« Quand l’air inspiré et l’air expiré fusionnent, ressens l'absence d'énergie, ressens la présence d'énergie en ton centre.»

 

Nous sommes divisés en centre et périphérie. Le corps est la périphérie. Nous connaissons le corps, nous connaissons la périphérie. Nous connaissons la circonférence, mais nous ne savons pas où se trouve le centre. Quand l'inspiration devient expiration, quand elles deviennent une, quand on ne peut plus dire quelle est l'inspiration et quelle est l'expiration, quand il est impossible de séparer l'une de l'autre, de définir si l'air pénètre ou s'il sort, il y a un moment de fusion. L'air, en effet, ne pénètre ni ne sort. La respiration est statique. Quand l'air soit, elle est dynamique; quand l'air pénètre, elle est dynamique. Quand la respiration n'est plus ni inspiration ni expiration, quand elle Est silencieuse, immobile, vous êtes en contact avec le centre. Le point de fusion de l'expiration et de l'inspiration est votre centre.

 

Voyons les choses de cette façon: quand l'air pénètre, où va- t-il ? Il se dirige vers votre centre. Il touche votre centre. Quand il sort, d'où sort-il ? Il sort de votre centre. C'est le centre qui est touché. C'est pour cette raison que les mystiques taoïstes et Zen disent que c'est le nombril et non la tête qui est le centre. La respiration pénètre jusqu'au nombril, puis elle en sort. Elle touche le centre.

 

Comme je l'ai déjà dit, c'est un pont jeté entre vous et votre corps. Vous connaissez le corps mais vous ne savez pas où est le centre. La respiration va sans cesse de l'extérieur au centre et du centre à l'extérieur, mais nous ne respirons pas assez profondément. C'est ainsi qu'ordinairement, l'air ne touche pas le centre. En ce moment, en tout cas, il ne va pas jusqu'au centre. C'est pour cela que tout le monde se sent « décentré ». Dans le monde moderne, ceux qui pensent sentent qu'ils sont à côté du centre.

 

Regardez un enfant dormir. Observez sa respiration. L'air pénètre: l'abdomen se soulève. La poitrine reste immobile. Les enfants n'ont pas de poitrine; ils ont seulement des abdomens. Très dynamiques. L'air pénètre dans leur corps: leur abdomen se soulève. L'air sort: l'abdomen s'abaisse. Il bouge. Les enfants sont au centre, dans leur centre. C'est pour cela qu'ils sont si heureux, si sereins, pleins d'énergie, jamais fatigués, dé- bordants de vie, et toujours dans le moment présent, sans passé, sans avenir.

 

Quand un enfant se met en colère, il l'est totalement. Il de- vient sa colère. Alors, sa colère est aussi une belle chose. Quand on est totalement en colère, la colère possède une beauté, parce que la totalité est toujours belle.

 

Mais vous, vous ne pouvez pas être en colère et beaux. Vous devenez laids, parce que ce qui est partiel est toujours laid. Et cela ne s'applique pas seulement à la colère. Quand vous aimez, vous êtes laids, parce que là encore, vous êtes partiels, incomplets. Vous n'êtes pas total. Regardez votre visage quand vous aimez quelqu'un, quand vous faites l'amour. Faites l'amour devant une glace et regardez votre visage: il sera laid, bestial. Dans l'amour aussi, votre visage est laid. Pourquoi ? L'amour est aussi un conflit. Vous vous retenez. Vous ne donnez pas assez. Même dans l'amour, vous n'êtes pas total. Vous ne donnez pas complètement, totalement.

 

Un enfant, même en colère, même dans la violence, est total. Son visage est radieux; il est beau; il est ici et maintenant. Sa colère n'a aucun rapport avec le passé ou l'avenir; il ne calcule pas. Il est simplement et totalement en colère. L'enfant est au centre de lui-même. Et quand on est au centre de soi, on est toujours total. Quoi qu'on fasse, c'est un acte total. Bon ou mauvais, ce sera total. Quand vous êtes incomplet, quand vous êtes « décentré », vos actes ne peuvent être que des fragments de vous-même. Vous ne vous engagez pas dans votre totalité - seulement une partie de vous-même. Et cette partie, opposée à la totalité, crée la laideur.

 

Nous avons tous été des enfants. Comment se fait-il qu'en grandissant, notre respiration se rétrécit ? Die ne touche plus ('abdomen; elle ne touche plus le nombril. Il faut qu'elle descende plus profondément, il faut qu'elle devienne moins superficielle. Mais elle ne fait que toucher la poitrine. Elle ne va jamais jusqu'au centre. Vous avez peur, parce que si vous allez jusqu'à votre centre, vous devenez total. Et, en réalité, vous voulez rester incomplet.

 

Vous aimez. Si vous respirez à partir de votre centre, vous entrerez dans l'amour totalement. Mais vous avez peur; vous avez peur d'être vulnérable, ouvert à quelqu'un, à tout le monde. Vous avez beau l'appeler votre amour, votre bien-aimé, vous avez peur. L'autre est là. Si vous êtes totalement vulnérable, ouvert, vous ne savez pas ce qui va se passer. Vous SEREZ complètement. Mais vous avez peur de vous donner complètement à un autre. Vous ne savez pas respirer; vous ne savez pas respirer profondément. Vous ne savez pas vous laisser aller, pour que votre respiration atteigne votre centre. Parce qu'à partir du moment où la respiration atteint le centre, votre acte devient total.

  

Comme vous avez peur d'être total, vous respirez superficiellement. Vous respirez au minimum et non pas au maximum de votre capacité. C'est pour cela que votre vie est morne. Vous vivez au minimum. Pourtant, vous pouvez vivre au maximum : alors, la vie est un débordement. Mais cela pose certains problèmes. Vous ne pouvez pas être un mari, vous ne pouvez pas être une épouse. Si la vie est un débordement, tout devient dif- ficile.

 Car si la vie est un débordement, l'amour le sera aussi. Alors, vous ne pouvez pas vous contrôler. Alors, vous débordez de partout. Vous remplissez toutes les dimensions. Le mental sent le danger, alors, il préfère ne pas vivre. Plus on est mort, plus on est en sécurité. Plus on est mort et plus on contrôle. On reste le maître. Vous avez l'impression d'être le maître parce que vous pouvez vous contrôler. Vous pouvez contrôler votre colère, vous pouvez contrôler votre amour, vous pouvez tout contrôler. Mai, ce contrôle n'est possible que si vous vivez au minimum de vos capacités. Nous avons tous eu l'expérience, à un moment ou à un autre, des instants où l'on passe du minimum au maximum. Imaginez que vous allez vous promener. Vous avez quitté la ville, la prison qu'elle représente; vous vous sentez libre. Le ciel est vaste, la forêt est verte et les cimes touchent les nuages. Brusquement, vous respirez profondément. Vous n'en avez peut-être pas conscience.

S'il vous arrive d'aller à la montagne, observez. Ce n'est pas vraiment le lieu qui opère le changement. C'est le rythme de votre respiration. Vous respirez profondément. Vous êtes en contact avec votre centre, vous êtes total pendant un instant, et tout est félicité. Cette félicité ne vient pas de la montagne, elle vient de vous. Parce que, brusquement, vous êtes entré en contact avec votre centre.

 En ville, vous avez peur. Partout, l'autre est présent, et vous devez vous contrôler. Vous ne pouvez pas crier; vous ne pouvez pas rire. Vous ne pouvez pas chanter ou danser dans la rue. Vous avez peur. Il y a toujours au coin de la rue, le policier, le juge, le politicien ou le moraliste. Ily a toujours quelqu'un au coin de la rue. Et vous ne pouvez pas danser, tout simplement, dans les rues. Bertrand Russel a dit quelque part, « j'aime la civilisation mais à quel prix l'avons-nous atteinte! » Vous ne pouvez pas danser dans les rues, mais si vous allez vous promener à la montagne, soudain, vous pouvez danser. Vous êtes seul avec le ciel et le ciel n'est pas une prison. C'est une ouverture constante infinie. Soudain, vous respirez profondément; votre respiration touche votre centre, vous atteignez à la béatitude. Mais cet instant ne dure pas. Dans une heure ou deux, la montagne va disparaître. Vous êtes encore là, mais la montagne disparaît. Vos soucis reprennent le des\us. Vous commencez à penser qu'il faut que vous téléphoniez en ville, que vous écriviez à votre femme, ou que, puisque vous allez rentrer après trois jours, il faudrait organiser votre départ. Vous venez à peine de comprendre, et vous pensez déjà à partir. Vous êtes parti, en fait. Cette respiration ne venait pas vraiment de vous. Elle s'est produite brusquement. Parce que la situation a changé, la vitesse a changé. Vous étiez dans une nouvelle situation, vous ne pouviez pas respirer comme d'habitude. C'est ainsi que, pendant un moment, vous avez été en contact avec votre centre et vous avez ressenti une certaine félicité. Civa dit qu'à tout instant, vous pouvez toucher le centre, ou que si vous ne le touchez pas, vous pouvez le toucher. Respirez profondément, lentement. Touchez votre centre; ne respirez pas de la poitrine. C'est un truc. Créé par la civilisation, l'éducation, la moralité: votre respiration est superficielle. Ilserait bon que vous descendiez jusqu'à votre centre, parce qu'autrement, vous ne pourrez jamais respirer profondément. Si l'humanité n'essayait pas de réprimer la sexualité, l'homme pourrait respirer vraiment. Quand la respiration pénètre profondément jusqu'à l'abdomen, elle décharge une certaine énergie dans le centre sexuel. Elle le touche, elle le masse de l'intérieur. Le centre sexuel devient plus actif, plus vivant. La civilisation a peur du sexe. Nous ne permettons pas à nos enfants de toucher leur centre sexuel leurs organes sexuels. Nous disons, « ne fais pas ça! »   

Observez un enfant quand il touche son centre sexuel. Puis dites-lui d'arrêter. Observez alors sa respiration. Quand vous dites « arrête! Ne touche pas ton centre sexuel! », sa respiration devient moins profonde. Parce que ce n'est pas seulement sa main qui touche le centre sexuel; au plus profond, c'est sa respiration qui l'anime. Et si la respiration ne cesse pas son activité, il est difficile d'arrêter la main. S'il est fondamental, nécessaire, exigé, que la main s'arrête, alors, il faut que la respiration redevienne superficielle.

 

Nous avons peur du sexe. La partie inférieure du corps n'est pas seulement inférieure physiquement. Elle est moralement inférieure. Elle est condamnée en tant qu'« inférieure)). Ainsi, il ne faut pas respirer profondément, il faut rester en surface. Il est dommage que la respiration ne puisse s'effectuer que vers le bas, car si certains prêcheurs le pouvaient, ils changeraient le mécanisme tout entier. Ils ne permettraient que la respiration vers le haut, dans la tête. Alors, nous serions complètement asexués.

 Si nous voulons créer une humanité asexuée, il faudra changer le système respiratoire tout entier. La respiration devrait aller dans la tête, au « sahasrar » (le septième centre dans la tête), puis revenir dans la bouche. Voilà comment devrait s'effectuer la respiration; de la bouche au sahasrar. Il ne faut pas qu'elle s'enfonce profondément parce que les profondeurs sont dangereuses. Plus on s'enfonce, plus on approche des couches les plus profondes de la biologie. On atteint le centre, et ce centre se situe près des organes sexuels. Et il en est ainsi parce que le sexe, c'est la vie. On peut dire les choses ainsi: la respiration est la vie du haut vers le bas; le sexe est la vie exactement dans le sens opposé: du bas vers le haut. Il y a un flux d'énergie sexuelle, et il y a un flux d'énergie respiratoire. Quand ils se rencontrent, ils créent la biologie, la bioénergie. Aussi, si vous avez peur du sexe, il faut mettre un fossé entre les deux. Il faut les empêcher de se rencontrer. C'est ainsi que l'homme civilisé est un homme castré. C'est ainsi que nous ne savons rien de la respiration et que ce sutra est difficile à comprendre.

Civa dit, « quand l'air inspiré et l'air expiré fusionnent, à cet instant, ressens l'absence d'énergie, ressens la présence d'énergie ». Les termes sont très contradictoires, « absence d'énergie », « présence d'énergie ». Votre centre est dépourvu d'énergie parce que votre corps, votre mental, ne peuvent lui insuffler de l'énergie. L'énergie de votre corps, l'énergie de votre mental, n'est pas là. C'est pour cela que le centre est dépourvu d'énergie en ce qui concerne votre identité. Mais il est rempli d'énergie parce que la source cosmique d'énergie, et non pas seulement celle de votre corps, le remplit.

 L'énergie de votre corps n'est qu'une énergie chimique. Comme l'essence que l'on met dans une voiture. Vous mangez, vous buvez: vous donnez à votre corps une certaine énergie, vous lui apportez l'essence nécessaire. Cessez de manger, cessez de boire, et votre corps mourra. Pas tout de suite: il lui faudra au moins trois mois parce que vous avez des réserves. Vous avez accumulé une certaine énergie. Qui peut durer au moins trois mois, sans qu'il soit utile d'aller à une station essence. Votre corps peut fonctionner; il a un réservoir. En cas d'urgence, il se peut que vous en ayez besoin. Voilà l'énergie « chimique ». Mais le centre ne reçoit pas d'énergie chimique. Voilà pourquoi Civa dit qu'il est dépourvu d'énergie. L'énergie du centre ne dépend pas du fait que vous mangiez ou que vous buviez. Elle relève de la source cosmique. Voilà pourquoi Civa dit, « l'absence d'énergie », « la présence d'énergie ). Dès le moment où vous sentez le centre, le point où l'air inspiré et l'air expiré fusionnent, dès le moment où vous en prenez conscience, c'est l'Illumination.