les Mystères sont de [V 11] sûrs garants que Platon n'aurait pas permis à son indiscrétion de dominer le profond sentiment de responsabilité qu'éprouvent tous les Adeptes. "Ce n'est qu'en se perfectionnant sans cesse dans les parfaits Mystères que l'homme devient réellement parfait", dit-il dans Phèdre.
Il ne cherchait pas à cacher son mécontentement de ce que les Mystères fussent devenus moins secrets qu'auparavant. Au lieu de les profaner en les mettant à la portée de la foule, il eût voulu les cacher avec un soin jaloux à tous, sauf aux plus dévoués et au plus dignes de ses disciples 2. Bien qu'il parle des Dieux à chaque page, son monothéisme est indubitable, car tous ses récits indiquent que par le mot "Dieux" il voulait indiquer une classe d'êtres inférieurs aux divinités et supérieurs aux hommes, seulement d'un degré. Josèphe lui-même constata et reconnut ce fait, en dépit des préjugés naturels de sa race. Dans son fameux plaidoyer contre Apion, cet historien dit : "Ceux qui, parmi les Grecs, philosophaient d'accord avec la vérité, n'ignoraient rien... ni ne manquaient de percevoir la superficialité glaciale des allégories mythiques et c'est pour cela qu'ils les méprisaient avec raison... Platon, ému par ce fait, déclara qu'il était inutile d'admettre aucun autre poète dans "la République" et il en chassa doucement Homère, après l'avoir couronné et avoir versé sur lui des parfums, afin qu'il ne détruisît pas par ses mythes la croyance orthodoxe en un Dieu unique 3."
Et tel est le "Dieu" de tout Philosophe ; Dieu infini et impersonnel. Tout cela, et bien d'autres choses encore que nous ne pouvons citer ici faute de place, conduit à l'indéniable certitude que : puisque toutes les Sciences et toutes les Philosophies étaient à la disposition des Hiérophantes des Temples, Platon, initié par eux, a dû les connaître et que la logique suffit seule à justifier amplement ceux qui considèrent les oeuvres de Platon comme des allégories et des "écrits obscurs", voilant des vérités qu'il n'avait pas le droit de divulguer.
Cela posé, comment se fait-il qu'un des meilleurs Hellénistes de l'Angleterre, le professeur Jowett, traducteur moderne des oeuvres de Platon, cherche à démontrer qu'aucun de ses Dialogues – y compris le Timée – ne renferme le [V 12] moindre élément du Mysticisme Oriental ? Ceux qui sont capables de discerner le véritable esprit de la Philosophie de Platon ne seront guère convaincus par les arguments que le professeur du Balliol College met sous les yeux de ses lecteurs. Il est certes possible que le Timée lui paraisse "obscur et répugnant", mais il est tout aussi certain que cette obscurité n'est pas due, comme le professeur le dit au public, "à l'état d'enfance des sciences physiques" mais plutôt au secret que l'on observait à cette époque ; et qu'elle n'est due ni "à la confusion qui règne entre les notions théologiques, mathématiques et physiologiques" ni "au désir de concevoir l'ensemble de la Nature entière, sans posséder une connaissance suffisante de ses parties" 4. En effet, les mathématiques et la géométrie étaient l'épine dorsale de la cosmogonie Occulte et, par suite, de la "Théologie", et les notions physiologiques des anciens Sages sont journellement vérifiées par la Science actuelle, au moins pour ceux qui savent comment il faut lire et comprendre les antiques ouvrages Esotériques. La "connaissance des parties" nous est peu utile, si elle ne fait qu'augmenter notre ignorance du Tout, ou "de la nature et de la raison d'être de l'Universel", ainsi que Platon appelait la Divinité, et si elle nous fait commettre les plus graves erreurs à cause des méthodes inductives dont nous nous vantons. Il se peut que Platon ait été "incapable d'induction ou de généralisation, au sens moderne du terme" 5 ; et il se peut qu'il ait aussi ignoré la circulation du sang qui, nous dit-on, "lui était absolument inconnue" 6, mais rien ne prouve qu'il ait ignoré ce qu'est le sang – et c'est là une connaissance supérieure à celle à laquelle peuvent prétendre les Physiologistes et les Biologistes modernes.
3 Isis dévoilée, I, 472, 473.
4 The Dialogues of Plato, traduits par B. Jowett, professeur royal de Grec à l'Université d'Oxford, III, 523. – (Voir Oeuvres de Platon, traduction française de Victor Cousin, ou celle de Saisset. N.D.T.)
Bien qu'au point de vue des connaissances, le professeur Jowett laisse au "philosophe physicien" une marge plus étendue et beaucoup plus généreuse que ne le font presque tous les autres commentateurs ou critiques modernes, ses critiques dépassent tellement ses louanges, qu'il est peut-être bon de citer ses propres paroles, pour mettre clairement en lumière ses préventions. C'est ainsi qu'il dit :
Mettre le bon sens sous le contrôle de la raison ; découvrir un chemin à travers le labyrinthe ou le chaos des apparences, soit la grande route des mathématiques, soit des sentiers plus détournés (lui suggèrent l'analogie de l'homme avec le monde et du monde avec l'homme ; constater que toute chose a une cause et tend vers [V 13] un but, tel est l'esprit de l'antique philosophe physicien 7. Mais nous n'apprécions pas les conditions de savoir auxquelles il était soumis et les idées auxquelles s'attachait son imagination ne produisent pas le même effet sur nous. Il flotte entre la matière et le mental ; il est dominé par les abstractions ; ses impressions sont empruntées presque au hasard au côté extérieur de la nature ; il voit la lumière, mais ne voit pas les objets qu'elle rend visibles ; enfin il juxtapose des choses qui, à nos yeux, sont aussi éloignées entre elles que le sont les pôles, parce qu'il ne trouve rien à placer entre elles.
5 Op. cit., p. 561.
6 Op. cit., p. .591.
7 Cette définition place (involontairement, bien entendu) l'antique philosophe physicien" bien des coudées au-dessus de ses confrères "physiciens" modernes, puisque l'ultima thule de ces derniers est d'amener l'humanité à croire que ni l'Univers, ni l'homme ne sont les produits d'une cause quelconque – tout au moins, pas d'une cause intelligente et qu'ils doivent leur existence à un hasard aveugle et à un tourbillonnement d'atomes insensibles. Quelle est la plus rationnelle et la plus logique des deux hypothèses, c'est ce que nous laissons au lecteur impartial le soin de décider.
L'avant-dernier membre de phrase doit être évidemment désagréable pour le "philosophe physicien" moderne, qui voit les "objets" qu'il a sous les yeux, mais n'arrive pas à distinguer la lumière du Mental Universel qui les rend visibles, c'est-à-dire procède d'une manière diamétralement opposée. Aussi le savant professeur arrive-t-il à cette conclusion que l'antique philosophe, tel qu'il le juge maintenant d'après le Timée de Platon, doit avoir décidément agi d'une manière antiphilosophique et irrationnelle, car :
Il passe brusquement des personnes aux idées et aux nombres et des idées et des nombres aux personnes 8, il confond le sujet et l'objet, la première cause et la cause finale et en rêvant à des figures géométriques 9, se perd dans un flot de significations. Il [V 14] nous faut alors un effort mental pour comprendre son double langage, ou pour saisir le caractère obscur du savoir et le génie d'antiques philosophes qui, dans ces conditions (?), semblent, dans bien des cas, avoir anticipé la connaissance de la vérité en vertu d'un pouvoir divin 10.
Nous ignorons si "ces conditions" impliquent l'ignorance et la sottise du "génie des anciens philosophes" ou autre chose, mais ce que nous savons c'est que le sens des phrases que nous donnons en italique est parfaitement clair. Que le professeur royal de Grec croie ou non à un sens caché dans des figures géométriques et du "jargon" Esotérique, il n'en admet pas moins la présence d'un "double langage" dans les oeuvres de ces Philosophes. Il en résulte qu'il admet l'existence d'un sens caché qui a dû avoir son interprétation. Pourquoi donc contredit-il sa propre déclaration dans la page suivante ? Pourquoi refuse-t-il tout sens occulte au Timée – le Dialogue pythagoricien (mystique) par excellence – et se donne-t-il tant de mal pour faire croire à ses lecteurs que :
L'influence exercée par Timée sur la postérité est due, en partie, à un malentendu.
La citation suivante, tirée de son Introduction, est en contradiction directe avec le paragraphe qui la précède et que nous avons cité plus haut :
Dans les prétendues profondeurs de ce dialogue, les Néo- Platoniciens découvraient des sens cachés et des rapports avec les Ecritures Juives et Chrétiennes, puis ils en tiraient des doctrines différant complètement de l'esprit de Platon. Croyant qu'il avait été inspiré par le Saint- Esprit, ou qu'il tenait sa sagesse de Moïse 11, ils semblaient découvrir dans ses œuvres la Trinité Chrétienne, le Verbe, l'Eglise... et les Néo-Platoniciens possédaient une méthode d'interprétation qui leur permettait de découvrir n'importe quel sens à n'importe quel mot. Ils étaient réellement incapables d'établir une distinction entre les opinions de deux philosophes, ou [V 15] entre les pensées sérieuses de Platon et ses fantaisies passagères 12... [mais] il n'y a pas à craindre que les commentateurs modernes de Timée commettent la même absurdité que les Néo-Platoniciens.
8 Les italiques sont de moi. Tout élève en Philosophie Orientale, tout Cabaliste, comprendra la raison de cette association de personnes avec les idées, les nombres et les figures géométriques. Le nombre, disait en effet Philolaüs, "est le lien dominant et auto-généré de l'éternelle continuité des choses". Seul le Savant moderne est aveugle à la grandiose vérité.
9 Ici encore l'antique philosophe semble être en avance sur le moderne. En effet, il se borne à "confondre... les causes premières et finales (confusion que nient ceux qui connaissent l'esprit de la science antique), tandis que son moderne successeur avoue qu'il ignore absolument les unes et les autres. M. Tyndall représente la science comme "impuissante" à résoudre un seul des problèmes ultimes de la Nature et "l'imagination disciplinée [lisez, matérialiste moderne] comme fuyant avec effroi la contemplation des problèmes" du monde de la matière. Il doute même que les hommes de la science actuelle possèdent "les éléments intellectuels qui leur permettraient de saisir les ultimes énergies structurales de la Nature". Mais pour Platon et ses disciples, les types inférieurs n'étaient que les images concrètes des types supérieurs abstraits ; l'Ame immortelle a une origine, en tant que reflet du grand Archée universel (Anima Mundi), est auto-motrice et du centre se diffuse sur tout le corps du Macrocosme.
10 Op. cit., p. 523.
11 Les Néo-Platoniciens n'ont commis nulle part une pareille absurdité. Le savant professeur de grec a dû penser à deux ouvrages apocryphes attribués par Eusèbe et saint Jérôme à Ammonius Saccas, qui n'a rien écrit, ou bien il a dû confondre les Néo-Platoniciens avec Philon le Juif, bien que Philon vécut plus de 130 ans avant la naissance du fondateur du Néo-Platonisme. Il appartenait à l'Ecole d'Aristobule le Juif, qui vivait sous Ptolémée Philometer (150 ans av. J.-C.) et on lui attribue l'origine du mouvement tendant à prouver que Platon et même la Philosophie Péripatéticienne dérivaient des Livres Mosaïques "révélés". Valckenaer cherche à prouver que l'auteur des Commentaires des Livres de Moïse ne fut pas Aristobule, le sycophante de Ptolémée, mais quel qu'ait été cet auteur, ce ne fut pas un Néo-Platonicien et il vécut avant, ou durant l'époque de Philon le Juif, puisque ce dernier semble connaître ses oeuvres et suivre ses méthodes.
12 Seulement Clément d'Alexandrie, un Néo-Platonicien chrétien et un auteur très fantasque.
Aucun danger, bien entendu, pour la bonne raison que les commentateurs modernes n'ont jamais eu la clef des interprétations Occultes. Et avant d'ajouter un seul mot pour défendre Platon et les Néo- Platoniciens, il faudrait respectueusement poser les questions suivantes au savant professeur du Balliol College. Que sait-il, ou que peut-il savoir, au sujet du canon Esotérique d'interprétation ? Par le mot "canon" nous entendons parler ici de la clef qui était donnée verbalement, de "bouche à oreille", par le Maître à son disciple, ou par l'Hiérophante au candidat à l'initiation, et cela de temps immémorial, durant une longue série de siècles, au cours desquels les Mystères intimes – non pas les publics – constituaient, en tous pays, l'institution la plus sacrée. Sans cette clef, il est impossible d'interpréter correctement, ni les Dialogues de Platon, ni aucune Ecriture, depuis les Védas jusqu'à Homère et depuis le Zend-Avesta jusqu'aux Livres Mosaïques. Comment donc le Rév. Dr. Jowett pourrait-il savoir que les interprétations des divers livres sacrés des nations que donnent les Néo-Platoniciens, sont des "absurdités" ? De plus, où a-t-il eu l'occasion d'étudier ces "interprétations" ? L'histoire établit que tous les ouvrages de ce genre furent détruits par les Pères de l'Eglise Chrétienne et par leurs fanatiques catéchumènes, partout où on les découvrit. Prétendre qu'un homme comme Ammonius, un génie et un saint, qui par son savoir et sa vie saine conquit le titre de Théodidactos ("Instruit par Dieu"), que des hommes comme Plotin, Porphyre et Proclus étaient "incapables d'établir une distinction entre les opinions de deux philosophes, ou entre les pensées sérieuses de Platon et ses fantaisies", c'est se placer dans une position intenable pour un Savant. Cela équivaut à dire : qu'un grand nombre des Philosophes les plus fameux et des plus grands Savants et Sages de la Grèce et de l'Empire Romain n'étaient que des tristes sots et que tous les autres commentateurs, admirateurs de la Philosophie Grecque et dont quelques-uns comptent parmi les esprits les plus subtils de l'époque – qui ne sont pas de l'avis du Dr. Jowett – sont aussi des sots qui ne valent pas mieux que ceux qu'ils admirent.
Le ton protecteur des passages que nous avons cités plus haut est empreint de la suffisance la plus naïve, remarquable même à notre époque de glorification personnelle et de coteries d'admiration mutuelle. Il nous faut comparer les opinions du professeur avec celles de quelques autres érudits. [V 16]
Voici ce que dit le professeur Alexandre Wilder, de New York, un des meilleurs platoniciens de nos jours, et parlant d'Ammonius, le fondateur de l'Ecole Néo-Platonicienne :
Sa profonde intuition spirituelle, ses connaissances étendues, son intimité avec les Pères de l'Eglise, Pantène, Clément et Athénagore et avec les philosophes les plus érudits de son époque, tout cela concourut à le rendre apte à la tâche qu'il a si bien accomplie 13. Il réussit à rallier à ses opinions les plus grands savants et fonctionnaires publics de l'Empire Romain, qui étaient peu enclins à perdre leur temps en recherches dialectiques on en pratiques superstitieuses. Les résultats obtenus par son ministère sont perceptibles de nos jours dans tous les pays du monde chrétien ; car tous les principaux systèmes de doctrines portent aujourd'hui la marque de sa main plastique. Toutes les anciennes philosophies ont eu leurs fidèles parmi les modernes, et le Judaïsme lui-même... a subi des changements qui furent suggérés par l'Alexandrin "Instruit par Dieu"... C'était un homme d'une rare érudition, admirablement doué, menant une vie sans tache, pleine d'aimables dispositions. Son savoir presque surhumain et de nombreuses autres qualités lui valurent le titre de Théodidactos, mais il suivit le modeste exemple de Pythagore et se contenta de prendre le titre de Philalèthe, ou ami de la vérité 14.
Ce serait un bonheur pour la vérité et les faits si nos modernes érudits marchaient aussi modestement sur les traces de leurs grands prédécesseurs. Mais ce ne sont pas eux les Philalèthes !
13 La tâche de réconcilier les différents systèmes religieux.
14 New Platonism and Alchemy, par Alex. Wilder, M. D. pp. 7, 4.
Nous savons en outre que :
De même qu'Orphée, Pythagore, Confucius, Socrate et Jésus lui-même 15, Ammonius n'écrivait rien 16. Au lieu de cela... il communiquait [V 17] ses doctrines les plus importantes à des personnes dûment instruites et disciplinées, en leur imposant l'obligation du secret, comme l'avaient fait avant lui Zoroastre et Pythagore et comme on le faisait dans les Mystères. Sauf quelques rares traités dus à ses disciples, nous n'avons que les déclarations de ses adversaires pour nous apprendre ce qu'il enseignait réellement 17.
C'est probablement en se basant sur les affirmations pleines de parti pris de pareils "adversaires" que le savant traducteur d'Oxford, des Dialogues de Platon, en arriva à la conclusion que :
Ce qu'il y avait en lui [Platon] de vraiment grand et de vraiment caractéristique, ses efforts en vue de comprendre et de rattacher entre elles des abstractions, ne fut pas compris du tout par eux [les Néo- Platoniciens] [?].
15 Il est connu que, bien que né de parents chrétiens, Ammonius avait renoncé aux dogmes de l'Eglise, – quoi qu'en pensent Eusèbe et Jérôme. Porphyre, disciple de Plotin, qui avait vécu pendant onze ans avec Ammonius et qui n'avait aucun intérêt à déguiser la vérité, déclare positivement qu'il avait absolument renoncé au Christianisme. D'autre part, nous savons qu'Ammonius croyait aux Dieux brillants et Protecteurs et que la Philosophie Néo-Platonicienne était "païenne" autant que mystique. Mais Eusèbe, le moins scrupuleux des falsificateurs des textes antiques, et saint Jérôme, un fanatique extrême, qui avaient tous deux intérêt à nier le fait contredisent Porphyre. Nous préférons croire ce dernier, qui a légué à la postérité un nom sans tache et une réputation de grande honnêteté.
16 Deux ouvrages sont faussement attribués à Ammonius. L'un d'eux, aujourd'hui perdu, ayant pour titre De Consensu Moiysis et Jesu, est mentionné par ce même personnage "digne de confiance", Eusèbe, évêque de Césarée et ami de l'empereur Constantin, qui n'en mourut pas moins païen. Tout ce que l'on sait de ce pseudo-ouvrage c'est que Jérôme en fait un grand éloge, (Vir. Illust., § 55, et Eusèbe, H. E., VI, 19). Un second ouvrage est intitulé le Diatesseron (ou "L'Harmonie des Evangiles") et il existe en partie. Toutefois, il n'en existe que la version latine de Victor, évêque de Capoue (VIe siècle), qui l'attribuait lui-même à Tatien et cela avec probablement aussi peu de raison que lorsque les savants plus modernes ont attribué ce Diatesseron à Ammonius. On ne peut donc lui accorder une grande confiance, pas plus qu'à son interprétation "ésotérique" des évangiles. Nous demandons si c'est cet ouvrage qui amena le professeur Jowett à considérer les interprétations Néo- Platoniciennes comme des "absurdités".
17 Op. cit., p. 7.
Il déclare, d'une façon assez méprisante pour les anciennes méthodes d'analyse intellectuelle, que : De nos jours... un antique philosophe doit être interprété d'après lui-même et d'après l'histoire contemporaine de la pensée 18.
18 Op. cit., III, 524.
Ce qui revient à dire que l'antique canon Grec des proportions (si on le découvre jamais) et l'Athéna Promachos de Phidias, doivent être interprétés de nos jours d'après l'histoire contemporaine de l'architecture et de la sculpture, d'après l'Albert Hall et le Memorial Monument et d'après les hideuses Madones en crinolines disséminées dans toute l'Italie. Le professeur Jowet fait remarquer que le "mysticisme n'est pas la critique". C'est vrai, mais la critique n'est pas toujours un jugement loyal et sain.
La critique est aisée, mais l'art est difficile.
Et cet "art" fait défaut de a à z chez notre critique des Néo- Platoniciens – en dépit de sa qualité d'Helléniste érudit. Il est, en outre, évident qu'il ne possède pas la clef du véritable esprit du Mysticisme de Pythagore et de Platon, puisqu'il nie la présence, même dans le Timée, du moindre élément de Mysticisme Oriental et cherche à nous représenter la philosophie grecque comme réagissant sur l'Orient, oubliant que [V 18] c'est exactement le contraire qui est la vérité ; que c'est "le profond et pénétrant esprit de l'Orientalisme" qui – grâce à Pythagore ou à son initiation aux Mystères – pénétra jusqu'au plus profond de l'âme de Platon.
Mais le Dr Jowett ne voit pas cela. Il n'est pas non plus disposé à admettre que quoi que ce soit de bon ou de rationnel en – accord avec "l'histoire contemporaine de la pensée" – ait jamais pu être tiré de ce Nazareth des Mystères païens ; ni même qu'il y ait quoi que ce soit de secret à interpréter dans le Timée ou dans tout autre Dialogue. Pour lui :
Le prétendu mysticisme de Platon est purement grec ; il est dû à ses connaissances imparfaites 19 et à ses hautes aspirations et représente le développement d'une époque durant laquelle la philosophie n'est pas complètement séparée de la poésie et de la mythologie 20.
Parmi plusieurs propositions également erronées, nous entendons surtout combattre les affirmations suivant lesquelles aucun élément de Philosophie Orientale n'existe dans les oeuvres de Platon et tout érudit moderne, sans être lui-même un Mystique ou un Cabaliste, peut avoir la prétention de juger l'antique Esotérisme.
Pour atteindre ce but, il nous faut produire des déclarations ayant plus d'autorité que n'en auraient les nôtres et fournir le témoignage d'autres savants aussi grands, sinon plus grands que le Dr Jowett et qui soient, de plus, des spécialistes dans les questions qu'ils traitent, afin d'annihiler les arguments du professeur royal de grec d'Oxford.
Personne ne songera à nier que Platon ait été un admirateur et un disciple de Pythagore et il est également indéniable que Platon, comme le dit le Professeur Matter, a hérité de ses doctrines et a puisé sa sagesse aux mêmes sources que le Philosophe de Samos 21. Or, les doctrines de Pythagore sont foncièrement Orientales et même Brahmaniques, car ce grand philosophe indiquait toujours l'Extrême-Orient comme la source d'où il tirait ses enseignements et sa Philosophie, et Colebrooke montre que Platon fait la même profession de foi dans ses Epîtres et déclare qu'il a tiré ses enseignements [V 19] "de doctrines antiques et sacrées 22". En outre, les idées de Pythagore et de Platon coïncident trop bien avec les systèmes de l'Inde et avec le Zoroastrianisme, pour que leur origine puisse être mise en doute par une personne tant soit peu familiarisée avec ces systèmes. Puis : Pantène, Athénagore et Clément connaissaient à fond la philosophie de Platon et comprenaient son unité essentielle avec les systèmes orientaux 23.
L'histoire de Pantène et de ses contemporains peut donner la clef des éléments platoniciens et orientaux à la fois, qui, dans les Evangiles, prédominent d'une manière si frappante sur les Ecritures Juives.
19 "Connaissances imparfaites" de quoi ? Que Platon ait été aussi ignorant d'un grand nombre "d'hypothèses modernes de travail" – que le sera certainement notre postérité immédiate de ces mêmes hypothèses lorsqu'elles auront fait long feu et auront rejoint la "grande majorité" – c'est là, peut-être, une bénédiction déguisée.
20 Op. cit., p. 524.
21 Histoire Critique de Gnosticisme, par M. J. Matter, professeur à l'Académie Royale de Strasbourg : "C'est dans Pythagore et dans Platon que nous trouvons, en Grèce, les premiers éléments du Gnosticisme (Oriental)", dit-il. (Vol. I., pp. 48 et 50.)
22 Asiat. Trans., I, 597.
23 New Platonism and Alchemy, p. 4.