La seconde technique : « Fermez les portes des sens au chatouillement d'une fourmi. Alors, »
semble très simple, mais elle est loin de l'être. Il faut bien vous en pénétrer: « fermez les portes des sens au chatouillement d'une fourmi. Alors. » Ce n'est qu'un exemple. Tout peut faire l'affaire. Fermez les portes des sens au chatouillement d'une fourmi. ALORS la chose se produira. Que veut dire Civa ?
Vous vous êtes enfoncé une épine dans le pied, c'est douloureux, vous avez mal. Ou bien, c'est une fourmi qui vous chatouille la jambe, cela vous agace, vous la balayez de la main. Servez-vous de n'importe quelle expérience. Vous vous êtes blessé, vous avez mal à la tête, vous avez mal quelque part ; n'importe quoi fera l'affaire. Le chatouillement d'une fourmi n'est qu'un exemple. Fermez les portes des sens à n'importe quelle sensation.
Comment faut-il faire ? Fermez les yeux et pensez que vous êtes aveugle, que vous ne pouvez plus voir. Bouchez-vous les oreilles et pensez que vous ne pouvez plus entendre. Et ainsi de suite, avec les cinq sens. Fermez-les. Comment ? C'est facile. Cessez de respirer pendant quelques instants. Tous vos sens seront fermés. Quand la respiration a cessé et que les sens sont fermés, où est ce chatouillement ? Où est la fourmi ? Brusquement, vous êtes parti très loin.
Un jour, un de mes amis, un vieil ami, très âgé, est tombé dans un escalier. Les médecins consultés lui dirent qu'il ne fallait pas qu'il bouge pendant trois mois. Or, c'était un homme très actif. Quand je vins le voir, il me dit, « prie pour que la mort m'emporte, parce que, pour moi, ces trois mois d'immobilité sont plus insupportables que la mort. Je ne suis pas une pierre. » Je lui répondis, « voilà une bonne occasion. Ferme les yeux et pense que tu n'es qu'une pierre. Que tu ne peux pas bouger. Comment le pourrais-tu ? Tu es une pierre une simple pierre, une simple statue. Ferme les yeux. Tu n'es qu'une pierre, une statue. » Il me demanda ce qui allait arriver. Je lui dis, « essaie. Il n'y a rien à faire. Il faut que tu restes allongé pendant trois mois, de toutes façons. Alors, essaie. » Si les circonstances avaient été différentes, il n'aurait jamais essayé, mais la situation lui semblait tellement impossible qu'il me dit, « très bien, je vais essayer, parce que quelque chose peut arriver. Je ne crois pas que quelque chose va arriver simplement en pensant que je suis une pierre, que je suis une statue, mais je vais essayer.
Je ne croyais pas non plus, connaissant l'homme, que quelque chose pouvait arriver. Mais parfois, quand on est dans une impasse, une situation désespérée, les choses les plus inattendues arrivent. II ferma les yeux. J'attendis, parce que je croyais qu'au bout de deux ou trois minutes, il allait ouvrir les yeux et me dire, « il ne se passe rien. » Mais il n'ouvrait pas les yeux. Une demi-heure s'écoula ainsi. Je pouvais sentir et voir qu'il s'était vraiment transformé en statue. La tension avait disparu de son front. Son visage était apaisé.
Il fallait que je m'en aille, mais il n'ouvrait toujours pas les yeux. Il était silencieux, comme mort. Sa respiration s'était calmée. Comme il fallait que je parte, je lui dis, « je dois m'en aller maintenant, alors, ouvre les yeux, s'il te plaît, et dis-moi ce qui s'est passé. » C'est un homme différent qui ouvrit les yeux. Il me dit, « c'est un miracle. Que m'as-tu donc fait ? » « Je n'ai rien fait du tout, » lui répondis-je. Mais il insista, « tu as dû me faire quelque chose. C'est un véritable miracle. Quand j'ai commencé à imaginer que j'étais une statue, soudain, j'ai eu l'impression que, même si je le voulais, je ne pourrais pas bouger, ne serait-ce qu'une main. Plusieurs fois, j'ai voulu ouvrir les yeux, mais c'était impossible. J'étais devenu de pierre. »
Il ajouta, « je me suis même inquiété de ce que tu allais penser, puisque cela durait si longtemps. Mais que pouvais-je faire ? Pendant ces trente minutes, je ne pouvais absolument pas bouger. Et quand tout mouvement a cessé, le monde a disparu. J'étais seul, profondément en moi. Alors, la douleur a disparu. »
Il souffrait terriblement, il ne pouvait pas dormir sans tranquillisant. Je lui demandai comment la douleur avait disparu. Il me dit, « d'abord, j'ai commencé à sentir qu'elle était plus lointaine. Elle était toujours là, mais très loin, comme si elle appartenait à quelqu'un d'autre. Et puis, lentement, peu à peu, comme quelqu'un qui s'éloigne de plus en plus, elle a disparu. La douleur a disparu! Pendant au moins dix minutes, je n'ai pas eu mal. Comment un corps de pierre pourrait-il avoir mal ? »
Le sutra dit, « fermez les portes des sens » ; devenez de pierre, fermé au monde. Quand vous êtes fermé au monde, vous êtes également fermé à votre corps, parce que votre corps ne fait pas partie de vous; il fait partie du monde. Quand vous êtes totalement fermé au monde, vous êtes aussi fermé à votre corps.
Alors la chose se produira, dit Civa. Essayez. Il n'est nul besoin qu'une fourmi vous chatouille la jambe. N'allez pas penser, « quand une fourmi me chatouillera, je méditerai. » Des fourmis aussi secourables ne sont pas si faciles à trouver. Alors, essayez, avec n'importe quelle sensation. Vous êtes dans votre lit; vous sentez les draps froids sur votre peau: faites comme si vous étiez mort. Vous aurez soudain l'impression que les draps s'éloignent, s'éloignent de plus en plus, qu'ils disparaissent. Votre lit disparaîtra; votre chambre disparaîtra; le monde entier disparaîtra. Vous êtes mort, fermé, vous êtes de pierre, vous étés une tornade de Leibnitz, vous êtes une maison sans fenêtres ! Vous ne pouvez pas bouger! .
Et alors, quand vous ne pouvez vraiment plus bouger, vous êtes plongé en vous-même, vous êtes au centre de vous-même. Pour la première fois, c'est du centre de vous-même que vous regardez, et à ce moment-là, vous ne pourrez jamais plus être le même homme.