SECTION XIII

LES SEPT CREATIONS

 

Il n'y avait ni jour ni nuit, ni ciel ni terre, ni obscurité ni lumière, ni quoi que ce fût, à l'exception de l'Unique, incompréhensible par l'intellect, ou Cela qui est Brahma, Pums (l'esprit) et Pradhâna (la matière [brute]).

Ou littéralement : "Un Esprit Pradhânika Brahma : CELA était". "L'Esprit Pradhânika Brahma" est Moûlaprakriti et Parabrahman 324.

Dans la Vishnou Pourâna, Parâshara dit à Maitreya son élève :

Je t'ai ainsi expliqué, excellent Mouni, six créations... la création des êtres Arvâksrotas fut la septième et fut celle de l'homme 325.

324 Vishnou Pourâna, Wilson, Vol. I, p. 23.

325 Ibid.

 

Il se met ensuite à parler de deux créations additionnelles et très mystérieuses, diversement interprétées par les commentateurs.

Origène, en commentant les livres écrits par Celse, son adversaire [gnostique] – livres qui furent tous détruits par les prudents Pères de l'Eglise – répond évidemment aux objections de son contradicteur et révèle en même temps son système. Ce système était clairement septénaire. Mais la théogonie [de Celse], la Genèsedes étoiles ou des planètes, du son et de la couleur, n'obtint, en guise de réponse, que des satires et rien de plus. Celse, voyez-vous, "désireux d'étaler son érudition", parle d'une échelle de création comprenant sept portails et, tout en haut, le huitième qui est toujours fermé. Les mystères du Mithra persan sont expliqués et "on y ajoute en outre des raisons musicales". A ces raisons, il s'efforce encore "d'ajouter  une  seconde  explication, reliée elle aussi à  des  considérations musicales" 326, c'est-à-dire aux sept notes de la gamme, aux sept Esprits des Etoiles, etc.

Valentin s'étend sur la puissance des grands Sept qui reçurent l'ordre de donner naissance à cet univers, après qu'Ar(r)hetos, ou l'Ineffable, dont le nom est composé de sept lettres, eut représenté la première hebdomad. Le nom [II 179] d'Ar(r)hetos indique la nature septénaire de l'Un,  le Logos. "La Déesse Rhéa", dit Proclus, "est une Monade, une Duade et un Septénaire", comprenant en elle-même  toutes  les  Titanidæ  "qui  sont sept 327".

On trouve les Sept Créations dans presque toutes les Pourânas. Elles sont toutes précédées par ce que Wilson appelle le "Principe indistinct", l'Esprit absolu, n'ayant aucune relation avec les objets des sens.

Ce sont :

  1. Mahat-tattva,    l'Ame   Universelle,    l'Intellect   Infini    ou   Mental Divin ;
  2. [Tanmâtras] Bhouta ou Bhoutasarga, la création élémentale, la première différenciation de la Substance Universelle indistincte ;
  3. Indriya ou Aindriyaka, l'évolution organique. "Ces trois étaient les créations Prâkrita, les développements de la nature indistincte, précédée par le principe indistinct" ;
  4. Moukhya, "la création fondamentale (des choses perceptibles), était celle des corps inanimés 328" ;
  5. Tairyagyonya ou Tiryaksrotas, était celle des animaux ;
  6. Ourdhvasrotas ou celle des divinités (?) 329 ;
  7. Arvâksrotas, était celle de l'homme 330.

Tel est l'ordre donné dans les textes exotériques. Selon l'enseignement ésotérique, il y a sept "Créations" Primaires et sept Secondaires ; les premières représentent les forces évoluant d'elles-mêmes hors de l'unique FORCE sans cause ; les dernières nous montrent l'Univers manifesté émanant des Eléments divins déjà différenciés.

Esotériquement, aussi bien qu'exotériquement, toutes les  Créations que nous venons d'énumérer représentent les sept périodes de l'Evolution, tant après un "Age" qu'après un "Jour" de Brahma. C'est l'enseignement par excellence de la Philosophie Occulte qui ne se sert cependant jamais du mot "Création", ni même de celui d'évolution, en parlant de la "Création" primaire, mais appelle toutes ces Forces les "aspects de la Force sans Cause". Dans la Bible, les sept périodes sont réduites aux six jours de la création et au septième jour de repos, et les Occidentaux s'en tiennent à [II 180] la lettre. Dans la Philosophie hindoue, lorsque le Créateur actif a produit le monde des Dieux, les Germes de tous les Eléments non différenciés et les rudiments des sens futurs (en un mot le monde des noumènes), l'Univers reste sans changements pendant un  "Jour de Brahma" ou une période de 4.320.000.000 d'années. C'est la septième Période passive ou le "Sabbat" de la Philosophie Orientale, qui succède aux six périodes d'évolution active. Dans la Shatapatha Brâhmana, Brahma (neutre), la Cause absolue de toutes les causes, rayonne les dieux. Les ayant rayonnés, par sa nature inhérente, le travail est interrompu. Dans le Premier Livre de Manou il est dit :

A la fin de chaque nuit (Pralaya), Brahma qui était endormi se réveille et par la seule énergie du mouvement fait émaner hors de lui-même les Esprits [ou le Mental] qui, dans son essence, est et pourtant n'est pas 331.

Dans le Sepher Yetzirah, le Cabalistique "Livre de Création", il est évident que l'auteur s'est fait l'écho des paroles de Manou. On y représente la Substance Divine comme ayant seule existé de toute éternité, illimitée et absolue et comme ayant fait jaillir d'elle-même l'Esprit.

 326 ORIGENE, Contra Celsum, VI, XXII.

327 Timée, Platon.

328 "La quatrième création est ici la première, car les choses immobiles sont avant tout connues comme primaires" – selon un commentaire traduit par Fitzedward Hall, lorsqu'il édita la traduction de Wilson.

329 Comment est-il possible que des "divinités" aient été créées après les animaux ? La signification ésotérique du mot "animaux" est les germes de toute vie animale, y compris l'homme. L'homme est appelé un animal de sacrifice, c'est-à-dire le seul parmi la création animale qui offre des sacrifices aux Dieux. Souvent, en outre, lorsqu'on parle dans les textes saints "d'animaux sacrés" on veut faire allusion aux douze Signes du Zodiaque, comme il a déjà été dit.

330 Vishnou Pourâna, ibid.

331 Voir Lois de Manou, I, v, 74.

 

Unique est l'Esprit du Dieu vivant, béni soit son Nom, qui vit à jamais ! La Voix, l'Esprit et le Verbe, voilà le Saint-Esprit 332.

Telle est la trinité Cabalistique abstraite, anthropomorphisée avec si peu de cérémonies par les Pères. De ce triple UNIQUE est émané le Cosmos tout entier. De l'UN émana d'abord le nombre DEUX, ou l'Air, l'élément créateur, puis le nombre TROIS, l'Eau, procéda de l'Air ; l'Ether ou le Feu complète le quatre mystique, l'ArboAl. Dans la doctrine Orientale, le Feu est le premier Elément – l'Ether les synthétise tous, puisqu'il les contient tous.

Dans la Vishnou Pourâna, on donne les sept périodes en entier et l'on établit l'Evolution progressive de "l'Ame-Esprit" et des sept Formes de Matière ou Principes. Il est impossible de les énumérer dans cet ouvrage. Le lecteur est prié de parcourir une des Pourânas.

R. Yehudah commença ainsi, y est-il dit : "Elohim dit : Qu'un firmament soit au milieu des eaux." Venez voir ! A l'époque où le Saint... créa le monde. Il (ils) créa 7 cieux en Haut. Il créa 7 terres en Bas, 7 mers, 7 jours, 7 rivières, 7 semaines, 7 années, 7 époques et 7.000 années durant lesquelles le monde a existé le septième de tout (le millénium)… Voici donc 7 terres. En bas, elles sont toutes habitées à l'exception de celles qui sont en haut [II 181] et de celles qui sont en bas. Et entre chaque terre s'étend un ciel (firmament) qui les sépare l'une de l'autre. Et il y a sur elles [ces terres] des créatures qui paraissent différentes les unes des autres mais si vous objectez que tous les enfants de ce monde descendent d'Adam, il n'en est pas ainsi… Et les terres inférieures, d'où viennent- elles ? Elles appartiennent à la chaîne de la terre et au Ciel au-Dessus 333.

Irénée nous sert aussi de témoin – très involontaire – pour établir que les Gnostiques ont enseigné le même système, en en voilant avec beaucoup de soins la vraie signification ésotérique. Cette "manière de voiler" est toutefois identique à celle employée dans la Vishnou Pourânaet autres ouvrages. Ainsi Irénée écrit des Marcosiens :

Ils maintiennent que les quatre éléments, le feu, l'eau, la terre et l'air furent produits à l'image de la Tétrade primaire supérieure et que si nous additionnons alors leurs opérations, c'est-à-dire la chaleur, le froid, la sécheresse et l'humidité, nous aurons une représentation exacte de l'Ogdoade 334.

Néanmoins cette "ressemblance" et l'Ogdoade elle-même sont des voiles, tout comme dans les sept créations de la Vishnou Pourânaauxquelles on en ajoute encore deux, dont la huitième appelée Anougraha, "possède les deux qualités de bonté et d'obscurité", idée plutôt Sânkhya que pourânique. En effet, Irénée dit encore que :

Ils [les Gnostiques] avaient une huitième création de ce genre qui était à la fois bonne et mauvaise, divine et humaine. Ils affirmaient que l'homme fut formé le huitième jour. Parfois ils affirmaient que l'homme fut fait le sixième jour et parfois que ce fut le huitième ; à moins qu'ils n'aient voulu dire que sa partie terrestre fut formée le sixième jour et sa partie charnelle (?) le huitième, en établissant une distinction entre ces deux parties 335.

Il est vrai que l'on établissait cette "distinction", mais pas comme le dit Irénée. Les Gnostiques avaient un Septénaire supérieur et un inférieur dans le ciel, et un troisième Septénaire terrestre sur le plan de la matière. Iaô, le Dieu de mystère et le Régent de la Lune, comme l'indique Origène dans son tableau, était le chef de ces "Sept Cieux" supérieurs 336 et, par conséquent, identique au chef des sept Pitris Lunaires, nom qu'ils donnaient aux Dhyâns Chohans Lunaires. "Ils affirment que ces sept cieux sont intelligents et en parlent comme étant des angles", écrit le même Irénée, en ajoutant  qu'à  cause  de  cela  ils  appelèrent  Iaô,  Hebdomas, [II 182] tandis qu'ils donnaient à sa mère le nom d'Ogdoas, parce que, explique-t-il, elle conservait "le nombre de l'Ogdoade première-née et primaire du Plérôme 337".

332 Op. cit., I, IX.

333 Qabbalah de Myer, 415-16.

 334 Contra Hœr., I, XVII, Les Ecrits d'Irénée, 1.73.

335 Ibid., I, XXX.

336 Supérieurs pour les Esprits on "Cieux" de la Terre seule.

 337 Ibid., I, v, 2.

Cette "Ogdoade première-née" était :

 

 

  1. dans la Théogonie le Second Logos, le Logos Manifesté, parce qu'il était né du Septuple Premier Logos, de sorte qu'il était le huitième sur ce plan manifesté et
  2. dans l'Astrolâtrie, c'était le Soleil, Mârtânda, le huitième fils d'Aditi qu'elle repoussa tandis qu'elle conservait ses Sept Fils, les planètes. Les anciens n'ont, en effet, jamais considéré le Soleil comme une planète, mais comme une Etoile centrale et fixe. Cela constitue donc le second Septénaire né de l'Un aux Sept Rayons, d'Agni, du Soleil et de bien d'autres, mais non pas des sept planètes qui sont les Frères de Sourya et non pas ses Fils. Chez les Gnostiques, ces Dieux Astraux étaient les fils d'Ildabaoth 338 (de ilda, "enfant", et de baoth, "œuf", fils de Sophia Achamôth, la fille de Sophia (Sagesse), dont la région est le Plérôme. Ildabaoth fait jaillir de lui-même ces six Esprits stellaires ; Jova [Iaô] (Jéhovah), Sabaoth, Adonai [Adoneusl, Eloi [Eloaeus], Osraios [Oreus], Astaphaios [Astraphaeus] 339 et ce sont eux qui constituent le second Septénaire ou septénaire inférieur. Quant au troisième, il est composé des sept hommes primordiaux, les ombres des Dieux Lunaires projetées par le premier Septénaire. On voit par cela que les Gnostiques ne s'écartaient pas beaucoup de la Doctrine Esotérique, mais seulement la voilaient. Quant au reproche que leur adresse Irénée, qui ignorait évidemment les vraies doctrines des "Hérétiques", au sujet de l'homme qui aurait été créé le sixième jour et de l'homme qui aurait été créé le huitième jour, cela se rattache aux mystères de l'homme intérieur. Le lecteur ne comprendra qu'après avoir lu le volume III et avoir bien compris l'Anthropogenèse de la Doctrine Esotérique.

338 Voir Isis Dévoilée, III, 247.

339 Voir aussi Gnostics and their Remains de King, p. 97. D'autres sectes considéraient Jéhovah comme Ildabaoth lui-même. King l'identifie avec Saturne.

 

Ildabaoth est une copie de Manou, qui s'écrie avec orgueil :

 O le meilleur des hommes deux fois nés ! Sache que moi [Manou] je suis le créateur de tout ce monde que le mâle Virâj... produisit spontanément 340.

340 Les Ordonnances de Manou, I, 33.

341 Irénée, op. cit., I, XXX, 6.

 

Il crée d'abord les dix Seigneurs de l'Etre, les Prajâpatis qui, ainsi que nous le dit le verset 36, "produisent sept autres Manous". Ildabaoth s'écrie aussi orgueilleusement : "Je suis Père et Dieu et il n'y a personne au-dessus de moi." Après quoi sa Mère le remet froidement à sa place en lui disant :

"Ne mens pas, Ildabaoth, car le Père de tout, le premier [II 183] homme (Anthrôpos) est au-dessus de toi, de même qu'Anthrôpos le Fils d'Anthrôpos" 341. C'est une bonne preuve de l'existence de trois Logoï –  sans compter les Sept, nés du Premier – dont l'un est le Logos Solaire. Qui donc était cet "Anthrôpos" lui-même, si supérieur à Ildabaoth ? Les archives des Gnostiques peuvent seules résoudre cette énigme. Dans  Pistis Sophia, le nom de IEOU, composé de quatre voyelles, est ordinairement accompagné de l'épithète "d'Homme Primordial ou Premier". Cela démontre encore que la Gnose n'était que l'écho de notre  Doctrine Archaïque. Les noms qui correspondent à Parabrahman, à Brahma et à Manou, le premier Homme pensant, sont composés de sons comprenant une voyelle, trois voyelles et sept voyelles. Marcus, dont la philosophie était certainement plus Pythagoricienne qu'autre chose, parle d'une révélation qui lui fut faite des sept Cieux, qui émirent chacun le son d'une voyelle en prononçant les sept noms des sept Hiérarchies (Angéliques).

Lorsque l'Esprit a imprégné jusqu'au plus minuscule atome des sept Principes du Cosmos, alors commence la Création Secondaire qui suit la période de repos dont nous venons de parler.

Les Créateurs [Elohim] esquissent durant la seconde "Heure" la forme de l'homme, dit le Rabbin Siméon dans le Nuchthemeron des Hébreux. "Il y a douze heures dans la journée, dit la Mishna et c'est pendant celles-là que la création est accomplie." Les "douze heures de la journée" ne sont encore qu'une copie amoindrie, un écho, faible mais fidèle, de la Sagesse primitive. Elles sont un voile cyclique de même que les 12.000 Années Divines des Dieux. Chaque "Jour de Brahma" comprend 14 Manous que les Cabalistes hébreux, imitant toutefois en cela les Chaldéens, ont déguisés en les présentant comme "12 heures" 342. Le Nuchthemeron d'Appolonius de Tyane est la même chose. "Le Dodécaèdre est caché dans le Cube parfait", disent les Cabalistes. La signification mystique de cette phrase est que les douze grandes transformations de l'Esprit en matière – les 12.000 Années Divines – ont lieu durant les quatre grands Ages ou le premier Mahâyouga. Elles commencent par le côté métaphysique et supra- humain et finissent par la nature physique et la nature purement humaine du Cosmos et de l'Homme. La Philosophie Orientale peut donner  le nombre d'années mortelles qui ont été employées pour les évolutions, spirituelle et physique, tant du visible que de l'invisible, si la Science Occidentale est incapable de le faire. [II 184]

La Création Primaire est appelée la Création de la Lumière (l'Esprit) et la Secondaire est appelée celle des Ténèbres (la Matière) 343. On les retrouve toutes deux dans la Genèse 344. La première est l'émanation de Dieux auto-générés (les Elohim) ; la seconde est celle de la Nature physique.

342 Dans d'autres passages, cependant, l'identité est révélée. Voir plus haut la citation tirée d'Ibn Gébirol au sujet de ses 7 cieux et de ses 7 terres, etc.

343 Il ne faut pas les confondre avec les "TENEBRES" Pré-Cosmiques, ou le divin TOUT.

344 1, 2 ; et aussi au commencement de II.

 

C'est pourquoi l'on dit dans le Zohar :

O camarades, camarades ! l'homme, en tant qu'émanation était à la fois homme et femme ; il tenait du Père aussi bien que de la Mère. Tel est le sens de ces mots : Et Elohim dit : "Que la Lumière soit et la Lumière fut !" Tel est "l'Homme double" !

Toutefois, ce qui est Lumière sur notre plan est Ténèbres dans les sphères supérieures.

  L'homme et la femme... tenant du PERE (l'Esprit) se rapportent à la Création Primaire et tenant de la Mère (la Matière) se rapportent à la Création Secondaire. L'Homme double est Adam-Kadmon, le prototype abstrait mâle et femelle et l'Elohim différencié. L'homme procède du Dhyân-Chohan et est un "Ange Déchu", un Dieu exilé, comme nous le montrerons.

Dans l'Inde, on décrivait ces créations de façon suivante 345 :

345 Toutes les citations qui suivent, sauf indication contraire, au sujet des sept créations, sont tirées de la Vishnou Pourâna. Livre I, Chap. I-IV.

 

  1. Première Création : La Création Mahat-tattva, ainsi nommée parce que c'était l'auto-évolution primordiale de ce qui devait devenir Mahat "le Mental Divin, conscient et intelligent" ; ésotériquement, "l'Esprit de l'Ame Universelle".

La plus digne des pratiques ascétiques, par sa puissance (la puissance de cette cause) chaque chose créée vient par sa nature propre (p. 66, note).

Et plus loin :

Puisque les pouvoirs de tous les Etres ne sont compris que par la connaissance de Cela (Brahma) qui est au-delà de la raison, de la création et de toutes autres choses semblables, ces pouvoirs se rapportent à Brahma.

CELA précède donc la manifestation. "La première fut Mahat", dit la Linga Pourâna ; car l'UN (CELA) n'est ni le premier ni le dernier, mais le TOUT. Exotériquement, cependant, cette manifestation est l'œuvre de "l'Etre Suprême" ou plutôt un effet naturel d'une Cause Eternelle, ou encore, comme le dit le Commentateur, on peut avoir eu l'intention [II 185] de dire que Brahma fût alors créé (?), puisqu'il était identifié avec Mahat, l'intelligence active ou la volonté active du Suprême. La Philosophie Esotérique emploie le terme "Loi active".

C'est de la correcte compréhension de cette donnée des Brâhmanas et des Pourânas que dépend, croyons-nous, la  pomme de discorde qui sépare les trois Sectes des Védântins :  l'Advaita, la Dvaita et la Visishthâdvaita. La première prétend, avec raison, que Parabrahman, n'ayant, en sa qualité de TOUT absolu, aucune relation avec le Monde manifesté, que l'Infini n'ayant aucun rapport avec le Fini, il ne peut ni vouloir ni créer ; qu'en conséquence Brahmâ, Mahat, Ishvara, ou par quelque nom que l'on désigne le Pouvoir Créateur, les Dieux Créateurs et tous les autres ne sont tout simplement qu'un aspect illusoire de Parabrahman dans l'esprit de ceux qui les conçoivent. Les autres sectes, au contraire, identifient la Cause impersonnelle  au Créateur ou à Ishvara.

Mahat, ou Mahâ-Bouddhi, est cependant pour les Vaishnavas, le Mental   Divin   agissant   activement   ou,   suivant   l'expression d'Anaxagore,  "un  Mental  qui  ordonne  et  organise  et  qui  était  la cause de toutes choses". Νου̃ς ό δίακοσµω̃ν τε καί πάντων αί̉τιος.

Wilson reconnut au premier coup d'œil le rapport suggestif qui existe entre Mahat et le Môt, ou Mut, des Phéniciens, qui était femelle chez les Egyptiens, la déesse Moot, la Mère, "qui, de même que Mahat, dit-il, fut le premier résultat du mélange (?) de l'Esprit et de la Matière et le premier rudiment de la Création". "Ex connexione autem ejus Spiritus prodidit Môt... Hine... seminium omnis creaturae et omnium rerum creatio 346", dit Brücker 347, en donnant à la chose une tournure encore plus matérialiste et anthropomorphique.

Néanmoins, le sens ésotérique se devine sous chaque phrase exotérique, même dans les antiques textes sanscrits qui traitent de la Création primordiale.

L'Ame Suprême, la Substance omni-pénétrante du Monde (Sarvaga) étant entrée [ayant été attirée] dans la Matière [Prakriti] et dans l'Esprit [Pourousha], agita les principes changeants et immuables, car la saison de la Création [Manvantara] était arrivée.

 346 [De cette union l'Esprit produisit Môt... De la création de la semence de toutes les créatures et de toutes les choses.]

347 I, 240.

  

[Le Nous des Grecs, qui est le Mental (spirituel ou divin) Mens ou Mahat, opère de la même façon sur la Matière ; il "la pénètre" et "l'agite" :

Spiritus  intus  alit,  totamque  infusa  per  artus,

Mens    agitat    molem    et    magno    se    corpore miscet 348.

348 [L'Esprit le nourrit du dedans et entrant en chaque partie, le mental suscite et interpénètre tout le grand corps.]

349 Brucker, ibid.

[II 186 ]

Dans la Cosmogonie Phénicienne aussi, "l'Esprit, se mêlant à ses propres principes, donne naissance à la création 349", la Triade Orphique présente une doctrine identique, car Phanès ou Erôs, le Chaos, renfermant de la Matière Cosmique brute non différenciée et Cronos, le Temps, y sont les trois principes coopérants qui émanent du Point Caché et Inconnaissable et qui accomplissent l'œuvre de la "Création". Ils ne sont autres que Pourousha (Phanès), Pradhâna (Chaos) et Kâla (Cronos) ou le temps. L'excellent professeur Wilson n'aime pas cette idée, pas plus que ne saurait l'aimer un ecclésiastique chrétien, si libéral qu'il fût, il dit que : "le mélange [de l'Esprit ou de l'Ame Suprême, avec ses propres principes] n'est pas mécanique ; c'est une influence, ou un effet, exercé sur des agents intermédiaires, qui produit des effets." La phrase suivante de la Vishnou Pourâna: "De même que les parfums affectent le Mental par leur seule proximité et non en raison d'une action immédiate sur le Mental lui-même, de  même le Suprême influença les éléments de la création", est correctement expliquée par le vénérable et érudit sanscritiste, comme suit : De même que les parfums ne réjouissent pas le mental par suite d'un contact réel, mais en raison de l'impression qu'ils produisent sur le sens de l'odorat qui les communique au mental", après quoi il ajoute : "l'entrée du Suprême... dans l'Esprit comme dans la Matière, est moins compréhensible que l'explication que l'on trouve ailleurs, comme par exemple, l'infusion de l'Esprit, identifié avec le Suprême, dans Prakriti, c'est-à-dire dans la Matière seule". Il préfère le verset de la Pâdma Pourâna :"Celui  qui  est  appelé  (l'esprit)  mâle  de  Prakriti..., ce même divin Vishnou, entra dans Prakriti". Cette "idée" est certainement plus en harmonie avec le caractère plastique de certains versets de la Bibleayant trait aux Patriarches, comme Loth et même Adam 350 et d'autres encore d'une nature bien plus anthropomorphique, mais c'est justement cela qui a conduit l'Humanité au Phallicisme, la religion chrétienne en est saturée, depuis le premier chapitre de la Genèsejusqu'à l'Apocalypse.

La Doctrine Esotérique enseigne que les Dhyans-Chohans représentent la somme totale de l'Intelligence divine ou Mental primordial et que les premiers Manous, les sept Intelligences Spirituelles "nées du mental" leur sont identiques. D'où il résulte que le Kwan-Shi-Yin, le "Dragon d'Or dans lequel sont les Sept", de la STANCE III, est le Logos Primordial [II 187] ou Brahma, le premier Pouvoir Créateur manifesté et que les Energies Dhyaniques sont les Manous ou, collectivement, Manou- Svâyambhouva. La relation directe qui existe entre les Manous et Mahat est, de plus, facile à constater. Manou est dérivé de la racine Man, penser, et la pensée procède du Mental. C'est, dans la Cosmogonie, la Période prénébulaire.

Seconde Création, Bhouta, était celle des Principes rudimentaires (Tanmâtras) ; c'est pourquoi on l'appelle la Création Elémentaire (Bhoutasarga). C'est la période du premier souffle de la différenciation des Eléments précosmiques ou de la Matière. Bhoûtâdî signifie "l'origine des Eléments" et  précède Bhoûtasarga, la "création" ou différenciation de ces Eléments dans l'Akâsha primordiale (Chaos ou Vide) 351. Dans la Vishnou Pourânaon la décrit comme procédant du triple aspect et appartenant au triple aspect d'Ahamkâra que l'on traduit par Egotisme, mais qui signifie plutôt ce terme intraduisible "LA SENSATION D'ETRE moi" qui jaillit tout d'abord de Mahat ou Mental Divin ; la première esquisse vague de la Sensation du Soi, car l'Ahamkâra "pure" devient "passionnée" et finalement "rudimentaire" ou initiale ; c'est "l'origine de tous les êtres conscients et inconscients", bien que l'école Esotérique repousse l'idée qu'il y ait quoi que ce soit "d'inconscient", sauf sur notre plan d'illusions et d'ignorance. Durant cette phase de la Seconde Création, apparaît la Seconde Hiérarchie des Manous, les Dhyans- Chohans ou Dévas qui sont l'origine de la Forme (Roupa), les Chitrashikhandinas (à la brillante couronne) ou les Rikshas ; ces Richis qui sont devenus les Ames qui animent les sept étoiles (de la Grande Ourse) 352. Dans le langage astronomique et cosmogonique, cette Création se rapporte à la Période du Brouillard de Feu, la première phase de la Vie Cosmique, après l'état Chaotique 353, lorsque les Atomes sortent du Laya. [II 188]

Troisième Création : La Troisième Création ou Création Indriya fut une forme modifiée d'Ahamkâra, la conception du "Je" (d'Aham, "Je") ; elle est appelée la Création organique ou création des sens, Aindriyaka. "Ces trois constituèrent la création Prâkrita, les développements [distincts] de la nature indistincte, précédés par le principe indistinct". Les mots "précédés par" devraient être remplacés ici par ceux de "commençant par" Bouddhi, car ce dernier n'est qu'une quantité ni distincte, ni indistincte, mais tient des deux, tant dans l'homme que dans le Cosmos. Constituant une unité ou une MONADE humaine sur le plan de l'illusion, Bouddhi, une fois qu'il est dégagé des trois formes d'Ahamkâra et libéré de son Manas terrestre, devient vraiment une quantité constante, tant au point de vue de la durée qu'à celui de l'extension, car il est éternel et immortel. Il est dit plus haut que la Troisième Création "abondamment pourvue de la qualité de bonté", est appelée Ourdhvasrotas et, une ou deux pages plus loin, la Création Ourdhvasrotas est citée comme étant la "sixième création... ou celle des divinités" 354. Cela prouve clairement que des Manvantaras anciens, aussi bien que d'autres plus récents, ont été confondus intentionnellement pour empêcher les profanes d'entrevoir la vérité. Les orientalistes appellent cela des "incongruités" et des "contradictions". ["Les trois Créations qui commencent par l'Intelligence sont élémentales, mais les six qui procèdent de la série en tête de laquelle est l'Intellect, sont l'œuvre de Brahma 355." Ici, "Créations" veut toujours dire phases de l'Evolution. Mahat, "l'Intellect" on mental (qui correspond à Manas, le premier sur le plan cosmique et le dernier sur le plan humain), sont aussi placés ici au-dessous de Bouddhi ou Intelligence supra-divine. Aussi, lorsque nous lisons dans la Linga Pourâna que "la première Création fut celle de Mahat, l'Intellect se manifestant le premier", il nous faut reporter cette création (déterminée) à la première évolution de notre Système, ou même de notre Terre, car aucune des créations précédentes n'a été discutée dans les Pourânas où l'on s'est borné à y faire parfois allusion.]

352 Comparez, pour leurs types ultérieurs, avec le Traité écrit, au seizième siècle, par Trithémins, le maître d'Agrippa. "Sur les sept Intelligences Secondaires ou Spirituelles qui, après Dieu, actionnent l'Univers", traité qui, outre des cycles secrets et plusieurs prophéties, explique certains faits et certaines croyances au sujet des Génies ou des Elohim qui gouvernent et dirigent les phases septénaires du Progrès du Monde.

353 Dès le début, les Orientalistes se sont trouvés dans une position très difficile pour établir un ordre quelconque dans les Créations Pourâniques. Wilson confond souvent Brahman avec Brahma et sur ce point ses successeurs le critiquent. M. Fitzedward Hall préfère, pour la traduction de la Vishnou Pourâna, les Textes Sanscrits Originaux au texte dont Wilson s'est servi. "Si le professeur Wilson avait joui des avantages que l'étudiant de la philosophie Indienne possède maintenant, sans aucun doute il se serait exprimé d'une façon différente", dit l'éditeur de son œuvre. Cela rappelle la réponse faite par l'un des admirateurs de Thomas Taylor aux savants qui critiquaient ses traductions de Platon : "Il est possible que Taylor ait moins bien su le Grec que ses critiques, mais il connaissait mieux Platon." Nos Orientalistes actuels défigurent le sens mystique des textes sanscrits, bien plus que ne l'a jamais fait Wilson, bien que ce dernier se soit assurément rendu coupable de très grosses erreurs.

354 Page 75.

355 Vâyou Pourâna [cf. Vishnou Pourâna de Wilson, Vol. I, p. 771.

 

Cette Création des premiers Immortels, ou Dévasarga, est la dernière de la série et possède une signification universelle ; elle se rapporte, non pas spécialement à notre Manvantara, [II 189] mais à l'Evolution, en général, qui commence toujours de  la même façon et prouve ainsi... qu'elle a trait à plusieurs Kalpas distincts, car il est dit "à la fin du dernier Kalpa [Pâdma], le divin Brahma se réveilla après sa nuit de sommeil et vit l'Univers vide". On nous montre alors Brahma recommençant une fois de plus les "sept Créations" dans la phase secondaire de l'évolution et renouvelant les trois premières sur le plan objectif.

 Quatrième Création : La création Moukhya ou Primaire, attendu qu'elle est la première de la série de quatre. Ni le terme de corps "inanimés" ni celui de "choses sans mouvement" qu'emploie Wilson dans sa traduction, ne donnent une idée correcte des mots sanscrits dont on se sert. La Philosophie Esotérique n'est pas seule à repousser l'idée qu'un atome puisse être inorganique, car on retrouve aussi cette opinion dans l'Hindouisme orthodoxe. Wilson lui-même dit aussi : "tous les systèmes hindous considèrent les corps végétaux comme doués de vie 356". Charâchara 357 ou son synonyme sthâvara et jangama [respectivement] sont, par conséquent, incorrectement traduits par "animé et inanimé", "êtres sensibles" et "inconscients" ou "êtres conscients et inconscients", etc. "Locomobile et fixe" vaudrait mieux, "puisque l'on considère les arbres comme possédant une âme". La Moukhya est la "création" ou plutôt l'évolution organique du  règne végétal. Durant cette Période SECONDAIRE, les trois degrés des règnes élémentals ou rudimentaires sont évolués dans ce Monde et correspondent en ordre inverse aux trois Créations Prakritiques durant la Période Primaire de l'activité de Brahma. De même que durant cette Période, suivant les paroles de la Vishnou Pourâna, "la première création fut celle de Mahat ou de l'Intellect... la seconde fut celle des principes rudimentaires (Tanmâtras)... la troisième fut... la création des sens (Aindriyaka)" 358, de même durant celle-ci, l'ordre des Forces Elémentales est le suivant :

  1. les centres naissants de Force, intellectuelle et physique ;
  2. les Principes rudimentaires, la force nerveuse, pour ainsi dire, et
  3. l'Aperception naissante qui est le Mahat des règnes inférieurs et qui est surtout développée dans le troisième ordre des Elémentals ; à ceux-ci succède le règne objectif  des minéraux, dans lequel cette "aperception" est entièrement latente, pour ne se développer de nouveau que dans les plantes. La Création Moukhya est donc le point médian entre les trois règnes inférieurs et les trois règnes supérieurs, ce qui représente les sept règnes ésotériques du Cosmos et de la Terre.[II 190]

 

 Cinquième Création : La Création Tiryaksrotas  (ou Tairyagyonya) 359, celle des "animaux (sacrés)",  correspondant, sur la Terre, uniquement à la création des bêtes muettes. Ce que l'on veut dire par "animaux" dans la Création primaire, est le germe de la conscience qui s'éveille ou de "l'aperception" que l'on peut faiblement constater chez quelques plantes sensitives sur Terre et plus distinctement chez la Monère protistique 360. Sur notre Globe, pendant la Première Ronde, la "création" animale précède celle de l'homme, tandis que les mammifères évoluent de l'homme dans notre Quatrième Ronde, sur le plan physique. Dans la Première Ronde les atomes animaux sont attirés dans une cohésion de forme humaine physique, tandis que dans la Quatrième le contraire a lieu, suivant des conditions magnétiques développées pendant la vie. C'est là la métempsychose" 361. Cette cinquième Phase de l'Evolution, appelée exotériquement la "Création", peut être considérée, dans la Période Primaire et dans la Secondaire, comme étant, dans l'une Spirituelle et Cosmique et dans l'autre matérielle et terrestre. C'est l'archebiose ou l'origine de la vie ; "origine", bien entendu, en ce qui concerne la manifestation de la vie sur l'ensemble des sept plans. C'est durant cette période de l'Evolution que le mouvement universel absolument éternel ou la vibration, ce que l'on appelle dans le langage Esotérique le GRAND SOUFFLE, se différencie pour devenir l'ATOME primordial, le premier manifesté. De jour en jour, à mesure que la science physique et chimique fait des progrès, cet axiome Occulte trouve sa corroboration dans le monde du savoir ; l'hypothèse scientifique d'après laquelle les éléments les plus simples de la matière sont eux-mêmes identiques dans leur nature et ne diffèrent l'un de l'autre que par suite de la répartition variable des atomes dans la molécule ou le fragment de substance, ou des modes de sa vibration atomique, gagne tous les jours du terrain.

359 Le professeur Wilson traduit comme si les animaux étaient plus élevés sur l'échelle de la "création" que les divinités ou les anges, bien que la vérité touchant les Dévas soit très clairement expliquée plus loin. Cette "création", dit le texte, est à la fois Primaire (Prâkrita) et Secondaire (Vaikrita). Elle est Secondaire en ce qui concerne l'origine des Dieux issus de Brahma, le créateur personnel anthropomorphe de notre univers matériel ; elle est Primaire en ce qui concerne Roudra qui est la production immédiate du Premier Principe. Le terme de Roudra n'est pas seulement un titre de Shiva, mais il comprend aussi les agents de la création, les anges et les hommes, comme nous le montrerons plus loin.

360 Ni plante, ni animal, mais une existence entre les deux.

361 Five Years of Theosophy, p. 276, art. "Mineral Monad".

 

Ainsi, comme la différenciation du germe primordial de la vie doit précéder l'évolution du Dhyân-Chohan du Troisième [II 191] Groupe ou Hiérarchie d'Etre, dans la Création Primaire, avant que ces Dieux puissent être incorporés dans leur première forme (roupa) éthérée, de même et pour la même raison, la création animale doit précéder "l'homme divin" sur Terre. C'est pourquoi nous lisons dans les Pourânas "que la cinquième création, ou Création Tairyagyonya, fut celle des animaux".

Sixième Création : La Création Ourdhvasrotas, ou celle des Divinités, mais ces Divinités ne sont que les Prototypes de la Première Race, les Pères de leur progéniture "née du mental" avec des "os tendres". Ce sont ceux-ci qui évoluèrent les "Nés-de-la- Sueur", expression qui est expliquée dans le volume III.

["Les êtres créés", explique la Vishnou Pourâna, "bien qu'ils soient détruits [dans leurs formes individuelles] aux époques de dissolution, sont cependant affectés par les actes bons  ou mauvais de leurs existences antérieures et n'échappent jamais à leurs conséquences. Lorsque Brahma reproduit le monde, ils deviennent les enfants de sa volonté."

"Rassemblant son esprit en lui-même [par la volonté du Yoga], Brahma crée les quatre Catégories d'Etres nommés les Dieux, les Démons, les PROGENITEURS et les HOMMES." Progéniteurs signifie ici les Prototypes et les Auteurs de la première Race- Racine des hommes. Les Progéniteurs sont les Pitris et sont divisés en Sept Classes. Dans la mythologie exotérique, ils sont représentés comme nés du flanc de Brahma, comme Eve de la côte d'Adam.]

Après la Sixième Création et pour clore la "Création", en général, vient enfin :

Septième Création : L'évolution des Etres Arvâksrotas, "qui fut... celle de l'homme".

 La "Huitième Création", dont il a été fait mention, n'est pas une Création du tout : c'est un "masque", car elle a trait à un processus, purement mental, la connaissance de la "Neuvième Création" qui, à son tour, est un effet, se manifestant durant la Création Secondaire, de ce qui fut une "Création" durant la Primaire (Prâkrita) 362 La Huitième appelée Anougraha, la Création Pratyayasarga ou intellectuelle des Sankhyas 363, est donc "la création dont nous avons une idée [sous son aspect ésotérique] ou à laquelle nous donnons un consentement intellectuel (Anougraha), par opposition à [II 192] la création organique". C'est la perception correcte de nos relations avec l'ensemble des "Dieux" et surtout de celles que nous avons avec les Koumâras, la prétendue "Neuvième Création", qui est en réalité un aspect ou une réflexion de la Sixième dans notre Manvantara (le Vaivasvata). "Il y en a une neuvième, la Création Koumâra, qui est à la fois primaire et secondaire", dit la Vishnou Pourâna, le plus ancien des textes de ce genre 364. Ainsi que l'explique un texte Esotérique :

Les Kumâras sont les Dhyânis, dérivés immédiatement du Principe suprême, qui apparaissent de nouveau durant la période de Vaivasvata Manou, pour le progrès de l'humanité 365.

Le traducteur de la Vishnou Pourânacorrobore cette assertion en disant que "ces sages... vivent aussi longtemps que Brahma et ils ne sont créés par lui que durant le premier Kalpa, bien que leur génération soit souvent placée, à tort, dans le Kalpa [Secondaire] Vârâha ou Pâdma". Les Koumâras sont donc, exotériquement, "la création de Roudra  ou Nîlalohita, une forme Shiva, par Brahmâ... et celle de certains autres fils nés du mental de Brahmâ". Dans l'enseignement Esotérique, au contraire, ce sont les Progéniteurs du vrai soi spirituel dans l'homme physique, les Prajâpatis supérieurs, tandis que les Pitris, ou Prajâpatis inférieurs, ne sont autre chose que les pères du modèle, ou type de sa forme physique, fait "à leur image". Quatre (et parfois cinq) sont mentionnés librement dans les textes exotériques, car trois des Koumâras sont secrets.

362 "Ces notions, dit le professeur Wilson, de la naissance de Roudra et des saints, semblent avoir été empruntées aux Shaivas et avoir été greffées maladroitement sur le système Vaishnava." On aurait dû consulter la signification ésotérique avant de hasarder une telle hypothèse.

363 Voir la Sânkhya Kârikâ, v, 46, p. 146.

364 Parâshara, le Richi védique, qui reçut la Vishnou Pourânade Poulastya et l'enseigna à Maitreya, est placé par les Orientalistes à diverses époques. Comme on le fait correctement observer dans le Hindû Classical Dictionary : "Les diverses théories au sujet de son ère diffèrent grandement, de 575 av. J.-C. à 1391 av. J.-C., et on ne peut s'y fier". C'est exact, mais ces dates ne sont pas moins dignes de foi que n'importe quelles autres données par les sanscritistes, si fameux au point de vue de la fantaisie arbitraire.

365 Il est possible qu'ils marquent, en effet, une "création spéciale" ou extra, puisque ce sont eux qui, en s'incarnant dans les coques humaines insensibles des deux premières Races-Racines et d'une grande partie de la Troisième Race-Racine, créent, pour ainsi dire, une nouvelle race ; celle des hommes, pensants, conscients et divins.

 

["Les quatre Koumâras [sont] les Fils nés du mental de Brahma. Quelques-uns en indiquent sept" 366. Tous ces sept Vaidhâtra, nom patronymique des Koumâras, les "Fils du Constructeur", sont mentionnés et décrits dans la Sânkhya Kârikâ d'Ishvara Krishna avec le commentaire de Gaudapâdâchârya (le Paragourou de Shankarâchârya) qui y est joint. On y discute la nature des Koumâras ; bien que l'on évite de [II 193] les mentionner tous les sept par leurs noms et que l'on préfère les appeler les "sept fils de Brahma", ce qu'ils sont en effet, puisqu'ils sont créés par Brahma dans Roudra. La liste des noms qu'on nous y donne  est  la suivante : Sanaka, Sanandana,  Sanâtana,  Kapila,  Ribhou  et Panchashikha 367. Ce ne sont toutefois que des masques.]

366 Dictionnaire classique hindou (Hindù Classical Dictionary).

367 [La liste réelle est Sanaka – Sanandana, Sanâtana, Azouri, Kapila, Borhou et Panchashika. Voir le Commentaire de Gaudapâda, V. 1.]

 

Les quatre exotériques sont Sanatkoumâra, Sananda, Sanaka et Sanâtana et les trois ésotériques Sana, Kapila et Sanatsoujâta.  Nous attirons spécialement l'attention sur cette classe de Dhyân-Chohans, car c'est ici que se trouve le mystère de la génération et de l'hérédité dont on donne un aperçu dans le commentaire sur la STANCE VII en traitant des Quatre Ordres d'Etres angéliques. Le volume III explique leur  position dans la Hiérarchie Divine. En attendant, voyons ce que disent d'eux les textes exotériques.

Ils en disent peu de chose et, pour celui qui n'arrive pas à lire entre les lignes, rien. "Il nous faut recourir ici à d'autres Pourânas pour avoir l'explication de ce terme", fait remarquer Wilson, qui ne se doute pas un seul instant qu'il se trouve en présence des "Anges des Ténèbres", le "grand ennemi" mythique de son Eglise. Il se borne donc à chercher à établir que "ces [divinités] refusant de procréer [et se révoltant donc contre Brahma] restèrent, comme l'implique le nom du premier [Sanatkumâra], toujours  des  adolescents,  des  Koumâras,  c'est-à-dire  toujours purs et innocents, ce qui fit donner à leur création le nom de création Kaumâra". Les Pourânas, pourtant, peuvent nous apporter un peu plus de lumière. "Etant toujours tel qu'il est né, il est appelé ici un adolescent, aussi connaît- on bien son nom comme étant Sanatkoumâra 368." Dans les Shaiva- Pourânas, on parle toujours des Koumâras comme de Yogis. La Kourma Pourâna, après les avoir énumérés, dit : "Ces cinq, ô Brahmanes, furent des Yogis qui avaient acquis une exemption entière de la passion." Ils sont cinq parce que deux des Koumâras churent.

[Quelques-unes des traductions des Orientalistes sont si peu dignes de foi que, dans la traduction française de la Harivamsha, il est dit : "Les sept Prajâpatis, Roudra, Skanda (son fils) et Sanatkoumâra commencèrent à créer des êtres", tandis que le texte dit, comme le montre Wilson : "Ces sept... créèrent des descendants ; Roudra fit ainsi, mais Skanda et Sanatkoumâra, restreignant leur pouvoir, s'abstinrent (de la création)." On parle quelquefois des "quatre ordres d'êtres" comme d'Ambhâmsi que Wilson traduit par "littéralement les Eaux" et qu'il croit être un "terme mystique". C'en est [II 194] un, sans aucun doute, mais il est évident qu'il n'a pas pu comprendre la vraie signification Esotérique. "Les Eaux" et "l'Eau" sont le symbole de l'Akâsha, "l'Océan Primordial de l'Espace", sur lequel Nârâyana, l'Esprit auto-généré, se meut appuyé sur ce qui est sa progéniture 369. "L'Eau est le corps de Nara ; c'est ainsi que nous avons entendu expliquer ce nom d'Eau. Parce que Brahma se repose sur l'Eau, on le nomme Nârâyana. 370" "Pur lui-même, Pourousha créa les Eaux pures." L'Eau est en même temps le troisième Principe du Cosmos matériel et troisième du royaume de l'Esprit ; l'Esprit du Feu, de la Flamme, de l'Akâsha, de l'Ether, de l'Eau, de l'Air et de la Terre constitue les principes cosmiques sidéraux, psychiques, spirituels et mystiques éminemment occultes sur chaque plan de l'Etre. "Les Dieux, les Démons, les Pitris et les Hommes" sont les quatre ordres auxquels s'applique le terme d'Ambhâmsi, parce qu'ils sont le produit des eaux (au point de vue mystique) de l'Océan Akâshique et du Troisième principe de la Nature. Dans les Védas, c'est un synonyme de Dieux. Les Pitris et les Hommes sur Terre sont les transformations ou les renaissances de Dieux et de Démons (Esprits) sur un  plan  supérieur.  L'Eau  est,  dans  un  autre  sens,  le  principe féminin.

 368 Linga Pourâna. Première section, LXX, 174.

369 Voir Lois de Manou, I, 10.

370 Voir les Linga, Vâyou et Mârkandeya Pourânas.

  

Vénus Aphrodite est la personnification de la Mer, la Mère du Dieu de l'Amour, la Génératrice de tous les Dieux, de même que la Vierge Marie des Chrétiens est Mare, la mer, la Mère du Dieu d'amour de l'Occident, de la Miséricorde et de la Charité. Si celui qui étudie la Philosophie Esotérique réfléchit profondément sur ce sujet, il remarquera certainement combien le terme Ambhâmsi est suggestif, dans ses multiples relations avec la Vierge du Ciel, avec la Vierge Céleste des Alchimistes et même avec les "Eaux de la Grâce" des Baptistes modernes.]

Parmi toutes les sept grandes divisions des Dhyân-Chohans ou Dévas, il n'en est aucune qui ait plus de rapports avec l'humanité que les Koumâras. Les Théologiens chrétiens qui les ont abaissés an rang d'Anges déchus et les appellent maintenant Satan et Démons, sont imprudents,  car il faut réserver, au milieu de ces habitants du ciel qui refusent de créer, une place très importante à l'Archange Michel, le plus grand Saint patron des Eglises Orientales et Occidentales, tant sous son nom de saint Michel que sous celui de saint Georges, vainqueur du DRAGON, qui est supposé en être le sosie terrestre.

Les Koumâras, les "Fils du Mental" de Brahma-Roudra ou de Shiva, au point de vue mystique le destructeur, hurlant et terribles des passions humaines et des sens physiques qui [II 195] s'opposent toujours au développement des perceptions spirituelles supérieures et à la croissance de l'homme interne éternel, sont les enfants de Shiva, le Mahâyogi, le grand patron de tous les Yogis et de tous les Mystiques de l'Inde.

[Shiva-Roudra est le destructeur, comme Vishnou est le Conservateur et tous les deux sont les régénérateurs de la Nature spirituelle, aussi bien que physique. Pour vivre comme plante, il faut que la semence meure. Pour vivre en qualité d'entité consciente dans l'Eternité, il faut que les passions et les seps de l'homme MEURENT avant son corps. Le dicton "vivre c'est mourir et mourir c'est vivre", a été trop peu compris en Occident. Shiva, le destructeur, est le créateur et le Sauveur de l'Homme Spirituel, de même qu'il est le bon jardinier de la Nature. Il arrache les plantes, humaines et cosmiques, et tue les passions de l'homme physique afin de faire vivre les perceptions de l'homme spirituel.]

Il en résulte que les Koumâras, qui sont les "Ascètes  Vierges", refusent de créer l'être matériel appelé l'HOMME. On a raison de soupçonner un lien direct entre eux et  l'Archange Chrétien Michel, "l'Adversaire Vierge" du Dragon Apophis dont toute Ame qui est trop faiblement unie à son Esprit immortel est la victime, l'Ange qui, ainsi que le prouvent les Gnostiques, refusa de créer, exactement comme le firent les Koumâras. Cet Ange protecteur des juifs ne préside-t-il pas à Saturne (Shiva ou Roudra), et au Sabbat jour de Saturne ? Ne le dépeint-on pas comme étant de la même essence que son Père (Saturne) et ne l'appelle-t- on pas le Fils du Temps, Cronos, ou Kâla (le temps), une des formes de Brahma (Vishnou et Shiva) ? Le "Vieux Temps" des Grecs, avec sa faux et son sablier, n'est-il pas identique à "l'Ancien des Jours" des Cabalistes, cet "Ancien" ne faisant qu'un avec l'Ancien des Jours de l'Hindou, Brahmâ (sous sa triple forme), dont le nom est aussi Sanat l'Ancien ? Tout Koumâra porte le préfixe de Sanat et de Sana 371. Shanaishchara  est Saturne, la planète Shani, le Roi Saturne, dont le Secrétaire en Egypte était le premier Thot-Hermès. Ils sont donc identifiés avec la planète comme avec le Dieu (Shiva) et ceux-ci sont, à leur tour, dépeints comme étant les prototypes de Saturne, qui n'est autre que Bel, Baal, Shiva et Jéhovah Sabaoth, dont l'Ange de la Face est Michel – לאכימ 372 "qui [est] comme Dieu". C'est le patron et l'Ange gardien des Juifs, comme nous  le dit Daniel 373 et avant que les Koumâras ne fussent rabaissés, par ceux qui ignoraient jusqu'à leur nom, au rang de Démons et d'Anges Déchus, les Ophites grecs, les prédécesseurs [II 196] et les précurseurs à tendances occultes de l'Eglise Catholique Romaine, après sa scission et sa séparation d'avec l'Eglise Grecque primitive, avaient identifié Michel avec leur Orphiomorphos, l'esprit rebelle et contraire. Ceci ne signifie pas autre chose que l'aspect inversé, au point de vue symbolique d'Ophis, la Sagesse Divine ou Christos. Dans le Talmud, Michel est le "Prince de l'Eau" et le chef des Sept Esprits, pour la même raison qu'un de ses nombreux prototypes, Sanatsoujâta, le chef des Koumâras, est appelé Ambhâmsi, "les Eaux", d'après le commentaire de la Vishnou Pourâna. Pourquoi ? Parce que les "Eaux" sont un autre nom donné au "Grand Abîme", les Eaux primordiales de l'Espace ou Chaos et signifient aussi Mère Ambâ, qui veut dire Aditi et Akâsha, la Vierge-Mère Céleste de l'Univers visible. En outre, les "Eaux du Déluge" sont aussi appelées le "GRAND DRAGON" ou Ophis, Ophiomorphos.

 371 [Sanat, épithète de Brahman.]

372 L'Ange dont le visage est MICHEL, dit le texte de l'édition de 1888.

373 Voir Chap. XII, 1.

  

On parlera des Roudras et de leur caractère septénaire "d'Esprits du Feu", dans le "Symbolisme" annexé aux STANCES dans le volume III. Nous y examinerons aussi la Croix (3 + 4) sous sa forme primordiale et sous ses formes ultérieures et nous nous servirons, pour établir une comparaison, des nombres pythagoriciens rapprochés de la métrologie hébraïque. L'immense importance du nombre sept sera mise ainsi en évidence, comme étant le nombre racine de la Nature. Nous l'étudierons en nous plaçant au point de vue des Védas et des Ecritures saintes Chaldéennes, tel qu'il a existé en Egypte des milliers d'années avant Jésus- Christ et tel qu'il est interprété dans les archives Gnostiques ; nous démontrerons à quel point son importance, comme nombre fondamental, a été peu à peu reconnue par la Science Physique, et nous nous efforcerons de prouver que l'importance attachée au nombre sept durant toute l'antiquité, n'était pas due à l'imagination fantaisiste de prêtres sans instruction, mais à une profonde connaissance de la Loi Naturelle.

 [II 197]