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Catégorie : MEDITATION
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La quatrième méthode s'adresse plus particulièrement à ceux qui sont très émotifs, sensibles, et plus orientés vers le mur : « Tandis que les sens sont absorbés par le cœur, atteignez le centre du lotus. »
Pour comprendre cette méthode, il faut d'abord comprendre ce que signifie être orienté vers le mur. Pour une personne de ce genre, toute chose mène au mur. Si vous l'aimez, c'est avec son mur qu'elle sentira votre amour, pas avec sa tête. Tandis qu'une personne orientée vers l'esprit ressentira l'amour cérébralement. Elle y pensera, elle y réfléchira, elle fera des projets à partir de cela. Même son amour sera un effort délibéré de L’esprit. Une personne émotionnelle vit sans raisonner. Naturellement, comme l'a dit Pascal, « le mur a ses raisons)), mais il a ajouté, cc que la raison ne connaît point ». Si on vous demande, « pour- quoi aimez-vous ? » et que vous pouvez répondre à cette question, vous êtes plutôt orienté par la pensée. Si vous répondez. « Je ne sais pas. J'aime tout simplement », vous êtes, alors, orienté vers le mur.
Même lorsque vous dites qu'une personne est merveilleuse, et que « c'est pour cela que je l'aime », c'est donner une raison. Pour une personne orientée vers le cœur, quelqu'un est merveilleux, « parce que je l'aime ». Une personne orientée par la pensée aime quelqu'un parce qu'il ou elle est merveilleux. La raison vient avant l'amour. Pour la personne orientée vers le cœur, l'amour vient d'abord, et tout le reste ensuite. Le type émotif est centré sur le cœur, et tout ce qui lui arrive touche son cœur.
Observez vos réactions dans la vie. Vous passez devant un mendiant, qu'est-ce que le mendiant touche en vous. Vous mettez-vous à réfléchir sur les conditions économiques. Pensez- vous tout de suite que la mendicité devrait être interdite, 00 bien qu'il faudrait créer une société socialiste pour abolir les différences. Dans ce cas, vous êtes orienté vers la tête. Le mendiant n'est qu'une donnée de plus pour votre mental. Ce n'est pas votre cœur qui est touché, c'est votre tête. Vous n'allez rien faire pour aider ce mendiant ici et maintenant, non. Vous vous consacrerez à faire quelque chose pour lui dans l'avenir, par exemple, à bâtir une société communiste. Vous pouvez même y consacrer toute votre vie, mais vous ne pouvez rien faire pour lui en ce moment même.
La tête agit toujours dans l'avenir, le cœur dans l'ici et maintenant Une personne orientée vers le cœur va tout de suite faire quelque chose pour le mendiant. Pour elle, le mendiant est un individu, pas une donnée. Pour quelqu'un de rationnel, le mendiant représente une donnée mathématique. Le problème, pour elle, c'est de faire cesser la mendicité. Observez vos réactions dans la vie quotidienne. Etes-vous orienté vers le cœur ou vers la tête.
Si vous êtes orienté vers le cœur, cette méthode vous sera utile. Mais sachez bien que tout le monde essaie de croire qu'il est orienté vers le cœur. L'amour est un besoin si fondamental qu'on redoute de constater son manque d'amour, son manque de cœur. Observez-vous impartialement, comme si vous observiez quelqu'un d'autre, parce qu'il est inutile d'essayer de se leurrer. Même si vous y parvenez, vous ne pouvez utiliser
Cette technique. Elle ne vous sera d'aucune utilité. Il ne se passe ra rien.
Les gens viennent souvent me demander à quel type ils appartiennent. Ils ne le savent pas eux-mêmes. Ils n'ont jamais vraiment réfléchi au problème. Ils ont quelques vagues conceptions à leur égard, conceptions qui relèvent plus de l'imagination que de la réalité. Ils ont un certain idéal, une certaine image d'eux- mêmes, auxquelles ils souhaitent se conformer. En général, ils ne s'y conforment pas et souvent, ils sont plus proches de l'inverse de cette image.
Quand quelqu'un affirme avec insistance s'il est orienté vers le cœur, c'est parce qu'il ressent son manque de cœur, et qu'il en a peur. C'est un fait dont il se refuse à prendre conscience.
Il suffit de regarder le monde! Si chacun, comme il le prétend, avait du cœur, ce monde ne serait pas aussi impitoyable. Ce monde, c'est nous qui le bâtissons, alors, il y a quelque chose qui ne va pas quelque part. Le cœur n'y est pas. En réalité, on ne nous apprend pas à avoir du cœur. Il y a des écoles, des collèges, des universités, pour éduquer l'intellect, mais rien de ce genre pour éduquer le cœur. L'éducation de l'intellect est payante, celle du cœur est dangereuse. Si vous pensez avec le cœur, vous serez totalement inadapté à ce monde, parce que c'est la raison qui le gouverne.
Si on développait vos sentiments, votre cœur, vous ne pourriez pas vous intégrer dans les structures de ce monde. Quand ce dernier pencherait à droite, vous pencheriez à gauche. Vous rencontreriez partout des difficultés énormes. En vérité, plus l’homme ne devient civilisé, moins le cœur compte pour lui. Nous avons presque oublié jusqu'à son existence, et nous ne ressentons nul besoin de le développer. C'est ainsi que des méthodes, comme ce sutra, pourtant faciles, ne peuvent pas fonctionner.
La plupart des religions s'appuient avant tout sur le cœur le Christianisme, l'Islam, l'Hindouisme, et bien d'autres. Elles s'adressent aux personnes orientées vers le cœur. Plus la religion est ancienne, et plus il en est ainsi. Quand les Veda furent écrits, quand l'Hindouisme se développait, la plupart des gens étaient orientés vers le cœur. A présent, c'est le contraire. Et c'est pour cette raison qu'il nous est devenu difficile de prier; la prière est une technique orientée vers le cœur. Même en Occident, où le Christianisme religion de prière) est prédominant, il est devenu difficile de prier.
Alors que la méditation n'est pas enseignée par le Christianisme, elle attire de plus en plus d'occidentaux. On ne va plus à l'église- parce que l'homme occidental a perdu toute notion de la prière.
La méditation s'adresse plutôt à l'esprit, la prière au cœur. Ou bien, on peut dire encore que la prière est une technique de méditation qui s'adresse aux personnes orientées vers le cœur. Comme ce sutra: « tandis que les sens sont absorbés par le cœur, atteignez le centre du lotus. »
« Tandis que les sens sont absorbés par le cœur ...» Touchez quelqu'un, prenez sa main. Si vous êtes orienté vers le cœur, ce contact touchera immédiatement votre cœur et vous en sentirez la qualité. Si vous avez pris la main d'une personne orientée vers la tête, le contact sera dépourvu de chaleur; il sera froid. Si c'est la main d'une personne orientée vers le cœur, le contact sera chaud; sa main se fondera dans la vôtre; vous sentirez entre vous un courant passer. Il y aura une rencontre, une communication de chaleur.
Cette chaleur provient du cœur, elle ne vient jamais de la tête, parce que la tête reste toujours froide, calculatrice. Le cœur, lui, est chaud. Il ne calcule pas. La tête cherche toujours comment gagner plus; le cœur cherche comment donner plus. Cette chaleur est un don d'énergie, un don de vibrations intérieures, un don de vie. Et si cette personne vous tient dans ses bras, vous ressentirez une véritable fusion avec elle.
Fermez les yeux, et touchez quelque chose. Touchez votre bien-aimée ou votre amant, touchez votre enfant ou votre mère, ou un ami, ou bien encore touchez un arbre, une fleur, ou simplement la terre. Fermez les yeux et sentez la communication qui s'établit de votre cœur à la terre, ou à votre bien-aimée. Laissez votre main n'être plus qu'un prolongement de votre cœur ; reliez le sens du toucher à votre cœur. Vous écoutez de la musique par exemple. Ne l'écoutez pas avec la tête. Oubliez votre tête. Imaginez que vous n'avez pas de tête. Ecoutez la musique avec votre cœur. Sentez la musique envahir votre cœur ; laissez votre cœur vibrer avec elle. Essayez de joindre vos sens à votre cœur et non pas à votre tête. Faites l'expérience avec vos cinq sens tour à tour, et sentez chacun de vos sens se dissoudre dans votre cœur.
« Tandis que les sens sont absorbés par le cœur, atteignez le centre du lotus.» Le cœur est le lotus. Chacun des sens est un pétale du lotus. Essayez d'abord de lier vos sens à votre cœur. Puis, pensez que chacun de vos sens s'enfonce dans Votre cœur, qu'il se dissout en lui. Ce n'est qu'à ce moment-là que vos sens vous mèneront jusqu'au plus profond de votre cœur, et que votre cœur deviendra un lotus.
Vous serez, alors, au centre du lotus; et une fois que vous connaissez le centre du cœur, il est très facile de découvrir celui du nombril. Très facile! Le sutra n'en parle même pas, tellement c'est évident. Si vous êtes vraiment, totalement, absorbé dans le cœur, et que la raison a cessé de fonctionner, vous tomberez forcément dans le centre du nombril. Car, du cœur, le chemin est facile jusqu'au nombril. De la tête, il est plus difficile. Quand vous atteindrez le nombril, quand vous serez absorbé en lui, vous aurez dépassé le cœur. Vous serez au centre originel.
La prière est d'un grand secours. Jésus a dit, « l'amour, c'est Dieu ». Ce n'est pas exactement vrai, mais l'amour est la porte. Si vous aimez profondément quelqu'un qui que ce soit, car c'est l'amour qui importe et non l'objet de l'amour si vous aimez si profondément que votre amour n'est pas relié à la tête, mais seulement au cœur, cet amour deviendra une prière et votre bien-aimé deviendra Divin.
En réalité, quand on voit par le cœur, on ne peut pas voir autrement, même lorsqu'il s'agit d'un amour ordinaire. Si on aime quelqu'un, cette personne devient Divine. Ce n'est peut- être pas un sentiment très durable ni très profond, mais sur le moment, pour celui qui aime, l'objet aimé devient Divin. La tête détruira le sentiment tôt ou tard, parce qu'elle interviendra pour essayer de diriger les choses. Même l'amour, il faut qu'elle le dirige. Et ce faisant, la tête détruit tout.
Si vous pouvez aimer sans que la tête intervienne, votre amour deviendra une prière et la personne aimée sera la porte vers le centre originel. Votre amour vous mettra au centre du cœur, et quand on est au centre du cœur, on découvre forcément le centre originel.
Voyons maintenant la cinquième technique: « Oublieux du mental, restez au milieu jusqu'à "Eveil. Ce sutra est très bref, mais même ces quelques mots peuvent transformer totalement votre vie. « Restez au milieu ...»
C'est sur ce sutra que Bouddha a basé toute sa technique de méditation. On appelle cette voie « majjhim nikaya » la voie du milieu. Bouddha dit, « restez toujours au milieu en toutes choses ».
Un jour, Bouddha entra dans la ville d'un certain prince Shrown. Ce dernier était un homme qui se livrait à tous les excès, à toutes les débauches. Quand il entendit que Bouddha était dans la ville, il lui demanda un darshan (entretien spirituel). Le prince Shrown se jeta aux pieds de Bouddha et lui dit, « initie-moi. Je veux quitter ce monde. Ceux qui raccompagnaient ne pouvaient en croire leurs oreilles. Comment ? Le prince Shrown ? Lui qui vivait dans le luxe et les plaisirs ? Ce n'était pas possible. Ils demandèrent à Bouddha, « que se passe-t-il ? C'est un véritable miracle. Que lui as-tu fait ?
Bouddha leur répondit, « je n'ai rien fait. Le mental passe facilement d'un extrême à l’autre. C'est sa nature même. Ainsi l’attitude de Shrown n'est pas inattendue. Au contraire. C'est parce que vous ne connaissez pas la loi du mental que vous êtes si surpris. »
Il est dans la nature même du mental de passer d'un extrême à l’autre. On voit souvent l'homme fou de richesses renoncer à tout, devenir le plus pauvre des fakirs. Tout le monde dit alors, « quel miracle! ». Mais cela correspond à la logique du mental.
Ce n'est pas l'homme qui n'aime pas le faste qui va renoncer aux biens de ce monde. C'est bien celui qui vit dans le luxe. Parce que le mental est un pendule; il ne peut aller que d'un extrême à l'autre.
Celui qui aime les richesses à la folie peut aussi les détester à la folie. Comme celui qui ne vivait que pour l'amour peut soudain devenir d'une chasteté exemplaire. L'attitude, l'approche, reste la même.
Ainsi, un brahmachari (qui a fait vœux de chasteté) n'a pas du tout transcendé la sexualité. Il s'y oppose, il n'est pas au-delà. La voie de la transcendance passe toujours car le milieu, jamais par les extrêmes.
Ainsi Shrown abandonnant ses richesses, devint un sannyasin, un bhikkhu (moine), et bien vite, les autres disciples de Bouddha constatèrent qu'il passait d'un extrême à l'autre. Il vivait nu, alors que Bouddha n'a jamais prôné la nudité, parce que, pour lui, c'était une attitude extrémiste.
Il y a des personnes qui ne vivent que pour les vêtements et d'autres qui se dépouillent des leurs, mais ces deux attitudes sont aussi extrêmes l'une que l'autre. Bouddha n'avait jamais prôné la nudité parmi ses disciples, mais Shrown se dépouilla de ses vêtements. Bouddha permettrait aux sannyasins de manger une fois par jour. Mais Shrown ne mangeait qu'un jour sur deux. Alors que les autres disciples s'asseyaient à l'ombre des arbres pour méditer, Shrown restait au soleil. Au bout de six mois de ce traitement, il était méconnaissable. Lui qui était beau devint laid, brûlé par le soleil, amaigri par le jeûne.
Un soir, Bouddha se rendit auprès de Shrown et lui dit, « Shrown, j'ai entendu dire que tu étais un prince ayant ton initiation et que tu jouais merveilleusement de la veena (cithare). Je voudrais te poser une question: si les cordes de la veena sont trop lâches, que se passe-t-il ? " Shrown lui répondit, « si les cordes sont trop lâches, il est impossible de faire de la musique. » Bouddha lui demanda alors, « et si les cordes sont trop tendues, que se passe-t-il ? " Shrown répondit, « il est également impossible de faire de la musique. Les cordes ne doivent être ni trop lâches ni trop tendues, elles doivent être bien tendues. Ni trop, ni trop peu. Il est facile de jouer de la Veena, mais seul, un maître sait tendre les cordes comme il faut. »
Alors. Bouddha lui dit, « voilà ce que je voulais te dire, après t'avoir observé pendant ces dix derniers mois. Dans la vie aussi, il est impossible de faire de la musique si les cordes sont trop lâches ou trop tendues il faut qu'elles soient juste au milieu, ni trop lâches ni trop tendues. Il est facile de renoncer, mais seul un maître sait être dans le juste milieu. Alors, Shrown, sois un maître. Que les cordes de ta vie ne soient ni trop lâches ni trop tendues. Reste au milieu dans toutes choses. »
Mais le mental est négligent, c'est pour cela que le sutra dit, « oublieux du mental ». Vous entendez ces paroles, vous les comprenez, mais vous oubliez de les appliquer. Et vous continuez à osciller d'un extrême à l'autre.
L'extrême fascine le mental, parce que dans l'extrême, il vit. Et au milieu, le mental meurt. Observez le pendule d'une horloge. Quand il oscille à droite, c'est en réalité pour repartir vers la gauche. Quand il est à gauche, il repart vers la droite. Il va d'un extrême à l'autre.
Que le pendule s'arrête au milieu et il perd toute son énergie. Parce que c'est le mouvement d'un extrême à l'autre qui lui donne sa force. La gauche le rejette vers la droite, et la droite le rejette vers la gauche. C'est ainsi que le pendule fonctionne. Placez-Ie au milieu, et son mouvement s'arrêtera.
Le mental ressemble exactement au pendule. Observez vos réactions dans la vie quotidienne et vous verrez que vous passez sans cesse d'un extrême à l'autre. Vous vous mettez en colère, puis vous vous repentez. Vous décidez, « à partir de maintenant, je ne me mettrai jamais plus en colère ».
« Jamais » est un terme extrême. Comment pouvez-vous être absolument certain que vous ne vous mettrez jamais plus en colère ? Que dites-vous là ? Réfléchissez. Jamais plus ? Combien de fois avez-vous déjà pris cette décision dans le passé ? Com- bien de fois avez-vous déjà dit, « je ne me mettrai jamais plus en colère » ? Quand vous dites cela, vous ne savez pas qu'en vous mettant en colère, vous avez acquis la force nécessaire pour passer à l'autre extrême. Vous êtes honteux, vous vous repentez, votre image est ébranlée. Quand vous dites « jamais plus, je ne me mettrai en colère », vous restaurez votre image, vous revenez à l'ancien statu quo. Vous êtes en paix avec vous-même : vous êtes passé à l'autre extrême.
Mais celui qui dit « jamais plus », se mettra à nouveau en colère. Quand la colère vous prendra, vous oublierez complètement votre décision. Puis vous vous repentirez à nouveau, sans vous rendre compte que tout cela n'est qu'un leurre.
Le mental passe de la colère au repentir, et du repentir à la colère. Restez au milieu. Ne vous mettez pas en colère, et ne vous repentez pas. Et s'il vous arrive de vous mettre en colère, surtout ne vous en repentez pas. Ne passez pas à l'autre extrême. Restez au milieu. Dites vous, « je me suis mis en colère, je suis violent. C'est ainsi que je suis ». Mais surtout ne vous en repentez pas. Restez au milieu. A ce moment-là, vous ne pourrez pas acquérir l'énergie nécessaire pour aller à l'autre extrême.
Ce sutra dit, « oublieux du mental, restez au milieu jusqu'à l'Eveil », jusqu'à l'EXPLOSION. Restez au milieu jusqu'à ce que le mental meure. Restez au milieu jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de mental. Puisque le mental tire sa force des extrêmes, le milieu le fera mourir.
C'est une des choses les plus difficiles qui soient au monde. Cela semble simple, vous avez l'impression que vous pouvez le faire sans difficulté. Mais essayez et vous verrez. Vous verrez que lorsque vous vous mettez en colère, vous aurez aussitôt tendance à vous en repentir.
Freud a cru découvrir que lorsqu'on aimait, on haïssait aussi. Il a constaté que, malgré les conseillers qui enseignent depuis des siècles comment vivre et aimer, les maris et femmes continuaient à se quereller. Le matin, ils s'aiment, le soir, ils se haïssent. Et le pendule poursuit sa course sans fin. Freud en a tiré la conclusion douteuse que si un couple cessait de se battre, leur amour était mort.
Mais l'amour lié à la haine n'est pas le véritable amour.
C'est l'amour, tel qu'on le conçoit ordinairement. Il ne peut pas durer. Aussi, quand vous voyez un couple qui ne se dispute pas, ne croyez pas qu'ils forment le couple idéal. Ils n'existent pas en tant que couple. Ils vivent parallèlement, sans jamais se rencontrer. Ils vivent chacun dans leur solitude.
Le mental a besoin d'aller d'un pôle à l'autre. C'est ce que la psychologie moderne a compris. C'est ainsi qu'on vous conseille maintenant de ne pas avoir peur de vous battre avec votre femme, vous ne l'en aimerez que plus. Quand vous sentez la discussion venir, ne l'évitez pas. Allez-y jusqu'au bout. Vous pourrez acquérir de la sorte l'énergie d'aimer. L'amour ordinaire, l'amour du mental, ne peut exister sans la haine, parce que le mental a besoin, pour vivre, de passer d'un extrême à l'autre. Seul, l'amour qui ne vient pas du mental, peut exister sans haine. Mais c'est un niveau d'amour complètement différent.
L'amour d'un Bouddha se situe dans une autre dimension. Si un Bouddha vous aimait, vous ne seriez pas à l'aise, parce que ce serait un amour sans défaut. Ce serait une douceur, une chaleur, constantes et ennuyeuses, parce que vous, pour aimer, il vous faut haïr. Un Bouddha ne peut pas se mettre en colère; il ne peut qu'aimer. Vous ne sentirez pas son amour, parce que vous ne pouvez sentir l'amour que par rapport à la haine. Vous né pouvez le sentir que par contraste.
Lorsque Bouddha revint dans sa ville natale, après douze ans d'absence, sa femme refusa de venir l'accueillir. La ville entière était venue saluer son arrivée, à l'exception de sa femme. Voyant cela, Bouddha se mit à rire et dit à Ananda, « Yashodhara n'est pas venue. Je la connais bien. Il semble qu'elle m'aime toujours. Elle est fière et se sent blessée. Je pensais qu'il était possible qu'après douze ans, elle ne m'aime plus. Mais il semble bien qu'elle m'aime toujours puisqu'elle est encore fâchée. Elle n'est pas venue m'accueillir. Il faudra donc que je me rende chez elle. »
Et Bouddha se rendit chez elle, suivi d'Ananda. Vous vous rappelez qu'Ananda avait posé sa présence constante aux côtés de Bouddha comme condition à son initiation, et que Bouddha avait accepté parce que c'était son frère aîné. Amanda le suivit donc jusqu'au palais et Bouddha lui dit, « pour cette fois au moins, ne viens pas avec moi. Voilà douze ans, je suis parti sans même lui dire un mot. Elle en ressent toujours de la colère. Ne viens pas avec moi sinon elle pensera que je ne lui permets même pas de dire ce qu'elle a envie de dire, d'exprimer sa colère. »
Bouddha entra seul dans le palais. Yashodhara était sur des charbons ardents. Elle se mit à crier, à pleurer, à parler. Bouddha ne répondait pas, il restait là, sans dire un mot. Peu à peu, elle se calma et se rendit compte que Bouddha n'avait pas prononcé une seule parole. Elle s'essuya alors les yeux etre regarda. Bouddha lui dit alors, « je suis venu pour dire que j'avais appris quelque chose, j'ai atteint la Réalisation. Si tu te calmes, je pourrai te donner la Vérité. J'ai attendu douze ans pour que tu puisses retrouver la paix. Mais tes blessures sont profondes, et ta colère compréhensible. Cela montre que tu m'aimes toujours. Mais il existe un amour au delà de ton amour et c'est cela que je suis venu te dire. »
Mais Yashodhara ne pouvait pas sentir cet amour. Il est difficile de sentir cet amour parce qu'il émane de lui un grand silence, comme une absence. Quand le mental s'arrête, c'est un amour différent qui naît. Un amour qui n'a pas de contraire, d'opposé. Quand le mental cesse de fonctionner, les contraires s'harmonisent, forment un tout. Quand le mental est là, chaque chose possède son contraire, et le mental va de l'un à l'autre comme un pendule. Ce sutra est merveilleux, il peut faire des miracles : « oublieux du mental, restez au milieu jusqu'à l'Eveil. »
Alors, essayez. Et gardez ce sutra votre vie entière. Gardez-le en vous constamment. Quand vous marchez, quand vous mangez, quand vous êtes avec des amis, partout, tout le temps, restez au milieu. Essayez et vous sentirez un certain calme grandir en vous, une tranquillité, un apaisement. Comme un centre de calme qui croîtrait en vous.
Même si vous ne parvenez pas à être exactement au milieu, essayez. Peu à peu, vous ressentirez ce que « milieu » veut dire. Quoi qu'il vous arrive haine ou amour, colère ou repentir souvenez-vous toujours des pôles opposés et essayez de rester au milieu. Tôt ou tard, vous rencontrerez le point exact.
Quand vous le rencontrerez, vous ne l'oublierez plus. Parce que ce point exact est au-delà du mental. Il représente l'aboutissement de toute la spiritualité.