a. La loi de Répulsion et de Désir
La partie que nous allons maintenant traiter concernera spécifiquement le problème majeur de l'humanité. Toutefois, nous le toucherons très brièvement et nous traiterons plus particulièrement de son aspect qui passe du problème de l'aspirant au problème du disciple. Sous-jacente au problème psychologique tout entier de l'humanité prise comme un tout, se trouve l'attitude majeure vis-à-vis de l'existence que nous caractérisons par Désir.
C'est sur cette impulsion fondamentale que sont basées toutes les complexités de moindre importance, elles lui sont subordonnées, ou bien elles en émergent. Freud appelle cette impulsion le "sexe", ce qui est seulement un autre nom donné à l'impulsion d'attraction pour le non-soi.
D'autres psychologues parlent de cette activité dominante comme de la "vie de désir" de l'humanité ; ils expliquent toutes les tendances caractéristiques similaires, toutes les réactions émotionnelles et le cours de la vie mentale, par les désirs, les envies et les aspirations d'acquisition sous-jacentes comme "mécanismes de défense" ou "moyens d'échapper" à l'inévitabilité des conditions environnantes. A ces aspirations et à ces voeux, et au travail que comporte leur réalisation, tous les hommes consacrent leur existence ; tout ce qui est fait représente un effort en vue de satisfaire un besoin ressenti, en vue de faire face au défi de l'existence avec sa demande de bonheur, de ciel, et en vue d'atteindre finalement à l'état idéal tel qu'on l'a espéré.
Chaque chose est gouvernée par une certaine forme de nécessité urgente de satisfaction , et cela distingue la recherche de l'homme à chaque stade de son développement, que ce soit l'impulsion instinctive d'auto-préservation, observé chez le sauvage en quête de nourriture ou dans les problèmes économiques de l'homme moderne et civilisé ; que ce soit le besoin de reproduction du soi et la satisfaction de cet appétit qui opère aujourd'hui dans la complexité de la vie sexuelle de la race ; que ce soit le besoin d'être populaire, aimé et estimé ; que ce soit le besoin de plaisir intellectuel et l'appropriation mentale de la vérité ou bien le désir profondément ancré du ciel et du repos qui caractérise le Chrétien, ou l'aspiration à l'illumination qui constitue la requête du mystique, ou l'envie de s'identifier avec la réalité, ce qui est le "voeu" de l'occultiste. Tout cela représente des désirs sous une forme ou une autre, et c'est par ces besoins que l'humanité est gouvernée et dominée. Je voudrais dire qu'elle est très nettement dominée, car c'est là seulement un simple énoncé de la question.
C'est la compréhension du penchant fondamental de l'homme, ou facteur de contrôle, qui se trouve derrière l'enseignement donné par Bouddha et qui est incarné dans les Quatre Nobles Vérités de la philosophie Bouddhiste que l'on peut résumer comme suit :
Les Quatre Nobles Vérités
a. L'existence dans l'univers phénoménal est inséparable de la souffrance et du chagrin.
b. La cause de la souffrance est le désir d'existence dans l'univers phénoménal.
c. La cessation de la souffrance est atteinte par l'élimination du désir d'existence phénoménale.
d. Le Sentier conduisant à la cessation de la souffrance est le noble sentier octuple.
C'est parce qu'Il comprenait l'urgente nécessité de délivrer l'homme de sa propre nature de désir que le Christ a été conduit à insister sur la nécessité de rechercher le bien du prochain, par opposition à son propre bien, et de conseiller la vie de service et de sacrifice de soi, d'oubli de soi et d'amour pour tous les êtres. C'est seulement de cette manière que le mental de l'homme et "l'oeil du coeur" peuvent être détournés des propres besoins et satisfactions vers les demandes plus fondamentales de la race elle-même.
Tant qu'un homme ne se trouve pas sur le Sentier de Perfection, il ne peut saisir la demande impérieuse de sa propre âme d'être libérée de la recherche des satisfactions matérielles, tangibles, extérieures, et du désir. Ce fut cette demande qui a indiqué le besoin de l'âme de s'incarner et de fonctionner, pour la période nécessaire, sous la Loi de Réincarnation. Au fur et à mesure que le travail de purification se poursuit sur le Sentier de Purification, cette demande de libération devient plus forte et plus claire, et lorsque l'homme commence à fouler le Sentier de l'Etat de disciple, alors la Loi de Répulsion, pour la première fois, peut commencer à contrôler ses réactions. Cela se produit d'abord inconsciemment mais la demande devient plus puissante et mieux saisie consciemment lorsque le disciple prend une initiation après l'autre avec une compréhension de plus en plus marquée.
Nous n'avons pas l'intention, dans ce Traité, de nous occuper du développement de l'homme non-évolué et non-développé et de ses rapports avec les Lois de l'Ame. Je cherche seulement à clarifier le chemin de l'homme hautement intelligent, les aspirants du monde et les disciples du monde. Le progrès de l'homme non-développé et en général l'homme peut être englobé dans l'énoncé suivant, qui en respectant l'ordre, décrit les stades du progrès de ces hommes sous l'aiguillon du désir :
1. L'impulsion amenant à expérimenter, à exister et à satisfaire la nature instinctive.
2. L'expérience, l'âpreté au gain, l'existence, suivies d'une demande renouvelée pour que le sort ou la destinée fournisse davantage de satisfactions.
3. Des cycles après des cycles de demandes pour obtenir ces satisfactions, puis une période de satisfactions de caractère temporaire et ensuite de nouvelles demandes. Telle est l'histoire de la race.
4. L'expérience, fermement recherchée et poursuivie sur les trois plans de l'évolution humaine.
5. Ensuite, la même expérience, mais cette fois en tant que personnalité intégrée.
6. La demande est satisfaite jusqu'à ce que la satiété soit atteinte, car avec le temps tous les hommes finissent par atteindre ce qu'ils demandent.
7. Ensuite, vient la demande de satisfactions spirituelles, de bonheur et de béatitude. Le "désir céleste" devient puissant.
8. La vague compréhension que deux choses sont nécessaires : la purification et le pouvoir de faire un choix approprié, ce qui constitue le juste discernement.
9. La vision des paires d'opposés.
10. La compréhension du sentier étroit qui mène entre ces paires d'opposés.
11. L'Etat de disciple et la répulsion ou la répudiation (pendant une longue période) du non-soi.
Telle est, brièvement et insuffisamment énoncé, l'histoire de l'homme tandis qu'il recherche le bonheur, la joie et la béatitude, ou bien (pour employer des termes de réalisation) tandis qu'il progresse de la vie des instincts vers celle de l'intellect. Il peut aller ensuite de cette perception intellectuelle vers le stade de l'illumination et de l'identification finale avec la réalité, lorsqu'il est désormais libéré de la Grande Illusion.
Deux choses déterminent la rapidité avec laquelle il peut, sur le Sentier de l'Etat de disciple, mettre en jeu la Loi de Répulsion. L'une est la qualité de son motif. Seul, le désir de servir est suffisant pour provoquer la réorientation et la sujétion nécessaires à la nouvelle technique d'existence.
L'autre est son consentement, à tout prix, à être obéissant à la lumière qui est en lui et autour de lui. Le service et l'obéissance sont les grandes méthodes de libération et constituent les causes sous-jacentes qui feront jouer la Loi de Répulsion, aidant ainsi l'aspirant à atteindre la libération à laquelle il aspire.
Le service le libère de la vie de ses propres pensées et de la soidétermination.
L'obéissance à sa propre âme l'intègre dans le plus grand tout, où il renonce à ses propres désirs et à ses impulsions, dans l'intérêt de la vie plus vaste de l'humanité et de Dieu Lui-Même. Dieu est le Grand Serviteur et Il exprime Sa vie divine au moyen de l'Amour de Son coeur pour l'humanité.
Pourtant, lorsque ces simples vérités sont énoncées et que l'on nous presse de servir notre frère et d'obéir à notre âme, cela nous semble si familier et si peu intéressant que seule une faible réponse est évoquée. Si on nous disait qu'en suivant une forme prescrite de méditation, en pratiquant une formule bien définie de respiration, une concentration régulière sur un centre spécifique cela nous libérerait de la roue de la vie et nous identifierait avec le soi spirituel et son monde d'existence, avec plaisir, de bon coeur et avec joie nous suivrions ces instructions.
Mais quand, en termes de la science occulte, on nous dit de servir et d'obéir, nous ne sommes pas intéressés. Le service, pourtant, est, par excellence, le mode d'éveil du centre cardiaque, et l'obéissance est aussi puissante à évoquer la réponse des deux centres de la tête à l'impact de la force de l'âme. Les hommes comprennent si peu la puissance de leurs impulsions !
Si l'impulsion de satisfaire le désir est l'impulsion fondamentale de la vie de la forme de l'homme, l'impulsion de servir est une impulsion également fondamentale de l'âme chez l'homme . C'est là un des énoncés les plus importants de cette partie. Cette impulsion est pourtant rarement satisfaite. On trouve toujours des indications de sa présence, néanmoins, même dans les catégories les plus indésirables d'êtres humains ; on l'évoque à des moments élevés de la destinée ou en des moments de pressante nécessité et de difficulté suprême. Le coeur de l'homme est sain mais souvent ensommeillé.
Servir et obéir ! Voilà les mots d'ordre de la vie du disciple. En les dénaturant, on en a fait des termes de propagande fanatique et, ainsi, on en a tiré des formules de philosophie et de théologie religieuses ; mais ces formules voilent en même temps une vérité. On les a soumises à l'examen des hommes mais sous la forme de dévotions de la personnalité et d'obéissance aux Maîtres et aux dirigeants, au lieu de service de l'âme et d'obéissance à l'âme pour tous les hommes. La vérité, pourtant, émerge d'une façon sûre et doit inévitablement triompher. Une fois que l'aspirant sur le Sentier de Probation en a la vision (si légère qu'elle puisse être), alors la loi de désir qui l'a gouverné pendant longtemps cédera la place lentement mais sûrement à la Loi de Répulsion qui, avec le temps, le libérera de la servitude du non-soi. Elle le conduira à ces discernements et à cette attitude dénuée de passion qui est la marque de l'homme se trouvant sur la voie de la libération.
Souvenons-nous cependant qu'un discernement fondé sur une détermination d'être libre, et une absence de passion qui est l'indication d'un coeur dur conduiront l'aspirant à la prison de l'enveloppe cristallisée, qui est beaucoup plus dure à briser que ne l'est la prison normale de la vie de l'homme moyen égoïste. Le désir d'égoïsme spirituel est souvent le péché majeur des prétendus ésotéristes et doit être soigneusement évité. Celui, donc, qui est sage s'appliquera à servir et à obéir.