« Ressentez la présence d'un objet devant vous. Ressentez l'absence de tous les autres objets. Puis, au-delà de la présence de l'un f!t de l'absence des autres, réalisez.»

Ressentez la présence d'un objet. N'importe quel objet. Une fleur, par exemple. « Ressentez» sa présence. Regarder l'objet n'est pas suffisant. Il faut le sentir. Quand vous regardez une fleur, votre coeur n'est pas touché. Vous ne «sentez » pas la fleur, sinon vous vous mettriez à rire ou à danser. Vous ne ressentez pas la fleur, vous la voyez. Et même cette vision n'est pas un acte complet. Le passé, votre mémoire, vous disent que cette fleur est une rose el cela vous suffit. Vous le savez que c'est une rose, parce que vous en avez déjà vu, mais vous ne le voyez pas cette rose en particulier .

Soyez avec la rose. Regardez-Ia, puis ressentez-Ia. Comment ? Respirez-Ia, touchez-la, faites de cette rose une expérience physique totale. Fermez les yeux et approchez la rose de votre visage. Posez-la sur vos paupières, sur vos lèvres, sur votre coeur. Partagez votre silence avec la rose, ressentez son existence. Ressentez son existence et oubliez le reste du monde, « ressentez l'absence de tous les autres objets. » Oubliez toutes les autres roses, oubliez les autres personnes, oubliez tout. Soyez avec la rose. Laissez-Ia vous envelopper totalement de sa présence. Noyez-vous en elle.

Ce ne sera pas facile car nous manquons de sensibilité. Cet exercice peut être plus simple pour une femme, un poète, un peintre ou un enfant, toutes personnes ayant une sensibilité développée. Les enfants sont particulièrement réceptifs à cette méthode, comme je m'en suis aperçu en l'enseignant au fils d'un de mes amis. Quand, après lui avoir donné une rose, je lui demandai, « que ressens-tu ?  il me répondit, « je suis devenu une rose. Voilà ce que je ressens je suis une rose. »

Oubliez complètement tous les autres objets. « Ressentez l'absence de tous les autres objets. C'est ainsi que cela se passe quand on aime. On oublie le monde entier. C'est pour cela que je dis que l'amour est une méditation.

Il y a quelques jours, un de mes amis vint me voir avec sa femme pour me demander conseil. Il m'expliqua son problème en Quelques mots: « je médite depuis un an et cela m'absorbe profondément. J'ai découvert qu'en criant "Rajneesh, Rajneesh, Rajneesh '.au moment où j'atteins le sommet de ma méditation, cela m'aidait. Mais en même temps, curieusement, lorsque je fais l'amour avec ma femme, je me mets à crier au moment de l'orgasme, "Rajneesh, Rajneesh, Rajneesh': Et ma femme en est troublée, naturellement. »

« La situation est devenue impossible », poursuivit-il, « parce que je ne peux plus atteindre l'orgasme si je ne crie pas 'Rajneesh' et si je crie 'Rajneesh', ma femme se met à pleurer, à se plaindre, à me faire une scène. Je ne sais plus que faire. »

Il est bien naturel que sa femme soit mécontente, Parce qu'elle a l'impression, ainsi, que quelqu'un s'interpose entre elle et son mari au moment le plus intime. L'amour a besoin d'intimité, l'amour est une chose totalement privée. Il faut qu'elle soit pour oublier le reste du monde.

Depuis quelques années, la mode s'est répandue en Europe et en Amérique de se livrer à ce qu'on appelle la thérapie sexuelle de groupe. A mon avis, c'est une absurdité, parce que l'amour ne peut pas être profond quand il est fait en commun. La présence des autres empêche l'amour de se développer en méditation.

Que ce soit avec une rose, une pierre ou une autre personne, si vous oubliez le monde entier, vous éprouvez un amour profond. Mais la condition est de ressentir la présence d'un objet et l'absence de tous les autres. Cet objet doit être la seule chose qui existe dans votre conscience.

Il est plus facile d'appliquer cette méthode à un objet une personne que vous aimez déjà, plutôt qu'à une rose, ou à une pierre, mais pour les maîtres Zen, la difficulté est loin d'être insurmontable. Ils méditent dans des jardins de pierres et de sable. Cependant, je vous conseille de choisir un objet que vous aimez naturellement. Goûtez sa présence, savourez-la, ressentez- la, laissez-Ia vous pénétrez. « Puis, au-delà de la présence de l'objet » ...C'est là où la technique se complique. Vous avez oublié tous les autres objets; il n'y a plus que « cet » objet qui existe pour vous. « Au-delà de la présence de l'un et de l'absence des autres... » Il n'y a plu~ pour vous que cette rose, ce visage, cette femme, cet homme A présent, oubliez cela aussi. La seule chose qui occupait votre esprit, oubliez-la. Vous tomberez soudain dans un vide absolu, un néant complet. Et là, dit Civa, « réalisez ». Réalisez ce vide, ce néant. C'est votre nature, c'est l'Existence pure.

Il est préférable de prendre un objet, un support, pour atteindre ce vide. Choisissez un objet, remplissez-en votre mental, ressentez-Ie si totalement qu'il ne vous est plus nécessaire de penser à autre chose. Puis, lorsque toute votre conscience est remplie de la présence de cet objet, oubliez l'objet.

Vous tombez alors dans un abîme. A présent, il ne reste plus rien il ne reste plus rien que votre subjectivité pure, intacte, libre. Cette pure Existence, cette pure Conscience, c'est votre nature.

Pratiquez cette méthode en deux temps: remplissez d'abord votre mental d'un objet. Pendant quelques jours, limitez-vous à cela. Sans changer d'objet. Si vous avez choisi une rose, reprenez la rose tous les jours. Ressentez cette rose au point que vous en arriviez à penser, « maintenant, je suis la rose ». Lorsqu'il n'y a plus que cette fleur, que tout le reste est oublié, savourez cette idée pendant quelques jours. Il faut que vous puissiez vous remplir de la présence de la rose facilement, sans effort. Passez alors à la seconde partie de la méthode. Fermez les yeux et oubliez la fleur.

Si vous avez bien fait la première partie de la technique, la seconde ne vous posera pas de difficultés. Si vous pouvez oublier le reste du monde pour ne plus penser qu'à une fleur, vous pouvez oublier cette fleur aussi, et entrer dans le néant. Alors, l'objet n'est plus là et seule votre conscience existe, comme une lumière, comme une flamme.

Imaginez que vous apportez une lampe dans une pièce obscure. La lampe éclaire tous les objets qui sont dans la pièce. Concentrez votre attention sur un objet parmi les autres. La lampe n'éclaire plus à présent qu'un seul objet pour vous.

Oubliez cet objet aussi; il ne reste plus que la lumière. Il en est de même avec votre conscience. Vous êtes une flamme, une lumière. Le monde entier est votre objet. Vous choisissez un seul objet sur lequel vous vous concentrez. La flamme reste la même mais elle n'éclaire plus qu'un seul objet. Que cet objet disparaisse et seule reste la lumière. La conscience. Bouddha a appelé cela le« Nirvana », Mahavir l'a appelé cc Kaivalya » l'absence totale. Dans les Upanishad, on parle de l'expérience du Brahman ou de l'Atman. Civa dit qu'en pratiquant cette seule technique, on réalise le Suprême.