Fée

La peinture montre une fée regardant vers le peintre. Elle est habillée d'une robe décolletée et des ailes sont visibles dans son dos. Sur sa tête, des papillons multicolores forment un bandeau. Ses longs cheveux dorés sont bouclés. Elle tient entre ses mains un sachet.

Peinture préraphaélite représentant une fée. Take the Fair Face of Woman, and Gently Suspending, With Butterflies, Flowers, and Jewels Attending, huile sur toile, Sophie Anderson (1823 - 1903), collection privée, Londres.

Une fée est un être imaginaire, généralement décrit comme anthropomorphe et du genre féminin (très rarement masculin), d'une grande beauté, capable de conférer des dons aux nouveau-nés, de voler dans les airs, de lancer des sorts et d'influencer le futur. L'idée que l'Homme se fait des fées varie en fonction des cultures et des pays : revenants, anges déchus, élémentaires ou même humains, minuscules ou de taille humaine, toutes sont étroitement liées aux forces de la nature et au concept de monde parallèle. Ainsi, la Befana, la dame blanche, la sirène, les dryades, la fée Morgane et une grande variété d'êtres et de créatures généralement féminines sont considérés comme des « fées ». Les Anglo-Saxons utilisent le terme de « fairies » pour désigner les fées, mais également toutes les petites créatures anthropomorphes telles que les lutins, les nains et les elfes.

Issues des croyances populaires et de mythologies anciennes, de la littérature inspirée du folklore et des contes celtiques ainsi que d'anciennes divinités païennes, les fées sont une création de l'Occident médiéval. Elles jouent des rôles très variés, si elles aident, soignent, guident des personnes ou leur fournissent des armes enchantées, d'autres fées sont plus connues pour leurs « tours », leur habitude de danser en cercle et d'enlever des personnes, en particulier les nouveau-nés humains qu'elles remplacent par un changeling, ou encore celle de déguiser leur apparence et ce qui les entoure. Les fées font partie intégrante des croyances populaires dans des régions comme l'Écosse, l'Irlande, la Bretagne (anciennement l'Armorique), l'Islande et la Scandinavie, où des précautions à tenir envers elles ont été popularisées par le folklore, et sont également connues des folklores allemand, français et wallon. Au XXIe siècle, elles font toujours l'objet de croyances et de tous temps, des personnes ont affirmé les voir, communiquer avec elles ou invoquer leur aide.

Dès le XIIe siècle, deux grandes figures féeriques se distinguent dans la littérature d'Europe de l'Ouest : la fée marraine et la fée amante. Bien connues de la littérature médiévale, les fées disparaissent des récits à l'arrivée de la Renaissance, pour réapparaître sous de nouvelles formes dans Le Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare, et les contes de fées qui modifient leur taille, leur apparence et leur symbolique. Les petites fées anglo-saxonnes sont popularisées durant l'époque victorienne, notamment par la peinture féerique. Elles sont désormais des personnages incontournables de la littérature fantastique et fantasy et du cinéma, entre autres grâce à Walt Disney qui les a largement popularisées aux États-Unis, à l'intérêt né des romans de Tolkien, et à des films comme Dark Crystal. Elles ont été abondamment étudiées et mises en avant par des spécialistes comme Katharine Mary Briggs, les illustrateurs Cicely Mary Barker, Brian Froud et Alan Lee, et l'elficologue Pierre Dubois à qui l'on doit, en France, la redécouverte du folklore qui leur est lié.

Étymologie, terminologie et expressions populaires

Le mot « fée » (prononcé [fe] écouter la prononciation française) provient du latin Fata, nom du genre féminin qu'il ne faut pas confondre avec le pluriel neutre de fatum, désignant une déesse de la destinée[1] ou une Parque[2] et de genre féminin. Alfred Maury dit que le vocable fata, utilisé par les Gallo-romains pour désigner les anciennes divinités, est resté dans la mémoire populaire. Fata a donné « fée » en langue d'oïl, fadas en occitan et hadas en gascon[3]. Cette racine latine est directement issue des trois Parques de la mythologie romaine, également connues sous le nom de fatae[4], dont l'équivalent dans la mythologie grecque est le groupe des trois Moires, divinités gardiennes du Destin (moïra en grec ancien, signifiant « lot », « part qui revient à chacun »). Ce dernier terme est dérivé d'un verbe signifiant à la fois « recevoir sa part » et « être séparé de »[5]. L'étymologie latine et grecque laisse à penser que la fée est liée au destin, ou bien possède une capacité à l'influencer, ainsi qu'un don de prédiction.

En français moderne, « fée » possède un genre grammatical féminin qui accentue la caractéristique sexuée féminine. Dans d'autres cultures occidentales, « fée » est traduit par un mot sans lien avec la racine latine fata. En effet, les cultures irlandaises et scandinaves utilisent respectivement les racines alfr (gaélique) et älf (norrois) ; cette dernière racine étant celle du mot « elfe ». On constate alors que la définition de la nature et du rôle des fées est beaucoup moins restrictive, autant dans l'étymologie que dans le folklore féerique, et peut englober toutes les créatures du petit peuple.

Alfred Maury révèle que le terme « fée » était autrefois utilisé comme adjectif, issu du latin fatum et du bas latin fatatus, il est devenu « faé » sous la forme médiévale en ancien français, puis « fé », signifiant « destiné » et « enchanté »[3]. On l'utilisait pour qualifier tout lieu, objet où être surnaturel, par exemple un « bois faé » ou un « bijou fé », l'adjectif prenant alors le sens « d'enchanté », c'est-à-dire touché par une magie[6], ou selon le dictionnaire d'Antoine Furetière de 1694, comme une « chose enchantée par quelque puissance supérieure, des armes fées, qui ne peuvent être percées »[7]. Cet usage s'est perdu et ne subsiste que dans quelques langues régionales, mais l'anglais l'utilise encore avec le vocable faery[6], également orthographié fairy écouter la prononciation américaine. On utilisait également le verbe « féer » dans le sens d'« enchanter » ou « être enchanté ».

De nombreuses épithètes sont utilisées pour désigner les fées, telles que « bonnes », « bonnes-dames » et « bonnes et franches pucelles » en français[8], « bon peuple », « peuple des Fées » (wee folk, good folk, people of peace, fair folk…) ou d'autres euphémismes en langue anglaise[9], laissant à supposer qu'il est dangereux ou irrespectueux de prononcer leur nom[10].

Les fées sont par ailleurs à l'origine de nombreux proverbes et expressions populaires liés à leurs qualités supposées, tels « avoir des doigts de fée » qui désigne les personnes habiles de leurs mains, ou « vivre un conte de fées » qui signifie « voir ses rêves devenir réalité ».

Caractéristiques

Le décor de la peinture est une petite cascade qui circule dans une forêt. Au centre de la peinture, une femme nue est assise sur une pierre et ses pieds touchent à peine l'eau.

Le kelpie, fée Unseelie et métamorphe issue du folklore écossais, personnifiant les dangers de l'eau. The kelpie de Herbert James Draper, 1913.

La notion de « fées » a donné naissance à des mythes, des histoires et des études sur une très longue période[11]. Elles sont majoritairement vues comme des êtres anthropomorphes dotés de pouvoirs magiques, qui interviennent dans la vie des humains[2]. Cependant, l'oubli ou l'assimilation des divers folklores ont créé une confusion entre des créatures aux noms et aux caractéristiques opposées, issues de langues et de traditions distinctes. Les fées sont donc multiformes et de nombreuses classifications ont été établies à leur sujet.

Créatures décrites comme « fées »

La photo montre un homme barbu assis de profil.

Pierre Dubois, spécialiste français du petit peuple, dédicace l'un de ses albums en dessinant une fée au festival Trolls et Légendes de Mons, avril 2011.

Le nom « fée » désigne des créatures différentes en fonction des pays et des racines linguistiques.

Conception française et germanique

Fée telle que popularisée par les contes merveilleux, ici, sur une image d'Épinal illustrant L'Oiseau Bleu.

Selon la conception française et germanique des fées, ce sont des êtres féminins dotés de pouvoirs surnaturels influant sur la destinée humaine. Laurence Harf-Lancner propose la définition de « femme surnaturelle, habitante d'un Autre Monde qui délaisse son lointain royaume pour s'intéresser de près aux affaires des mortels et diriger leur destinée »[12]. Le Dictionnaire Bouillet les présente au XIXe siècle comme jouissant d'un pouvoir surhumain, mais soumises quelquefois à des lois étranges et humiliantes.

L'elficologue Pierre Dubois, spécialiste français du sujet et auteur de la La Grande Encyclopédie des fées parue en 1996, les présente comme des marraines, devineresses et enchanteresses représentant les forces de la nature, bien distinctes des elfes et des lutins, esprits masculins, souvent farceurs pour ces derniers. Il distingue les fées qui contrôlent le ciel, par exemple en faisant tomber la neige, la pluie et l'orage, ou qui annoncent les saisons telles le printemps et la période de l'Avent, la Befana et la Guillaneu étant des exemples[13]. Les « fées du foyer » sont celles qui vivent dans les demeures humaines qu'elles protègent, mais peuvent aussi terroriser les habitants ou mettre le désordre, telles les gianes et les martes [13]. Cette distinction avait été déjà envisagée par Katharine Mary Briggs[14]. Il distingue ensuite les fées venues d'autres mondes, souvent nocturnes, comme les dames blanches, les banshees et les lavandières de nuit[15]. Restent les fées des eaux, celles de la végétation, et les fées aériennes liées au rêve comme Margot, Morgane et Viviane[16]. Bien qu'il voie les fées comme féminines, il mentionne aussi des hommes-fées (ou « féetauds ») dont parlait Paul Sébillot, le plus illustre représentant étant le roi Obéron[17].

Dans les croyances germaniques, elles-mêmes influencées par des emprunts à la littérature celtique et romane, Claude Lecouteux distingue trois types d'êtres surnaturels : les géants, les nains et les fées[18].

Conception anglo-saxonne

Une des Flower Fairies anglo-saxonne, vue par Cicely Mary Barker.

La notion de fée dans le monde anglo-saxon est différente de celle qui prévaut dans la Francophonie. Le terme français « fée », repris en langue allemande, ne désigne pas toujours le même type de créature que les termes anglais « fairies » et « faeries ». Pour la spécialiste anglaise Katharine Mary Briggs, le mot fairies (« fées ») peut décrire toute créature magique (un cheval-fée, une biche-fée, etc.), l'ensemble du petit peuple, ou un type spécifique de créatures plus éthérées[19]. Certaines créatures anglo-saxonnes décrites comme fées possèdent le pouvoir de se métamorphoser, c'est le cas des selkies (peuple des phoques) et des kelpies (chevaux ondins). Les chiens noirs, eux aussi « fées », semblent plus constants dans leur forme[20]. Le nom de « fairies » concerne le petit peuple issu de la mythologie celtique dans son ensemble, incluant les lutins, les nains et les elfes du folklore germanique, les trolls, les gnomes, les korrigans, etc[14]. Dans la culture anglo-saxonne ainsi que la germanique, c'est la « fée des dents » qui remplace les dents de laits perdues par les enfants par des pièces d'or. Au Québec et en Italie, ce personnage coexiste avec la petite souris[21].

Archétypes féeriques

L'étude du folklore et de la littérature ont permis de distinguer les différents rôles attribués aux fées, notamment via les travaux des universitaires Katharine Briggs (An Encyclopedia of Fairies[22]) et Laurence Harf-Lancner (Le Monde des fées dans l'Occident médiéval[23]). Selon elle, deux grands archétypes féeriques peuvent être identifiés dès le Moyen Âge : celui de la fée dite « fata », ou fée marraine, et celui de la fée amante. Ils semblent s'être différenciés au XIIe siècle, par le biais de la littérature inspirée du folklore et des contes celtiques, alors qu'ils étaient auparavant fondus en un seul[24]. Les deux étaient connues du folklore vers l'an mille, ainsi que le rapporte Burchard de Worms[4]. Cette distinction ne fait toutefois pas l'unanimité chez les spécialistes, notamment en ce qui concerne les fées de la légende arthurienne, dont les rôles sont multiples. Les contes merveilleux ont popularisé la fée marraine et son antithèse, la fée Carabosse.

Durant le Moyen Âge germanique et selon Claude Lecouteux, les fées peuvent se faire tour à tour anges gardiens, médecins, guides et éducatrices, possèdent des objets merveilleux et des dons magiques, ainsi qu'une capacité à surgir à point nommé pour aider les héros (fonction adjuvante)[18]. Dans certains textes médiévaux tels Artus de Bretagne, les fées sont le « double tutélaire d'un héros assurant le cycle saisonnier »[25]. Lecouteux a examiné la croyance médiévale du double, dont il semble voir des réminiscences issues d'un chamanisme primitif dans le lai de Lanval[26].

Fée fata ou fée marraine

Au centre de la photo, un enfant est couché dans un berceau décoré de longs tissus blancs. Trois fées debout autour du berceau observent l'enfant.

 

Fées marraines autour du berceau de La Belle au bois dormant, scène du Château d’Ussé en Indre-et-Loire.

Selon Laurence Harf-Lancner, la fée fata, ou fée marraine, est vraisemblablement issue d'un mélange entre la figure des trois Parques de la mythologie romaine et des triades tutélaires celtiques liées à la fertilité et l'abondance, dont le souvenir est demeuré vivace au Moyen Âge. Cette créature tutélaire se penche sur le berceau d'un nouveau-né pour apporter protection et grâces magiques, c'est une fée « matrone » comme dans le conte La Belle au bois dormant et sa forme plus ancienne, Perceforest. Elle était semble t-il vénérée vers l'an mille[4]. Ces fées maternelles élèvent et éduquent de jeunes héros, avant de leur remettre des armes merveilleuses[27].

Fée amante

Une femme à la longue chevelure rousse et habillée d'une robe rouge se tient sur un cheval noir. Elle se penche vers un chevalier en armure, probablement pour l'embrasser. Ils se tiennent dans un pré et sont entourés de collines.

 

Des histoires de chevaliers tombant amoureux de fées se retrouvent partout. La Belle Dame sans Merci, peinture de Frank Bernard Dicksee.

« Belles à nulle autre pareille, et qui plus est enchanteresses, et qui plus est éternelles ! À qui d'autre peut mieux rêver le rêveur de rêves qui n'a que le rêve pour aimer et être aimé au-dessus de ses moyens ? Qui d'autre pour lui entrouvrir l'or des aventures, des serments d'immortalité, accomplir ses espérances d'enfance lorsqu'il se voulait chevalier, chasseur de dragon, amant pour toujours d'une fée belle à nulle autre pareille ? »

— Pierre Dubois, Lanval[28]

Burchard de Worms met en garde contre la croyance selon laquelle des femmes de la forêt sorties de nulle part viennent donner du plaisir aux hommes, puis disparaissent : ce témoignage aux alentours de l'an mille est l'un des plus anciens concernant la fée amante[24]. Elle est décrite comme une magnifique jeune femme surnaturelle qui éveille chez les chevaliers et les héros un désir d'amour immédiat. Des histoires où les hommes héroïques se font aimer de telles créatures féminines se retrouvent partout dans le monde, aussi bien en Grèce Antique que chez les Inuits ou les Amérindiens[2]. La fée amante est toutefois une création littéraire occidentale du XIIe siècle[4]. Ses amours sont toujours assujetties à une condition (dans le lai de Lanval, il s'agit de ne pas en parler et dans la légende de Mélusine, de ne pas chercher à la voir le samedi). Si l'interdit n'est pas respecté, la fée peut se venger cruellement, allant jusqu'à donner la mort à ses amants[2]. La Belle Dame sans Merci, héroïne d'un poème de John Keats, la reine des fées dans Thomas le Rhymer et celle de Tam Lin sont des exemples de fées amantes piégeant les hommes par leur amour.

Vieille fée et mauvaise fée

 

La Befana, vieille fée de Noël qui apporte des cadeaux aux enfants italiens

Les contes ont popularisé la figure de la fée Carabosse, ou vieille fée, antithèse de la fée marraine, qui maudit les nouveau-nés. Cependant, les vieilles fées se rencontrent également dans le folklore français, où si elles semblent éternellement vieilles[29], elles ne se révèlent pas toujours maléfiques. Pierre Dubois en cite plusieurs en Europe, comme la Befana[30] et tante Arie[31], qui apportent les cadeaux de Noël. Toutefois, la plupart sont maléfiques, telles la trotte-vieille, la chauchevieille[32], Meiga[33], et les fées déchues (Fausserolle, Teugghia)[34], parfois issues de la diabolisation des esprits du terroir. Au Maroc, Aïcha Kandicha, sorte de fée ogresse de la culture musulmane, est comparable à la fée Carabosse[35].