MAITRE M

Les Enseignements du Maitre MORYA

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LA DOCTRINE SECRETE VOL 2

SECTION XIV - DIEUX, MONADES ET ATOMES

SECTION XIV

DIEUX, MONADES ET ATOMES

 

Il y a quelques années, nous avons fait cette remarque :

La Doctrine Esotérique pourrait fort bien être appelée,... la "Doctrine-Fil", puisque de même que le Soûtrâtmâ [de la philosophie Védanta] 683, elle traverse et relie entre eux tous les anciens systèmes de philosophie religieuse et... les réconcilie et les explique 684.

683 Atmâ ou l'Esprit, le soi spirituel, qui passe comme un fil à travers les corps subtils, les Principes ou Koshas, est appelé "Ame-Fil" ou Soûtrâtmâ dans la philosophie védantine.

684 "The Septenary Principle", Five Years of Theosophy, p. 197.

 

Aujourd'hui nous disons qu'elle fait davantage. Non seulement elle réconcilie les divers systèmes qui sont en conflit apparent, mais elle vérifie les découvertes de la Science exacte moderne et indique que certaines d'entre elles doivent nécessairement être correctes, attendu qu'elles sont corroborées par les Archives Antiques. Tout cela sera, sans aucun doute, considéré comme terriblement impertinent et irrespectueux, comme un véritable crime de lèse-science, néanmoins c'est un fait.

La Science, de nos jours, est incontestablement ultra matérialiste, mais elle trouve, dans un certain sens, sa justification. La Nature se conduisant toujours ésotériquement in actu et étant, comme disent les Cabalistes, in abscondito, ne peut être jugée par le profane que d'après ses apparences qui sont toujours trompeuses sur le plan physique. D'autre part, les Naturalistes refusent d'unir la Physique à la Métaphysique, le Corps à l'Ame et à l'Esprit qui l'animent ; ils préfèrent ignorer ces derniers. C'est une question de goût pour quelques-uns, tandis que la minorité s'efforce, avec beaucoup de raison, d'élargir le domaine de la Science Physique en franchissant les limites du sol prohibé de la Métaphysique, qui déplaît tant à certains Matérialistes. Ces Savants font preuve de sagesse, car toutes leurs merveilleuses découvertes n'aboutiront à rien et ne constitueront jamais que des corps sans tête, s'ils ne soulèvent pas le voile de la  Matière et n'exercent pas leurs yeux à voir au-delà. Maintenant qu'ils ont étudié la carcasse physique de la Nature dans sa longueur, sa largeur et son épaisseur, il est temps de reléguer le squelette au second plan et de chercher dans les profondeurs inconnues, l'entité vivante et réelle, sa SUBSTANCE, le noumène de la Matière éphémère. [II 388]

Ce n'est qu'en suivant cette voie que certaines vérités, traitées actuellement de "superstitions démodées", seront reconnues comme étant des faits et comme les reliques de la sagesse et du savoir antiques.

Une de ces croyances "dégradantes" – dégradantes dans l'opinion du sceptique négateur – serait l'idée que le Cosmos, outre ses habitants planétaires objectifs, ses humanités dans d'autres mondes habités, est plein d'Existences invisibles et intelligentes. Les prétendus Archanges, Anges et Esprits de l'Occident, copies de leurs prototypes les Dhyân-Chohans, les Dévas et les Pitris de l'Orient, ne sont pas des Etres réels, mais des fictions. Sur ce point la Science matérialiste est inexorable. Pour appuyer ses dires elle bouleverse son propre axiome, le principe d'uniformité et de continuité des lois de la Nature et toute la série logique des analogies dans l'évolution de l'Etre. On invite et on oblige la masse des profanes à croire que la somme des témoignages de l'Histoire – témoignages qui nous représentent même les Athées de jadis, tels qu'Epicure et Démocrite, comme croyant aux Dieux – est fausse et que des philosophes tels que Socrate et Platon, qui affirmaient cette existence, n'étaient que des enthousiastes abusés et des imbéciles. Si nous édifions simplement nos opinions sur des bases historiques, en nous appuyant sur l'autorité d'une légion d'hommes pris parmi les sages les plus éminents des Néo-Platoniciens et des Mystiques de toutes les époques, depuis Pythagore jusqu'aux illustres Savants et Professeurs du siècle actuel qui, tout en repoussant les "Dieux", croient aux "Esprits", sommes-nous tenus de considérer de tels hommes comme étant aussi faibles d'esprit et aussi stupides qu'un paysan Catholique quelconque, qui croit à son Saint, jadis être humain, ou à l'Archange saint Michel, et leur adresse des prières ? N'y a-t-il aucune différence entre la croyance du paysan et celle des héritiers Occidentaux des Rose-Croix et des Alchimistes du Moyen Age ? Sont-ce les Van Helmont, les Khunrath, les Paracelse et les Agrippa, depuis Roger Bacon jusqu'à Saint-Germain, qui furent tous des enthousiastes aveugles, des hystériques ou  des tricheurs, ou est-ce la poignée de Sceptiques modernes – les "maîtres à penser" – qui est frappée de la cécité de la négation ? Nous opinons pour cette  dernière  idée.  Ce serait vraiment un miracle, un fait absolument anormal dans le domaine des probabilités et de la logique, si cette poignée de négateurs représentait les seuls gardiens de la vérité tandis que l'armée des millions de personnes qui croient aux Dieux, aux Anges et aux  Esprits – en Europe et en Amérique seulement – c'est-à-dire les Chrétiens orthodoxes et latins, les Théosophes, les Spirites, les Mystiques, etc., ne serait guère composée que de fanatiques abusés et de [II 389] médiums hallucinés, souvent même victimes des charlatans et des imposteurs ! Quelques variés que soient leurs dogmes et leurs formes extérieures, les croyances à des Légions d'Intelligences invisibles de rangs divers ont la même base. Toutes sont un mélange de vérité et d'erreur. L'étendue exacte, la profondeur, la largeur et la longueur des mystères de la Nature, ne peuvent se rencontrer que dans la Science Esotérique Orientale. Tout cela est si profond et si vaste, qu'à peine un petit nombre, un très petit nombre, des plus hauts Initiés – ceux dont l'existence même n'est connue que d'un petit nombre d'Adeptes – sont capables de s'assimiler ces connaissances. Tout est là cependant et, un par un, les faits et les procédés de l'atelier de la Nature sont autorisés à se frayer un chemin dans la Science exacte, en même temps qu'une assistance mystérieuse est donnée à de rares individus pour les aider à en sonder les arcanes. C'est à la fin de grands Cycles, en rapport avec le développement des races, que se produisent généralement ces événements. Nous touchons au terme du cycle de 5.000 ans du Kali Youga aryen actuel, et entre le moment où nous écrivons et 1897, une large déchirure sera faite au Voile de la Nature et la Science matérialiste recevra un coup mortel.

Sans vouloir jeter le moindre discrédit sur aucune des croyances consacrées par le temps, nous sommes forcés de tirer une ligne de démarcation entre la foi aveugle, à laquelle les théologies ont donné naissance, et le savoir dû aux recherches indépendantes de longues générations d'Adeptes ; en un mot, entre la foi et la Philosophie. Il y a eu de tout temps des gens incontestablement instruits et bons, qui ont été élevés dans des croyances sectaires et qui sont morts dans leurs convictions cristallisées. Pour le Protestant, le jardin de l'Eden est le premier point de départ du drame de l'Humanité et la solennelle tragédie qui a eu pour théâtre le sommet du Calvaire, est le prélude du Millénaire espéré... Pour le Catholique romain, Satan est à la base du Cosmos, le Christ à son centre et l'Antéchrist à son sommet. Pour tous deux, la Hiérarchie des Etres commence et finit dans les limites étroites de leurs théologies  respectives :  un Dieu personnel créé par lui-même et un empyrée retentissant des Alléluias d'Anges créés ; le reste, des faux Dieux, Satan et des démons.

La Théo-Philosophie procède d'une manière plus large. Depuis l'origine des æons – dans le temps et dans l'espace, dans notre Ronde et sur notre Globe – les mystères de la Nature (au moins ceux qu'il est licite à nos Races de connaître) ont été enregistrés par les disciples de ces mêmes "Hommes Célestes", aujourd'hui invisibles, au moyen de figures géométriques et de symboles. Les clefs qui permettaient [II 390] de les déchiffrer ont été transmises d'une génération de "Sages" à l'autre. Quelques-uns de ces symboles passèrent ainsi d'Orient en Occident, apportés d'Orient par Pythagore qui n'était pas l'inventeur de son fameux "Triangle". Cette figure géométrique, de même que le carré et le cercle, sont des descriptions de l'ordre d'évolution de l'Univers, tant au point de vue spirituel et psychique qu'au point de vue physique, descriptions qui sont plus éloquentes et plus scientifiques que des volumes entiers de Cosmogonies descriptives de "Genèses" révélées. Les dix Points inscrits dans ce "Triangle de Pythagore" valent toutes les théogonies et toutes les angéologies qui soient jamais sorties d'un cerveau théologique. Celui qui interprétera ces dix-sept points (en y joignant les sept Points Mathématiques cachés) – tels qu'ils sont et dans l'ordre indiqué – y découvrira la série ininterrompue des généalogies, depuis le premier Homme Céleste jusqu'à l'Homme Terrestre. De même qu'ils  donnent l'ordre des Etres, ils révèlent l'ordre suivant lequel ont été évolués le Cosmos, notre Terre et les Eléments primordiaux par lesquels cette dernière fut générée. Comme elle a été conçue dans les Profondeurs invisibles et dans la Matrice de la même "Mère" que ses globes compagnons, celui qui pénétrera les mystères de notre propre Terre aura pénétré ceux de tous les autres.

Quoi que puissent suggérer l'ignorance, l'orgueil et le fanatisme en vue d'établir le contraire, on peut prouver que la Cosmogonie Esotérique est inséparablement liée à la Philosophie, comme à la Science moderne. Les Dieux et les Monades des Anciens – depuis Pythagore jusqu'à Leibnitz – et les Atomes des écoles matérialistes actuelles (tels qu'elles  les ont empruntés aux théories des anciens Atomistes Grecs) ne sont qu'une unité composée, ou une unité graduée, comme la structure humaine qui commence par le corps et finit par l'Esprit. Dans les Sciences Occultes on peut les étudier séparément, mais on ne peut jamais les comprendre à moins de les considérer dans leurs mutuelles corrélations durant leur cycle de vie et comme une Unité Universelle durant le Pralaya.

La Pluche fait preuve de sincérité, mais donne une piètre idée de ses capacités philosophiques, lorsqu'en exposant ses opinions personnelles au sujet de la Monade ou du Point Mathématique, il dit :

Un point suffit à enflammer toutes les écoles du monde, mais quel besoin l'homme a-t-il de connaître ce point, puisque la création d'un être aussi petit est au-delà de son pouvoir ? A fortiori, la philosophie va à l'encontre de toute probabilité, lorsque de ce [II 391] point, qui absorbe et déconcerte toutes ses méditations, elle prétend passer à la génération du monde.

Cependant, la Philosophie n'aurait jamais pu faire l'idée qu'elle a d'une Divinité logique, universelle et absolue, si elle n'avait eu, dans le cercle, aucun point mathématique sur lequel baser ses spéculations. Seul, le Point manifesté, perdu pour nos sens après son apparition pré-génétique dans l'infini et l'inconnaissable du Cercle, rend possible une réconciliation entre la Philosophie et la Théologie – à condition que cette dernière abandonne ses dogmes grossiers et matérialistes – et c'est parce que la théologie Chrétienne a partout repoussé la Monade et les figures géométriques de Pythagore, qu'elle a évolué son Dieu, créé de lui-même, humain et personnel, la monstrueuse Tête de laquelle découlent, comme deux torrents, les dogmes du Salut et de la Damnation. C'est si vrai, que même les pasteurs, qui sont Francs-Maçons et qui devraient être Philosophes, ont, par leurs interprétations arbitraires, attribué aux Anciens Sages la paternité de l'étrange idée que :

La Monade représentait [pour eux] le trône de la Divinité Omnipotente, placé au centre de l'empyrée pour  indiquer

  1. G. A. D. L'U. [lisez le "Grand Architecte de l'Univers"] 685.

685 Pythagorean Triangle, par le Rév. G. Oliver, P. 36.

 

C'est une curieuse explication, plus Maçonnique que strictement Pythagoricienne.

 Le "Hiérogramme dans un Cercle, ou Triangle équilatéral", n'a jamais signifié non plus "l'explication par un exemple de l'unité de la divine Essence", attendu que cela était représenté par le plan du Cercle sans limites. Ce que signifiait réellement ce Triangle c'était la triple et unique Nature égale de la première Substance différenciée, ou la consubstantialité de l'Esprit (manifesté), de la Matière et de l'Univers – leur "Fils" – qui procède du Point, le véritable Logos Esotérique ou Monade Pythagoricienne. En effet, le mot grec Monas signifie "Unité" dans son sens original. Ceux qui sont incapables de saisir la différence qui existe entre la Monade – l'Unité Universelle – et les Monades ou l'Unité manifestée, comme celle qui existe entre le Logos à jamais caché et le Logos révélé ou Verbe, ne devraient jamais se mêler de Philosophie, ni, encore moins, de Sciences Esotériques. Il est inutile de rappeler au lecteur érudit la Thèse de Kant pour démontrer sa seconde Antinomie 686. [II 392]

Ceux qui l'ont lue et comprise verront clairement la ligne que nous tirons entre l'Univers absolument idéal et le Cosmos invisible, bien que manifesté. Nos Dieux et Monades ne sont pas les Eléments de l'extension elle-même, mais seulement ceux de la Réalité invisible qui est la base du Cosmos manifesté. Ni la Philosophie Esotérique, ni Kant, pour ne rien dire de Leibnitz, n'admettraient jamais que l'extension puisse être composée de parties simples ou non étendues, mais les philosophes-théologiens ne le comprendront pas. Le Cercle et le Point – ce dernier, qui se retire et se fond dans le premier, après avoir émané les trois premiers Points et les avoir réunis par des lignes, en formant ainsi la première base nouménale du Second Triangle dans le Monde Manifesté – ont toujours opposé un obstacle insurmontable aux envolées théologiques dans des empyrées dogmatiques. En se basant sur l'autorité de ce Symbole Archaïque, un Dieu mâle et personnel, Créateur et Père de tout, devient une émanation de troisième ordre, la Séphira occupant le quatrième rang dans la descente et placée à la gauche d'Aïn-Soph dans l'Arbre de Vie Cabalistique. Par suite, la Monade est rabaissée au niveau d'un Véhicule – un "Trône" !

La Monade – simple émanation et réflexion du Point, ou Logos, dans le Monde phénoménal – devient, lorsqu'elle occupe le sommet du Triangle équilatéral manifesté, le "Père". Le côté gauche est la Duade, la "Mère", considérée comme le principe mauvais, opposé 687 ; le côté droit représente le "Fils", "Epoux de sa Mère" dans toutes les Cosmogonies, comme ne faisant qu'un avec le sommet ; la base est le plan universel de la Nature productrice qui unifie, sur le plan phénoménal Père-Mère-Fils, de même que ceux-ci sont unifiés par le sommet dans le Monde supersensoriel 688. Par une transmutation mystique, ils devinrent le Quaternaire – le Triangle devint la TETRAKTYS.

686  Voir Critique de la raison pure de KANT, traduction de Barni, II, 54 [voir aussi la traduction de J.M.D.   Meiklejohn, p. 271 : "Toute substance composite dans le monde consiste en parties simples ; et il n'existe rien qui ne soit simple, ou composé de parties simples"]

 687 PLUTARQUE, De Placitis Philosophorum.

688 Dans l'Eglise grecque et l'Eglise latine – qui considèrent le mariage comme l'un des sacrements – le prêtre qui officie durant la cérémonie du mariage représente le sommet du triangle : la mariée, son côté gauche ou féminin et le marié son côté droit, tandis que la base est symbolisée par la rangée des témoins, des demoiselles et garçons d'honneur. Mais derrière le prêtre se trouve le Saint des Saints avec son mystérieux contenu et sa signification symbolique et dans lequel personne ne doit entrer, sauf le prêtre consacré. Dans les premiers temps du Christianisme, la cérémonie du mariage était un mystère et un symbole véritable. Maintenant, les Eglises elles-mêmes ont perdu le véritable sens de ce symbolisme.

689 New Aspects of Life and Religion, par Henry PRATT, M. D., p. 7 (1886).

 

Cette application transcendante de la géométrie à la théogonie cosmique et divine – l'Alpha et l'Oméga de la conception [II 393] mystique – fut rapetissée après Pythagore, par Aristote. En omettant le Point et le Cercle, et en ne tenant pas compte du sommet, il réduisit la valeur métaphysique de l'idée, et limita ainsi la doctrine de l'étendue à une simple Triade – la ligne, la surface et le corps. Ses héritiers modernes, qui jouent à l'Idéalisme, ont interprété ces trois figures comme l'Espace, la Force et la Matière – "les pouvoirs d'une Unité agissante". La Science Matérialiste qui n'aperçoit que la base du Triangle manifesté – le plan de la Matière – la traduit pratiquement par (Père)-MATIERE, (Mère)- MATIERE et (Fils)-MATIERE et théoriquement par Matière, Force et Corrélation.

Mais pour le Physicien moyen, comme le fait remarquer un Cabaliste :

L'Espace, la Force et la Matière sont comme les signes algébriques pour les mathématiciens, c'est-à-dire des symboles conventionnels, [ou] bien que la Force, en tant que force, et la Matière, en tant que matière, sont aussi complètement inconnaissables que l'est le  supposé espace vide dans lequel elles sont supposées agir 689.

Ces symboles représentent des abstractions et sur celles-ci :

 Le physicien base des hypothèses raisonnées sur l'origine des choses... il constate la nécessité de trois choses dans ce qu'il appelle la création : Un emplacement pour y créer. Un moyen pour pouvoir créer. Une matière pour servir à créer, et lorsqu'il a exprimé logiquement cette hypothèse au moyen des termes : espace, force, matière, il croit avoir prouvé l'existence de ce que représente chacun de ces mots, comme il le conçoit lui-même 690.

Le Physicien qui ne considère l'Espace que comme une représentation de notre mental, ou comme une extension sans rapports avec ce qu'elle renferme, et que Locke décrivait comme étant aussi  incapable de résistance que de mouvement ; le Matérialiste paradoxal qui voudrait avoir un vide là où il ne peut voir de Matière, repousserait avec le plus profond mépris la proposition suivant laquelle l'Espace est :

Une Entité vivante, substantielle, bien que [apparemment et absolument] inconnaissable 691.

690 Ibid., pp. 7, 8.

691 Ibid., p. 9.

 

Tel est, néanmoins, l'enseignement Cabalistique et c'est aussi celui de la Philosophie Archaïque. L'Espace est le Monde réel tandis que notre monde n'est qu'un monde artificiel. [II 394] C'est l'Unité Une dans toute l'étendue de son infini ; dans ses abîmes sans fond comme sur sa surface illusoire ; surface parsemée d'innombrables univers phénoménaux, de Systèmes et de Mondes ressemblant à des mirages. Néanmoins, pour l'Occultiste Oriental, qui est au fond un Idéaliste objectif, dans le Monde réel qui est une Unité de Forces, il existe "une connexion de toute la Matière dans le Plenum", comme aurait dit Leibnitz. C'est symbolisé dans le Triangle de Pythagore.

Ce triangle consiste en Dix points placés en forme de pyramide (d'un à quatre) à l'intérieur de trois côtés et symbolise l'Univers dans la fameuse Décade Pythagoricienne. Le point unique du haut est une Monade et représente un Point Unitaire qui est l'Unité d'où tout procède. Tout est de la même essence que lui. Tandis que les dix points dans le Triangle équilatéral représentent le monde phénoménal, les trois côtés qui entourent la   pyramide    de   points   sont   les   barrières   de   Matière   ou   Substance nouménale qui la séparent du monde de la Pensée.

Pythagore considérait que le point correspondait en proportion  à l'unité ; la ligne à 2 ; la superficie à 3 ; le solide à 4 et il définissait le point comme une monade qui occupait une position et était le commencement de toutes choses ; la ligne était supposée correspondre à la dualité, parce qu'elle était produite par le premier mouvement de la nature indivisible et formait la jonction entre deux points. Une superficie était comparée au nombre trois parce que c'est la première de toutes les causes que l'on trouve dans les figures ; en effet, un cercle, qui est la principale de toutes les figures rondes, comprend une triade composée du centre, de l'espace et de la circonférence. Mais un triangle, qui est la première de toutes les figures rectilignes est compris dans un ternaire et reçoit sa forme conformément à ce nombre ; il était considéré par les Pythagoriciens comme étant l'auteur de toutes les choses sublunaires. Les quatre points à la base du triangle de Pythagore, correspondent à un solide ou cube qui combine en lui les principes de longueur, de largeur et d'épaisseur, car aucun solide ne peut avoir moins de quatre  points  extrêmes  qui  le limitent 692.

On prétend que "le mental humain ne peut concevoir une unité indivisible sous peine de l'annihilation de l'idée avec son sujet". C'est une erreur, comme l'ont prouvé les Pythagoriciens et, avant eux, nombre de Voyants, bien qu'il faille un entraînement spécial pour arriver à cette conception et bien que le mental profane ne puisse guère la saisir, car la "Méta-mathématique" et la "Méta-géométrie" existent. [II 395] Même la mathématique, pure et simple, procède de l'universel au particulier, du point mathématique indivisible aux figures solides. L'enseignement pris naissance en Inde et fut donné en Europe par Pythagore qui, jetant un voile sur le Cercle et le Point – qu'aucun homme vivant ne peut  définir autrement que comme des abstractions incompréhensibles – plaça l'origine de la Matière cosmique différenciée à la base du Triangle. C'est ainsi que celui-ci devint la première des figures géométriques. L'auteur de New Aspects of Life, en traitant des Mystères Cabalistiques, proteste contre l'objectification, si l'on peut s'exprimer ainsi, de la conception de Pythagore et contre l'emploi du triangle équilatéral qu'il appelle un "faux- nom". Son argument, d'après lequel un corps solide équilatéral – dont la base, aussi bien que chacun des côtés, forme des triangles égaux – doit avoir quatre surfaces ou côtés égaux entre eux, tandis qu'un plan triangulaire devra tout aussi nécessairement en posséder cinq 693 – prouve, au contraire, la grandeur de la conception, dans toutes ses applications Esotériques à l'idée de pré-Genèse et de Genèse du Cosmos. Nous admettons qu'un triangle idéal, défini par des lignes imaginaires, ne peut avoir aucun côté, car ce n'est qu'un fantôme du mental, dont les côtés qu'on lui donnerait devraient être les côtés de l'objet que sa construction représente 694.

692 Pythagorean Triangle, par le Rév. G. OLIVER, pp. 18, 19.

693 p. 387.

694 p. 387.

 

Mais, dans ce cas, la plupart des hypothèses scientifiques ne valent pas mieux que des "fantômes du mental" ; elles sont impossibles à vérifier, sauf par voie de déduction, et n'ont été adoptées que pour répondre à des nécessités scientifiques. En outre, le Triangle idéal – "comme  idée abstraite d'un corps triangulaire et, par suite, comme type d'une idée abstraite" – répondait, à la perfection, au double symbolisme que l'on avait en vue. Comme emblème applicable à l'idéal objectif, le simple triangle devint un solide. Lorsqu'il fut copié, en pierre, faisant face aux quatre points cardinaux, il assuma la forme de la Pyramide – symbole du phénoménal se fondant dans l'Univers nouménal de la pensée, au sommet des quatre triangles. Comme "figure imaginaire construite à l'aide de trois lignes mathématiques", il symbolisait les sphères subjectives – ces lignes "enfermaient un espace mathématique – ce qui équivaut à rien entourant rien". Il en est ainsi parce que, pour les sens et la conscience non entraînée du Profane et du Savant, tout ce qui est [II 396] au-delà de la ligne de la Matière différenciée, c'est-à-dire en dehors et au-delà du domaine de la Substance même la plus Spirituelle – doit à jamais rester égal à rien. C'est l'Aïn Soph – le RIEN.

Pourtant ces "fantômes du mental" ne constituent pas, en vérité, de plus grandes abstractions que les idées abstraites générales sur l'évolution et le développement physique – par exemple, la Gravitation, la Matière, la Force, etc. – sur lesquelles les Sciences exactes sont basées. Nos Chimistes et nos Physiciens les plus éminents se livrent assidûment à des tentatives, qui ne sont pas sans espoir, pour arriver à remonter jusqu'à la retraite du Protyle, ou ligne de base du Triangle de Pythagore. Ce dernier est, comme nous l'avons dit, la plus grande conception imaginable, car il symbolise  à la fois l'univers idéal et l'univers visible 695. Si, en effet :

L'unité possible n'est qu'une possibilité, en tant que fait de nature, en, tant qu'individualité quelconque [et si] chaque objet naturel individuel est susceptible  de division et par cette division perd son unité ou cesse d'être une unité 696.

Cela n'est vrai que dans le domaine de la Science exacte, dans un monde aussi trompeur qu'illusoire. Dans le domaine de la Science Esotérique l'Unité divisée ad infinitum, au lieu de perdre son unité, s'approche, à chaque division des plans, de la seule REALITE éternelle. L'Œil du VOYANT peut la suivre et la contempler dans toute sa gloire prégénétique. Cette même idée de la réalité de l'Univers subjectif et de l'irréalité de l'Univers objectif se retrouve au fond des Enseignements Pythagoriciens et Platoniciens – réservés aux Elus seuls ; en effet, Porphyre, parlant de la Monade et de la Duade, dit que la première, seule, était considérée comme substantielle et réelle, "cet Etre le plus simple étant la cause de toute unité et la mesure de toutes choses".

Pourtant la Duade, bien qu'étant l'origine du Mal, ou Matière – par conséquent irréelle en Philosophie – n'en est pas moins Substance durant le Manvantara, elle est souvent appelée, en Occultisme, la Troisième Monade et la ligne qui unit entre eux deux Points ou Nombres, procédant de CELA "qui était avant tous les Nombres", suivant les paroles du Rabbi Barahiel. De cette Duade procèdent toutes les Etincelles des trois Mondes ou Plans Supérieurs et des quatre [II 397] Inférieurs – qui sont constamment en interaction et en correspondance. C'est là un enseignement que la Cabalepossède en commun avec l'Occultisme Oriental, car dans la Philosophie Occulte il y a "UNE Cause" et la "Cause Première" de sorte que celle-ci devient, paradoxalement, la Seconde, ainsi que l'explique clairement l'auteur de Qabbalah, from the Philosophical Writings of Ibn Gebirol, qui dit :

 Lorsque l'on traite de la Cause Première, on doit considérer deux choses, la Cause Première per se et le rapport et la connexion qui existent entre cette Cause Première et l'univers visible et invisible 697.

Il nous montre aussi les anciens Hébreux et les Arabes qui vinrent ensuite, marchant sur les traces de la Philosophie Orientale, représentée par celle des Chaldéens, des Perses, des Hindous, etc. Leur  Cause Première fut d'abord indiquée

Par le triadique ידש Shaddaï, le [triple] Tout-Puissant, ensuite par le tétragramme, הוהי YHVH, symbole du Passé, du Présent et de l'Avenir 698.

et, ajoutons-le de l'éternel (il) EST ou de JE SUIS. De plus, dans  la Cabale, le nom de YHVH (ou Jéhovah) exprime un masculin et un féminin, mâle et femelle, deux en un ou Chokmah et Binah, ainsi que son, ou plutôt leur Shekinah ou Esprit synthétisant (ou Grâce) qui transforme encore la Duade en Triade. Cela est prouvé par la Liturgie Juive pour la Pentecôte et par la prière suivante :

"Au nom de l'Unité du Saint et Béni Hû [Lui] et de Sa She'kinah le Hû Occulte et Caché, béni soit YHVH [le Quaternaire] pour toujours." Hû est réputé masculin et YaH féminin, ensemble ils font le רחא הוהי c'est-à-dire un YHVH. Un seul, mais d'une nature mâle-femelle. La She'kinah est toujours considérée comme féminine dans la Cabale 699.

697 Op. cit., par Isaac MYER, P. 174.

698 p. 175.

699 p. 175.

 

C'est ainsi qu'elle est aussi considérée dans les Pourânas exotériques, car Shekinah n'est autre, dans ce cas, que Shakti – le "double" féminin de chaque Dieu. Il en était de même pour les premiers Chrétiens dont l'Esprit- Saint était féminin, comme Sophia pour les Gnostiques. Toutefois, dans la Cabale Chaldéenne transcendante, ou Livre des Nombres, Shekinah est sans sexe et l'abstraction la plus pure, un état, comme le Nirvâna, ni sujet, ni objet, ni rien, sauf une absolue PRESENCE. [II 398]

Ce n'est donc que dans les systèmes anthropomorphisés – comme la Cabalel'est en grande partie devenue aujourd'hui – que Shekinah-Shakti est féminine. Comme telle, elle devient la Duade de Pythagore, les deux lignes droites qui ne peuvent former aucune figure géométrique et constituent le symbole de la Matière. Du sein de cette Duade, lorsqu'elle est unie à la ligne de base du triangle sur le plan inférieur (le Triangle supérieur de l'Arbre Séphirothal), émergent les Elohim, ou Divinités dans la Nature Cosmique (pour le vrai Cabaliste la désignation la plus basse) indiquées dans la Biblepar le mot "Dieu" 700. Du sein de ceux-ci (les Elohim) sortent les étincelles.

700 "La désignation la plus basse ou la Divinité dans la Nature, le terme plus général d'Elohim, est traduit par Dieu" (p. 175). Des livres récents, comme la Qabbalahd'Isaac Myer et de S. L. Mac- Gregor Mathers, justifient pleinement notre attitude envers la Divinité Jéhoviste. Ce n'est pas à l'abstraction transcendante, philosophique et hautement métaphysique de la pensée cabalistique originale – Aïn-Soph, Shekinah, Adam-Kadmon et tout ce qui suit – ce n'est pas à cette abstraction que nous nous en prenons, mais à la cristallisation de tous ceux-ci dans la personne hautement antiphilosophique, répulsive et anthropomorphique de Jéhovah, la divinité androgyne et finie, en faveur de laquelle on réclame éternité, omnipotence et omniscience. Nous ne déclarons pas la guerre à la Réalité IDEALE, mais à la hideuse Ombre théologique.

 

Ces Etincelles sont les "Ames", et ces Ames apparaissent sous la triple forme de Monades (Unités), d'Atomes et de Dieux – suivant notre Enseignement. Comme dit le Catéchisme Esotérique :

Chaque Atome devient une unité visible complexe [une molécule] et une fois attirée dans la sphère de l'activité terrestre, l'Essence Monadique, traversant les règnes minéral, végétal et animal, devient l'homme.

Et encore :

Dieu, Monade et Atome, sont les correspondances de l'Esprit, du Mental et du, Corps (Atmâ, Manas et Sthûla- Sharîra) dans l'homme.

 Dans leur agrégation septénaire, ils constituent "l'Homme Céleste", dans le sens Cabalistique ; ainsi l'homme terrestre est la réflexion provisoire du Céleste. Ou encore :

Les Monades [Jîvas] sont les Ames des Atomes ; tous deux constituent les tissus dont se couvrent les Chohans [Dhyânis, Dieux] quand une forme est requise.

Cela se rapporte aux Monades cosmiques et sub-planétaires et non pas à la Monas supra-cosmique, à la Monade de Pythagore, comme l'appellent les Péripatéticiens Panthéistes, dans son caractère synthétique. Les Monades qui font l'objet [II 399] de notre dissertation sont traitées, au point de vue de leur individualité, comme des Ames Atomiques, avant que ces Atomes ne descendent dans des formes purement terrestres. En effet, cette descente dans la Matière Concrète marque le point central de leur propre pèlerinage individuel. Perdant là, dans le règne minéral, leur individualité, elles commencent à monter à travers les sept états de l'évolution terrestre, vers le point où s'établit d'une manière fixe une correspondance entre la conscience humaine et la conscience Déva (divine). Pour le moment, toutefois, nous n'avons pas à nous occuper de leurs métamorphoses et de leurs tribulations terrestres, mais de leur vie et de leur comportement dans l'Espace, sur des plans où l'œil du plus intuitif des Chimistes et des Physiciens ne peut les atteindre – à moins, cependant, qu'il n'ait développé en lui-même de hautes facultés de clairvoyance.

Il est bien connu que Leibnitz approcha plusieurs fois très près de la vérité, mais il définissait l'Evolution Monadique d'une manière incorrecte, ce qui n'a rien d'étonnant, puisqu'il n'était ni un Initié ni même un Mystique, mais simplement un Philosophe très intuitif. Néanmoins, aucun Psycho-physicien n'a jamais approché plus que lui l'esquisse générale Esotérique de l'évolution. Cette évolution – étudiée sous ses divers aspects, c'est-à-dire comme Monade Universelle et Monade individualisée et les principaux aspects de l'énergie qui évolue après sa différenciation, l'aspect purement Spirituel, l'aspect Intellectuel, l'aspect Psychique et l'aspect Physique – cette évolution, dis-je, peut être formulée comme une loi invariable : une descente de l'Esprit dans la Matière équivalant à une montée de l'évolution physique ; une remontée des profondeurs de la matérialité vers son statu quo ante, correspondant à une dissipation de forme concrète et de substance, jusqu'à l'arrivée à l'état LAYA ou à ce que la Science appelle le "point zéro", et au-delà.

 Ces états – une fois que l'on s'est bien pénétré de l'esprit de la Philosophie Esotérique – deviennent absolument nécessaires, en vertu de considérations purement logiques et analogiques. La Science Physique qui a maintenant déterminé, grâce à sa section de Chimie, la loi invariable de cette évolution des Atomes – depuis leur état de "protyles", jusqu'à celui de particules, d'abord physiques puis chimiques, ou de molécules – ne peut guère repousser ces états comme loi générale. Une fois qu'elle aura été chassée par ses ennemis – la Métaphysique et la Psychologie701 – hors de ses forteresses [II 400] supposées imprenables, elle reconnaîtra qu'il est encore plus difficile que cela ne semble maintenant, de refuser une place dans les espaces de l'ESPACE, aux Esprits Planétaires (Dieux), aux Elémentals et même aux Spectres Elémentaires ou Fantômes et à d'autres encore. Déjà Figuier et Paul d'Assier, tous deux Positivistes et Matérialistes, se sont inclinés devant cette nécessité logique. D'autres Savants encore plus éminents les suivront dans cette "Chute" intellectuelle. Ils seront chassés de leurs positions, non pas par des phénomènes spirituels ou théosophiques, ou par d'autres phénomènes physiques ou même mentaux, mais simplement par les énormes crevasses et les gouffres qui s'ouvrent tous les jours et continueront à s'ouvrir sous leurs pas, au fur et à mesure que les découvertes se succéderont, jusqu'au moment où ils seront culbutés par la neuvième vague du simple sens commun.

Nous pouvons citer comme exemple la plus récente des découvertes de W. Crookes, à laquelle il a donné le nom de Protyle. Dans les Notes on the Bhagavad Gîtâ par un des meilleurs métaphysiciens et étudiants du Védantisme de l'Inde, le conférencier, faisant prudemment allusion à des "choses Occultes" qui se trouvent dans ce grand ouvrage  Esotérique Indien, fait une remarque qui est aussi suggestive que strictement correcte. Il dit :

 Il est inutile pour moi d'entrer dans les détails de l'évolution du système solaire lui-même. Vous pouvez vous faire une idée de la façon dont chacun des divers éléments entre en existence en émergeant de ces trois principes,   en   lesquels  Moûlaprakriti [le Triangle de Pythagore] est différencié, en étudiant la conférence faite par le Prof. Crookes, il y a peu de temps, sur ce que l'on appelle les éléments de la chimie moderne. Cette conférence vous donnera une idée de la façon dont ces prétendus éléments jaillissent de Vishvânara 702, le plus objectif de ces trois principes, qui semble occuper la place attribuée au protyle dont il est fait mention dans cette conférence. Sauf dans certains détails, cette conférence semble donner l'ébauche de la théorie de l'évolution physique sur le plan de Vishvânara et constitue, autant que je sache, l'approximation la plus voisine de la vraie théorie occulte qui ait été donnée par des chercheurs modernes, sur ce sujet 703. [II 401]

Ces paroles seront répétées et approuvées par tous les Occultistes Orientaux. Dans la Section XI nous avons déjà fait de nombreuses citations tirées des conférences du Prof. Crookes. Il a fait une seconde conférence, aussi remarquable que la première, sur la "Genèse des Eléments" 704 et même une troisième. Nous avons là presque la corroboration des enseignements de la Philosophie Esotérique au sujet du mode suivi par l'évolution primordiale. C'est vraiment une théorie, due à un grand savant et à un spécialiste en Chimie 705, qui s'approche de la DOCTRINE SECRETE autant qu'il est possible de le faire, à moins d'appliquer les Monades et les Atomes aux dogmes de la Métaphysique purement transcendante, ainsi qu'à leurs rapports et à leurs corrélations avec "les Dieux et Monades conscientes et intelligentes" ; mais la Chimie est maintenant ascendante, grâce à l'un de ses plus éminents représentants européens. Il lui est impossible de rétrograder jusqu'à cette époque où le Matérialisme considérait ses sous-éléments comme des corps absolument simples et homogènes et, dans son aveuglement, les avait élevés au rang d'Eléments. Le masque a été arraché par une main trop habile pour que l'on puisse craindre un nouveau déguisement. Après des années  de pseudologie, de molécules bâtardes paradant sous le nom d'éléments, derrière et au-delà desquels il ne pouvait rien y avoir sauf le vide, un grand professeur de Chimie demande une fois de plus :

Que sont ces éléments, d'où viennent-ils, quelle est leur signification ?... Ces éléments nous rendent perplexes au milieu de nos recherches, déjouent toutes nos théories et nous hantent jusque dans nos rêves. Ils s'étendent devant nous comme une mer inconnue – moqueurs, mystificateurs et murmurant d'étranges révélations et d'étranges possibilités 706.

701 Que le mot de "Psychologie" ne pousse pas le lecteur, par association d'idées, à reporter sa pensée sur les prétendus "Psychologues" modernes, dont l'Idéalisme n'est qu'un nouveau nom donné au Matérialisme intransigeant et dont le prétendu Monisme ne vaut guère mieux qu'un masque destiné à cacher le vide de l'annihilation finale – même de la conscience. Nous voulons parler ici de la Psychologie Spirituelle.

702 "Vishvânara n'est pas simplement le monde objectif manifesté, mais aussi l'unique base physique [la ligne horizontale du triangle] d'où le monde objectif tout entier entre en existence." Et c'est la Duade Cosmique, la Substance androgyne. Ce n'est qu'au-delà que se trouve le vrai Protyle.

703 T. Subba Row. Voyez The Theosophist de février 1887, p. 308.

704 Par W. Crookes ; conférence faite à la Royal Institution de Londres, le vendredi 18 février 1887.

705 On ne saura à quel point cela est vrai, que le jour où la découverte de la matière radiante par Crookes aura eu pour résultat d'élucider, d'une façon plus complète, la question de la véritable source de la lumière, et aura révolutionné toutes les théories actuelles. Une connaissance plus approfondie des aurores boréales aidera à reconnaître cette vérité.

 706 Genèse des Eléments, traduit par Richard ; Gauthier-Villars, p. 1.

 

Ceux qui ont hérité des révélations primordiales ont enseigné ces "possibilités" au cours de chaque siècle, mais n'ont jamais été écoutés. Les vérités inspirées à Kepler, Leibnitz, Gassendi, Swedenborg, etc., ont toujours été mélangées avec leurs propres spéculations, allant dans un sens quelconque prédéterminé ; ce qui les a déformées ; mais aujourd'hui une des grandes vérités a commencé à luire aux yeux d'un des [II 402] éminents professeurs de la Science exacte moderne et il proclame sans crainte, comme un axiome fondamental, que jusqu'à présent la Science n'est pas arrivée à connaître les vrais Eléments simples. Crookes dit, en effet, à son auditoire :

Si je me hasarde à dire que les éléments que nous acceptons communément ne sont ni simples ni primordiaux, qu'ils n'ont pas surgi au hasard, n'ont pas été créés d'une manière décousue et mécanique, mais ont été tirés par l'évolution de matières plus simples – ou même, peut-être, d'une seule sorte de matière – si je dis cela, je ne fais que formuler une idée qui depuis quelque temps est, pour ainsi dire, "dans l'air" de la science. Des chimistes, des physiciens, des philosophes du plus haut mérite, déclarent explicitement leur conviction que les soixante-dix éléments (environ) de nos manuels ne représentent nullement des colonnes d'Hercule que nous ne pourrions jamais espérer franchir... Les philosophes d'aujourd'hui comme de jadis – des hommes qui n'ont certainement jamais travaillé dans un laboratoire – sont arrivés à la même opinion par un chemin différent. Ainsi Herbert Spencer note sa conviction que "les atomes chimiques sont tirés des vrais atomes physiques par des processus d'évolution et dans des conditions que la chimie n'a pas encore été capable de reproduire"... Le poète, de son côté, a devancé le philosophe et Milton (le Paradis Perdu, livre V) fait dire par l'archange Raphaël à Adam, qu'animent des idées d'évolution, que le Tout- Puissant a créé

... "Une matière première, tout entière

Douée de formes diverses, de degrés différents De substance".

Pourtant l'idée serait restée cristallisée "dans l'air de la Science" et ne serait pas descendue dans l'atmosphère épaisse du Matérialisme et des mortels profanes pendant bien des années encore, peut-être, si Crookes ne l'avait pas courageusement et audacieusement réduite à sa plus simple expression et ne l'avait pas ainsi imposée à l'attention de la science. Comme le dit Plutarque :

Une idée est un Etre incorporel, qui n'a aucune substance par lui-même, mais qui confère une forme à la matière informe et devient la cause de la manifestation 707.

707 De Placit. Philos.

 

La révolution produite dans la vieille Chimie par Avogadro a été la première page du volume de la "Chimie Nouvelle". Crookes vient de tourner la seconde page et indique hardiment ce que pourra être  la dernière. En effet, le Protyle une fois accepté et reconnu – comme l'a été l'éther [II 403] invisible, tous deux représentant des  nécessités scientifiques – la Chimie aura virtuellement cessé d'exister : elle reparaîtra, dans sa réincarnation, sous forme de NOUVELLE ALCHIMIE ou de Méta-Chimie. Celui qui a découvert la matière radiante aura fini par rendre justice aux ouvrages Aryens Archaïques qui traitent de l'Occultisme, et même aux Védas et aux Pourânas. Que sont, en effet, la "Mère" manifestée,  le  "Père  –  Fils  –  Mari"  (Aditi  et  Daksha, une forme de Brahmâ, comme Créateurs) et le "Fils" – les trois "Premiers-nés" – si ce n'est simplement l'Hydrogène, l'Oxygène et ce que, dans sa manifestation terrestre, l'on appelle l'Azote. Les descriptions, même exotériques, de la Triade "Première-née", donnent toutes les caractéristiques de ces trois gaz. Priestley, celui qui "découvrit" l'Oxygène, c'est-à-dire ce qui était déjà connu de toute antiquité !

Pourtant tous les Poètes et Philosophes de l'antiquité, du moyen âge et de notre époque ont été devancés, même dans les ouvrages exotériques Hindous, en ce qui concerne les Tourbillons Elémentaux mis en mouvement par le Mental Universel – le Plenum de Matière de Descartes, différencié en particules ; le fluide éthéré de Leibnitz et le fluide primitif de Kant dissous en ses éléments ; le tourbillon solaire et le système de tourbillons de Kepler ; bref, depuis Anaxagore jusqu'à Galilée, Torricelli et Swedenborg et, après eux, jusqu'aux plus récentes spéculations des Mystiques Européens – tout cela se trouve dans les Hymnes Hindous ou Mantras, adressés aux "Dieux, Monades et Atomes" dans leur plénitude, car ils sont inséparables. Dans les Enseignements Esotériques, les conceptions les plus transcendantes de l'Univers et de ses mystères, de même que les spéculations les plus matérialistes en apparence, se trouvent conciliées, parce que ce Savoir embrasse tout le champ de l'évolution, depuis l'Esprit jusqu'à la Matière. Comme l'a déclaré un Théosophe Américain :

Les Monades [de Leibnitz] peuvent, d'un certain point de vue, être appelées force et d'un autre, matière. Pour la science occulte, force et matière ne sont que deux aspects de la même substance 708.

708 The Path., janvier 1887, p. 297.

 

Que le lecteur se souvienne de ces "Monades" de Leibnitz, dont chacune est un vivant miroir de l'Univers, chaque Monade reflétant toutes les autres et qu'il compare cette théorie et cette définition à certains Shlokas sanscrits, traduits par Sir William Jones, dans lesquels il est dit que la source créatrice du Mental Divin,

Cachée derrière un voile d'épaisses ténèbres, formait des [II 404] miroirs avec les atomes du monde et projetait un reflet de sa propre face sur chaque atome.

 Aussi, lorsque Crookes déclare que :

Si nous pouvons prouver comment les prétendus éléments chimiques ont pu être générés, il nous sera possible de combler une formidable lacune dans ce que nous savons de l'univers, la réponse est toute prête. Le savoir théorique se trouve dans la signification Esotérique de toutes les cosmogonies Hindoues que renferment les Pourânas ; la démonstration pratique est entre les mains de ceux qui ne seront pas reconnus durant ce siècle-ci, sauf par un très petit nombre. Les possibilités scientifiques de diverses découvertes qui doivent inévitablement conduire la Science exacte à l'acceptation des théories Occultes de l'Orient, théories qui contiennent tout ce qu'il faut pour combler ces "lacunes", sont, jusqu'à présent, à la merci du Matérialisme moderne. Ce n'est qu'en suivant la direction prise par William Crookes que l'on peut avoir quelque espoir d'arriver à la reconnaissance de quelques rares vérités, jusque-là Occultes.

En attendant, tous ceux qui ont soif d'entrevoir un aperçu d'un diagramme pratique de l'évolution de la Matière primordiale, qui, se séparant et se différenciant sous l'impulsion de la loi cyclique, se divise d'une manière générale en une gradation septénaire de SUBSTANCE, ne peuvent mieux faire que d'examiner les planches annexées à la conférence de Crookes sur la Genèsedes Eléments et de bien peser certains passages du texte.

Il dit quelque part :

Les notions que nous avions de l'élément chimique se sont élargies. Jusqu'ici la molécule a été considérée comme un agrégat de deux ou plusieurs atomes et l'on n'a tenu aucun compte du plan architectural suivant lequel ces atomes avaient été réunis. Nous pouvons considérer que la structure d'un élément chimique est plus compliquée que l'on ne l'a cru jusqu'à présent. Entre les molécules que nous avons l'habitude de traiter dans les réactions chimiques et les atomes ultimes créés en premier lieu, des molécules plus petites ou des agrégats d'atomes physiques trouvent place ; ces sous-molécules diffèrent les unes des autres suivant la position qu'elles occupent dans la structure de l'yttrium.

Cette hypothèse pourrait être simplifiée si nous supposions l'yttrium représenté par une pièce de cinq shillings. Au moyen d'un fractionnement, je la divise en cinq shillings séparés et je constate que ces shillings ne sont pas la contre-partie les uns des autres, mais, tout comme les atomes de carbone dans l'anneau de benzol, portent l'empreinte de leurs positions, 1, 2, 3, 4, 5, imprimée [II 405] en eux... Si je jette mes shillings dans le creuset ou si je les dissous chimiquement, le poinçon de la monnaie disparaît et ils se transforment tous en argent 709.

Il en sera de même de tous les Atomes et de toutes les molécules lorsqu'ils auront été séparés de leurs formes composées et de leurs corps – lors du Pralaya. Prenez le cas inverse et imaginez l'aurore d'un nouveau Manvantara. Le pur "argent" de la matière absorbée se transformera une fois de plus en une SUBSTANCE qui donnera naissance à des "Essences Divines" dont les "Principes 710" sont les Eléments Primaires, les Sous- éléments, les Energies Physiques et la Matière subjective et objective, ou bien, comme l'on dit pour abréger – les DIEUX, les MONADES et les ATOMES. Si nous quittons pour un instant le côté métaphysique ou transcendant de la question – en laissant à l'écart les Etres et les Entités supersensoriels et intelligents auxquels croient les Cabalistes et les Chrétiens – pour nous occuper de la théorie de l'évolution atomique, nous constatons encore que les Enseignements Occultes sont corroborés par la Science exacte et par ses aveux, du moins en ce qui concerne les Eléments supposés "simples" qui se sont trouvés soudainement abaissés au rang de parents pauvres et éloignés, pas même de cousins issus de germains des Eléments simples. Crookes nous dit en effet que :

 709 p. 11.

710 Correspondant, sur l'échelle cosmique, avec l'Esprit, le Mental-Ame, la Vie et  les  trois Véhicules ; – le Corps Astral, le Corps Mâyâvique et le Corps physique (de l'humanité), quelle que soit la division établie.

 

Jusqu'à présent on a été d'avis que si le poids atomique d'un métal, déterminé par plusieurs observateurs en prenant pour point de départ des composés différents, est reconnu comme étant toujours constant... ce métal doit être classé à juste titre parmi les corps simples ou élémentaires... Nous apprenons... qu'il n'en est plus désormais ainsi. Là encore nous avons des roues dans des roues. Le Gadolinium n'est pas un élément, mais un composé... Nous avons établi que l'Yttrium est un corps complexe composé de cinq nouveaux constituants ou même de plus encore. Qui se hasarderait à prétendre que chacun de ces constituants, si on l'attaquait d'une façon différente et si le résultat était soumis à une vérification plus délicate et plus approfondie que le test de la matière radiante, ne pourrait pas être lui aussi divisible ? Où donc alors se trouve le véritable élément ultime ? A mesure que nous avançons il recule, comme les mirages tentateurs de lacs et de bosquets qui se déroulent, devant les yeux du voyageur fatigué et altéré, dans le désert. Dans notre recherche de la vérité, faut-il que nous soyons ainsi abusés et rebutés ? L'idée même d'un [II 406] élément, constituant quelque chose d'absolument primaire et ultime, semble commencer à devenir de moins en moins distincte 711.

Dans Isis Dévoilée nous disions :

Ce mystère de la première création, qui a toujours fait le désespoir de la Science, est insondable à  moins d'accepter la doctrine d'Hermès. S'il [Darwin] pouvait transporter ses recherches de l'univers visible dans l'univers invisible, il pourrait se trouver sur la bonne route, mais alors il marcherait sur les traces des Hermétistes 712.

711 Ibid, p. 16.

712 Vol. II, p. 193.

 

Notre prophétie commence à se réaliser.

 Il y a un juste milieu entre Hermès et Huxley. Que les Savants jettent un pont à mi-chemin et réfléchissent sérieusement aux théories  de Leibnitz. Nous avons démontré que nos théories, en ce qui concerne l'évolution des Atomes – dont la dernière formation en molécules chimiques complexes se produit dans notre laboratoire terrestre, dans l'atmosphère de la Terre et nulle part ailleurs – s'accordent étrangement avec l'évolution des Atomes expliquée sur les planches de Crookes. Il a été déjà dit plusieurs fois dans ce volume que Mârtânda, le Soleil, avait évolué et s'était agrégé en même temps que ses sept Frères plus petits, en sortant du sein de sa Mère Aditi, sein qui n'était autre que la Prima MATER-ia – le Protyle primordial du conférencier. Les Doctrines Esotériques nous enseignent l'existence d'une forme antécédente d'énergie passant par des cycles périodiques de flux et de reflux, de repos et d'activité 713. et voilà qu'aujourd'hui – un grand Savant demande au monde de l'accepter comme un de ses postulats ! Nous avons montré la "Mère", ardente et chaude, devenant graduellement fraîche et rayonnante, et ce même Savant réclame comme second postulat comme une nécessité scientifique, à ce qu'il semble une action interne, apparentée au refroidissement, agissant lentement dans le protyle.

La Science Occulte enseigne que la "Mère" gît allongée dans l'Infini, durant le Pralaya, comme le grand Abîme, les "Eaux sèches de l'Espace", suivant la curieuse expression employée dans le Catéchisme, et ne devient humide qu'après la séparation, et le passage sur sa surface de Nârâyana, l'Esprit qui est la Flamme invisible, qui ne brûle jamais, [II 407] mais enflamme tout ce qu'il touche et lui confère la vie et la génération 714.

Et la Science nous dit maintenant que "le premier-né des éléments... allié de très près au protyle" serait "l'hydrogène... qui, durant quelque temps, aurait constitué la seule forme de matière dans l'univers. Que dit la Science  Antique ?  Elle répond : "C'est très vrai, mais nous appellerions l'Hydrogène (et l'Oxygène) qui – aux époques pré-géologiques et même pré-génétiques – instille par incubation, dans la "Mère", le feu de la vie, l'Esprit, le noumène, de ce qui, sous sa forme la plus grossière, devient l'Oxygène, l'Hydrogène et l'Azote sur Terre – l'Azote n'a aucune origine divine et n'est tout simplement qu'un ciment né sur Terre pour unir entre eux d'autres gaz et fluides et pour servir, comme le ferait une éponge, à transporter en lui le Souffle de Vie, l'air pur 715. Avant de devenir ce qu'ils sont dans notre atmosphère, ces gaz et ces liquides sont de l'Ether inter- stellaire ; avant cela encore et sur un plan plus profond – quelque chose d'autre, et ainsi de suite in infinitum. L'éminent et savant professeur pardonnera à un Occultiste de lui emprunter des citations aussi longues, mais tel est le châtiment réservé à un Membre de la Société Royale qui approche l'enceinte de l'Asile Sacré des Mystères Occultes, au point d'en franchir virtuellement les limites interdites.

Il est néanmoins temps de quitter la Science Physique moderne pour aborder le côté psychologique et métaphysique de la question. Nous ferons seulement remarquer, qu'aux "deux postulats très raisonnables" réclamés par l'éminent conférencier "pour permettre d'entrevoir un petit nombre des secrets si obscurément cachés" derrière "la porte de l'Inconnu", il faudrait en ajouter un troisième 716 – sous peine de frapper en vain pour la faire ouvrir ; ce postulat, c'est que Leibnitz avait basé ses théories sur le terrain solide des faits et de la vérité. L'admirable tableau synoptique très étudié – que John Theodore Mertz donne de ces spéculations dans son "Leibnitz" – prouve à quel point il a frôlé les secrets cachés de la Théologie Esotérique dans sa Monadologie. Pourtant ce philosophe, dans ses spéculations, ne s'est [II 408] guère élevé au-dessus des premiers plans, au-dessus des principes inférieurs du Grand Corps Cosmique. Sa théorie ne s'élève pas à des hauteurs plus sublimes que celles de la vie manifestée, de la soi- conscience et de l'intelligence et laisse intacts les premiers mystères post- génétiques, de même que son fluide éthéré est post-planétaire.

713 Ibid.

714. "Le Seigneur est un feu dévorant." "En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes."

715 Qui, s'il n'était isolé alchimiquement, produirait l'Esprit de Vie et son Elixir.

716 Avant tout, le postulat qu'il n'existe dans la Nature ni substances ni corps inorganiques. Les pierres, les minéraux, les rochers et même les "atomes" chimiques ne sont autre chose que des unités organiques en léthargie profonde. Leur coma a une fin et leur inertie devient de l'activité.

 

Ce postulat ne sera guère accepté par les Savants modernes et, de même que Descartes, ils préféreront s'en tenir aux propriétés des choses extérieures  qui  sont  impuissantes,  comme  l'extension,par exemple, à expliquer le phénomène du mouvement, plutôt que d'admettre que ce dernier soit une Force indépendante. Ils ne deviendront jamais anticartésiens dans cette génération et n'admettront pas davantage que :

Cette propriété de l'inertie n'est pas une propriété purement géométrique ; qu'elle indique l'existence de quelque chose dans les corps extérieurs qui n'est pas simplement de l'extension.

C'est là l'idée de Leibnitz, telle que l'a analysée Mertz qui ajoute qu'il donnait à "ce quelque chose" le nom de Force et soutenait que les choses extérieures étaient douées de Force et que, pour pouvoir être porteurs de cette force, elles devaient avoir une Substance, car ce ne sont pas des masses inertes et sans vie, mais les centres et les porteurs de Forme – affirmation purement Esotérique puisque pour Leibnitz la force était un principe actif – conclusion qui fait disparaître la division qui existe entre le Mental et la Matière.

Les recherches mathématiques et dynamiques de Leibnitz n'auraient pas produit le même résultat sur le mental d'un chercheur purement scientifique, mais Leibnitz n'était pas un homme de science dans l'acception moderne de ce mot. S'il l'avait été, il aurait pu arriver à la conception de l'énergie, définir mathématiquement les idées de force et de travail mécanique, et aboutir à la conclusion que, même dans des buts purement scientifiques, il est bon de considérer la force, non pas comme une quantité primaire, mais comme une quantité dérivée d'une autre.

Mais, heureusement pour la vérité :

Leibnitz était un philosophe et, comme tel, avait certains principes primordiaux qui l'inclinaient en faveur de certaines conclusions et sa découverte que les choses extérieures étaient des substances douées de force fut de suite employée dans le but d'appliquer ces principes. Un des principes était la loi de continuité, la conviction que le monde entier était relié dans toutes ses parties, qu'il n'existait ni fissure ni crevasse qui ne pût être franchie. Le contraste de substances pensantes étendues lui était insupportable. La définition des substances étendues lui était déjà [II 409] devenue insoutenable : il était naturel qu'une enquête similaire fût faite sur la définition du mental, la substance pensante.

Les divisions établies par Leibnitz, si incomplètes et erronées qu'elles fussent au point de vue de l'occultisme, décelaient un esprit d'intuition métaphysique qu'aucun Savant, pas plus Descartes que Kant lui-même, n'a jamais atteint. Pour lui il existait une gradation infinie de pensée. Il disait qu'une faible portion du contenu de nos pensées s'élevait seule au niveau de la perception claire, "dans la lumière de la conscience parfaite". Beaucoup restent dans un état confus ou obscur, dans un état de "perceptions", mais elles n'en existent pas moins. Descartes refusait une âme aux animaux ; Leibnitz, comme le font les Occultistes, douait  "toute la création d'une vie mentale qui était, selon lui, susceptible d'avoir un nombre infini de gradations". Cela, comme Mertz le fait observer avec raison :

 élargissait aussitôt le royaume de la vie mentale, en abolissant le contraste entre la matière animée et la matière inanimée ; bien plus – cela réagissait sur la conception de la matière, de la substance étendue. Il devenait, en effet, évident que les choses extérieures ou matérielles n'offraient la propriété d'extension que pour nos sens et non pour nos facultés pensantes. Le mathématicien, dans le but de calculer des figures géométriques, a été obligé de les diviser en un nombre infini de parties infiniment petites et le physicien ne voit pas de limites à la divisibilité de la matière des atomes. La masse suivant laquelle les choses extérieures semblent remplir l'espace est une propriété qu'elles n'acquièrent que grâce à la grossièreté de nos sens... Leibnitz suivait jusqu'à un certain point ces arguments, mais il ne pouvait se sentir satisfait d'admettre que la matière était composée d'un nombre limité de parties extrêmement petites. Son mental mathématique l'obligeait à pousser l'argument in infinitum. Qu'advint-il alors de ces atomes ? Ils perdaient leur extension et ne conservaient que leur pouvoir de résistance ; c'étaient des centres de force. Ils étaient réduits à des points mathématiques... Mais si leur extension dans l'espace n'était rien, leur vie interne n'en était que plus pleine... En admettant que l'existence interne, comme celle du mental humain, est une nouvelle dimension, non pas une dimension géométrique, mais une dimension métaphysique... en réduisant à rien l'extension géométrique des atomes, Leibnitz les dotait d'une extension infinie dans le sens de leur dimension métaphysique. Après les avoir perdus de vue dans le monde de l'espace, le mental doit, en quelque sorte, plonger dans le monde métaphysique pour découvrir et saisir la véritable essence de ce qui n'apparaît dans l'espace que comme un point mathématique... De même qu'un cône se tient sur la pointe, ou qu'une droite perpendiculaire ne coupe un plan horizontal [II 410] qu'en un point mathématique, mais peut s'étendre indéfiniment en hauteur et en profondeur, de même les essences des choses réelles n'ont, dans ce monde physique de l'espace, qu'une existence ponctuelle, mais possèdent une infinie profondeur de vie intérieure dans le monde métaphysique de la pensée 717.

C'est là l'esprit, la racine même de la doctrine et de la pensée Occultes. "L'Esprit-Matière" et la "Matière-Esprit" s'étendent indéfiniment en profondeur et de même que "l'essence des choses" de Leibnitz, notre essence des choses réelles se trouve à la septième profondeur, tandis que la matière non-réelle et grossière de la Science et du monde extérieur est à l'extrémité la plus basse de la perception de nos sens. Les Occultistes connaissent la valeur ou l'absence de valeur de cette dernière.

Il faut maintenant montrer à l'étudiant la distinction fondamentale qui existe entre le système de Leibnitz 718 et celui de la Philosophie Occulte, au sujet des Monades, et nous pouvons le faire avec sa Monadologie sous les yeux. L'on peut dire avec raison que si les systèmes de Leibnitz et de Spinoza s'accordaient, l'essence et l'esprit de la Philosophie Esotérique apparaîtraient. Le choc des deux – comme opposés au système cartésien – fait jaillir les vérités de la Doctrine Archaïque. Tous deux combattent la Métaphysique de Descartes. Son idée du contraste de deux Substances – Extension et Pensée – différant radicalement l'une de l'autre et mutuellement irréductibles, est trop arbitraire et trop antiphilosophique pour eux. Aussi Leibnitz fit-il des deux Substances Cartésiennes deux attributs d'une unique Unité universelle dans laquelle il voyait Dieu. Spinoza ne reconnaissant qu'une seule Substance universelle et indivisible, un TOUT absolu, comme Parabrahman, Leibnitz, au contraire, percevait l'existence d'une pluralité de Substances. Il n'y avait qu'UN ETRE pour Spinoza ; pour Leibnitz une infinité d'Etres provenant de l'Unique ou dans l'Unique. De sorte que bien que n'admettant tous deux qu'Une Entité Réelle, tandis que Spinoza la faisait impersonnelle et indivisible, Leibnitz divisait sa Divinité personnelle en un certain nombre d'Etres divins et semi-divins. Spinoza était un panthéiste subjectif, Leibnitz un panthéiste objectif et pourtant tous deux étaient de grands Philosophes dans leurs perceptions intuitives.

717 Ibid., p. 144.

718 L'orthographe de son nom, tel qu'il l'écrivait lui-même, est Leibniz. Il était de race slave, bien que né en Allemagne, en 1646. Son nom complet est Gottfried Wilhem Leibniz.

 

Or, si ces deux enseignements étaient mélangés et que chacun fût corrigé par l'autre – et, avant tout, si l'Unique [II 411] Réalité était débarrassée de sa personnalité – il y resterait en somme un véritable esprit de Philosophie Esotérique : la Divine Essence absolue, impersonnelle et sans attributs, qui n'est pas un "être" mais la racine de tout Etre. Tracez, en pensée, une profonde ligne de démarcation entre l'Essence à jamais inconnaissable et la Présence, encore invisible et pourtant compréhensible, Moûlaprakriti ou Shékinah, d'au-delà de laquelle et à travers laquelle vibre le Son du Verbe, et de laquelle évoluent les innombrables Hiérarchies d'Egos intelligents, d'Etres conscients et semi-conscients, aperceptifs et perceptifs 719, dont l'Essence est la Force spirituelle, dont les Eléments sont la Substance et dont les Corps (lorsqu'il en faut) sont les Atomes – et vous avez notre doctrine. Leibnitz dit, en effet :

719 [Le texte de l'édition de 1888 dit : "Etres conscients comme semiconscients, perceptifs et aperceptifs". Dans The Philosophical Writings of Leibnitz, choisis et traduits par Mary Morris, dans la section sur les Principes, p. 23, la théorie de Leibnitz... est donnée comme suit :... "il est bien de distinguer entre la perception qui est l'état intérieur de la monade représentant les  choses extérieures, et l'aperception qui est conscience, ou la connaissance réfléchie de cet état intérieur, et qui n'est pas donnée à toutes les âmes, ni tout le temps à la même âme".]

 

L'élément primitif de tout corps matériel étant la force, qui n'a aucune des caractéristiques de la matière [objective] – on peut la concevoir, mais jamais en faire l'objet d'une représentation de l'imagination.

 Ce qui constituait pour lui l'élément primordial et ultime dans tout corps et objet n'était donc pas les atomes matériels ou les molécules, nécessairement plus ou moins étendus, comme ceux d'Epicure et de Gassendi ; mais, comme le montre Mertz, c'était les Atomes immatériels et métaphysiques, les "points mathématiques" ou âmes réelles – ainsi que l'explique Henri Lachelier (professeur agrégé de philosophie), son biographe français.

Ce qui existe en dehors de nous d'une manière absolue, ce sont les Ames dont l'essence est la force 720.

Ainsi, la réalité, dans le monde manifesté, est composée d'une unité d'unités, pour ainsi dire immatérielle – à notre point de vue – et infinie. Leibnitz les appelle des Monades, la Philosophie Orientale des Jîvas, tandis que l'Occultisme, ainsi que les Cabalistes et les Chrétiens, leur donnent des noms variés. Pour nous, comme pour Leibnitz, elles sont "l'expression de l'univers 721" et tout point physique n'est que [II 412] l'expression phénoménale du Point métaphysique nouménal. La distinction qu'il établit entre la perception et l'aperception est l'expression philosophique mais obscurcie des Enseignements Esotériques.  Ses "univers réduits" qui sont "aussi nombreux qu'il y a de Monades" – sont la reproduction chaotique de notre Système Septénaire avec ses divisions et ses subdivisions.

720 Monadologie, Introduction.

721 "Le dynamisme de Leibnitz, dit le professeur Lachelier, ne présenterait que peu de difficultés, si, pour lui, la monade était restée un simple atome de force aveugle. Mais...". On comprend parfaitement la perplexité du Matérialisme moderne !

 

Quant aux rapports que peuvent avoir ses Monades avec nos Dhyân- Chohans, nos Esprits Cosmiques, nos Dévas et nos Elémentals, nous pouvons reproduire brièvement à ce sujet l'opinion d'un théosophe instruit et réfléchi, M. Bjerregaard. Dans un excellent travail "Sur les Elémentals, les Esprits Elémentaires et leurs Rapports avec les Etres humains", qu'il a lu devant la Société Théosophique Aryenne de New York, M. Bjerregaard formule clairement son opinion de la manière suivante :

Pour Spinoza, la substance est morte et inactive, mais pour le mental pénétrant de Leibnitz, tout est activité vivante et énergie active. En soutenant cette opinion, il se rapproche  infiniment  plus  de  l'Orient  qu'aucun    autre penseur de son époque ou plus récent. Sa découverte qu'une énergie active constitue l'essence de la substance est un principe qui le met en rapport direct avec les voyants de l'Orient 722.

Le conférencier démontre ensuite que, pour Leibnitz, les Atomes et les Eléments sont des Centres de force ou plutôt "des êtres spirituels dont la nature même est d'agir", car les particules élémentaires sont des forces vitales qui n'agissent pas mécaniquement, mais en vertu d'un principe interne. Ce sont des unités spirituelles ou incorporelles [ "substantielles", toutefois et non "immatérielles", au sens que nous donnons à ce mot], inaccessibles à tout changement venant de l'extérieur... [et] indestructibles, par aucune force étrangère. Les monades de Leibnitz diffèrent des atomes par les particularités suivantes, dont il est très important que nous nous souvenions, sans quoi nous ne serions plus à même de constater la différence qui existe entre les Elémentals et la simple Matière. Les atomes ne se distinguent pas les uns des autres, ils  sont qualitativement semblables ; mais chaque monade diffère qualitativement de toutes les autres et chacune constitue un monde particulier pour elle-même. Il n'en est pas de même des atomes ; ils sont absolument semblables qualitativement  et  quantitativement  et   ne  possèdent [II 413] aucune individualité qui leur soit propre 723.    En outre les atomes [ou plutôt les molécules] de la philosophie matérialiste peuvent être considérés comme étendus et divisibles, tandis que les monades ne sont que de simples "points métaphysiques" indivisibles. Finalement, et c'est là un côté par lequel ces monades de Leibnitz ressemblent beaucoup aux Elémentals de la philosophie mystique, ces monades sont des êtres représentatifs. Chaque monade est un miroir vivant de l'univers, dans sa propre sphère. Remarquez-le bien, car c'est de cela que dépend le pouvoir que possèdent les monades, et que dépend le travail qu'elles peuvent accomplir pour nous ; en reflétant le monde, les monades ne sont pas simplement des agents passifs qui reflètent, mais bien des agents spontanément auto-actifs ; elles produisent spontanément les images, comme l'âme produit un songe. Aussi, dans chaque monade l'adepte peut-il tout lire, même l'avenir. Chaque monade – ou élémental – est un miroir susceptible de parler.

722 The Path., 1, 10, p. 297.

723 Leibnitz se montrait un Idéaliste absolu en soutenant que "des atomes matériels sont contraires à la raison" (Système nouveau, Erdmann, p. 126, col. 2). Pour lui, la matière n'était qu'une simple représentation de la Monade, que celle-ci fût humaine ou atomique. Les Monades, pensait-il (et nous aussi), se trouvent partout. Ainsi l'âme humaine est une Monade et chaque cellule du corps humain possède sa Monade, de même que chacune des cellules de l'animal, du végétal et même des corps dits inorganiques. Ses atomes sont les molécules de la Science moderne, et ses Monades les atomes simples que la Science matérialiste accepte de confiance, bien qu'elle ne puisse jamais réussir à les interviewer – sauf en imagination. Pourtant Leibnitz est plutôt en contradiction avec lui-même dans ses théories sur les Monades. Il parle de ses "Points Métaphysiques" et de ses "Atomes Formels" tantôt comme de réalités occupant l'espace, tantôt comme d'idées purement spirituelles ; de plus, il les doue d'objectivité, d'agrégations et de positions dans leurs relations mutuelles.

 

C'est en arrivant à ce point que la philosophie de Leibnitz s'écroule. Il n'a pas tenu compte de la distinction à établir entre la  Monade "Elémentale" et celle d'un haut Esprit Planétaire, ou même entre elle et la Monade ou Ame Humaine. Il va même parfois jusqu'à se demander si Dieu a jamais fait autre chose que des monades ou des substances sans extension 724.

Il établit une distinction entre les Monades et les Atomes 725, parce que, ainsi qu'il le répète souvent, [II 414] les Corps, avec toutes leurs qualités, ne sont que des phénomènes comme l'arc-en-ciel. Corpora omnîa cum omnibus qualitatibus suis non sunt aliud quam phenomena bene fundata, ut Iris 726.

724 Examen des Principes du P. Malebranche.

725 Les Atomes de Leibnitz n'ont, en vérité, de commun que le nom avec les atomes  des Matérialistes Grecs ou même avec les molécules de la Science moderne. Il les appelle des "Atomes formels" et les compare aux "formes substantielles" d'Aristote (Voyez Système Nouveau, § 3).

726 Lettre au Père Desbosses, Correspondance, XVIII.

 

Mais bientôt après il pourvoit à cela en établissant une correspondance substantielle, un certain lien métaphysique – vinculum substantiale – entre les Monades. La Philosophie Esotérique qui enseigne un Idéalisme objectif – bien qu'elle considère l'Univers objectif et tout son contenu comme une Mâyâ, une illusion temporaire – établit une distinction pratique entre l'Illusion collective, Mahâmâyâ, au point de vue purement métaphysique, et les relations objectives entre divers Egos conscients, tant que dure cette illusion. L'Adepte peut, en conséquence, lire le futur dans la Monade Elémentale, mais il lui faut, pour cela, en rassembler un grand nombre, attendu que chaque Monade ne représente qu'une portion du Règne auquel elle appartient.

Les monades sont limitées, non pas dans l'objet, mais dans les modifications de la cognition de l'objet. Elles tendent toutes (confusément) vers l'infini, vers le tout, mais elles sont limitées et se distinguent par le degré de netteté de leur perception 727.

Et comme l'explique Leibnitz :

Toutes les parties de l'univers sont distinctement représentées dans les monades, mais les unes sont reflétées dans une monade et les autres dans d'autres.

Un certain nombre de Monades pourraient représenter simultanément les pensées de deux millions d'habitants de Paris.

Que disent de cela les Sciences Occultes et qu'ajoutent-elles ?

Elles disent que ce que Leibnitz appelle collectivement Monades – lorsqu'on l'étudie sommairement et en laissant de côté, pour le moment, toutes les subdivisions – peut être séparé en trois Légions 728 distinctes qui, en partant des plans les plus élevés, sont d'abord les "Dieux" ou les Egos spirituels conscients ; les intelligents Architectes qui travaillent d'après le plan dans le Mental Divin ; ensuite viennent les Elémentals ou "Monades" qui  constituent,  collectivement  et  [II 415]  inconsciemment, les grands Miroirs Universels de tout ce qui se rapporte à leurs domaines respectifs. Puis enfin les "Atomes" ou molécules matérielles qui sont animées à leur tour par leurs Monades "perceptives" exactement comme l'est chacune des cellules d'un corps humain. Il existe des multitudes de ces Atomes animés qui, à leur tour, animent les molécules ; une infinité de Monades ou d'Elémentals proprement dits et d'innombrables Forces spirituelles – sans monades car elles sont purement incorporelles 729, sauf sous l'empire de certaines lois, lorsqu'elles revêtent une forme – qui n'est pas nécessairement humaine. D'où vient la substance qui les vêt – l'organisme apparent qu'ils évoluent autour de leur centre ? Les Radiations sans forme (Aroupa) qui existent dans l'harmonie de la Volonté Universelle, et constituent ce que nous appelons l'ensemble ou l'agrégat de la Volonté Cosmique sur le plan de l'Univers subjectif, réunissent entre elles une infinité de Monades – chacune le miroir de son propre Univers – et individualisent ainsi momentanément un Mental indépendant, omniscient et universel ; au moyen du même processus d'agrégation magnétique, elles créent pour elles-mêmes des corps objectifs visibles qu'elles tirent des Atomes interstellaires. En effet, les Atomes et les Monades, associés ou dissociés, simples ou complexes, ne sont, à dater du moment de  la première différenciation, que les principes corporels, psychiques et spirituels des "Dieux" – eux-mêmes les Radiations de la Nature Primordiale. Ainsi, aux yeux du Voyant, les Puissances Planétaires supérieures apparaissent sous deux aspects : le subjectif – comme influences, et l'objectif – comme des FORMES mystiques qui, en vertu de la loi Karmique, deviennent une Présence ; [II 416] l'Esprit et la Matière ne faisant qu'Un, comme nous n'avons cessé de le répéter. L'Esprit, c'est la Matière sur le septième plan ; la Matière, c'est l'Esprit au point le plus bas de son activité cyclique ; et tous deux sont – MAYA.

 727 Monadologie, § 60. Leibnitz, comme Aristote, appelle les Monades "créées" ou émanées (les Elémentals issus des Esprits Cosmiques ou Dieux) des Entéléchies (ντελέχειαι) et des "automates incorporels". (Monadologie, § 18.)

728 Ces trois "divisions sommaires" correspondent à l'Esprit, au Mental (ou Ame) et au Corps  dans la constitution humaine.

 729 M. Bjerregaard, dans la conférence à laquelle nous avons déjà fait allusion, recommande à son auditoire de ne pas trop considérer les Séphiroth comme des individualités, mais d'éviter en même temps de voir en elles des abstractions. "Nous n'arriverons jamais à la vérité, dit-il, et encore moins à la faculté de nous associer avec ces êtres célestes, tant que nous n'en reviendrons pas à la simplicité et à l'intrépidité des époques primitives, alors que les hommes se mêlaient librement aux dieux et que les dieux descendaient parmi les hommes et les dirigeaient en vérité et sainteté." (P. 296.) "Il y a, dans la Bible, diverses descriptions "d'anges" qui montrent que l'on doit entendre, par ce terme, des êtres comme les élémentals de la Cabale et les monades de Leibnitz, et non pas lui donner la signification qu'on lui attribue ordinairement. On les appelle "étoiles du matin", "feux ardents", "puissants êtres", et saint Paul les voit dans sa vision cosmogonique comme l'aspect de "principautés et puissances". Des noms comme ceux-ci écartent toute idée de personnalité et nous nous trouvons dans l'obligation de les considérer comme des existences impersonnelles... comme une influence, une substance spirituelle ou force consciente." The Path., janv. 1887 (Pp. 321, 322.)

 

En Occultisme, les Atomes sont appelés Vibrations ; il en est de même (collectivement) du Son. Cela ne porte nullement atteinte à la découverte scientifique du Prof. Tyndall. Il a décrit, sur les degrés inférieurs de l'échelle de l'être monadique, la succession tout entière des vibrations atmosphériques – ce qui constitue le côté objectif du processus de la Nature. Il a reconnu et enregistré la rapidité de leur mouvement et de leur transmission, la force du choc qu'elles produisent, leur pouvoir de faire naître des vibrations dans le tympan et la transmission de celles-ci aux osselets, etc., jusqu'au moment où commence la vibration du nerf auditif – après quoi un nouveau phénomène se produit : le côté subjectif du processus ou la sensation du son. La perçoit-il ou la voit-il ? Non, car sa spécialité est de découvrir le comportement de la matière, mais pourquoi ne serait-elle pas vue par un Psychique, un Voyant spirituel dont l'Œil interne est ouvert, par quelqu'un qui peut voir à travers le voile de la Matière ? Les ondes et les ondulations de la Science sont toutes produites par des Atomes lançant du dedans leurs molécules en activité. Les Atomes remplissent l'immensité de l'Espace et, par leurs vibrations incessantes, constituent ce MOUVEMENT qui entretient l'éternelle rotation des roues de la Vie. C'est à ce travail intérieur qu'est dû le phénomène naturel que l'on appelle la corrélation des Forces. Seulement, à l'origine de chacune de ces "Forces", se trouve le Noumène conscient qui la dirige – Ange ou Dieu, Esprit ou Démon, pouvoirs dirigeants qui sont cependant les mêmes.

Suivant la description des Voyants – de ceux qui peuvent voir le mouvement des multitudes interstellaires et les suivre par clairvoyance dans leur évolution – ils sont éblouissants, comme des parcelles de neige vierge sous un soleil radieux. Leur vélocité est plus rapide que la pensée, trop rapide pour qu'un œil mortel puisse les suivre et, autant que leur fabuleuse vélocité permet d'en juger, leur mouvement est circulaire. Pour celui qui se tient dans une plaine découverte et surtout sur le sommet d'une montagne et qui fixe ses yeux sur l'immense voûte qui est au-dessus de lui et sur les espaces sans fin qui l'entourent, l'atmosphère tout entière semble flamboyer grâce à eux, l'air est saturé de lueurs éblouissantes. A certains moments, l'intensité de leur mouvement produit des éclairs comme la lumière des Aurores Boréales. Le spectacle est si merveilleux que le Voyant, lorsqu'il étudie ce monde intérieur et sent les points scintillants passer rapides [II 417] devant lui, éprouve une sorte de terreur en songeant à d'autres mystères plus profonds encore, qui se trouvent au-delà, et dans cet océan radieux.

 Si imparfaite et si incomplète que soit cette explication des "Dieux, des Monades et des Atomes", nous espérons qu'au moins quelques étudiants et Théosophes sentiront qu'il peut vraiment exister un rapport étroit entre la Science matérialiste et l'Occultisme qui en est, en quelque sorte, le complément et l'âme absente.

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