Examen philosophique et raisonné de la Doctrine

 

1.

 

Imaginez-vous, par exemple, l'Essence unique, homogène, absolue et omniprésente, située au-dessus de l'échelon supérieur de "l'échelle des sept plans des mondes" et prête à commencer son voyage évolutif. A mesure que sa réflexion corrélative descend, elle se différencie et se transforme, d'abord en matière subjective, puis en matière objective. Appelons-la à son pôle nord, Lumière Absolue ; à son pôle sud, qui pour nous serait le quatrième échelon ou plan moyen, en commençant d'un côté ou de l'autre, nous la connaissons, au point de vue Esotérique, comme la Vie Une et Universelle. Remarquez bien la différence. En haut LUMIERE ; en bas Vie. La première est à jamais immuable, la dernière se manifeste sous les aspects d'innombrables différenciations. Suivant la loi Occulte, toutes les potentialités qui sont comprises dans le supérieur, deviennent des reflets différenciés dans l'inférieur et, suivant la même loi, rien de ce qui est différencié ne peut se mélanger à ce qui est homogène.

Rien non plus ne peut durer de ce qui vit, respire, et a son être dans les vagues bouillonnantes du monde, ou plan de la différenciation. Ainsi Bouddhi et Manas étant tous deux des rayons primordiaux de la Flamme Unique, le premier comme véhicule, oupâdhi ou vâhana de l'Essence unique et éternelle, le second comme véhicule de Mahat ou de l'Idéation Divine (Mahâ-Bouddhi dans les Pourânas) de l'Ame Universelle Intelligente – aucun des deux ne peut, comme tel, s'éteindre ou être annihilé, ni en essence ni en conscience. Mais la personnalité physique, avec son Linga Sharira et [VI 225] l'âme animale, avec son Kâma 291, le peuvent et le font. Ils naissent dans le royaume de l'illusion, et doivent s'effacer comme un nuage dans l'éternel ciel bleu.

Celui qui a lu ces Volumes avec un certain degré d'attention, doit connaître l'origine des Egos humains, appelés génériquement Monades et savoir ce qu'ils étaient avant d'être forcés de s'incarner dans l'animal humain. Les êtres divins, que leur Karma conduisit à jouer un rôle dans le drame de la vie Manvantarique, sont des entités appartenant à des mondes et à des planètes supérieurs et plus anciens, et dont le Karma n'était pas encore épuisé quand leur monde entra en Pralaya. Tel est l'enseignement, mais qu'il en soit ainsi ou non, les Egos Supérieurs sont – si on  les compare aux formes composées de poussière terrestre transitoire, que nous sommes – des Etres Divins, des Dieux, immortels durant tout le cours du Mahâmanvantara, ou durant les 311.040.000.000.000 d'années que dure l'Age de Brahmâ. Et de même que les Egos Divins, pour redevenir l'Essence Unique, ou pour être absorbés de nouveau dans l'AUM, doivent se purifier au feu de la souffrance et de l'expérience individuelle, les Egos terrestres, les personnalités, doivent aussi en faire autant, s'ils veulent participer à l'immortalité des Egos Supérieurs. Ils peuvent atteindre ce but, en broyant eux-mêmes tout ce qui ne profite qu'à la nature personnelle inférieure de leurs "moi", et en aspirant à transfuser leur Principe pensant Kâmique dans celui de l'Ego Supérieur. Nous (c'est-à-dire nos personnalités) devenons immortels par le simple fait de greffer  notre nature morale pensante sur notre Triple Monade Divine, Atmâ-Bouddhi- Manas, les trois en un, et l'un en trois (aspects). En effet, la Monade manifestée sur la terre par l'Ego incarnant, est appelée l'Arbre de la Vie Eternelle, dont on ne peut approcher qu'en mangeant le fruit de la connaissance, de la Connaissance du Bien et du Mal, ou de la GNOSE, de la Sagesse Divine.

Dans les enseignements Esotériques, cet Ego est le cinquième Principe dans l'homme. Mais l'étudiant qui a lu et compris les deux premières Instructions, en sait un peu davantage. Il n'ignore pas que le septième n'est pas un Principe humain, mais un Principe universel auquel l'homme participe ; tous les atomes physiques et subjectifs participent également de ce principe, de même que chaque brin d'herbe et que toute chose qui vit ou 291 Kâma Roûpa, le véhicule de Manas inférieur, a, dit-on, son siège dans le cerveau physique, dans les cinq sens physiques et dans tous les organes des sens du corps physique.

 

existe dans l'Espace, qu'elle en ait conscience ou non. L'étudiant sait en outre que si l'homme [VI 226] est plus étroitement rattaché à ce principe, et s'il se l'assimile avec cent fois plus de forces, c'est simplement parce qu'il est doué du plus haut état de conscience qui soit sur cette terre ; bref, parce que l'homme peut devenir un Esprit, un Déva ou un Dieu lors de sa prochaine transformation, tandis qu'une pierre, un végétal ni un animal ne le peuvent avant d'être devenu au préalable homme à leur tour.

 

2.

 

Quelles sont donc les fonctions de Bouddhi ? Sur ce plan-ci, il n'en a aucune, à moins d'être uni à Manas, l'Ego conscient. Le rapport entre Bouddhi et la divine Essence Mère, est le même que celui qui existe, selon l'Ecole Védantine, entre Moûlaprakriti et Parabrahman, ou entre Alaya, l'Ame universelle et l'Unique Esprit Eternel, ou ce qui est au-delà de l'Esprit. C'est son véhicule humain d'un degré inférieur à cet Absolu qui ne peut avoir aucune sorte de rapports avec ce qui est limité et conditionné.

 

3.

 

Et encore, qu'est-ce que Manas et quelles sont ses fonctions ? Sous son aspect purement métaphysique, Manas, bien qu'inférieur à Bouddhi d'un degré sur le plan descendant, est encore si incommensurablement supérieur à l'homme physique, qu'il ne peut entrer en rapport direct avec la personnalité, sauf par son reflet, le mental inférieur. Manas est par lui- même la Soi-Conscience Spirituelleet il est la Conscience Divine lorsqu'il est uni à Bouddhi qui est le véritable "producteur" de cette "production" (vikâra ou Soi-Conscience), par l'intermédiaire de Mahat. Par conséquent, Bouddhi-Manas est absolument inapte à se manifester durant ses incarnations périodiques, sauf par l'entremise du mental humain ou Manas inférieur. Ils sont rattachés l'un à l'autre, inséparables, et ont aussi peu de rapports avec les Tanmâtras 292 inférieurs, ou atomes rudimentaires, que l'homogène en a avec l'hétérogène. Le Manas inférieur ou personnalité pensante a donc pour tâche, s'il veut se fondre dans son Dieu, l'Ego Divin, de  dissiper  et  de  paralyser  les  Tanmâtras,  ou  propriétés  de  la   forme matérielle. C'est pourquoi Manas est représenté comme double, comme Ego et Mental de l'Homme. C'est Kâma-Manas, ou l'Ego inférieur, qui, trompé par un sentiment d'existence indépendante, comme étant à son tour le "producteur" et le souverain des cinq Tanmâtras, devient l'Ego-isme, le Soi égoïste, auquel cas on doit le considérer Mahâbhutique et limité, en ce sens qu'il se rattache à l'Ahamkâra, la facilité personnelle "créatrice du Je". [VI 227]

292 Tanmâtra veut dire forme subtile et rudimentaire, le type grossier de l'élément plus subtil. Les cinq Tanmâtras ne sont, en réalité, que les propriétés ou qualités caractéristiques de la matière et de tous les éléments ; le véritable esprit du mot est "quelque chose" ou "simplement transcendantal" dans le sens de propriétés ou qualités.

 

Aussi, Manas [doit-il être considéré comme]... éternel et non-éternel ; éternel dans sa nature atomique (paramânou roûpa), en qualité de substance éternelle (dravya) ; limité (kârya roûpa), lorsqu'il est rattaché, comme dyade, à Kâma (désir animal ou volition humaine égoïste), [bref] une production inférieure 293.

En conséquence, tandis que l'EGO INDIVIDUEL, en vertu de son essence et de sa nature, est immortel durant toute l'éternité, avec une forme (roûpa) qui persiste durant tous les cycles de vie de la Quatrième Ronde, son Sosie ou son image, l'Ego personnel, doit conquérir son immortalité.

293 Voyez le Theosophist d'août 1883, p. 268, "The Real and the Unreal".

 

4.

 

Antahkarana est le nom du pont imaginaire, le sentier qui unit l'Ego Divin et humain, car ce sont des Egos, durant la vie humaine, pour redevenir un Ego en Dévachan ou Nirvâna. Cela peut paraître difficile à comprendre, mais en réalité, à l'aide d'un exemple familier, bien que fictif, cela devient très simple. Figurons-nous une lampe brillante placée au milieu d'une chambre et projetant sa lumière sur le mur. Supposons que la lampe représente l'Ego Divin et la lumière projetée sur le mur le Manas inférieur, et imaginons-nous que le mur représente le corps. La partie de l'atmosphère qui transmet les rayons de la lampe au mur représente alors l'Antahkarana. Nous devons en outre supposer que la lumière  ainsi projetée est douée de raison et d'intelligence et possède de plus la faculté de dissiper toutes les ombres mauvaises qui passent sur le mur, d'attirer à elle tout ce qui brille avec éclat et d'en recevoir les impressions indélébiles. Or l'Ego humain possède le pouvoir de chasser les ombres, ou péchés et de multiplier les côtés brillants, ou les bonnes actions, qui produisent ces impressions et d'assurer ainsi, par l'entremise d'Antahkarana, sa liaison permanente et sa réunion finale avec l'Ego Divin. Souvenez-vous que cette réunion finale ne peut se produire tant qu'il reste la moindre trace terrestre, ou la moindre trace de matière, dans la pureté de cette lumière. D'autre part, la liaison ne peut être entièrement rompue et la réunion finale empêchée, tant qu'il reste un acte, ou une potentialité spirituel, pour servir de fil d'union ; mais dès l'instant où cette dernière étincelle s'éteint, où la dernière potentialité est épuisée, la séparation définitive se produit. Dans une parabole Orientale, on compare l'Ego Divin au Maître qui envoie ses ouvriers pour cultiver la terre et rentrer la récolte mais qui conserve le champ tant qu'il en peut tirer un profit, si petit qu'il soit. Mais lorsque la terre devient absolument stérile, non seulement elle est abandonnée, mais encore l'ouvrier (le Manas inférieur) périt. [VI 228]

D'autre part, cependant, si nous continuons à employer la même comparaison, lorsque la lumière projetée sur le mur, ou l'Ego humain rationnel, atteint un degré de réel épuisement spirituel, l'Antahkarana disparaît, aucune lumière n'est plus transmise et la lampe cesse d'exister pour le rayon. La lumière qui a été absorbée disparaît graduellement et "l'éclipse de l'Ame" se produit ; l'être vit sur terre et passe ensuite en Kâma Loka comme un simple amas de qualités matérielles qui ont survécu ; il ne peut plus continuer son chemin jusqu'en Dévachan, mais renaît immédiatement, comme un animal humain ou un fléau.

Cette comparaison, si fantastique qu'elle soit, nous aidera à comprendre l'idée correcte. En dehors de la fusion de la nature morale avec l'Ego Divin, il n'y a pas d'immortalité pour l'Ego personnel. Il n'y a que les émanations les plus spirituelles de l'Ame Humaine personnelle, qui survivent. Ayant été imbue durant sa vie de la notion et du sentiment du "Je suis moi" de sa personnalité, l'Ame humaine, le véhicule de l'essence même des actions Karmiques de l'homme physique, devient, après la mort de ce dernier, partie intégrante de la Flamme Divine, de l'Ego. Elle devient immortelle par le simple fait qu'elle est maintenant fortement greffée sur la Monade, qui est "l'Arbre de la Vie Eternelle".

Il nous faut maintenant parler de la doctrine de la "seconde mort". Qu'advient-il de l'Ame Humaine Kamique, qui est toujours celle d'un homme avili et méchant ou d'une personne sans âme ? Ce mystère va être expliqué.

 

Dans ce cas, c'est-à-dire lorsqu'une personne n'a jamais eu de pensée qui ne se rapportât pas au moi animal, l'Ame personnelle n'ayant rien à transmettre à la Supérieure, rien à ajouter à la somme  des expériences tirées des incarnations passées, expériences conservées à jamais dans sa mémoire – cette Ame personnelle se sépare de l'Ego. Elle ne peut rien greffer d'elle-même sur ce tronc éternel dont la sève donne naissance à des millions de personnalités qui sont comme les feuilles de ses branches, feuilles qui se flétrissent, meurent et tombent à la fin de leur saison. Ces personnalités bourgeonnent, fleurissent et expirent, les unes sans laisser de traces derrière elles, d'autres après avoir mêlé leur propre vie à celle du tronc. Ce sont les Ames de la première catégorie qui sont vouées à l'annihilation, ou à l'Avitchi, état qui est si mal compris et encore plus mal décrit par certains auteurs théosophiques, et qui non seulement se trouve situé sur notre terre, mais est effectivement notre terre elle-même.

Nous voyons donc que l'Antahkarana a été détruit avant que l'homme inférieur n'ait eu l'occasion de s'assimiler le Supérieur et de ne plus faire qu'un avec lui, et il en résulte [VI 229] que "l'Ame" Kâmique devient une entité séparée appelée à vivre désormais, durant une période courte ou longue, suivant son Karma, en qualité de créature "sans âme".

Avant de traiter cette question, je dois expliquer plus clairement la signification et les fonctions de l'Antahkarana. Comme on l'a déjà dit, il est représenté par un étroit pont qui relie le Manas Supérieur au Manas inférieur. Si vous consultez le Glossaire de la Voix du Silence, vous verrez que c'est une projection du Manas inférieur, où, plutôt, le lien qui existe entre ce dernier et l'Ego supérieur, ou entre l'Ame Humaine et l'Ame Divine ou Spirituelle 294, A la mort, il est détruit en tant que sentier, ou moyen de communication, et ses restes survivent comme Kâma Roûpa, la "coque". C'est elle que les Spirites voient parfois apparaître durant leurs séances comme "formes" matérialisées et qu'ils prennent sottement pour l'Esprit des Défunts" 295, Il est si loin d'en être ainsi que la personnalité n'est qu'à demi éveillée pendant les rêves, bien qu'Antahkarana soit présent, aussi dit-on qu'Antahkarana est ivre ou fou durant le sommeil normal. S'il en est ainsi durant la mort périodique, ou sommeil, du corps vivant, on peut se faire une idée de ce que doit être la conscience de l'Antahkarana lorsqu'il a été transformé en Kâma Roûpa à la suite du "sommeil éternel".

294 Comme l'auteur du Bouddhisme Esotérique et du Monde Occulte a appelé Manas l'Ame Humaine, et Bouddha l'Ame Spirituelle, je n'ai pas changé ces termes dans la Voix puisque c'était un livre destiné au public.

295 Dans les enseignements exotériques de Râja Yogâ, Antahkarana est appelé l'organe interne de perception et on le divise en quatre parties : le Manas (inférieur), Bouddhi (la raison), Ahamkâra (la personnalité), et Chitta (faculté pensante). Il fait aussi, avec plusieurs autres organes, partie de Jîva, l'Ame, appelé aussi Lingadêha. Les Esotéristes ne doivent cependant pas se laisser égarer par cette version populaire.

 

Revenons à notre sujet. Pour que les difficultés abstraites de la métaphysique Indienne ne jettent pas la confusion dans l'esprit des étudiants Occidentaux, qu'ils considèrent le Manas inférieur, ou Mental, comme l'Ego personnel durant l'état de veille et comme Antahkarana, seulement durant les moments pendant lesquels il aspire à son Ego Supérieur et devient ainsi le moyen de communication entre les deux. C'est pour cette raison qu'on l'appelle le "Sentier". Lorsqu'un membre ou un organe de l'organisme physique est laissé sans emploi, il s'affaiblit et finit par s'atrophier. Il en est de même des facultés mentales ; et l'on comprend de la sorte l'atrophie de la fonction mentale inférieure appelée Antahkarana, chez les natures complètement matérialistes ou dépravées. [VI 230]

Néanmoins, selon la Philosophie Esotérique, l'enseignement est comme il suit : Puisque la faculté et la fonction d'Antahkarana sont aussi nécessaires, comme moyen de communication, que l'oreille pour entendre ou l'œil pour voir, tant que le sentiment d'Ahamkâra, c'est-à-dire du "Moi" personnel, ou égoïsme, n'est pas entièrement détruit dans l'homme, et que le mental inférieur n'est pas entièrement fondu dans le Bouddhi-Manas supérieur, et ne s'est pas complètement unifié à Lui, il va de soi que la destruction d'Antahkarana équivaudrait à celle d'un pont jeté sur un abîme infranchissable : le voyageur ne peut jamais atteindre le but qui se trouve de l'autre côté. Là gît la différence qui existe entre l'enseignement exotérique et l'enseignement Esotérique. Le premier fait dire à la Vedânta que tant que le Mental (l'inférieur) s'attache, par Antahkarana, à l'Esprit (Bouddhi-Manas), il lui est impossible d'acquérir la véritable Sagesse Spirituelle, Jnyâna, et que l'on ne peut atteindre celle-ci qu'en cherchant à se mettre en rapport avec l'Ame Universelle (Atmâ) ; que ce serait par le fait, en ignorant complètement le Mental Supérieur que l'on atteindrait le Râja Yoga. Nous disons qu'il n'en est pas ainsi. On ne peut sauter aucun des échelons de l'échelle qui conduit à la connaissance. Aucune personnalité ne peut jamais atteindre Atmâ, ou se mettre  en communication avec Atmâ, si ce n'est par l'entremise de Bouddhi-Manas ; vouloir devenir un Jîvanmoukta ou un Mahâtma, avant d'être devenu un Adepte ou même un Narjol (homme sans péché), c'est vouloir aller  d'Inde à Ceylan sans traverser la mer. Aussi nous dit-on, que si nous détruisons Antahkarana avant que l'Ego personnel ne soit placé complètement sous le contrôle de l'Ego impersonnel, nous risquons de perdre ce dernier et d'être à jamais séparés de lui, à moins, en vérité, que nous ne nous hâtions de rétablir la communication par un effort suprême et final.

C'est seulement lorsque nous sommes indissolublement liés à l'essence du Mental Divin, qu'il nous faut détruire Antahkarana.

De même qu'un guerrier solitaire, poursuivi par une armée, cherche refuge dans une place forte ; il détruit d'abord le pont-levis, pour se mettre hors d'atteinte de l'ennemi, après quoi seulement il commence à le combattre ; de même doit agir le Strotâ-patti avant de supprimer Antahkarana.

Or, suivant les termes d'un axiome Occulte :

L'unité devient Trois et Trois génère Quatre. C'est à ce dernier [le quaternaire] qu'il appartient de redevenir Trois, et au Divin Trois qu'il appartient de se développer en l'Unité Absolue. [VI 231]

Les Monades, qui deviennent des Dyades sur le plan différencié, pour se développer en Triades pendant le cycle des incarnations, ne connaissent ni l'espace ni le temps, même pendant qu'elles sont incarnées, mais sont diffusées dans tous les Principes inférieurs du Quaternaire, étant, par leur nature, omniprésentes et omniscientes. Mais cette omniscience est innée et ne peut manifester le reflet de sa lumière qu'à travers quelque chose qui est tout au moins semi-terrestre ou matériel ; comme le cerveau physique, qui est, à son tour, le véhicule du Manas inférieur trônant dans  le Kâma Roûpa. Et c'est ce corps qui est graduellement annihilé dans les cas de "seconde mort".

 Mais une telle annihilation – qui est en réalité l'absence, dans la MEMOIRE éternelle, de la plus faible trace de l'âme condamnée, et qui signifie, par suite, annihilation dans l'éternité – ne veut pas simplement dire discontinuation de la vie humaine sur la terre, car la terre est l'Avitchi et le pire de tous les Avitchis possibles. Chassé à jamais de la conscience de l'Individualité, l'Ego réincarnant, les atomes physiques et les vibrations psychiques de la personnalité désormais séparée, sont immédiatement réincarnés sur la même terre, mais dans une créature inférieure et encore plus abjecte, n'ayant d'humain que la forme, et condamnée à subir des tourments Karmiques durant tous le cours de sa nouvelle vie. En outre, si elle persiste à suivre la même voie de crimes et de débauches, elle aura à endurer une longue série de réincarnations immédiates.

Ici, deux questions se posent :

  1. En pareil cas, qu'advient-il de l'Ego Supérieur ?
  2. Quelle sorte d'animal est une créature humaine née sans âme ?

Avant de répondre à ces deux questions bien naturelles, j'ai le devoir d'attirer l'attention de tous ceux d'entre vous qui sont nés dans les pays chrétiens, sur ce fait que la fable du rachat par substitution et de la mission de Jésus, tel que le récit existe aujourd'hui, fut emprunté par des Initiés trop libéraux aux dogmes mystérieux et sinistres qui ont trait aux expériences terrestres de l'Ego réincarnant. Ce dernier est en vérité la victime sacrificatoire de (et par) son propre Karma, généré durant de précédents Manvantaras, et il assume volontairement le devoir de sauver ce qui ne Serait, sans cela, que des hommes ou des personnalités sans âme. La vérité Orientale est donc plus philosophique et plus logique que la fiction Occidentale. Le Christos, ou Bouddhi-Manas de chaque homme, n'est pas tout à fait un Dieu innocent et sans péchés, bien qu'en un sens il soit le "Père", car il est de même essence que l'Esprit Universel, et il est en même temps le "Fils", attendu que Manas est le second degré à [VI 232] partir du "Père". En s'incarnant, le Fils Divin se rend responsable des péchés de toutes les personnalités qu'il animera. Il ne peut faire cela qu'à l'aide de son substitut, son reflet, le Manas inférieur. Le seul cas dans lequel l'Ego Divin puisse échapper au châtiment individuel et à la responsabilité, en tant que Principe dirigeant, c'est lorsqu'il doit se détacher de la personnalité, parce que la matière, avec ses vibrations psychiques et astrales, se trouve alors, en raison même de l'intensité de ses combinaisons, placée au-delà du contrôle de l'Ego. Apophis, le Dragon, ayant remporté la victoire, le Manas réincarnant, se sépare graduellement de son  tabernacle et finit par se détacher complètement de l'Ame psycho-animale.

Je dirai donc, en réponse à la première question :

  1. L'Ego Divin prend une des deux résolutions suivantes :
    1. ou bien il recommence immédiatement une nouvelle série d'incarnations, poussé par son propre Karma,
    2. ou il cherche et trouve un refuge dans le sein de la Mère, Alaya, l'Ame Universelle, dont l'aspect Manvantarique est Mahat.

Délivré des impressions vitales de la personnalité, il se plonge dans une sorte d'intermède Nirvanique, qui ne peut comporter qu'un seul éternel Présent, qui absorbe le Passé et le Futur. Privé du "laboureur", la récolte et le champ étant tous deux perdus, le Maître, dans l'infini de sa pensée, ne conserve naturellement aucun souvenir de l'illusion limitée et évanescente qui fut sa dernière personnalité. C'est vraiment alors que cette dernière est annihilée.

  1. L'avenir du Manas inférieur est plus terrible et encore plus terrible pour l'humanité que pour l'homme désormais animal. Il arrive parfois qu'après la séparation, l'Ame épuisée devenue animale au suprême degré, se dissipe en Kâma Loka, comme toutes les autres âmes animales. Mais comme, plus le mental humain est matériel et plus il dure, même durant la phase intermédiaire, il arrive fréquemment qu'après la fin de la vie actuelle de l'homme sans âme, il se réincarne successivement dans de nouvelles personnalités, de plus en plus abjectes. L'impulsion de la vie animale est trop forte ; une ou deux vies ne suffisent pas à l'épuiser. Dans des cas plus rares, cependant, lorsque le Manas inférieur est condamné à s'épuiser d'inanition : lorsqu'il n'y a plus d'espoir, même dans des conditions favorables – comme, par exemple, une courte période d'aspiration spirituelle et de repentir – de voir un dernier vestige de lumière inférieure attirer l'Ego Père à sa personnalité, et que Karma pousse l'Ego Supérieur vers de  nouvelles  incarnations,  il  peut se produire quelque chose d'encore plus redoutable. La larve Kama-Mânasique [VI  233] peut devenir ce que l'on appelle en Occultisme le "Gardien du Seuil". Ce Gardien ne ressemble pas à celui qui est si pittoresquement décrit dans Zanoni ; c'est un fait dans la Nature et non pas une fiction romanesque, si belle que puisse être cette dernière. Bulwer a cependant dû être inspiré par un  Initié Oriental. Ce Gardien, poussé par l'affinité et l'attraction, entre de force dans le courant astral, pénètre dans l'Enveloppe Aurique du nouveau tabernacle habité par l'Ego-Père et déclare la guerre à la lumière inférieure qui l'a remplacé. Cela ne peut naturellement se produire qu'en cas de faiblesse morale de la personnalité ainsi obsédée. Aucune personne ayant une vertu robuste et menant une vie de droiture, ne peut risquer ou craindre pareille chose ; mais seulement ceux dont le cœur est dépravé. Robert-Louis Stevenson entrevit vraiment une vision réelle, lorsqu'il écrivit son Etrange cas du Dr Jekyll et de M. Hyde. Son écrit est une véritable allégorie. Tout Chéla y reconnaîtra un substratum de vérité et, reconnaîtra, en M. Hyde, un Gardien du Seuil, un obsesseur de la personnalité, tabernacle de l'Esprit Père.

"C'est un cauchemar que vous racontez là !" m'a souvent dit une personne, qui n'est plus aujourd'hui dans nos rangs et qui avait un "Gardien" très avéré, un "M. Hyde", comme compagnon presque constant. "Comment pareille chose pourrait-elle se produire à notre insu ?" Cela peut arriver et cela arrive, ainsi que je l'ai presque décrit déjà dans le Theosophist.

L'Ame, le Mental inférieur, devient un principe mi- animal, presque paralysé par le vice journalier, et perd graduellement conscience de sa moitié subjective, le Seigneur, membre de la puissante Légion [et] proportionnellement au rapide développement sensuel du cerveau et des nerfs, tôt ou tard, elle (l'Ame personnelle) finit par perdre de vue sa mission divine sur la terre.

En vérité, Pareil au vampire, le cerveau se nourrit, vit et croit en force aux dépens de son père spirituel... et l'Ame personnelle à demi inconsciente, devient insensible, sans espoir de rédemption. Elle est impuissante à discerner la voix de son Dieu. Elle ne vise qu'au développement et à la compréhension plus complète de la vie naturelle terrestre ; et ne peut donc découvrir que les mystères de la nature physique... Elle commence par devenir virtuellement morte, pendant la vie du corps, et finit par mourir complètement – c'est-à-dire, par être annihilée en tant qu'Ame immortelle complète. Une telle catastrophe peut souvent se produire bien des années avant la mort physique : "A chaque pas dans la vie, nous coudoyons des hommes et des femmes sans  âmes."  Et  quand  la [VI 234] mort survient... il n'y a plus d'Ame (d'Ego Spirituel réincarnant) à libérer... car elle a fui des années auparavant.

Résultat : Privé de ses principes dirigeants, mais fortifié par les éléments matériels, Kâma-Manas, après avoir été une "lumière dérivée", devient une Entité indépendante. Après s'être laissé tomber de plus en plus bas sur le plan animal, lorsque l'heure de la mort sonne pour le corps terrestre, il se produit une des deux choses suivantes : ou bien Kâma- Manas renaît immédiatement dans Myal-wa, l'état d'Avitchi sur la Terre 296, ou bien, s'il devient trop puissant dans le mal – "immortel en Satan", suivant l'expression Occulte – il est parfois autorisé, dans  un but Karmique, à rester dans un état actif d'Avitchi dans l'Aura terrestre. Alors, par désespoir total, il devient semblable au "diable" mythique, en raison de sa méchanceté illimitée ; il persiste dans ses éléments, qui sont saturés par l'essence de la Matière, car le mal est contemporain de la Matière séparée de l'esprit. Et lorsque son Ego Supérieur se réincarne une fois de plus, pour évoluer un nouveau reflet ou Kâma Manas, l'Ego inférieur condamné, semblable à un monstre de Frankenstein, se sent toujours attiré vers son Père, qui rejette son Fils, et il devient un véritable "Gardien du Seuil" de la vie terrestre. J'ai esquissé la doctrine Occulte dans le Theosophist d'octobre 1881 et de novembre 1882, mais je ne pouvais entrer dans les détails, aussi me suis-je trouvée très embarrassée lorsque je fus priée de m'expliquer.

 296 La Terre, ou plutôt la vie terrestre, constitue le seul Avitchi (Enfer) qui existe sur ce globe pour les hommes de notre humanité. L'Avitchi est un état et non une localité ; c'est la contrepartie du Dévachani. Cet état suit l'Ame partout où elle va, que ce soit en Kâma-Loka, comme Spectre semi- conscient, ou dans un corps humain né pour souffrir l'Avitchi. Notre Philosophie ne reconnaît pas d'autre Enfer.

 

Pourtant j'avais parlé assez clairement des "inutiles frelons", de ceux qui refusent de devenir les collaborateurs de la Nature et qui périssent par millions au cours du cycle de vie Manvantarique ; de ceux qui préfèrent, comme dans le cas dont nous parlons, toujours souffrir en Avitchi sous l'empire de la loi karmique, plutôt que de renoncer à vivre "dans le mal", et enfin de ceux qui ne sont les collaborateurs de la Nature que pour la destruction. Ce sont des hommes complètement méchants et dépravés, mais aussi hautement intellectuels et finement spirituels pour le mal, que le sont ceux qui sont spirituels pour le bien.

Les Egos (inférieurs) de ces hommes peuvent échapper pendant de longues périodes à la loi de destruction et d'annihilation finale. [VI 235]

Nous trouvons donc sur terre deux sortes d'êtres sans âme : ceux qui ont perdu leur Ego Supérieur dans leur incarnation présente, et ceux qui sont nés sans âme, après avoir été séparés de leur Ame Spirituelle durant leur précédente naissance. Les premiers sont des candidats à l'Avitchi ; les autres sont des "M. Hyde", que ce soit dans ou hors d'un corps humain, qu'ils soient incarnés ou qu'ils flottent à l'aventure en qualité de goules invisibles ou puissantes. Chez de pareils hommes, la ruse atteint un degré énorme de développement et personne, sauf ceux à qui la doctrine est familière, ne les soupçonnerait d'être sans âme, car ni la Religion, ni la Science ne soupçonnent le moins du monde que de pareils faits existent réellement dans la Nature.

Cependant, pour la personne qui, par ses vices, a perdu son Ame Supérieure, il reste encore de l'espoir, tant qu'elle occupe son corps. Sa rédemption reste possible et elle peut être amenée à modifier sa nature matérielle. En effet, un sentiment intense de repentir, ou une seule aspiration sincère vers l'Ego qui a fui, ou, mieux encore, un effort énergique pour s'amender, peuvent ramener l'Ego Supérieur. Le fil qui le rattache n'est pas absolument rompu, bien que l'Ego soit maintenant hors d'atteinte, car "Antahkarana est détruit" et l'Entité personnelle a déjà un pied dans Myalba 297 ; néanmoins, un puissant appel spirituel peut  encore en être entendu. Il y a dans Isis Dévoilée (loc. cit.) un autre exposé de ce sujet. Il y est dit que cette terrible mort peut être parfois évitée, grâce à la connaissance du mystérieux Nom du "VERBE" 298. Ce qu'est ce "VERBE", qui n'est pas un "Mot" mais un Son, vous le savez tous. Sa puissance réside dans le rythme ou le ton. Cela veut simplement dire  qu'une personne, même mauvaise, peut, grâce à l'étude de la Science Sacrée, obtenir sa rédemption et être arrêtée sur la voie de la destruction. Mais, à moins qu'elle ne soit en complète union avec son Ego Supérieur, elle peut le répéter, comme un perroquet, dix mille fois par jour, ce "Verbe" ne l'aidera pas. Au contraire, si elle n'est pas entièrement unie à sa Triade Supérieure, cela peut produire tout le contraire d'un effet bienfaisant, car les Frères des Ténèbres l'emploient très souvent pour des fins malfaisantes ; en pareil cas il n'éveille et ne met en activité que les éléments mauvais et matériels de la Nature. Mais si notre nature est bonne et si nous tendons sincèrement vers notre SOI SUPERIEUR, qui n'est autre [VI 236] que cet AUM, par l'entremise de son Ego Supérieur, qui est sa troisième lettre, et de Bouddhi, qui est la seconde, il n'est pas d'attaque du Dragon Apophis que nous ne puissions repousser. On attend beaucoup de ceux à qui il a été beaucoup donné. Celui qui frappe à la porte du Sanctuaire, en pleine connaissance de son caractère sacré, et qui, après y avoir été admis s'éloigne du seuil, ou retourne sur ses pas, en disant "Oh ! il n'y a rien dedans !" et qui laisse ainsi échapper la chance qu'il avait d'apprendre toute la vérité – celui-là n'a plus qu'à attendre son Karma.

297 Voyez la Voix du Silence, p. 74.

 

Telles sont donc les explications Esotériques sur un sujet qui avait rendu tant de gens perplexes, parce qu'ils ont cru en trouver des contradictions dans divers écrits Théosophiques, y compris Fragments of Occult Truth, les volumes III et IV du Theosophist, etc. Avant d'abandonner définitivement ce sujet, je dois ajouter une recommandation que je vous prie de ne pas oublier. Il est tout naturel, de la part d'Esotéristes comme vous, d'espérer qu'aucun de vous n'appartient à la portion de l'humanité qui n'a plus d'âme, et que vous n'avez pas à craindre l'Avitchi, pas plus que les bons citoyens n'ont à craindre la loi pénale. Bien que vous ne fouliez peut-être pas encore exactement le Sentier, vous en frôlez les limites, et beaucoup d'entre vous suivent la bonne direction. Entre les fautes vénielles, qui sont inévitables dans notre milieu social,  et la sauvage méchanceté décrite dans les notes de l'Editeur du "Satan" 299 d'Eliphas Lévi, il y a un abîme. Si nous ne sommes pas  devenus "immortels dans le bien en nous identifiant à (notre) Dieu", ou AUM, Atmâ-Bouddhi-Manas, nous ne sommes sûrement pas devenus "immortels dans le mal", en alliant à Satan notre moi inférieur. Vous  oubliez cependant qu'il y a un commencement à tout ; que le premier pas sur une pente glissante est l'antécédent nécessaire d'une chute dans l'abîme et dans les bras de la mort. Loin de moi le soupçon qu'un seul étudiant Esotériste ait pu atteindre un point aussi considérablement bas dans sa chute spirituelle. Je vous avertis néanmoins d'éviter de faire le premier pas. Vous pouvez ne pas atteindre le fond dans cette vie ou dans la suivante, mais vous pouvez générer aujourd'hui des causes qui assureront votre destruction spirituelle dans votre troisième, quatrième, cinquième naissance, ou même dans une naissance postérieure. Dans le grand poème épique hindou, vous pouvez lire qu'une mère, dont tous les fils combattants furent tués sur le champ de bataille, se plaignait à Krishna ; elle lui disait que bien que sa vision spirituelle lui permit de remonter à sa cinquantième [VI 237] incarnation précédente, elle ne pouvait cependant découvrir, dans son passé, aucun péché, pouvant avoir causé un aussi redoutable Karma. Krishna lui répondit : "Si tu pouvais, comme moi, remonter jusqu'à ta cinquante et unième incarnation antérieure, tu te verrais tuant, par pure cruauté, autant de fourmis que tu as perdu de fils". Ce n'est, bien entendu, qu'une exagération poétique, mais l'image est saisissante, en ce qu'elle montre quels grands résultats peuvent être provoqués par des causes en apparence insignifiantes.

 298 Lisez la dernière note de la page 28 du vol IV d'Isis Dévoilée, et vous verrez que même des Egyptologues profanes, et des hommes qui, comme Bunsen, ignoraient l'initiation, furent frappés par leurs propres découvertes, lorsqu'ils trouvèrent le "Verbe" mentionné sur de vieux papyrus.

299 Voyez le Theosophist, octobre 1881, pp. 14 et seq.

 

Le bien et le mal sont relatifs, et sont accrus ou amoindris, suivant les conditions qui entourent l'homme. Celui qui appartient à ce que nous appelons la "partie inutile de l'humanité", c'est-à-dire à la majorité mondaine, est, dans bien des cas, irresponsable. Des crimes commis par Avidya ou ignorance, impliquent des responsabilités ou un Karma physique, mais non moral. Prenez, par exemple, le cas des idiots, des enfants, des sauvages et des gens qui n'en savent pas davantage. Mais le cas de chacun de vous, qui êtes engagés vis-à-vis de votre Soi SUPERIEUR, est bien différent. Vous ne pouvez invoquer impunément ce Témoin Divin, et, dès que vous vous êtes placés sous sa tutelle, vous avez demandé à la Lumière Radieuse de briller et de fouiller tous les coins sombres de votre être ; vous avez consciemment invoqué la Divine Justice de Karma, en la priant de noter les motifs qui vous poussent, de scruter vos actions, et de porter le tout à votre compte. Le pas que vous avez fait est aussi irrévocable que celui qu'accomplit l'enfant qui vient au monde. Vous ne pouvez plus vous réfugier dans la matrice de l'Avidya et de l'irresponsabilité. Fuiriez-vous jusqu'aux points les plus reculés de la terre pour échapper à la vue des hommes, ou chercheriez-vous l'oubli dans le tumulte du tourbillon social, cette Lumière vous découvrira et éclairera vos pensées, vos moindres paroles, vos moindres actions. Tout ce que H.P.B. peut faire, c'est d'envoyer à tous ceux d'entre vous qui sont sérieux, l'expression de sa plus sincère sympathie fraternelle et de ses vœux pour que leurs efforts produisent de bons résultats. Ne perdez cependant pas courage, mais essayez, essayez toujours 300 ; vingt échecs ne sont pas irrémédiables, s'ils sont suivis d'autant d'efforts indomptables vers le haut. N'est-ce pas ainsi que se gravissent les montagnes ? Sachez en outre que si Karma inscrit implacablement, sur le compte de l'Esotériste, des actions mauvaises dont on n'aurait pas tenu compte chez l'ignorant, il est également vrai que chacune de ses bonnes actions se trouve, en raison de leur association [VI 238] avec le Soi Supérieur, intensifiées au centuple comme potentialité pour le bien.

Enfin, ayez toujours présent à l'esprit que, tout en ne voyant aucun Maître à votre chevet, et n'entendant aucun son murmuré dans le silence de la nuit tranquille, le Saint Pouvoir est cependant autour de vous, la Sainte Lumière brille aux heures de vos aspirations et de vos besoins spirituels, et ce ne sera pas la faute des MAITRES, ou de leur humble porte-parole et servante, si, par perversité ou faiblesse morale, certains d'entre vous se séparent de ces puissances supérieures et s'engagent sur la pente qui conduit à l'Avitchi.

300 Voir La Voix du Silence.