Le second sutra fait appel au même mécanisme, à la même base scientifique, à la même hypothèse de travail. « Concentrez toute votre attention sur le nerf, aussi délicat qu'une fibre de lotus, au centre de la colonne vertébrale. Et ainsi, soyez transformé. »

 

 

« Concentrez toute votre attention sur le nerf, aussi délicat qu'une fibre de lotus, au centre de la colonne vertébrale. » Pour ce sutra, pour cette technique de méditation, il faut fermer les yeux et évoquer l'image de sa colonne vertébrale. Consultez un livre médical, s'il le faut. Fermez les yeux, imaginez votre colonne vertébrale. Bien droite. Son image est devant vos yeux. Puis, juste au milieu, voyez le nerf, « aussi délicat qu'une fibre de lotus... » « Et soyez transformé ».
Concentrez-vous d'abord sur la colonne vertébrale. Puis sur le nerf, le ligament « aussi délicat qu'une fibre de lotus », qui court à l'intérieur. Concentrez-vous sur lui, et vous serez au centre de vous-même.
Pourquoi ? La colonne vertébrale, l'épine dorsale, soutient toute la structure osseuse. En réalité, votre cerveau n'est qu'un pôle de votre colonne vertébrale. Selon les physiologistes, le cerveau est un prolongement, un développement, de la colonne vertébrale.
L'épine dorsale soutient le corps tout entier. C'est le fondement même de la structure osseuse. Dans cette épine dorsale, il y a un fin ligament que la physiologie néglige parce qu'il n'est pas matériel. C'est un fil d'argent, un nerf très délicat.
Il est immatériel mais il existe et la méditation profonde le fait apparaître. Ce n'est pas de la matière, c'est de l'énergie, et, en réalité, ce filament d'énergie, c'est la vie. C'est lui qui vous relie à l'Existence invisible et c'est lui aussi qui vous relie au monde visible.. C'est un pont entre le visible et l'invisible. C'est un lien entre vous et votre corps, mais c'est aussi un lien entre vous et votre âme.
Evoquez l'image de votre épine dorsale vous éprouverez une sensation étrange. Si vous essayez vraiment, son image vous apparaîtra. Et si vous poursuivez vos efforts, ce ne sera plus une question d'imagination. Vous verrez vraiment votre épine dorsale.
L'un de nos amis travaillait sur cette technique. Je lui avais donné un dessin du squelette humain pour qu'il puisse se rendre compte de la position de la colonne vertébrale et se l'imaginer plus facilement. Une semaine après, il vint me voir et me dit, « C'est très étrange. J'ai essayé de regarder l'image que vous m'avez donnée, mais plusieurs fois, l'image a disparu, et je voyais une autre image à la place. Je vois une autre colonne vertébrale. »
Je lui dit alors, « vous êtes sur la bonne voie. Oubliez cette image et continuez à voir celle qui a pris sa place. »
Il est possible de voir sa propre structure osseuse, son sque- lette, de l'intérieur. Nous n'essayons pas parce que l'image est redoutable, repoussante, parce que, lorsque nous voyons nos os, notre sang, nos veines, nous avons peur. En fait, nous refusons de les voir. Nous préférons voir notre corps de l'extérieur, comme s'il appartenait à quelqu'un d'autre. Tout se passe comme si vous regardiez une maison de l'extérieur. Mais il faut entrer dans la maison et la regarder de l'intérieur. Essayez de faire cela avec votre corps. Regardez-le de l'intérieur. Oubliez votre peur et regardez-le de l'intérieur. "" .
La science découvre maintenant, sans pouvoir l’expliquer, tout ce que les livres de yoga ont déjà dit. Comment peut-il en être ainsi ? La chirurgie, la dissection, sont des choses très récentes, comment se fait-il que le yoga ait connaissance des nerfs, des centres, des structures internes, de tout ce qui concerne l'anatomie du corps humain ?
En vérité, on peut voir le corps humain autrement que de l'extérieur. Si vous vous concentrez sur un point intérieur de votre corps, vous parviendrez à voir votre corps de l'intérieur. Cette méthode s'adresse particulièrement à ceux qui ont un esprit matérialiste. Si vous êtes un disciple de Charvak ou de Marx, si vous croyez que l'homme est avant tout un corps, cette technique vous apportera une aide considérable.
Dans les anciennes écoles de tantrisme et de yoga, on utilisait souvent une partie du squelette humain pour favoriser la concentration. Encore maintenant, il est courant de voir un adepte du tantrisme s'aider d'un crâne, par exemple, pour atteindre la concentration intérieure. On se concentre d'abord sur ce crâne, puis on ferme les yeux et on essaie d'imaginez son propre crâne. On essaie de replacer le crâne que l'on voit dans sa propre tête. Peu à peu, on atteint ainsi la concentration intérieure. Quand la conscience est complètement tournée vers l'intérieur, on peut alors explorer son corps, de l'intérieur, de la tête aux pieds. Et c'est ainsi que l'on peut se rendre compte que le corps humain, cette enveloppe charnelle, est un univers extrêmement complexe. La colonne vertébrale est très importante parce que c'est là que réside le fil de la vie. Ce fils est très délicat, très subtil; il est si ténu que pour le sentir, le voir, il faut que la colonne vertébrale soit bien droite.
Dans la tradition hindouiste, on apprend dès l'enfance à se tenir droit. Que l'on soit assis, allongé, que l'on marche, le dos doit être droit. Parce que si la colonne vertébrale n'est pas droite, on ne peut apercevoir ce fil immatériel, ce courant d'énergie.
«... Et ainsi, soyez transformé. » Quand vous pourrez vous concentrer sur ce nerf, quand vous pourrez le sentir, en prendre conscience, une nouvelle lumière jaillira en vous. Cette lumière, irradiée par l'épine dorsale, éclairera tout votre corps. Elle ira même au-delà, enveloppant votre corps tout entier d'une aura de lumière.
Chaque corps dégage une aura. Mais d'ordinaire, la vôtre n'est qu'une ombre obscure: Aucune lumière ne l'éclaire. En fait, cette aura est le reflet de vos humeurs. Quand vous êtes en colère, elle se teinte d'une couleur rougeâtre. Quand vous êtes triste, déprimé, elle devient sombre, lourde comme la mort.
Quand on prend conscience de ce fil de vie, l'aura devient « illuminée ». Ainsi, quand on représente Bouddha, Mahavir, Krishna ou le Christ entourés d'une auréole de lumière, ce n'est pas une simple décoration. Cette auréole existe. Quand on prend conscience, on est illuminé de l'intérieur, l'épine dorsale dégage une lumière. Le corps tout entier devient lumineux. Ainsi, quand un disciple atteint l'Illumination, le maître le sait, il le voit.
Laissez-moi vous raconter une histoire. Un jour, Hui Neng alla voir un guru parce qu'il voulait méditer sous sa direction. Mais quand Hui Neng se présenta devant le guru, ce dernier lui dit: « Pourquoi es-tu venu me trouver ? Tu n'as nul besoin de moi. » Hui Neng fut très surpris, il crut qu'il n'était pas encore prêt pour être admis au monastère. Mais le Maître voulait dire autre chose, il avait vu l'aura grandissante qui enveloppait Hui Neng. Il dit: « Tu n'as nul besoin de moi, parce tôt ou tard, tu atteindras l'Illumination. Elle est déjà en toi. Même sans moi, tu l’atteindras. »
Mais Hui Neng le supplia, « ne me rejette pas ». Alors le guru se laissa fléchir et renvoya travailler aux cuisines du monastère. C'était un grand monastère. Cinq cents moines y résidaient. Le Maître lui dit donc, « va travailler aux cuisines et ne reparais pas devant moi. Le moment venu, c'est moi qui viendrai à toi. »
Il ne donna aucune autre instruction à Hui Neng, aucun livre à lire, à étudier, à méditer. Il renvoya travailler aux cuisines. Le monastère tout entier bruissait d'activité, vous les moines méditaient, étudiaient, cherchaient l'Illumination, pendant que Hui Neng lavait le riz et s'occupait des tâches domestiques.
Douze années passèrent ainsi. Hui Neng ne se présenta jamais devant le Maître, puisque celui-ci le lui avait interdit. Il attendait. Ce n'était qu'un serviteur, personne ne faisait attention à lui.
Un jour, le Maître déclara que sa mort était proche et qu'il voulait désigner un successeur. Il dit à tous les moines assemblés, « Ceux qui pensent avoir atteint l’illumination, composeront un poème de quatre lignes. Dans ces quatre lignes, ils devront décrire leur expérience. Celui dont je choisirai le poème sera mon successeur. »
Il y avait un grand érudit, un grand lettré dans le monastère. Personne ne tenta d'écrire un poème, parce que tous étaient certains que c'était lui qui remporterait. Le grand érudit composa donc un poème dont voici le sens: «( Le mental est comme un miroir. La poussière s'y accumule. Nettoie le miroir, et tu atteindras l’illumination. »
Mais même le grand érudit avait peur parce qu'il avait bien conscience que le Maître savait déjà qui avait atteint l’illumination et qui ne l'avait pas trouvée. Le poème qu'il avait composé était très beau, mais il savait qu'il représentait seulement l'essence des Ecritures, l’essence des Veda, et qu'en fait, il n'avait rien appris. Il décida qu'il valait mieux qu'il ne présente pas directement son poème au Maître. Il attendit la nuit pour se glisser dans la chambre du Maître et écrivit son poème sur le mur. Ainsi, pensait-il, au matin, quand le Maître se réveillerait, il lirait les quatre lignes écrites sur le mur. S'il approuvait le poème, il dirait que c'était lui qui l'avait écrit. Si le Maître n'approuvait pas le poème, il resterait silencieux.
Au matin, le Maître lut le poème et dit, « très bien, celui qui a écrit ces lignes a atteint l'Illumination. » Tout le monastère était en ébullition, parce que tous savaient qui en était l'auteur. Tout le monde en parlait, en discutait, parce que le poème était vraiment très beau. Hui Neng apprit toute l'histoire par quelques moines venus dans la cuisine pour boire du thé. Quand il entendit le poème, il se mit à rire. Les moines lui dirent, « pourquoi ris-tu, pauvre ignorant ? Tu n'es qu'un serviteur qui, depuis douze ans, travaille aux cuisines. De quel droit ris- tu ?
On ne l'avait même jamais entendu rire. On le prenait pour une sorte de demeuré qui ne pouvait pas parler. Hui Neng leur répondit, « je ne sais pas écrire et je n'ai pas atteint l'Illumination, mais ce poème me semble faux. Je ne sais pas écrire, mais si quelqu'un écrit pour moi sur le mur, je composerai un poème, moi-même. Par jeu, on le prit au mot et Hui Neng dicta les lignes suivantes: « Il n'y a pas de mental, il n'y a pas de miroir. Alors, où la poussière peut-elle s'accumuler ? »
Le Maître, alerté par les rumeurs, vint lire le poème. Puis, il dit à Hui Neng, « tu t'es trompé. Retourne à tes travaux. » Alors, Hui Neng toucha ses pieds et se retira dans les cuisines.
Pendant la nuit, alors que tout le monde était endormi, le Maître vint voir Hui Neng et lui dit, « tu ne t'es pas trompé, mais il m'était impossible de le dire devant ces idiots. Ce sont des idiots cultivés, mais quand même des idiots. Et si je leur dis que j'ai décidé que ce serait toi mon successeur, ils te tueront. Il vaut mieux fuir. C'est toi mon successeur, mais ne le dis à personne. Je le savais depuis ton arrivée au monastère. L'aura était là. Et ces douze années de silence ont vidé totalement ton mental. L'aura est à son apogée maintenant. Elle resplendit comme une pleine lune. Mais fuis, car ils te tueront.
« Pendant ces douze années où tu es resté ici, l'aura a grandi chaque jour, et personne ne l'a vue. Je t'ai mis aux cuisines parce tout le monde y vient au moins deux ou trois fois par jour. Et personne n'a vu l'aura qui t'enveloppe. Alors, il ne te reste plus qu'à fuir. »
Quand on touche, quand on voit, quand on prend conscience du nerf immatériel au milieu de la colonne vertébrale, le corps dégage une aura. «... Et ainsi, soyez transformé. » Que cette lumière vous remplisse et vous serez transformé. C'est aussi une manière d'atteindre le centre de soi-même. Une technique destinée à ceux qui ont conscience de leur corps. Pour les autres, cette méthode est très difficile.
Les femmes seront plus sensibles à ce sutra que les hommes. Pour tous ceux qui ont conscience de leur corps, pour tous ceux qui, en fermant les yeux, peuvent le sentir de l'intérieur, ce sutra peut être une méthode.
Alors, évoquez l'image de votre colonne vertébrale et voyez le fil d'argent qui la parcourt. Au début, vous aurez l'impression que vous l'imaginez, puis peu à peu, l'imagination disparaîtra et votre mental se concentrera sur ce fil d'argent. A ce moment, une explosion de lumière se produira en vous.
Il arrive parfois que cette explosion se produise sans qu'on cherche à la provoquer. Pendant l'amour, par exemple. En vérité, pendant l'amour, l'épine dorsale décharge son électricité. Si l'acte d'amour est très profond, très puissant, très long, quand les deux amants sont profondément enlacés, en silence, sans bouger, quand ils sont chacun rempli de l'autre, l'explosion peut se produire. Il arrive parfois que la pièce obscure soit brusquement remplie de lumière, l'aura de deux corps enlacés.
On dit que pendant l'amour, une certaine quantité d'électricité se décharge. Cette électricité peut avoir de multiples effets. ElIe peut éclairer une chambre obscure et la remplir toute entière. ElIe peut faire tomber, faire bouger, et même casser des objets. On a même pu prendre des photographies de cette lumière. Et l'on a constaté qu'elle se concentre toujours autour de la colonne vertébrale.
Ainsi, pendant l’acte d'amour (et le tantrisme le sait bien, puisque nombre de ses méthodes sont basées sur l’amour), on peut prendre conscience. On peut parvenir à la Réalisation grâce à l’amour. Mais il faut alors qu'il soit d'une qualité toute différente. Ce ne doit pas être un devoir, un soulagement, une chose faite à la hâte. Ce doit être une profonde communion spirituelle. Une profonde rencontre de deux mondes intérieurs. La pénétration de deux existences.
Pour cette raison, je vous suggère de pratiquer cette technique pendant l’amour. Oubliez l’acte sexuel. Oubliez l’autre aussi. Soyez en vous et voyez le fil d'argent. Cela vous sera plus facile parce que dans ces moments, un flot d'énergie se concentre dans l’épine dorsale. Et le fil d'argent est plus visible parce que vous reposez dans le silence, parce que votre corps est profondément détendu. L'amour est une profonde relaxation, mais nous en avons fait une grande source de tensions, d'anxiété, d'angoisse. Nous en avons fait un fardeau.
Dans la chaleur de l’amour, satisfait, détendu, fermez les yeux. Habituellement, pendant l’amour, les femmes ferment plus volontiers les yeux que les hommes. C'est ainsi que les femmes parviennent plus facilement à sentir leur corps de l'intérieur.
Fermez les yeux et sentez votre corps. Concentrez-vous sur votre épine dorsale quand vous êtes profondément détendu. Et, comme dit le sutra très simplement, « soyez transformé. »