LA LYMPHE - HISTORIQUE
La lymphe, dans l'histoire de la médecine, n'a pas toujours eu la place qu'elle méritait, sans doute à cause de sa transparence et des difficultés auxquelles furent confrontés les premiers anatomistes pour la mettre en évidence.
Ce liquide mystérieux intrigua plusieurs civilisations: en Grèce, la pythie, prêtresse du 5ème siècle avant Jésus-Christ, proférait des oracles en se référant au sang blanc " on peut supposer qu'il s'agit bien là de la lymphe. On sait que le peuple grec portait un grand intérêt aux sciences, et notamment à la médecine. Parmi les Anciens, Hippocrate (fin du 5ème siècle avant Jésus-Christ) mentionne différentes humeurs constitutives du corps, dont la bile, la bile noire, le flegme, le sang. Hérophile (IIIème siècle avant Jésus-Christ) décrit avec précision le chyle.
Galien (IIème siècle de notre ère) met en évidence, lors d'expérimentations, la présence d'un liquide séreux qu'il nomme ichor lorsque le sang est extrait de son contexte corporel et mis au repos, A cette époque, on parle aussi de pneuma, un sang aéré différent du sang veineux: là aussi, on peut se demander s'il ne s'agirait pas tout bonnement de la lymphe,
A cette époque, la médecine affirme que « les maladies sont dues à des variations de l'état des humeurs et aux déplacements induits des liquides organiques, dans le corps en général et dans les vaisseaux. » Mais il faut savoir que toutes les théories émises resteront hypothétiques jusqu'aux premières dissections effectuées à Alexandrie, au III siècle avant Jésus- Christ. En différents endroits du globe, une même conception a existé. On en a retrouvé trace chez les Incas, dans l'ancienne Egypte, chez les Arabes également: des manuscrits datant des Xème et XIème siècles (Avicenne et Rhazès) en témoignent.
Au Moyen Age, les progrès dans le domaine médical vont plutôt stagner en raison du puritanisme d'une époque sous l'emprise des religions. Ainsi, il faudra attendre 1622 pour qu'un Italien, Aselli de Crémone, révèle, en disséquant l'intestin d'un chien, la présence de vaisseaux lymphatiques qu'il nomme venae lactea, veines lactées, à cause de la couleur opalescente et nacrée qui caractérise la lymphe à cet endroit, au cours de la digestion.
Six ans plus tard, en Angleterre, William Harvey retrace le fonctionnement de la circulation sanguine telle qu'elle est connue de nos jours: un circuit fermé actionné par le coeur. Le corps médical pensait au contraire que le foie remplissait cette fonction primordiale. Ce n'est qu'à la fin de la vie du chercheur que l'on admettra sa découverte, très controversée à son époque, comme une réalité scientifique, et que l'on reconnaîtra l'importance de son livre Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus, publié en 1628.
En 1647, Olaf Rudbeck signale la présence d'un gros collecteur lymphatique: le canal thoracique. A cette même date, en France, Jean Pecquet, de la Faculté de médecine de Montpellier, fait la même découverte. Son nom reste cité de nos jours grâce à la «citerne de Pecquet (Pecquet découvrit également les localisations des angles veineux terminus.
En 1652, Thomas Bertelsen, dit «Bartholin», confirme, dans ses volumes dédiés au roi Frédéric III du Danemark, l'existence du système lymphatique chez l'humain. Au cours de ses recherches, en injectant du colorant indigo dans le réseau lymphatique, il apporte des informations précises concernant ses ramifications: les vaisseaux lymphatiques.
En 1876, après plus d'un siècle de désintérêt pour la lymphe, Mâconnais établit une planche décrivant avec précision l’anatomie lymphatique du membre inférieur.
En 1883, Sappey met au point un Atlas de la circulation lymphatique, dont les planches descriptives des trajets des vaisseaux et des zones ganglionnaires sont toujours reprises dans la plupart des ouvrages actuels.
A partir de là et jusqu'à nos jours, de nombreuses précisions scientifiques viendront se greffer sur ces données. Il serait vain et laborieux de toutes les décrire. Retenons un moment important auquel on fait peu référence: en 1892, un chirurgien autrichien, le professeur Winiwarter, effectue les premières manœuvres dans le but de résorber les oedèmes.
Entre 1932 et 1936, Emil Vodder, reconnu comme le père du drainage lymphatique, initialement docteur en philosophie, puis physiothérapeute, s'intéresse aux travaux d'Alexis carrel. Intrigué par le système lymphatique, et suivant l'intuition qu'il eut lors du traitement d'un de ses patients atteint de sinusite, il met au point, à Cannes, une méthode complète et originale: le drainage lymphatique. Autrement dit, des mouvements « en cercles » , appelés aussi « en roue voilée » , effectués avec douceur mais de façon rythmée, qui ont pour but de soulager différentes pathologies et de résorber les oedèmes.
La route fut longue et difficile, même si sa méthode fut peu à peu appuyée scientifiquement par différents professeurs (Foldi, Asdonk, Kuhnke, Collard et, de nos jours, Leduc ). Vodder dut attendre vingt ans avant que son traitement soit reconnu pour ses bienfaits. Plus tard, en 1970, il fonda, sous son label, à Walfsee (Autriche), une école privée qui fonctionne toujours. Depuis, de nombreuses autres institutions se sont établies un peu partout dans le monde, certaines dirigées par d'anciens élèves d'Emil Vodder, mais toutes avec le même objectif : enseigner scrupuleusement la méthode créée en 1932 et assurer la qualité de ce travail.
Aujourd'hui, le drainage lymphatique a acquis une place de choix parmi les traitements médicaux. Des symposiums de lymphologie ont lieu chaque année, réunissant des membres des corps médical et paramédicales adeptes de la méthode.