SECTION II

LES PHYSICIENS MODERNES JOUENT A COLIN-MAILLARD

 

L'Occultisme pose maintenant à la Science la question suivante : La lumière est-elle un corps ou ne l'est-elle pas ? Quelle que soit la réponse de la Science, l'Occultisme est prêt à montrer que, jusqu'à présent, les Physiciens les plus éminents n'en savent réellement rien. Pour savoir ce qu'est la lumière et si c'est une substance réelle ou une simple ondulation du "milieu éthéré", il faut d'abord que la science apprenne ce que sont en réalité la Matière, l'Atome, l'Ether et la Force. La vérité est qu'elle ne sait rien de tout cela et qu'elle reconnaît son ignorance. Elle ne s'est même pas encore mise d'accord sur ce qu'il faut croire ; car des douzaines d'hypothèses sur le même sujet, émanant de divers Savants éminents, sont opposées l'une à l'autre et se contredisent souvent elles-mêmes. Leurs doctes théories peuvent donc, avec un peu de bonne volonté, être acceptées comme "hypothèses de travail" dans un sens secondaire, comme dit Stallo. Mais, étant au fond opposées l'une à l'autre, elles doivent finir par se détruire mutuellement. Comme le déclare l'auteur des Concepts of Modern Physics :

Il ne faut pas oublier que les diverses branches de la science ne sont que des divisions arbitraires de la science en général... Dans ces diverses branches, le même objet physique peut être examiné sous des aspects différents. Le physicien peut étudier ses relations moléculaires, tandis que le chimiste détermine sa constitution atomique. Mais lorsqu'ils ont tous deux affaire au même élément ou agent, celui-ci ne peut avoir certaines propriétés physiques et d'autres propriétés chimiques en contradiction avec elles. Si le physicien et le chimiste admettent tous deux l'existence d'atomes ultimes absolument invariables en volume et en poids, un de ces atomes ne peut être un cube ou un sphéroïde aplati pour les besoins de la physique et une sphère pour les besoins de la chimie. Un groupe d'atomes constants ne peut être un agrégat de masses étendues, absolument inertes et impénétrables, dans un creuset ou une cornue et un système de simples centres de forces, lorsqu'il fait partie d'un aimant ou d'une pile Clamond. L'æther universel ne peut être mou et mobile pour plaire au chimiste et élastico-rigide pour satisfaire le physicien ; il ne peut être continu [II 223] sur l'ordre de Sir William Thomson et discontinu à la requête de Cauchy ou de Fresnel 409.

409 Concepts of Modern Physies, pp. XI, XII, Introduction de la seconde édition.

 

Nous pouvons également citer l'éminent Physicien G. A. Hirn comme disant la même chose dans le quarante-troisième Volume des Mémoires de l'Académie Royale de Belgique.

Lorsque l'on voit l'assurance avec laquelle on affirme aujourd'hui des doctrines qui attribuent la collectivité, l'universalité des phénomènes, aux mouvements seuls de l'atome, on est en droit de s'attendre à trouver la même unanimité en ce qui concerne les qualités attribuées à cet être unique, base fondamentale de tout ce qui existe. Or, au premier examen des systèmes spéciaux qui sont proposés, on éprouve la plus étrange déception, on constate que l'atome du chimiste, l'atome du physicien, celui du métaphysicien et celui du mathématicien... n'ont absolument de commun que le nom ! L'inévitable résultat, c'est la subdivision actuelle de nos sciences qui, cantonnées chacune sur son propre terrain, construisent un atome qui satisfait aux desiderata des phénomènes qu'elles étudient, sans se soucier le moins du monde des desiderata que réclament les phénomènes du terrain voisin. Le métaphysicien repousse, comme des rêves, les principes de l'attraction et de la répulsion : le mathématicien, qui analyse les lois de l'élasticité et celles de la propagation de la lumière, les admet implicitement, sans même les nommer... Le chimiste ne peut expliquer le groupement des atomes en molécules souvent compliquées, sans attribuer à ses atomes des qualités spécifiques qui les distinguent ; pour le physicien et le métaphysicien, partisans des doctrines modernes, l'atome est, au contraire, partout et toujours le même. Que dis- je ? Il n'y a même pas d'accord dans une seule et même science, au sujet des propriétés de l'atome. Chacun construit un atome suivant sa fantaisie, afin d'expliquer un phénomène spécial qui l'intéresse  tout particulièrement 410.

Ce qui précède est un portrait, exact comme une photographie, de la Science Moderne et de la Physique. Les "exigences de cet incessant déploiement d'imagination scientifique" que l'on retrouve si souvent dans les éloquents discours du professeur Tyndall, sont vraiment multiples, comme le démontre Stallo et, au point de vue des variétés contradictoires, laissent loin derrière elles toutes les "fantaisies" de l'Occultisme. Quoi qu'il en soit, s'il est admis que les théories physiques ne sont que des "explications de pure forme, des artifices didactiques" et si, pour nous [II 224] servir des mots qu'emploie l'un des critiques de  Stallo, "l'atomisme n'est qu'un système symbolique et graphique" 411, il en résulte que l'on peut difficilement prétendre que l'Occultiste va trop loin, lorsqu'il range, à côté de ces "artifices" et de ces "systèmes symboliques" de la Science Moderne, les symboles et les artifices des Enseignements Archaïques.

410 "Recherches expérimentales sur la relation qui existe entre la résistance de l'air et sa température", p. 68, citation de Stallo.

411 De la Critique des Concepts of Modern Physics dans Nature. Voir l'ouvrage de Stallo, p. Xvi de l'introduction. [Les critiques auxquelles il est fait référence sont dans Nation de New York et non dans Nature. Ed.]

 

"AN LUMEN SIT CORPUS NEC NON ?"

"LA LUMIERE EST-ELLE UN CORPS OU NON ?"

Très certainement la lumière n'est pas un corps, nous dit-on. Les Sciences Physiques disent que la lumière est une force, une vibration, l'ondulation de l'Ether. C'est la propriété ou la qualité de la Matière, ou même une inclination de celle-ci, mais jamais un corps !

Précisément. Cette découverte, quelle qu'en soit la valeur, c'est-à-dire le fait de savoir que la lumière ou le calorique n'est pas un mouvement de particules matérielles, la science la doit uniquement à Sir William Grove. Ce fut lui qui, dans une conférence faite à la London Institution, en 1842, fut le premier à démontrer que la "chaleur et la lumière 412 peuvent être considérées comme des affections... de la matière elle-même et non pas comme un fluide distinct, éthéré [impondérable] [un état de la matière maintenant], qui la pénétrerait" 413. Il se peut, cependant,  que, pour quelques Physiciens (comme pour  Œrsted,  un  savant  très  éminent), la [II 225] FORCE et les FORCES aient été tacitement "l'Esprit [et, par conséquent, des Esprits] dans la Nature". Un certain nombre de Savants d'une tournure d'esprit plutôt mystique, enseignaient que la lumière, la chaleur, le magnétisme, l'électricité, la pesanteur, etc., n'étaient pas des causes finales des phénomènes visibles, y compris le mouvement planétaire, mais étaient eux-mêmes les effets secondaires d'autres causes, dont la Science de nos jours se soucie fort peu, mais auxquelles croit l'Occultisme, car les Occultistes ont produit à toutes les époques des preuves à l'appui de la validité de leurs thèses. Or, à quelle époque n'y a-t- il eu ni Occultistes ni ADEPTES ?

Sir Isaac Newton soutenait la théorie corpusculaire des Pythagoriciens et était aussi porté à en admettre les conséquences, ce qui fit espérer, à un certain moment, au comte de Maistre, que Newton finirait par amener la Science à reconnaître de nouveau le fait que les Forces et les Corps Célestes étaient mus et dirigés par des Intelligences 414. Mais de Maistre comptait sans son hôte. Les pensées et les idées les plus intimes de Newton étaient faussées et ce ne fut que la simple écorce physique de sa grande érudition mathématique qui fut mise à profit.

 412 M. Robert Ward, discutant les questions de chaleur et de lumière dans le Journal of Science de novembre 1881, nous prouve jusqu'où va l'ignorance de la Science au sujet d'un des faits les plus ordinaires de la Nature – la chaleur du soleil. Il dit : "La question de la température du soleil a été l'objet des recherches de bien des savants ; Newton, l'un des premiers investigateurs de ce problème, cherche à le résoudre et, après lui, tous les savants qui se sont occupés de la calorimétrie ont suivi son exemple. Tous ont cru avoir réussi et ont formulé avec une grande confiance les résultats qu'ils ont obtenus. Voici, en suivant l'ordre chronologique de la publication des résultats, les températures (en degrés centigrades) trouvés par chacun d'eux : Newton, 1.699.300 ; Pouillet, 1.461 ; Tollner, 102.200 ;  Secchi,  5.344.840 ;  Ericsson,  2.726.7000 ;  Fizeau,  7.500 ;  Waterston,  9.000.000 ;

Spoëren, 27.000 ; Deville, 9.500 ; Soret, 5.801.846 ; Vicaire, 1.500 ; Rosetti, 20.000°. La différence varie de 1.400, à 9.000.000°, c'est-à-dire ne s'élève pas à moins de 8.998.600 ! Il n'existe probablement pas dans la science de contradiction plus surprenante que celle que révèlent ces chiffres." Il est pourtant hors de doute que si un Occultiste s'avisait de formuler une estimation, chacun de ces messieurs protesterait avec véhémence au nom de la science "exacte" contre la mise à l'écart de son propre résultat.

413 Voir Correlation of the Physical Forces, préface, p. XIII.

414 Soirées, vol. II (p. 317 et la note p. 355).

 

 [D'après un Idéaliste athée, le docteur Lewins :

Lorsque Sir Isaac, en 1687... prouva que les masses et l'atome étaient mis en action... par une activité qui leur était inhérente... il mit effectivement de côté l'Esprit, Anima ou la divinité, comme surérogatoires.]

Si le pauvre Sir Isaac avait prévu quel usage ses successeurs et ses disciples feraient de sa "pesanteur", cet homme pieux et religieux aurait certes mangé tranquillement sa pomme et n'aurait jamais soufflé mot des théories mécaniques rattachées à sa chute.

Les Savants témoignent un grand mépris pour la Métaphysique, en général, et pour la Métaphysique Ontologique, en particulier, mais dès que les Occultistes sont assez hardis pour relever leur tête amoindrie, nous constatons que la Science Matérialiste et Physique est saturée de Métaphysique 415, que ses principes les plus   fondamentaux, bien qu'inséparablement [II 226] liés au transcendantalisme, n'en sont pas moins, dans le but d'établir que la Science moderne a rompu avec de pareils "songes", torturés et souvent ignorés au milieu du labyrinthe des théories et des hypothèses contradictoires. Une excellente corroboration de cette accusation gît dans le fait que la Science se trouve  absolument obligée d'accepter l'Ether "hypothétique" et de chercher à l'expliquer en restant sur le terrain matérialiste des lois atomo-mécaniques. Cet essai a directement abouti aux contradictions les plus fatales et aux inconséquences les plus radicales, entre la nature supposée de l'Ether  et son comportement physique. Une autre preuve résulte des nombreuses déclarations contradictoires au sujet de l'Atome – l'objet le plus métaphysique de la création.

415 L'ouvrage de Stallo que nous avons cité plus haut, les Concepts of Modern Physics, volume qui a provoqué les protestations et les critiques les plus ardentes, est recommandé à tous ceux qui seraient portés à douter de cette affirmation. "L'antagonisme dont la science fait preuve envers les théories métaphysiques, écrit-il, a amené la majorité des savants spécialistes à admettre que les méthodes et les résultats des recherches empiriques sont entièrement indépendants du contrôle des lois de la pensée. Ils passent sous silence ou repoussent ouvertement les règles les plus simples de la logique, y compris les lois de la non-contradiction... éprouvent le plus violent ressentiment, chaque fois que l'on applique les règles de consistance à leurs hypothèses et à leurs théories... et ils (en) considèrent l'examen... en vertu de ces lois, comme l'impertinente intrusion de principes et de méthodes a priori dans le domaine de la science empirique. Les personnes qui ont l'esprit ainsi tourné, n'éprouvent aucune difficulté à prétendre que les atomes sont absolument inertes et à soutenir en même temps que ces atomes sont parfaitement élastiques ; à affirmer que l'analyse finale de l'univers physique le réduit à de la matière "morte" et à du mouvement tout en niant que l'énergie physique soit toujours, en réalité, cinétique ; à proclamer que toutes les différences phénoménales dans le monde objectif sont finalement dues aux mouvements divers d'unités matérielles absolument  simples et, néanmoins, à repousser l'idée que ces unités sont égales." (p. XIX.) L'aveuglement de certains Physiciens éminents, au sujet de quelques-unes des conséquences les plus évidentes de leurs théories, est étonnant. "Lorsque le professeur Tait, d'accord avec le professeur Stewart, annonce que "la matière est tout simplement passive" (The Unseen Universe, sec. 104), puis, d'accord avec Sir Willam Thomson, qu'il déclare que la matière possède un pouvoir qui lui est inhérent pour résister aux influences externes (Treat on Nat. Phil., vol. I, Sec. 216), il ne saurait guère être impertinent de demander comment ont peut concilier ces affirmations. Lorsque le professeur du Bois Reymond... insiste sur la nécessité de réduire tous les processus de la nature aux mouvements d'un substratum substantiel et indifférent, entièrement dépourvus de qualité (Ueber die Grenzen des Naturerkennens, p. 5), après avoir déclaré quelques instants auparavant, au cours de la même conférence, que résoudre tous les changements qui se produisent dans le monde matériel aux mouvements d'atomes, produits par leurs forces centrales constantes, serait compléter la science naturelle, nous nous trouvons plongés dans une perplexité dont nous avons le droit d'être délivrés." (Préf. XLIII.)

 

Que sait donc la science Physique moderne au sujet de l'Æther, dont la conception première appartient sans conteste aux Philosophes anciens, car les Grecs l'ont empruntée aux Aryens et l'origine de l'Æther moderne prend naissance dans [II 227] l'AKASHA, après avoir été déformée ? On prétend que cette déformation est une modification et un perfectionnement  de l'idée de Lucrèce. Examinons donc le concept moderne, en l'étudiant dans plusieurs volumes scientifiques qui contiennent les aveux des Physiciens eux-mêmes.

Comme le montre Stallo, l'existence de l'Ether est acceptée par l'Astronomie Physique, la Physique ordinaire et la Chimie.

Les astronomes considéraient, à l'origine, cet æther comme un fluide d'une mobilité et d'une ténuité extrêmes, n'offrant aucune résistance sensible aux mouvements des corps célestes et la question de sa continuité ou de sa discontinuité n'était pas sérieusement posée. Sa principale fonction, dans  l'astronomie moderne, a été de servir de base aux théories hydrodynamiques de la gravitation. En physique, ce fluide joua pendant quelque temps plusieurs rôles, en commun avec les "impondérables" [si cruellement mis à mort par Sir William Grove] et quelques physiciens allèrent jusqu'à l'identifier avec un ou plusieurs d'entre eux 416.

 416 Stallo, loc. cit., p. IX.

 

Stallo fait alors remarquer les modifications causées par les théories Cinétiques ; par exemple que depuis l'adoption de la théorie dynamique de la chaleur, l'Ether fut choisi, en Optique, comme substratum des ondulations lumineuses. Ensuite, afin d'expliquer la dispersion et la polarisation de la lumière, les Physiciens durent faire, une fois de plus, appel à leur "imagination scientifique" et dotèrent immédiatement l'Ether :

  1. d'une structure atomique ou moléculaire et
  2. d'une élasticité énorme "telle que sa résistance à la déformation surpassait de beaucoup celle des corps élastiques les plus rigides".

Cela rendit nécessaire la théorie de la discontinuité essentielle de la Matière et, par conséquent, de l'Ether. Après avoir accepté cette discontinuité, afin d'expliquer la dispersion et la polarisation, on découvrit des impossibilités théoriques à cette dispersion. "L'imagination scientifique" de Cauchy vit dans les Atomes "des points matériels sans extension" et il proposa, afin de détruire les obstacles les plus formidables qui s'opposaient à la théorie ondulatoire (entre autres quelques théorèmes de mécanique très connus qui barraient la route), d'admettre que le milieu éthéré de propagation, au lieu d'être continu, serait formé par des particules, séparées par des distances appréciables. Fresnel rendit le même service aux phénomènes de la polarisation. E. B. Hunt renversa les théories de ces deux savants 417. Il y a maintenant des hommes de Science qui les proclament "matériellement fausses", tandis que d'autres – les fervents de la théorie atomo-mécanique – s'y cramponnent avec une ténacité désespérée. La supposition que l'Ether possède une [II 228] constitution atomique ou moléculaire est détruite, en outre, par la théorie thermodynamique, car Clerk Maxwell a démontré qu'un tel milieu ne serait autre qu'un gaz 418. L'hypothèse "des intervalles limités" est, par conséquent, prouvée comme ne servant à rien en tant que supplément de la théorie ondulatoire. De plus, les éclipses ne révèlent aucune des variations de couleurs que supposait Cauchy, en se basant sur ce que les rayons chromatiques sont propagés avec des vélocités différentes. L'Astronomie a mis en évidence plus d'un phénomène absolument contraire à cette doctrine.

 417 Silliman's Journal. Vol. VIN, pp. 364 et seq.

418 Voir le Treatise on Electricity de Clerk Maxwell et le comparer au Mémoire sur la dispersion de la lumière de Cauchy.

 

Ainsi, tandis que dans une des branches de la Physique la constitution atomo-moléculaire de l'Ether est acceptée, afin d'expliquer un certain ordre de phénomènes, dans une autre de ses branches, on constate qu'une telle constitution est en complet désaccord avec un certain nombre de faits bien déterminés et les accusations portées par Hirn sont, par conséquent, justifiées. La Chimie considérait comme impossible d'admettre l'énorme élasticité de l'æther, sans le dépouiller des caractéristiques dont dépend, surtout, son utilité dans la constitution des théories chimiques.

Cela se termina par une transformation finale de l'Ether.

Les exigences de la théorie atomo-mécanique ont conduit des mathématiciens et des physiciens distingués  à essayer de substituer aux atomes traditionnels de matière, certaines formes de mouvements tourbillonnants se produisant dans un milieu matériel universel, homogène, incompressible et continu [l'éther] 419.

L'auteur actuel, ne prétendant pas posséder une grande instruction scientifique, mais seulement une idée générale des théories modernes et une connaissance plus approfondie des Sciences Occultes, trouve des armes contre les ennemis de l'Enseignement Esotérique dans l'arsenal même de la Science moderne. Les contradictions patentes, les hypothèses, se détruisant mutuellement, dues à des Savants d'une renommée universelle, leurs disputes, les accusations et les dénonciations qu'ils se jettent à la tête, montrent clairement que les Théories Occultes, qu'on les accepte ou non, ont autant le droit de se faire entendre que n'importe laquelle des hypothèses prétendues savantes et académiques. Il importe donc fort peu que les disciples de la Société Royale se décident à considérer l'Ether comme un fluide continu ou discontinu et cela n'a rien à faire à notre but actuel. Cela prouve simplement une chose : la Science Officielle ne sait rien jusqu'à présent au sujet de la constitution de l'Ether. Laissons la Science l'appeler Matière, si elle veut, mais on ne le trouve [II 229] dans aucun des états de la Matière qui sont connus de la Physique moderne, ni sous forme d'Akâsha ni sous forme de  l'Æther,  unique et sacré, des Grecs. C'est de la MATIERE sous un tout autre plan de la perception et d'Etre et l'on ne peut, ni l'analyser au moyen d'appareils scientifiques ni l'apprécier ou même le concevoir au moyen de "l'imagination scientifique", à moins que les possesseurs de celle-ci n'étudient les Sciences Occultes. Ce qui suit est la preuve de cette affirmation.

Stallo démontre très clairement, en ce qui concerne les problèmes cruciaux de la Physique moderne, comme l'ont également fait de Quatrefages et plusieurs autres pour ceux de l'Anthropologie, de la Biologie, etc., que dans les efforts qu'ils font pour  soutenir leurs hypothèses et leurs systèmes individuels, la plupart des Matérialistes éminents et instruits ont très souvent recours aux plus grands sophismes. Prenons pour exemple le cas suivant. La plupart d'entre eux rejettent l'action à distance [actio in distans] – qui est pour l'Occultisme un des principes fondamentaux dans la question de l'Æther ou de  l'Akâsha – tandis qu'ainsi que le fait remarquer Stallo avec raison, il n'y a pas d'action physique "qui, lorsqu'on l'examine de près, ne se résolve en actio in distans et il en donne la preuve.

419 Stallo, loc. cit., p. X.

 

Or, les arguments métaphysiques sont, d'après le professeur Lodge 420, "des appels inconscients à l'expérience" et il ajoute que si une telle expérience n'est pas concevable, c'est qu'elle n'existe pas. Voici ses propres paroles :

 Si un mental (ou un groupe) hautement développé trouve absolument inimaginable une doctrine traitant d'un sujet comparativement simple et fondamental, cela prouve... que cet état de choses inimaginable n'existe pas.

Et, là-dessus, vers la fin de sa conférence, le Professeur indique que l'explication de la cohésion, aussi bien que celle de la pesanteur "doit être cherchée dans la théorie des tourbillons d'atomes de Sir William Thomson".

Il est inutile de s'arrêter pour demander si c'est aussi à cette théorie des tourbillons d'atomes qu'il faut attribuer la chute du premier germe de vie, qu'un météore ou une comète qui passait laissa tomber sur la terre, suivant l'hypothèse de Sir William Thomson, mais on pourrait rappeler au professeur Lodge la sage critique que fit Stallo de sa conférence, dans ses Concepts of Modern Physics. Remarquant la déclaration du Professeur que nous venons de citer, l'auteur demande

Si... les éléments de la théorie des tourbillons d'atomes sont des faits résultant d'expériences familières ou même possibles ? [II 230] Car s'ils ne le sont pas, la théorie est évidemment soumise à cette même critique qui détruisit, dit-on, la supposition de l'actio in distans 421.

420 Nature, Vol. XXVII, p. 304.

 421 Op. cit., p. XXIV.

 

L'éminent critique montre ensuite clairement ce que l'Ether n'est pas et ne peut jamais être, en dépit des prétentions contraires de la science. Il ouvre ainsi largement, quoique inconsciemment peut-être, la porte à nos Enseignements Occultes. En effet, comme il le dit :

Le milieu dans lequel prennent naissance  les mouvements tourbillonnants est, sur l'affirmation même du professeur Lodge (Nature, vol. XXVII, p. 305), "un corps parfaitement homogène, incompressible et continu, qu'il est impossible de résoudre en éléments ou en atomes simples : c'est en somme un milieu continu et non pas moléculaire". Après cette déclaration, le professeur Lodge ajoute : "Il n'existe aucun autre corps dont nous puissions dire ceci, d'où il résulte que les propriétés de l'æther doivent différer quelque peu de celles de la matière ordinaire." Il semble donc que la théorie tout entière des tourbillons d'atomes, que l'on nous offre pour remplacer la "théorie métaphysique" de l'actio in distans, repose sur l'hypothèse de l'existence d'un milieu matériel qui est absolument inconnu, au point de vue expérimental, et qui possède des propriétés quelque peu différentes 422 de celles de la matière ordinaire. Par conséquent, cette théorie, au lieu d'être, comme l'on  veut nous le faire croire, la transformation d'un fait expérimental peu familier, en un fait familier, est, au contraire, la transformation d'un fait parfaitement familier, en un fait qui est non seulement peu familier, mais même entièrement inconnu, non observé et inobservable. De plus, le prétendu mouvement tourbillonnant du milieu éthéré, ou plutôt dans le milieu éthéré que l'on imagine, est... impossible, parce que "le mouvement dans un fluide parfaitement homogène, incompressible et par suite continu, n'est pas un mouvement sensible"... Il est donc manifeste... que quel que soit le point où la théorie des tourbillons d'atomes nous mènera, ce ne sera certainement pas dans la région de la physique ni dans le royaume des verae causae [causes vraies] 423. Je puis ajouter que puisque le milieu hypothétique non [II 231] différencié 424 et impossible à différencier, est évidemment une involontaire réédition de la vieille conception ontologique de l'être pur, la théorie que nous discutons possède tous les dehors d'un fantôme métaphysique insaisissable 425.

422 "Quelque peu différentes", s'écrie Stallo ! "La vraie signification de ce "quelque peu" est que ce milieu n'est nullement matériel dans aucun sens intelligible, puisqu'il ne possède aucune des propriétés de la matière." Toutes les propriétés de la matière sont le résultat de différences et de changements et l'Ether "hypothétique" que l'on décrit ici est non seulement dépourvu de différences, mais incapable de différences et de changement, au sens physique, hâtons-nous d'ajouter. Cela prouve que si l'Ether est de la "matière", il ne l'est que comme chose visible, tangible et existante, pour les sens spirituels seulement ; que c'est, en effet, un Etre, mais non pas sur notre plan – Pater Æther ou Akâsha.

423 Les verae causae de la Science Physique sont des causes mâyâviques ou illusoires pour l'Occultiste et vice versa.

424 Très "différencié" au contraire, depuis le jour où il a quitté sa condition laya.

425 Op. cit., pp. XXIV-XXVI.

 

Un "fantôme" en vérité, que l'on ne peut saisir qu'à l'aide de l'Occultisme. Entre une pareille Métaphysique scientifique et l'Occultisme, il n'y a guère qu'un pas. Les Physiciens qui croient que la constitution atomique de la Matière s'accorde avec sa pénétrabilité, n'ont pas à s'écarter beaucoup de leur route pour en arriver à expliquer les plus grands phénomènes de l'Occultisme, dont les Savants et les Matérialistes se moquent si bien maintenant. Les "points matériels sans extension" de Cauchy sont les monades de Leibnitz et sont en même temps les matériaux dont les "Dieux" et les autres Pouvoirs invisibles forment les corps dont ils se vêtent. La désintégration et la réintégration de particules "matérielles" sans extension, comme facteur principal des manifestations phénoménales, devraient se révéler très facilement comme une possibilité évidente, au moins aux rares esprits scientifiques qui acceptent la manière de voir de Cauchy. En effet, disposant de cette propriété clé la Matière qu'il appelle l'impénétrabilité, le théoricien français, considérant simplement  les Atomes comme des "points matériels exerçant l'un sur l'autre des attractions et des répulsions qui varient avec la distance qui les sépare", explique que :

Il s'ensuit que s'il plaisait à l'auteur de la nature de modifier simplement les lois suivant lesquelles les atomes s'attirent ou se repoussent les uns les autres, nous pourrions immédiatement voir les corps les plus durs se pénétrer mutuellement, les plus petites particules de matière occuper d'immenses espaces, ou les plus grandes masses se réduire aux volumes les plus petits, l'univers se concentrant, pour ainsi dire, en un seul point 426.

Et ce "point", invisible sur notre plan de perception et de matière, est pleinement visible aux yeux de l'Adepte qui peut le suivre et constater sa présence sur d'autres plans. [Pour les Occultistes qui disent que l'auteur de la Nature est la Nature elle-même, quelque chose d'indistinct et d'inséparable de la Divinité, il s'ensuit que ceux qui connaissent les lois Occultes de la Nature et qui savent comment on peut provoquer des changements et des conditions nouvelles dans l'Ether, peuvent, non pas modifier les lois, mais travailler à faire de même d'accord avec ces lois immuables.]

 426 Sept leçons de Physique Générale, p. 38 et seq. Ed. Moigno.

 [II 232]