C. L'élimination de la forme-pensée de la personnalité
Au cours de l'étude de ce sujet, qui sera nécessairement très brève, il faut garder deux facteurs présents à l'esprit :
1. Nous considérons uniquement une idée dans la pensée de l'âme, et nous nous occupons du fait fondamental de l'illusion qui a contrôlé le cycle entier de l'incarnation et maintenu ainsi l'âme prisonnière de la forme. La personnalité a deux significations pour l'âme :
a. La capacité pour l'âme de s'identifier à la forme. L'âme la comprend pour la première fois lorsque la personnalité commence à réagir quelque peu à une véritable intégration.
b. Une occasion de prendre des initiations.
2. L'élimination de la forme-pensée de la personnalité s'accomplit à la troisième initiation qui est importante pour l'âme sur son propre plan. (Celle de la Transfiguration.) C'est pourquoi on la considère comme la première initiation majeure, car les deux précédentes ont très peu d'effet sur l'âme et n'affectent que l'âme incarnée, le "fragment" de l'âme totale.
Tous ces faits sont peu compris, et on les a rarement mis en valeur dans la littérature publiée jusqu'à présent. On a mis l'accent sur les initiations dans la mesure où elles affectent les disciples dans les trois mondes. Mais je traite spécifiquement le cas des initiations qui affectent ou n'affectent pas l'âme, laquelle domine son reflet dans les trois mondes, la personnalité. Mes considérations n'auront donc guère de sens pour le lecteur moyen.
Quant au moi personnel qui se considère comme le gardien du Seuil, on a improprement décrit son comportement comme un effacement complet dans la lumière de l'âme. On a dit que la gloire de la Présence, transmuée par l'Ange, suffisait à faire complètement disparaître la personnalité avec ses exigences et ses aspirations. Il ne subsisterait rien sinon la coquille, la gaine, l'instrument par lequel la lumière solaire peut affluer pour soulager l'humanité.Ceci est vrai jusqu'à un certain degré, mais en dernière analyse ce n'est qu'une tentative de l'homme pour exprimer par des paroles l'effet transmuant et transfigurant de la troisième initiation, ce qui est impossible.
Plus malaisée encore est ma présente tentative de décrire le comportement et les réactions de l'âme, le Moi unique, le Maître dans le coeur, lorsqu'elle reconnaît le fait stupéfiant de sa propre libération essentielle. Elle constate qu'elle est désormais et une fois pour toutes incapable de réagir de quelque façon que ce soit aux vibrations inférieures des trois mondes telles qu'elles lui sont transmises par son instrument de contact, la forme de la personnalité.
Cette forme est désormais inapte à une telle transmission.
Après avoir focalisé et admis cette compréhension, l'âme éprouve une deuxième réaction. Ayant accompli sa libération, elle constate que la liberté formule maintenant ses propres exigences :
1. Une vie de service dans les trois mondes, si familiers mais désormais si complètement transcendés.
2. Un sens dominant d'amour expansif vers ceux qui sont encore à la recherche de la libération.
3. Une reconnaissance du triangle essentiel qui est devenu le centre de la vie conceptuelle de l'âme.
L'âme vibre maintenant entre les deux points ou paires d'opposés. Elle agit comme un centre invocateur et évocateur.
Ni la conscience cervicale ni la pensée de la personnalité illuminée ne peuvent enregistrer ce genre de compréhension. Théoriquement, l'homme peut percevoir une faible image des possibilités inhérentes, mais sa conscience n'est plus celle du disciple serviteur dans les trois mondes, utilisant la pensée, les émotions, et le corps physique pour donner suite autant que possible aux ordres et aux intentions hiérarchiques. Cette conscience a disparu en même temps que mourait la conscience de la personnalité.
La conscience est maintenant celle de l'âme elle-même, ne ressentant aucune séparation, instinctivement active, spirituellement obsédée par les plans du Royaume de Dieu, et complètement libérée du mirage de la forme matérielle et de son contrôle. Toutefois, l'âme reste immergée dans l'énergie de la substance et continue d'y répondre. ( La différence de sens entre matière et substance a été exposée précédemment, la première étant dense, et les secondes subtiles.) Son homologie ou correspondance supérieure fonctionne encore sur les niveaux du plan physique cosmique – les plans bouddhique, atmique, monadique, et logoïque ou divin.
Que doit-il se passer pour que la vie de l'âme soit pleine, complète, et si parfaitement inclusive que les trois mondes fassent partie de son domaine de conscience et de son champ de service ? La meilleure manière de connaître clairement les obligations de l'âme après la troisième initiation consiste à les résumer de deux manières :
- Premièrement : L'âme est désormais un créateur conscient parce que son troisième aspect – développé et maîtrisé par expérience dans les trois mondes au cours du long cycle des incarnations – a atteint un point où son activité est parfaite. En termes techniques, nous dirions symboliquement que, dans le lotus égoïque, l'énergie des pétales de la connaissance et celle des pétales d'amour sont si activement amalgamées et fondues que deux des pétales intérieurs entourant le joyau central n'ont plus pour effet de la voiler. En raison de ce fait la mort ou l'élimination de la personnalité est la première scène du drame de la création consciente. Ensuite la première forme créée par l'âme sert à remplacer la personnalité. Un instrument pour le service dans les trois mondes se trouve ainsi créé, mais il s'agit désormais d'un instrument dépourvu de vie, de désir, d'ambition, et du pouvoir propre de penser. Ce n'est qu'une gaine de substance animée par la vie de l'âme, mais en même temps réactive et adaptée à l'époque, la race, et l'ambiance où l'âme créatrice a choisi de s'activer.
Le lecteur est prié de méditer cette phrase en mettant l'accent sur les mots "adaptée à".
- Deuxièmement : L'âme se prépare ensuite en vue de la quatrième initiation ( La Crucifixion.) qui approche et qui constitue essentiellement une expérience monadique. On sait qu'elle se traduit par la disparition ou la destruction du corps de l'âme, ou corps causal, et en conséquence par l'établissement d'une relation directe par l'antahkarana entre la monade sur son propre plan et la personnalité nouvellement créée.
C'est la première fois au cours de l'exposé ordonné de l'enseignement occulte que des éclaircissements sont donnés sur ces deux points. Toutefois, des allusions avaient préparé la voie. Quelques renseignements avaient également été donnés sur la mayavirupa par laquelle un Maître agit et prend contact avec les trois mondes, et qu'Il crée délibérément pour servir Ses desseins et Ses plans. C'est nettement un substitut de la personnalité, et l'on ne peut le créer que si l'ancienne personnalité édifiée et développée au long du cycle des incarnations, a été éliminée au préalable. Je préfère le mot "éliminée" au mot "détruite", car à l'époque de l'élimination l'ancienne structure persiste, mais sa vie séparative l'a quittée.
En réfléchissant à cet énoncé, on constate qu'une intégration fort complète est désormais possible. La vie de la personnalité a été absorbée. La forme de la personnalité subsiste encore, mais persiste sans vie propre. Cela signifie qu'elle peut maintenant recevoir les énergies et les forces dont le Maître ou l'initié ont besoin pour poursuivre l'oeuvre du salut de l'humanité. Il vaut la peine de commenter ici les trois "apparitions du Christ" relatées dans les Evangiles.
1. Son apparition transfigurée sur la Montagne de la Transfiguration. Cet épisode décrit symboliquement l'âme rayonnante ainsi que les trois corps évacués de la personnalité. Il fait également allusion à l'édification future d'un véhicule de manifestation. Saint Pierre dit : "Seigneur, construisons ici trois tentes" ou tabernacles.
2. Son apparition semblable à la vérité elle-même silencieuse mais présente – devant le tribunal ou siège de jugement de Pilate – répudiée par le monde des hommes mais reconnue par la Hiérarchie.
3. Son apparition radieuse après l'initiation de la résurrection :
a. A la femme auprès du sépulcre – symbolisant Son contact avec l'Humanité.
b. Aux deux disciples sur la route d'Emmaüs – symbolisant Son contact avec la Hiérarchie.
c. Aux douze disciples dans la chambre haute – symbolisant Son contact avec la Chambre du Conseil du Seigneur du Monde à Shamballa.
Ainsi apparaît la nature factuelle des résultats mentionnés précédemment.
Le disciple qui, tant au sens technique qu'au sens mystique, a éliminé l'emprise de la personnalité sur lui dispose maintenant de ce qu'on appelle "la franchise de l'Ashram". Il peut se déplacer à son gré parmi ses co-disciples et les initiés de son groupe. Rien dans sa vie de vibration ni dans sa qualité ne sera susceptible de troubler le rythme de l'Ashram. Rien n'appellera "l'intervention calmante" du Maître, si fréquemment nécessaire parmi les disciples débutants. Rien ne saurait désormais interférer dans les contacts supérieurs et les sphères d'influence qui avaient été jusqu'ici fermées au disciple en raison de l'intrusion de sa propre personnalité.