Ange déchu

 

L'ange déchu (R. Bellver, 1877), à Madrid.

Un ange déchu est, dans les traditions chrétiennes et certaines autres religions, un ange exilé ou banni du Paradis. La plupart du temps, ce bannissement résulte d'une punition pour désobéissance ou rébellion contre Dieu. Le plus connu des anges déchus est Lucifer, et son nom est fréquemment donné à Satan dans les croyances chrétiennes, bien que cet usage semble résulter d'interprétations particulières, la seule référence aux anges déchus dans la Bible étant un passage du Livre d'Isaïe[1]. Le principal texte chrétien évoquant les anges déchus est le livre d'Hénoch, considéré comme apocryphe par la majorité des Églises. La notion d'ange déchu se retrouve dans d'autres religions, comme la tradition hindoue, et elle forme un thème artistique populaire.

Tradition chrétienne

 

The winged man (l'ange déchu), peinture d'Odilon Redon

Lucifer (rappel : lucifer était autrefois un ange alors que le diable descend simplement de mythes, il est important de ne pas les confondre ou du moins de se rappeler qu'on ne les confondra qu'au Moyen Âge), est fréquemment qualifié d'ange déchu, sans qu'aucun texte de l'ancien testament ou du nouveau ne vienne confirmer directement cette déchéance. Il en va de même pour tous les démons et les divers avatars du Diable, tel Méphistophélès dans la légende de Faust.

Selon l'enseignement du catéchisme de l'Église catholique romaine, les anges furent tous créés par Dieu pour être bons mais certains devinrent mauvais et se retournèrent contre leur créateur[2]. Les anges n'ayant pas besoin de la foi puisqu'ils ont déjà la connaissance de toutes les choses célestes, leur rébellion contre Dieu constitue un acte impardonnable[3]. Bien que Mathieu[4] qualifie cette rébellion de pêché impardonnable dans « cet âge où un âge à venir », la plupart des chrétiens l'interprètent différemment et pensent que ce pêché peut être racheté après un délai de deux ans[5], une tradition ancienne de l'époque de Grégoire de Nysse affirme que le démon et les anges déchus finiront par être sauvés[6],[7].

Lucifer

 

La chute de Lucifer, illustration de Gustave Doré

Du fait de plusieurs interprétations liées à la traduction d'un passage d'Isaïe, Lucifer est devenu dans la tradition chrétienne le symbole de l'ange déchu :

« Comment es tu tombé des cieux, Astre du matin (ou "fils de l'aurore") ? Comment as tu été jeté par terre, toi qui vassalisais toutes les nations  »

— Bible, Isaïe 14:12[1]

En fait, ce passage du livre d'Isaïe pourrait faire référence au roi déchu de Babylone, ce que semble clairement confirmer la suite (Esaie 14.4).

Ce n'est qu'au Moyen Âge que le nom de Lucifer désigne « le plus grand et le plus brillant de tous les anges ». Lucifer ne s'est pas rebellé contre Dieu, la véritable histoire de Lucifer c'est qu'il a trop aimé Dieu. Car lorsque Dieu a créé les hommes, il a ordonné aux anges de les protéger et de les aimer plus que lui. Mais Lucifer a refusé, c'est alors que Dieu le banni du paradis. Il devint alors Satan, le « Tentateur », « le menteur » ou encore l'« Adversaire »[8], roi des « démons » qui sont les anciens anges qui, avec lui, se sont révoltés et ont chuté, devenant les ennemis de l'humanité et de Dieu.

L'étymologie grecque de Lucifer, Φωσφόρος (Phosphoros) est « porteur de lumière »), en latin, lux, luci- signifie « lumière » et fer, « porteur »[9],[10], et le nom d'étoile du matin lui est donné[11], sans qu'il ne soit fait de lien avec Satan. Cependant, Satan est nommé Lucifer dans de nombreuses interprétations postérieures à la Bible, notamment dans le texte de John Milton, Le Paradis perdu (7.131-134, parmi d'autres). Selon Milton, Satan était le plus brillant parmi les légions des anges, plus brillant même que les étoiles autour de lui[12].

Livre d'Enoch

 

Miniature médiévale gothique illustrant la Genèse.

La notion d’ange déchu provient de la première section du livre d'Hénoch, un écrit pseudépigraphique de l'Ancien Testament considéré comme un texte apocryphe et donc rejeté par la plupart des Églises, mais qui a néanmoins beaucoup influencé la tradition chrétienne.

Selon cet écrit, la chute des anges aurait été provoquée par leur envie de procréer[13].

« Il arriva que lorsque les humains se furent multipliés, il leur naquit des filles fraîches et jolies. Les anges, fils du ciel, les regardèrent et les désirèrent. Ils se dirent l'un à l'autre : Allons nous choisir des femmes parmi les humains et engendrons-nous des enfants. Shemêhaza, qui était leur chef, leur dit : je crains que vous ne renonciez et je serai tout seul coupable d'un grand péché. Tous lui répondirent : Jurons tous en nous vouant mutuellement à l'anathème de ne pas renoncer à ce dessein que nous ne l'ayons accompli et que nous n'ayons fait la chose. »[14].

Les anges mirent leurs projets à exécution et les femmes ainsi engrossées donnèrent naissance à des géants hauts de trois mille coudées, qui dévorèrent tout le fruit du labeur des peuples[15]. Les enfants de ces géants seraient les Nephilim cités dans la Genèse[16].

« Les géants étaient sur la terre en ces temps-là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu'elles leur eurent donné des enfants : ce sont ces héros qui furent fameux dans l'antiquité. »

Les anges déchus auraient appris aux femmes la botanique et l'usage des drogues. En plus, chaque ange aurait transmit aux hommes son savoir particulier : Azraël la métallurgie et la fabrication des armes, Shemêhaza la botanique et les charmes, Hermoni les exorcismes, la magie et la sorcellerie, Baraquiel l'astrologie, etc. Les anges déchus selon le Livre d'Enoch sont, dans l'ordre : Shemêhaza ou Shemhazai, Arataqif, Ramt, Kokabiel, Tamiel, Ramiel, Daniel, Ziquiel, Baraquiel, Asaël, (Azaël ou Azazel), Hermoni, Matariel, Ananiel, Setaouël, Shamshiel, Sahriel, Toumiel, Touriel, Yomiel, Yehadiel et loukas.

Tradition hindoue

La notion d'anges déchus existe également dans la tradition Hindoue :

« La joie et l'harmonie régnaient autour du Trône de l'Eternel, lorsque l'envie et la jalousie s'emparèrent de Moïsasour et des autres chefs des bandes angéliques. Ils oublièrent les devoirs qui leur étaient imposés; s'éloignèrent de l'obéissance qu'ils devaient à l'être suprême, et refusèrent de se soumettre à son vice-gérant et à ses coadjuteurs Bistnoo et Sieb. Ils dirent en eux-mêmes : nous voulons gouverner, et inspirèrent la même ambition à un grand nombre d'anges qui se séparèrent avec eux du trône de l'éternel. Dieu, irrité du crime de ces rebelles, après les avoir fait avertir inutilement de rentrer dans leur devoir, commanda à Sieb de les chasser du ciel, et de les précipiter dans les ténèbres épaisses pour y souffrir des tourments éternels. »[17]

Représentation dans les arts

 

Les anges déchus, illustration de Gustave Doré pour le poème Paradis perdu de John Milton

Filmographie

Les anges déchus est un film de Wong Kar-wai dont le titre original est Duo luo tian shi, réalisé en 1995 à Hong Kong.

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Fallen angel »

 a et b Bible, Livre d'Isaïe, 14:3-20

  1.  (en)The Catechism of the Catholic Church, Numéro 391. 

  2.  (en)The Catechism of the Catholic Church, Numéro 393.

  3.  Bible, Mathieu, 12:32

  4.  (en) David Watt, Is Hell Closed Up & Boarded Over ?, février 1999, New Oxford Review,

  5.  (en) Thomas Allen, Universalism Asserted, 

  6.  Jeffrey Burton Russell, Satan,

  7.  J.N. Darby, La Sainte Bible, livre de job 1:6, en note de bas de page concernant le nom Satan, on peut voir "litt. : le Satan, c. à d. l'adversaire."

  8.  (en)Étymologie de Lucifer [

  9.  Étymologie de Lucifer 

  10.  Bible, Peter, 1:19

  11.  Lucifer 

  12.  Ils sont ici clairement de sexe masculin

  13.  Henoch VI,1-4 - La Bible Ecrits Intertestamentaires - La Pléiade - 1987

  14.  Henoch VII,3-4 - La Bible Ecrits Intertestamentaires - La Pléiade - 1987

  15.  Bible, Genèse VI,4

  16.  Extrait du Shastra de Brhama in Dictionnaire des cultes religieux - J-A Lebel - 1820 p. 91

Annexes

(fr)Noms des anges déchus et le savoir qu'ils ont enseigné à l'humanité

Bibliographie

  • Édouard Brasey, Enquête sur l'existence des anges rebelles, Filipacchi, 1er septembre 1995 (ISBN 9782850183980)

  • (en) Leonard Ashley, The Complete Book of Devils and Demons Barricade Books (ISBN 1-56980-077-4)

  • (en) Bernard Jacob Bamberger, Fallen Angels: Soldiers of Satan's Realm, 300p. (ISBN 0-8276-0797-0)

  • (en) Gustav Davidson, 1994. A Dictionary of Angels: Including the Fallen Angels. Free Press (ISBN 0-02-907052-X)

  • (en) Angels, Catholic Encyclopedia, 1913.