"Les Vérités Éternelles", Le pouvoir de suggestion et sur la Clairvoyance et la Moralité
Le pouvoir de Suggestion
[Traduction de 3 exposés de Robert Crosbie (fondateur de la Loge Unie des Théosophes) extraits de l’ouvrage The Friendly Philosopher, publication posthume (1934) contenant également des lettres du même auteur. La collection complète ses articles de la série “Les Vérités Éternelles” est publiée dans les Cahiers Théosophiques numéros 180 à 188. (N.d.éd.)]
Pour beaucoup de gens, le pouvoir de suggestion signifie bien des choses. Il est associé à l’idée d’hypnose, dans laquelle l’opérateur est capable de faire penser, parler, agir ou imaginer le sujet, à son gré. Cela est possible en raison de l’état anormal où se trouve le sujet. Les moyens et les méthodes induisant cette condition anormale ne sont pas connus généralement, bien que certains praticiens aient découvert diverses façons de provoquer l’hypnose chez tels ou tels individus.
Mais le sujet de la présente discussion est le fait de la suggestion elle-même, telle qu’on la considère généralement, et en ce qu’elle affecte tous les hommes. Les gens ne sont pas conscients d’agir presque entièrement sous l’effet de la suggestion. Dès notre naissance, nous sommes entourés de personnes qui nous suggèrent certaines pensées comme vraies, et nous suivons ces idées suggérées. Les pensées originales sont très rares, dans quelque domaine que ce soit, et tout particulièrement dans ceux auxquels le public accorde le plus d’attention, à savoir la politique, la religion et la science. Quel que soit le système de pensée qu’on nous présente, nous l’adoptons. Nous suivons la suggestion donnée, sans tenter de remonter à la base de ce qui est suggéré. Le fondement sur lequel repose cette suggestion est pris comme allant de soi, même dans les choses les plus importantes de la vie.
Notre religion, par exemple, est qualifiée de "révélation". Nous l’avons acceptée dans notre enfance, prise comme un fait, sans l’examiner pour comprendre ce qu’elle est, ni sur quoi elle se fonde. Le fait que nos capacités de réflexion et d’action s’appuient sur de fausses suggestions n’empêche pas de les exercer, mais, en contrepartie, toutes nos possibilités de pensée et d’action, toutes nos créations mentales, l’intégralité de la superstructure de notre existence, s’en trouvent faussées, car notre réflexion, partant de prémisses erronées, doit inévitablement conduire à des conclusions fausses.
Cela est tout autant vérifié dans le cas du sujet sous hypnose. Ce dernier est plongé dans un état anormal ; son mental est vide ; l’opérateur lui présente une idée particulière et, avec elle, la suggestion d’un certain mode d’action. Immédiatement, ce sujet adopte ce qui est suggéré, se met à s’y conformer et continue d’agir toujours dans le sens de la suggestion jusqu'à ce que celle-ci soit changée.
Ceux qui sont nés dans une secte particulière devraient le savoir. Dès l’éveil de notre prime intelligence, des idées nous sont présentées, instillées dans notre mental, comme des faits absolus. Nous partons sur cette base, et tant que nous nous y tenons, aucune compréhension ou conclusion juste ne peut être acquise. Que pouvons-nous savoir de la vérité ou de l’erreur de ces idées quand on nous les présente dans notre enfance ? Absolument rien. Qu’en savent nos parents et nos instructeurs ? Absolument rien. Ils n’ont fait que nous transmettre les suggestions qui leur ont été faites dans leur propre enfance et qui n’ont jamais cessé depuis d’opérer sur eux.
Nous devrions apprendre à n’accepter aucune affirmation, quelle que soit sa provenance, simplement parce qu’elle nous est adressée. Il nous faut remonter au fondement de tout ce qui nous est présenté et en connaître les principes — savoir si ces principes sont évidents par eux-mêmes. S'ils ne le sont pas comment peuvent-ils être fondamentaux.
En Occident, tout le monde s’en tient à l’idée qu’il y a un Créateur de cet univers. Qu’en savons-nous ? S’il est vrai qu’un être a créé l’univers, avec tous les êtres qu’il contient, alors nous ne sommes pas responsables. Cette opinion en entraîne d’autres, notamment que l’homme n’est ici que pour une seule fois, qu’il s’agit ici de sa seule et unique naissance, et qu’ensuite il ne sait pas où il ira. Nous nous sommes laissé suggérer que l’homme n’a qu’une existence, qu’il est fondamentalement irresponsable pour ce qui est de sa présence ici-bas, et nous avons fondé notre pensée et nos actes sur cette base. Cela nous rend-il plus sages, plus heureux pendant la vie ? Cela apporte-t-il paix et bonheur aux autres ? Cela nous amène-t-il à la fin de notre existence avec plus de sagesse ? Ou mieux en nous-mêmes ? Nous savons en effet qu’en arrivant à la fin de notre vie, nous devrons laisser toutes les choses terrestres acquises pendant notre séjour ici-bas.
Cette terre n’est cependant que l’une parmi de nombreuses autres. Qu’en est-il des autres planètes, des autres systèmes solaires dont l’espace est rempli ? Savons-nous quoi que ce soit d’important à leur sujet, connaissons-nous leur raison d’être sur la base des suggestions qui nous ont été transmises ?
Lorsque nos convictions religieuses sont amenées à changer et que d’autres suggestions nous sont données, n’est-ce pas par le même processus de transmission ? Qu’il s’agisse de la "Science Mentale", de la "Pensée Nouvelle", de la "Christian Science", etc., nous les adoptons et nous nous comportons ensuite d’après les schémas suggérés par ceux qui nous les transmettent. Pour apprendre quoi, en réalité ? Rien. Nous parvenons à la fin de notre vie tout aussi enfermés dans l’ignorance, en dépit de toutes les "révélations" qui ont pu nous être faites. Que savons-nous de leurs fondements ? S’ont-ils entièrement vrais, ou même seulement partiellement exacts ? On ne nous demande jamais de vérifier leurs bases, de constater par nous-mêmes si elles sont vraies, si elles sont évidentes en soi. Non, on nous demande simplement d’accepter ce qu’on nous donne et d’y conformer nos actes. C’est cela la suggestion.
Dans tous les domaines civil, national, politique, nos vies sont soumises à la suggestion, et rares sont ceux qui tentent d’aller à la racine des choses, pour comprendre ce qu’est la nature de l’être, de façon à pouvoir savoir par eux-mêmes, et ainsi agir, avec énergie et connaissance. En y regardant de plus près, nous constatons que nous sommes tous victimes du pouvoir de suggestion, dans tous les domaines.
Quel critère devrions-nous appliquer à chaque suggestion qui nous est faite ? Simplement ceci : s’il s’agit de la vérité, elle devra expliquer ce qui auparavant était un mystère. Et comme nous sommes entourés de mystères, la Vérité devrait les expliquer tous.
Ce pouvoir de la suggestion doit cependant servir encore, quel que soit le système qui nous est proposé. Si la Vérité existe, et nous est accessible – la Vérité en ce qui concerne la religion, la science et la philosophie – elle doit d’abord nous arriver, par suggestion, de Ceux qui savent. Si cela ne pouvait se faire, si nous ne pouvions nous-mêmes en tirer parti, il serait bien inutile de parler de ces choses. Mais quand ce qui est vrai nous est suggéré, il y a toujours un moyen offert permettant de le voir et de le vérifier. Ce moyen ne tient pas à l’autorité ni à la caution de quiconque, mais au fait que nous pouvons le percevoir et le tester par nous-mêmes. L’autorité, en dernier ressort, c’est l’homme lui-même.
Un Dieu extérieur est une idole. Il nous faut pénétrer dans le tréfonds de notre être et comprendre que c’est là ce qui doit choisir et déterminer pour soi ce qu’il y a lieu d’accepter ou de rejeter. Le pouvoir même de la Divinité – le pouvoir du choix — réside en chacun de nous. Lorsque nous commençons à le comprendre, nous trouvons le premier indice de notre immortalité. Nous pouvons voir alors que Ce qui vit et pense dans l’homme est l’Eternel Pèlerin. Si l’on préfère employer le terme de Dieu, on peut dire "Autant il y a d’hommes sur terre, autant il y a de Dieux au Ciel".
De nombreux êtres sont en-dessous de notre niveau ; certains d’entre nous admettront peut-être qu’il puisse y avoir — qu’il existe effectivement des êtres supérieurs à l’homme. Aucun de ces êtres ne peut être omniprésent, aucun ne peut être le Suprême. Qu’est-ce qui est omniprésent, et suprême dans absolument tous les êtres — dans l’homme comme dans les êtres qui lui sont inférieurs, et supérieurs ? N’est-ce pas ce Pouvoir de perception, de pensée, de choix, d’action sur ce qui pense et choisit – sur l’Intelligence que possède l’être ? Ce Pouvoir transcende tous les êtres, toutes les conceptions, c’est ce Pouvoir qui est à la racine de toute évolution, et constitue l’Essence même de tout être. Personne n’est séparé de Cela, ni privé de Cela. Tous sont les rayons de Cela, en unité avec Cela. Il ne peut y avoir aucune existence en dehors de Cela.
L’homme se tient au milieu d’une vaste et silencieuse évolution — l’évolution de l’Intelligence, de l’Âme. Tous les êtres moins avancés que lui doivent gravir les échelons de l’être jusqu’à notre stade ; et, quels que soient ceux qui se trouvent plus avancés que lui, ils ont dû passer par notre stade et gravir encore des échelons supplémentaires. Ce sont nos Frères Aînés : ils ont passé par des civilisations qui ont précédé la nôtre — des âges en grand nombre avant le nôtre — et atteint un niveau de développement bien plus élevé que le nôtre. Ce sont Eux qui ont fait avancer l’ensemble de la connaissance acquise au cours de la vaste évolution qui a précédé la nôtre.
Ces Frères Aînés de la famille humaine ne sont pas des esprits au sens ordinaire du terme, ni des être nébuleux, "dieux" ou "anges". Ce sont des hommes, des Mahâtmas (de Grandes Âmes) – des êtres qui ont atteint une perfection physique, mentale, morale, psychique et spirituelle – et qui sont actuellement là où nous serons un jour, lorsque nous nous serons perfectionnés comme Ils l’ont fait, par des efforts auto-induits et auto-déterminés.
Avec Leur connaissance et Leur pouvoir, Leur capacité à nous aider et à nous guider, et les efforts qu’Ils font dans ce sens, ces Maîtres représentent pour nous la plus grande et plus puissante suggestion qui puisse être communiquée à un être humain. Ils sont disposés et prêts à nous aider, à tout moment, et en tout lieu, où nous-mêmes sommes disposés et prêts à recevoir l’aide. Ils ne demandent jamais rien ; Ils sont toujours prêts à donner à ceux qui peuvent être disposés à suivre Leurs indications, afin que nous puissions devenir un jour comme Eux, et connaître par nous-mêmes.
Si nous prenons Leur philosophie, telle qu’elle nous est donnée dans la Théosophie, si nous l’envisageons comme une théorie qu’il convient d’évaluer selon ses mérites, nous découvrirons qu’elle fournit une explication. Elle explique pourquoi il y a tant de gens différents ; elle explique les différences de nature, et pourquoi certains souffrent plus, et d’autres moins. Elle explique pourquoi chacun naît en un lieu particulier, dans telle famille, telle nation et à telle époque. Elle rend compte de toutes les inégalités de la vie, toutes les injustices, tous les mystères. Elle permet à l’homme de réaliser sa propre immortalité, de mener une existence consciente en Esprit, même pendant qu’il est incarné, dans un corps, ici sur cette terre. Actuellement, nous vivons dans la matière ; nous croyons que nous existons dans la matière, que nous dépendons d’elle pour exister. Nous pensons dans la matière. Notre religion est matérialiste, notre science est matérialiste, notre philosophie est matérialiste. Tout cela est dû à un mauvais emploi du pouvoir de suggestion, et à notre acceptation des idées sans chercher à les vérifier, sans comparaison, sur une autorité extérieure. Nous croyons, nous ne savons pas.
Il n’existe aucune autre Divinité que celle qui est devenue telle par évolution à partir de l’Esprit Un. Chaque être Divin est le produit d’une évolution. Chaque fois qu’on parle de divinité, on fait allusion à l’évolution d’un être. Toute intelligence a pour fondement le Pouvoir de perception, et celui-ci est présent à tous les niveaux de l’existence. L’Intelligence est l’extension du pouvoir de connaissance. Cette idée écarte un grand nombre de suggestions dont nous avons peut-être été dépendants. Il serait bon pour nous de ne dépendre de rien d’autre que de notre propre pouvoir inhérent d’apprendre, si nous voulons nous extirper de nos difficultés. Tous nos pouvoirs sont nés avec nous ; toutes nos expériences passées sont passées avec nous, mais elles sont tenues à l’écart par la foule des suggestions qui nous ont été faites quand nous étions enfants, et par les idées fausses que nous entretenons encore. Rien d’autre que la Vérité ne peut nous libérer, et cette Vérité, chacun de nous peut la trouver et la suivre, et parvenir ainsi à une connaissance par lui-même.
La véritable Clairvoyance
Depuis que le Mouvement Théosophique s’est exprimé ouvertement en 1875, le terme de clairvoyance (le pouvoir de voir clair) est devenu familier à de nombreuses personnes. À la fin du siècle dernier et au début de celui-ci, de nombreux types de clairvoyance ont été observés et expérimentés. La clairvoyance elle-même comporte ses propre développement et possibilités, les divers types de clairvoyance se référant aux divers niveaux de perception de la matière là où rien n’est concrètement visible, et à des événements qui se signalent en un lieu très éloigné de celui où se trouve le voyant. Malheureusement, toutes ces variétés de clairvoyance étaient limitées dans leur champ d’action ; elles n’étaient que partielles.
Les sociétés de recherche psychologique et psychique ont entrepris de découvrir ce que le pouvoir de clairvoyance peut être ou ne pas être, en prenant pour base le cerveau ou la simple existence physique. Elles recherchent les causes qui ont pu provoquer des effets qui eux-mêmes ont été déclenchés par des causes qui sont inconnues. Par conséquent, leurs recherches sont limitées. Et cependant, la clairvoyance en elle-même, indépendamment des moyens d’observation, montre que le pouvoir de voir, d’entendre, de ressentir et de communiquer, quelle que soit la distance, est latent dans l’homme, et que ce pouvoir ne se limite pas à un type particulier de personnes mais concerne également toute l’humanité.
Il existe une clairvoyance authentique et une véritable école d’occultisme. Les faux voyants et les fausses écoles d’occultisme existent en grand nombre. Toutes les fausses écoles vont dans une direction agréable au mental humain ordinaire — celui qui désire acquérir quelque chose pour lui-même, selon sa propre auto-conception. Il en va de même pour les divers types de clairvoyance : si celui qui s’efforce de trouver ce pouvoir en lui-même désire acquérir quelque chose pour lui-même, la clairvoyance qu’il obtiendra ainsi ne le mettra jamais sur la bonne voie. Rien ne peut vraiment expliquer la clairvoyance, ni faire comprendre ce qu’elle peut être en réalité, si ce n’est une étude de la nature et de l’homme, ou du monde dans lequel il vit, ainsi que celle du système solaire dont notre monde fait partie.
La clef de la clairvoyance authentique réside dans la nature septuple de l’homme. Il existe sept plans de conscience distincts, sept plans différents de matière, dont le plan physique fait partie. Ces sept plans distincts d’action correspondent aux divers départements de la nature humaine, cependant c’est la même Unité qui opère en chacun d’eux. Par clairvoyance, nous devrions comprendre, en fait, la faculté de voir clairement dans chacun de ces sept départements de la nature humaine, sans en exclure aucun. Toute autre clairvoyance partielle ne peut nous valoir que de piètres résultats, et en aucun cas une connaissance valable.
Nombreux sont ceux qui ont “médité afin de progresser” et tenté de parvenir au niveau appelé “plan astral” afin de pouvoir voir et entendre à distance. Mais ce domaine présente les pires dangers imaginables. Le simple fait de voir ou entendre une chose ne nous renseigne pas sur ce qu’elle est vraiment ; or la nature, qui a de nombreuses choses susceptibles de nous attirer sur le plan astral, est dangereuse et nuisible. Les efforts faits pour accéder à ce plan vont toujours dans un sens impliquant la passivité, et lorsque nous nous laissons aller à la passivité, toutes les influences autres que les perceptions physiques normales sont susceptibles de nous atteindre. Nous sommes alors la proie de toutes sortes d’effets, mauvais ou bons, sans pouvoir choisir dans un sens ou dans l’autre. Un élément quelconque de notre nature peut attirer le bon, le mauvais ou les deux, selon les cas ; mais le simple fait de voir ou d’entendre ne nous confère aucune connaissance et ne nous aide pas le moins du monde dans le sens d’un progrès quelconque. En guise d’exemple, supposons que nous soyons transportés sur la planète Mars et voyions les agissements des êtres qui y vivent, et entendions les sons de leur langage. S’ils appartenaient à un autre genre d’êtres que nous, nous ne comprendrions absolument rien de ce qu’ils font. La véritable connaissance et la compréhension authentique ne s’acquièrent que par une claire appréhension des lois et des principes, et pas autrement. De même qu’il existe une loi qui nous a incités, dès le commencement de notre existence, à “progresser” pas à pas, il y en a aussi une qui nous invite, échelon par échelon, à nous élever vers la connaissance. Aucune de ces étapes ne peut être sautée. Il est impossible d’essayer de parvenir au sommet en sautant d’en bas, car tous les échelons sont interdépendants — les plus élevés reposant sur l’ensemble des autres, le plus bas précédant ceux qui leur sont superposés.
Il est plus aisé de comprendre la nature septuple de l’homme en se référant aux trois grands principes sous-tendant toute vie, ainsi que toute religion et philosophie ayant jamais existé, ou étant susceptible d’exister un jour. On peut les désigner par ces trois mots concis : Dieu, la Loi, et l’Être. En ce qui concerne Dieu, les anciens ont enregistré qu’il existe Un Principe Absolu — Indescriptible, Intraduisible, Indéfinissable, Infini, Omniprésent — la Cause et le Soutien de tout ce qui fut, est ou sera à jamais. Ce qui est, la Divinité, l’Omniprésent, ne peut être absent d’aucun point de l’espace et nous en sommes inséparables. Chacun procède de Cela, est comme un rayon de ce Principe Absolu, en Unité avec Lui. Le pouvoir qui est en nous de percevoir, de connaître et d’expérimenter — indépendamment de tout ce qui peut être perçu, connu et expérimenté — est le Soi Unique, la Vie Une, l’Unique Conscience, partagée également par tous, la Source de chaque être, la Vie de chaque être, le Pouvoir de chaque être. Derrière toute perception, connaissance ou expérience, se tient le Soi Unique et Indivisible. En lui réside le véritable fondement de la Fraternité Universelle – le lien unifiant tout ce qui se situe au-dessus et en dessous de l’homme — et le véritable progrès vers la vie divine consistant à réaliser de plus en plus la plénitude de la Vie en chacun. En agissant pour et comme ce Soi, dans tous les domaines, en réalisant que le Soi agit en tous et par le biais de tous, en essayant de réaliser de mieux en mieux que chacun est ce Soi, la plénitude de notre nature et de celle des autres peut être appréhendée, appréciée, comprise et favorisée.
Le second grand principe, la Loi, montre que l’univers est un plan illimité dans lequel ont lieu des manifestations périodiques. Notre terre et notre système solaire ont eu un commencement. De la même façon, ils auront une fin, tout ce qui commence dans le temps finissant également dans le temps. Toutes les terres et tous les systèmes solaires, tous les êtres, à tous les niveaux, ont atteint leur stade actuel par une évolution qui est soumise à une loi précise, inhérente à la nature des êtres concernés. Toute évolution est le fait d’êtres. C’est la force des êtres en action qui produit des résultats individuels et collectifs ; la loi des lois est Karma, la loi de l’action et de la réaction, de cause à effet, lesquels sont les aspects de l’action ne pouvant être dissociés. Tout progrès est soumis à cette loi, au cours d’une succession naturelle de périodes d’activité et de repos. De même que le jour succède à la nuit, et qu’au printemps, à l’été, à l’automne et à l’hiver fait suite un autre printemps, de même, la naissance, la jeunesse, l’âge adulte et la mort précèdent une autre naissance. Le processus de la réincarnation, ou de l’occupation d’un nouveau corps, est aussi naturel que le fait de passer d’un jour à un autre encore non manifesté. Cette vie, qui est aujourd’hui, fut précédée par une autre, qui a été, et elle précède également une autre vie, qui n’est pas encore. De même que les planètes et les systèmes solaires ont une fin, ils connaîtront, eux et les êtres qui les constituent, une réincarnation, un renouveau.
La troisième proposition fondamentale indique que tous les êtres de l’univers ont évolué à partir de niveaux de perception inférieurs vers une individualisation croissante ; que les êtres supérieurs à l’homme sont passés par notre stade actuel ; que l’évolution ne pourra jamais cesser, dans un univers infini d’infinies possibilités ; quel que soit l’état de perfectionnement atteint par une race, sur une planète ou dans un système solaire donné, il existe toujours de plus grandes possibilités à faire valoir.
À ses débuts, notre système solaire n’était que la continuation de celui qu’il avait été précédemment. Dans un autre agencement, sur une autre planète, des êtres de tous degrés, correspondant à nos règnes minéral, végétal, animal, humain, et surhumain, avaient opéré ensemble. Ce grand jour de coopération cessa, ce monde fut arrêté en ce qui concernait la poursuite d’une action quelconque, de la même façon que nous nous arrêtons lorsque nous quittons la conscience de veille pour nous endormir. Puis vient l’aube du jour suivant. Un éveil et une autre action reprennent. Tous les êtres qui s’étaient exprimés jusque là, qui s’étaient trouvés réintégrés dans l’état primordial de la matière, repartent sur une nouvelle base, pour continuer leur évolution.
Nous étions des êtres soi-conscients au début de ce monde, revêtus de cet élément de matière primordiale dont procédèrent tous les états ultérieurs, et dans lequel les possibilités de changement sont infinies. De même que notre planète évolue vers la concrétisation à partir de l’état nébuleux, en se refroidissant graduellement, en se durcissant et en se condensant, de même tous les êtres humains se sont matérialisés de plus en plus, jusqu’à atteindre ce plan, le plus dense, celui de la concrétisation finale dans leur corps physique actuel. Les degrés de l’échelle qu’ils ont descendue sont au nombre de sept. Selon l’enseignement, notre système solaire, cette terre et l’homme sont d’une nature septuple. Notez que la gamme musicale comprend sept notes, et le spectre lumineux, sept couleurs. Ceci n’est pas le fruit du “hasard”, mais le résultat d’évolutions, de différenciations à partir de la substance unique. Le son et la couleur représentent chacun des taux de vibration différents, captés par les instruments que sont l’oreille, l’œil, ou les deux. Certains pensent que bien que ne disposant actuellement que de cinq sens, nous sommes en train d’en acquérir progressivement un autre. Ce que nous avons, en réalité, ce sont cinq organes qui traduisent cinq caractéristiques distinctes de la matière. Par la suite, nous parviendrons à une compréhension de la sixième caractéristique de la matière, au-delà de laquelle se situe le septième sens synthétique, qui les comprend tous et appartient aux plans les plus élevés de l’être.
Si nous sommes cet être qui constitue le perceveur, le connaisseur, l’esprit, la Vie, la Conscience même, en quoi consisterait la véritable clairvoyance ? Serait-il possible de considérer comme véritable clairvoyance le simple fait de regarder avec nos yeux physiques dans un état de la matière qui n’est situé qu’un peu au-dessus de celui de la terre ? Il existe de vrais voyants qui connaissent non seulement ce qui est visible pour tous, mais aussi ce qu’il y a à l’intérieur de tout être, humain ou non. Pour eux, nous ne pouvons faire aucun mouvement, quel qu’il soit — nous déplacer d’une chaise à une autre, par exemple — sans mettre en œuvre chacun de ces sept sens, et afficher, dans la gamme correspondant à chacun de ces sept sens, l’ensemble des qualifications et des motivations que nous ayons jamais eues. Certains êtres sont en mesure de connaître le cœur même des hommes et les véritables motivations qui les font agir. Dans la clairvoyance authentique, l’être réel est absolument et inconditionnellement éveillé. Il utilise chacun de ses instruments avec précision et en coordination exacte avec les autres. Il est clair voyant. Il sonde les motivations de l’homme parce qu’il voit tout. Comment peut-il voir ? Tous les centres ou organes de l’homme ont été évolués par l’opération de lois qui régissent le système solaire. Ces lois peuvent être connues. Chaque centre à sa propre couleur et un son spécifique ; il présente également un symbole et une forme distincts. Ainsi donc, si quelqu’un connaissait les lois qui régissent les sons, les couleurs, les symboles et les formes, il saurait, aussi sûrement que nous savons les choses les plus simples, ce qui est à l’origine de la nature de tout mouvement, et connaîtrait sa motivation sous-jacente. Personne ne pourrait le tromper, lui cacher aucun mal, ni aucune intention. Une telle maîtrise, sans possibilité d’erreurs, serait divine — ce serait la clairvoyance authentique.
Cette véritable clairvoyance ne s’acquiert pas par des “postures” visant à l’auto-développement. En restant assis dix millions d’années pour progresser, nous n’apprendrions sans doute finalement qu’à… rester assis. Le véritable pouvoir s’acquiert en tentant de réaliser notre propre nature divine, et en agissant comme le fait la divinité ; en tentant d’acquérir le maximum de possessions afin de les mettre au service de nos compagnons. Ce pouvoir découle du service désintéressé, et de rien d’autre. La divinité en nous trouve sa pleine expression dans l’auto-sacrifice. A mesure que l’homme progresse et apprend à réaliser sa nature réelle en travaillant de plus en plus pour celle d’autrui, il découvre que la connaissance spirituelle jaillit spontanément en lui. Il ne recherche pouvoir et connaissance que pour être capable d’aider les autres qui sont moins pourvus que lui. Jésus a dit : “Que celui qui voudrait être le plus grand parmi vous serve les plus petits”. Et il en a toujours été ainsi dans cette grande œuvre : ceux qui étaient les plus avancés d’entre nous ont toujours servi les plus petits, ont toujours été les plus humbles, ne recherchant ni faveurs ni reconnaissance.
L’altruisme, le sacrifice de soi, le dévouement aux intérêts les plus élevés de l’humanité représentent la clairvoyance authentique. S’il elle avait pu s’acquérir de toute autre manière, n’aurait-on pas pu éviter tant de grands événements, tant de grands désastres qui ont accablé différents peuples ? Si on pouvait s’acheter une telle connaissance, n’irait-on pas spolier les institutions et voler les gens, exploiter le marché des changes, obtenir encore bien d’autres avantages personnels ? Mais la connaissance authentique ne se met jamais au service des intérêts personnels, pas même pour une auto-défense. Quand Jésus était sur la croix, les gens ont dit : “Qu’Il se sauve Lui-même et descende de la croix. Il en a sauvé d’autres mais Lui ne peut se sauver !” N’avait-il pas le pouvoir de descendre ? Absolument pas. Les gens avaient assouvi leurs passions sur Lui, et Il l’avait enduré. Il aurait pu les détruire tous s’Il l’avait voulu, mais il a dit : “Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font”. Ceux qui sont capables de lire les pensées les plus intimes d’une personne ne songeraient pas plus à “percer les secrets”, à tenter de découvrir ce que d’autres essaient de dissimuler. Ils ne regarderaient pas non plus là où on ne leur a pas demandé. Ils prendraient chaque personne à son propre niveau de valeur. Si quelqu’un les trompait, d’une manière ou d’une autre, ils tenteraient de le rencontrer sur son propre terrain et, de là, ils essaieraient sans cesse de lui découvrir un point de vue élevé.
De temps à autre, viennent dans le monde certains êtres dénués d’aucune marque distinctive, que nous autres humains pourrions reconnaître, mais qui détiennent une connaissance que nous désirons ardemment posséder. Ils ne sont jamais reconnus quand ils sont parmi nous, si ce n’est par quelques rares individus. Mais lorsqu’ils s’en vont, ce qu’ils nous ont transmis révèle ce qu’ils étaient. Par le caractère même des enseignements de Jésus, nous reconnaissons la nature de celui qui les a communiqués. Ainsi les enseignements de la Théosophie — une connaissance absolument scientifique, incluant tous les domaines de la nature et expliquant tous les mystères actuels – font découvrir la nature des êtres qui ont transmis cette Théosophie — nos Frères Aînés. Et Eux, qui se sont élevés au-dessus du commun, ne nous laissent pas à nos problèmes, dans l’obscurité et l’ignorance. Ils désirent que nous puissions nous voir, nous comprendre et nous connaître nous-mêmes ; que nous corrigions promptement notre conception de la vie, afin que des idées justes nous inspirent des actions justes et que nous puissions nous comporter comme des êtres divins. Aussi aveugles et ignorants que nous puissions être, nous ne sommes pas abandonnés à notre solitude, mais aidés dans la mesure où nous désirons cette aide et la méritons, et où nous exploitons ce que nous savons pour aider les autres qui en savent moins que nous. Seul le désintéressement — l’absence d’égoïsme — peut nous conférer tous les dons existants. Comme l’a dit Jésus : « Cherchez d’abord le Royaume des Cieux, et tout le reste vous sera donné de surcroît ».
La véritable Moralité
La véritable moralité n’est pas une question de mots, de phrases, ni de comportement d’aucune sorte, et son fondement n’est pas à chercher non plus parmi les nombreuses conceptions de moralité existant dans le monde, lesquelles varient dans le temps et dans l’espace. Ce qui est “moral” à une époque peut devenir “immoral” à une autre. Ce changement d’attitude vis-à-vis de nos actes, cette fluctuation des critères du bien et du mal, ces modifications des “grands universaux”, ne se fondent absolument sur rien. Il en résulte immanquablement de l’intolérance, ceux qui se vantent de leurs propres critères de “moralité” se montrant toujours intolérants vis-à-vis de ceux qui les rejettent. La véritable moralité consiste à comprendre et à réaliser la nature spirituelle de l’homme, elle doit nécessairement en découler, indépendamment de toutes les sortes de conventions. Pour comprendre ce qu’est réellement la moralité, il nous faut d’abord connaître notre propre nature intérieure.
Les conventions de la vie sociale ne sont établies que sur la base d’une communauté d’opinion des êtres vivants en un lieu et à une époque donnés. Ils ne se fondent pas nécessairement sur la vérité, et encore moins sur une perception de la vérité intégrale. Comme nous pouvons le voir, l’intérêt général n’est pas servi par les conceptions généralement acceptées. Le monde se trouve dans un état terriblement mauvais et égoïste. Malgré toutes les idées qui prévalent en matière de progrès, de moralité et de religion, ce n’est pas un lieu où l’on puisse être aussi heureux qu’on pouvait l’être, sans doute, il y a un siècle ou deux, ni un espace aussi bon offert à des êtres humains pour y vivre qu’il ne l’était dans les civilisations plus innocentes et moins complexes des anciens peuples. De toute évidence, nos conceptions présentent des failles, puisque nous sommes forcés de constater qu’au lieu d’aller mieux, la situation mondiale empire, et que la vie, loin de se simplifier, se complique de plus en plus. Nous ne serions pas dans cette situation si nos opinions religieuses et morales découlaient des idées fondamentales sous-jacentes à toute religion, philosophie ou système de pensée.
La base de compréhension de la vie, acceptée par la majorité des Occidentaux, a été une religion révélée, et le Dieu personnel qui l’a révélée. C’est sur cette base que se sont développées toutes nos conceptions erronées. D’où la grande importance accordée à l’existence physique. En fait, on peut dire que la pensée de la plupart des êtres humains se focalise entièrement sur l’existence physique. On ne se pose même pas la question de savoir pourquoi on est né à cette époque, dans telles conditions, dans telle nation, et non à une autre époque, passée ou future, où le monde aurait pu aller mieux. Nous ne nous sommes pas demandé pourquoi nous étions ici-bas, après tout, ni quelle était la cause première qui nous a mis dans cette situation. Fut-ce le bon vouloir ou le caprice d’un Être particulier, ou l’opération d’une loi inhérente à notre être intérieur ? Si nous sommes ici, avec les qualités qui sont les nôtres, par le vouloir ou le caprice d’un Être quelconque, alors force nous est de nous considérer comme absolument irresponsables de quoi que ce soit. Si nous avons été créés ainsi, rien ne peut annuler cette création, et nous devons subir les conséquences de causes que nous n’avons pas déclenchées !
Les justes conceptions de la philosophie antique nous libèrent de deux notions fausses : d’une part, qu’il existe un Dieu vengeur qui nous punit pour des choses que nous sommes incapables de nous empêcher de faire, et d’autre part, qu’il existe un Diable auquel nous serons livrés si nous ne suivons pas les directives que certaines gens ont fixées pour nous. Une connaissance de la Théosophie nous permet de comprendre qu’il n’y a jamais eu de “création” au sens d’une création à partir de rien ; mais que tout — chaque être de chaque espèce — a évolué, et continue de le faire. Les êtres moins avancés que nous sont en train d’évoluer vers notre niveau, tandis que ceux qui nous ont de loin dépassés sont passés, il y a très longtemps, par le stade qui est le nôtre actuellement. Tous les êtres sont devenus ce qu’ils sont par une évolution procédant de l’intérieur vers l’extérieur, et selon la Loi.
Cette Loi opère partout et sur chacun des êtres, car elle n’en est pas distincte ; elle n’est pas séparée de la nature spirituelle intérieure de l’être. Cette Loi est celle de l’action même de l’homme. Ainsi, comme nous agissons selon les tendances qui affectent autrui, en bien ou en mal, nous recevons forcément en retour les résultats de ces bons ou mauvais effets que nous avons fait subir aux autres. Chaque individu met en mouvement la Loi, en reçoit les conséquences de ses actes : comme il a semé il récolte. Ainsi, au lieu de croire en un Dieu vengeur, nous avons la notion d’une Justice absolue et d’une responsabilité individuelle.
Si, du point de vue de la Loi, nous nous demandons quelles sont les causes préexistantes qui nous ont amenés dans la situation actuelle, nous pouvons constater que ce qui existe maintenant a dû être mis en place par nous-mêmes et que le présent est semblable a ce qui fut jadis. Il vient aussitôt à l’esprit que ce n’est pas notre première présence sur la terre, mais que, de nombreuses fois, nous nous sommes trouvés dans un corps ; que la réincarnation est le processus par lequel les être humains atteignent des niveaux de plus en plus élevés ; que le seul moyen d’apprendre toutes les leçons de la vie physique parmi nos congénères est de nous réincarner encore et encore.
Nous accédons ensuite à une autre phase de notre existence : nous voyons en effet qu’il y a en nous quelque chose qui opère continûment, qui n’est jamais né et ne meurt jamais. Et si cela persiste d’une vie à l’autre, au cours de nombreuses vies, et à de nombreuses reprises, dans le futur, c’est qu’il doit y avoir en nous un élément permanent qu’aucun changement d’état, de corps ou de circonstances ne peut altérer un seul instant. A mesure que nous apprenons ainsi à penser en termes d’époques, et non plus de jours d’une seule courte vie, nous commençons à saisir un aperçu de ce qu’est cette Réalité présente dans l’intimité de notre être ; nous ouvrons la porte qui permet à ces perceptions intérieures, réelles et plus permanentes, d’influencer nos pensées quotidiennes à l’état de veille — chaque être humain individuel a surgi en effet de cette Grande Source Unique, est animé par Cela, est effectivement Cela, à la racine même de son être ; et en Cela est son pouvoir de perception et d’action qui est par essence spirituel et permanent. Le pouvoir de percevoir et d’agir existe en chacun de nous ; la maîtrise de cette perception et de cette action réside en chacun. Chacun a la possibilité de suivre la voie qui lui semble la meilleure ; mais, en la suivant, il sème, et il devra aussi récolter, en fonction de ce qu’il a semé. Dans cet univers de Loi, chaque être fait des expériences, comme il le fait, en raison de ses propres pensées, paroles et actions ; chaque circonstance, chaque journée malheureuse, tout le mal comme tout le bien qui nous échoit, résulte d’une pensée, parole ou action que nous avons produite dans le passé. Dans chacune de nos incarnations, nous avons des amis et des ennemis. Aussi notre esprit n’a-t-il aucun souci à se faire pour ce qui est de Dieu ou du Diable. Chacun de nous représente à la fois l’Esprit — la nature divine supérieure — et, également, la nature infernale, la plus basse. En fait, l’homme est spirituel, mais, comme il se croit matériel et séparé, et qu’il agit en conséquence, il provoque le conflit entre les deux natures qui sont en lui.
La grande erreur des hommes de religion actuels réside dans la distinction qu’ils ont faite entre le bien et le mal. Rien n’est bon, ni mal, en soi. C’est l’usage que nous faisons des choses qui les rend bonnes ou mauvaises. Comment pourrions-nous, dans chaque cas délimiter avec précision la frontière entre le bien et le mal ? On juge du bien ou du mal selon les effets qui découlent d’une action, mais ce qui peu sembler mauvais dans un cas peut en fait représenter le plus grand bien. Et ce qui semblerait bon, dans un autre, peut en réalité, conduire au pire des maux. La différence entre le divin et le satanique tient à l’épaisseur d’un cheveu. Et ce cheveu ne dépend pas de tel ou tel comportement, mais d’une claire définition de la motivation, ou de l’intention de celui qui agit. Une bonne intention ne peut jamais produire uniquement de mauvais effets, et, cependant, elle ne suffit pas. Avec les meilleures intentions du monde, mais sans la connaissance et la sagesse, nous pouvons finir par mal agir, sans le vouloir ; parfois même, il peut arriver que nous fassions le bien alors que nos intentions étaient mauvaises. Ainsi, la moralité authentique semble résider non pas dans l’acte lui-même, mais dans la motivation ; et celle-ci dépend de la connaissance et de l’intelligence de l’être qui agit.
Où que se situent les voies de la moralité authentique, ce n’est pas une raison pour faire le mal afin qu’un bien en résulte ! Comment pourrions-nous mal agir si notre perception dans le sens du bien était correcte, notre connaissance éclairée, et notre intention irréprochable et désintéressée ? Dans de telles conditions, qui sont de la nature de l’Esprit, aucun mal imaginable ne pourrait être causé. Il faut la plus large contribution de l’intelligence et de la sagesse pour assurer qu’aucun effet mauvais ne puisse se produire, même quand l’intention était bonne. La sagesse est toujours requise, car la nature et l’essence même de notre être sont la sagesse, et ce qu’elle permet d’acquérir. Rien n’est plus élevé que cette essence de notre être, et nous pouvons l’atteindre consciemment en commençant par rejeter toutes les conceptions qui sont en conflit avec elle, puis en agissant, sur la base de notre nature spirituelle, en nous fondant sur la Loi absolue et infaillible. Une fois que ces idées sont tenues dans le mental, en excluant toutes les autres idées de séparativité, l’unité de l’Esprit, l’unité de la pensée et de l’action occupent la place.
La grande philosophie de la Théosophie offre ainsi une base qui permet de saisir quel est le type de moralité le plus authentique. La véritable moralité ne dépend ni de mots, ni de phrases, ni de conventions, mais d’une perception universelle de toutes choses, dans laquelle toute action est accomplie pour le bien, chaque pensée, comme chaque sentiment, est dédiée au bénéfice d’autrui, et non de soi-même. Les deux conditions essentielles de la véritable moralité sont une claire perception de notre nature spirituelle, et l’intention d’aider l’humanité dans tous les domaines et dans tous les cas, avec un complet désintéressement. La moralité authentique est en fait une existence universelle, et elle commence avec le désir de vivre au bénéfice de l’humanité, sans aucun intérêt pour soi et sans aucun espoir de récompense ; ensuite, elle consiste à la mettre en pratique et à aider ceux qui en savent encore moins que nous.
Ceci se situe aux antipodes des idées religieuses courantes de rédemption personnelle, et cependant cette existence universelle est notre rédemption. Dès que ces idées universelles sont comprises, et en partie réalisées, toute crainte nous quitte aussitôt. Aucun changement, aucune mort, aucune chose, présente ou future, ne peut plus nous affecter. Nous faisons face aux circonstances au fur et à mesure qu’elles se présentent, en faisant notre possible, et laissons d’autres circonstances leur succéder. Nous traversons la vie, loin d’être malheureux, et parfaitement capables de jouir de tous les plaisirs et joies de la vie — tout ce dont vivent, ou espèrent vivre, les autres hommes. Nous évoluons parmi nos compagnons, en comprenant toutes les expériences qu’ils traversent, en goûtant leurs joies, et leurs peines, quand ils en ont, en restant cependant nous-mêmes, exempts de toute joie ou peine. À ce stade, notre sens de la moralité se fonde sur la nature humaine. On considère alors tout être comme appartenant à la même espèce que soi, la seule différence résidant dans le niveau de compréhension. Il ne peut plus y avoir en nous que tolérance et compassion, car nous comprenons alors que nous ne pouvons juger les autres dans leurs luttes ; nous ne pouvons prétendre reconnaître le bien dans tel cas, ni le mal dans tel autre ; nous savons que le bien et le mal sont entièrement relatifs chez des hommes qui ne perçoivent absolument pas la Réalité ; nous réalisons que la meilleure chose qu’il soit possible de faire pour quelqu’un consiste à l’aider à se comprendre lui-même, afin qu’il puisse atteindre le niveau de perception, de connaissance et de pouvoir qui, en réalité, lui revient, mais qu’il lui faut encore réaliser.
Des conceptions erronées de la vie empêchent l’homme de connaître la vérité, et il est évident que la première étape vers la perception vraie consiste à écarter les préjugés et prédilections avec lesquels il a vécu. Et il y a toujours de l’aide possible. Nous n’avons jamais été laissés seuls. Il y a toujours des êtres plus évolués que nous qui reviennent dans le domaine de l’existence physique pour nous aider, pour nous éveiller à la perception de notre nature. Telle fut la mission de toutes les Incarnations Divines au cours des âges. Ces êtres sont venus et ont vécu parmi nous, sont devenus “en toutes choses semblables à nous”, comme on l’a dit de Jésus, afin que nous comprenions les paroles humaines qu’ils nous ont dites. Ils viennent à notre rencontre, en se plaçant sur la même base idéologique que nous, afin de tenter de l’éclairer et de la corriger. Ils ne peuvent en rien arrêter ce que nous avons fait, ni ce que nous voulons faire ; Ils ne peuvent pas interférer ; mais Ils peuvent nous aider à regarder dans la bonne direction, si nous le souhaitons ; Ils peuvent nous aider si nous nous tournons dans la direction qu’Ils indiquent, le Sentier qu’Ils ont eux-mêmes parcouru, il y a très longtemps. Ils essaient toujours de nous aider, même lorsque nous nous fourvoyons dans des voies erronées et attirons par là, sur nous, les souffrances que cela implique nécessairement. Même dans ces cas, Ils tentent d’en canaliser les effets dans une voie plus favorable. Ils retiennent le terrible Karma qui ébranlerait le monde, et laissent ses effets se manifester d’une façon si progressive que nous pouvons les supporter et les endurer. Cela fait partie du pouvoir de protection de la nature spirituelle, lequel opère dans tous les domaines.
Ainsi donc, il nous appartient de dire dans quel sens nous irons. Nous ne sommes pas des créatures de circonstance, ni d’environnement. C’est nous qui les créons. Et c’est à nous qu’il incombe de veiller à penser correctement, de construire de manière juste, sur les solides fondations des vérités éternelles, et de garder les yeux fixés sur la Voie que les grands Maîtres de Sagesse ont tenté de nous ouvrir. Ensuite, nous pourrons, à notre tour, indiquer cette Voie aux légions d’êtres qui vivent dans l’illusion et l’ignorance, et, en les aidant tous, nous nous aiderons nous-mêmes. Quand nous nous aiderons nous-mêmes en aidant les autres, c’est l’ensemble que nous contribuerons ainsi à élever.
Cahier Théosophique 187
© Textes Théosophiques, Paris
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