La citoyenneté
On croit de plus en plus, parmi les citoyens de la plupart des nations, que la tâche majeure des systèmes d'éducation est de préparer l'enfant à être un citoyen. Par cela ils veulent dire qu'il incombe à l'Etat et aux contribuables d'instruire l'enfant afin qu'il devienne une partie intelligente et coopérative de ce tout organisé, appelé nation ; qu'une discipline doit lui être imposée afin qu'il ait son rôle à jouer dans l'Etat et puisse lui apporter sa contribution, il sera ainsi une valeur sociale tout en conservant une individualité distincte, subordonnée au groupe, dans la communauté où il est né et où il doit nécessairement gagner sa vie. Ils entendent que sa vie et ses intérêts individuels comptent moins que la vie collective ; que la leçon préliminaire à lui enseigner est qu'il est une unité dans un groupe actif d'unités semblables, chacune devant apporter sa quote-part au bien de tous.
Le germe initial de cette idée apparut (si étonnant que cela puisse paraître) quand la première école fut organisée, il y a des milliers d'années. Ces écoles étaient très petites, au début, n'éduquant qu'un petit nombre de favorisés, mais elles conduisaient progressivement (en général via les organisations religieuses) à l'éducation de masse et à l'instruction obligatoire qui distinguent les écoles d'Etat modernes, dont la tâche est visiblement de préparer des millions de jeunes à une citoyenneté intelligente, mais dirigée.
Aujourd'hui, dans les nations prétendues éclairées, on impose une certaine instruction aux masses ; les enfants de toutes les nations apprennent à lire, à écrire, et les rudiments de l'arithmétique. On suppose qu'ils auront ainsi une idée générale des conditions mondiales – enseignées par la géographie, l'histoire et l'économie – qu'ils parviendront ainsi à une certaine reconnaissance, objective et naturelle, des processus et des raisons responsables de ce que sont les nations ; qu'ils auront ainsi pris conscience du tableau planétaire général. Les contours changeants de ce tableau engendrent aujourd'hui la flexibilité mentale chez l'enfant, ce qui, sous beaucoup de rapports, est nettement un avantage.
Dans la formation des citoyens, cependant, on a jusqu'ici insisté sur deux aspects. Le but de l'éducation a été de former l'enfant pour qu'il puisse, à sa maturité, subvenir à ses propres besoins, dans le monde prédateur de la vie moderne, gagner sa vie, devenir riche si possible, et indépendant des personnes chez qui son sort l'avait jeté. Dans tout ce processus d'instruction, on a mis l'accent sur lui-même en tant qu'individu, on s'intéressait à ce qu'il allait faire, à la manière dont il allait vivre, à ce qu'il pourrait tirer de la vie, à ce qu'il pourrait en faire et en obtenir.
Lorsque la tendance de l'école était religieuse (comme dans les écoles paroissiales de toutes sortes), on enseignait à l'enfant qu'il devait s'efforcer d'être bon, on lui faisait miroiter l'encouragement égoïste selon lequel, s'il y parvenait, il pourrait un jour aller au ciel, et y être heureux. Lorsque ces idées avaient été instillées chez l'enfant, quand la pression de l'organisation lui avait imposé le modèle ou moule désiré, quand il avait absorbé la quantité nécessaire d'informations sommaires sur l'humanité et ses réalisations, quand sa capacité de retenir les faits (historiques, scientifiques, religieux ou autres) avait été développée, on le lâchait dans le monde et dans sa communauté pour y réussir et s'établir, même si sa faculté de penser demeurait totalement non développée.
L'exposé ci-dessus, je le sais, est une généralisation. Il ne tient aucun compte des capacités innées et inhérentes de l'enfant, du point de développement atteint par son âme, des facultés avec lesquelles il entre dans la vie, résultant de l'expérience de ses nombreuses vies antérieures. Il ne tient pas compte non plus de l'influence de nombreux enseignants, hautement évolués, consciencieux, de mentalité spirituelle qui ont – au cours des siècles – imprimé leur marque à leurs élèves, les orientant et les faisant progresser vers des choses meilleures. Je traite uniquement de l'aspect institutionnel des systèmes d'éducation, et de leur effet évident sur la jeunesse de toutes les nations soumise à ces systèmes. Les buts atteints, que les enseignants dans les établissements d'instruction se sont proposés, étaient étroits ; en conséquence, leur travail et leur enseignement ont produit une personne égoïste, d'esprit matérialiste, et dont l'objectif majeur était le progrès personnel, dans un sens matérialiste. Cela a été favorisé, de façon frappante, lorsqu'il existait une ambition individuelle, conduisant l'enfant à agir volontairement dans le sens du but étroit et égoïste de l'instructeur. L'idéalisme de l'enfant (et quel enfant n'est pas un idéaliste né) a été lentement et régulièrement suffoqué par le poids du matérialisme de la machine éducative mondiale, par la mentalité égoïste du monde des affaires dans ses divers secteurs, et par l'accent mis sur la nécessité de "faire de l'argent".
Petit à petit, cet état de choses désastreux (qui a atteint son point culminant au début de ce siècle) a changé lentement de sorte que. dans beaucoup de pays aujourd'hui, on propose à l'enfant, dès ses premières années, le bien de l'Etat, de l'Empire, et le besoin de la Nation comme l'idéal le plus élevé possible. On lui enseigne qu'il doit servir l'Etat. l'Empire ou la Nation, avec le meilleur de lui-même. On inculque fermement à sa conscience que sa vie individuelle doit être subordonnée à la plus grande vie de l'Etat ou de la Nation, et qu'il est de son devoir de satisfaire aux nécessités nationales, au prix de sa vie même. On lui enseigne qu'en cas de grande urgence, lui, en tant qu'individu, ne compte pas du tout, mais que le grand tout collectif dont il est une partie infime est le seul facteur qui compte. C'est un net pas en avant dans l'expansion de conscience que l'humanité doit réaliser.
Je voudrais vous rappeler ici que c'est l'expansion de conscience, ainsi qu'une sensibilité et une perception consciente accrues qui sont le but de tout effort divin ou hiérarchique. Le but n'est pas l'amélioration des conditions matérielles. Elles suivront automatiquement quand la perception consciente sera régulièrement développée. L'avenir de l'humanité est déterminé par son aspiration et son aptitude à répondre à l'idéalisme qui, aujourd'hui, inonde le monde.
Actuellement, on fait encore un autre pas en avant. Partout, en tous pays, on enseigne aux hommes dès l'enfance qu'ils ne sont pas seulement des individus, pas seulement les membres d'un état, empire ou nation, pas seulement des personnes avec un avenir individuel, mais les interprètes de certaines idéologies de groupe démocratique, totalitaire ou communiste. Ces idéologies, en dernière analyse, matérialisent les rêves et les visions. On enseigne à la jeunesse moderne qu'elle doit travailler, consacrer ses efforts et, si c'est nécessaire, se battre pour elles. Il apparaît donc sans aucun doute que, derrière toute l'agitation et le chaos superficiels si dévastateurs aujourd'hui dans la conscience humaine, derrière toutes les craintes et appréhensions, derrière la haine et la séparativité, les êtres humains commencent à fusionner en eux mêmes trois états de conscience : celui de l'individu, celui du citoyen et celui de l'idéaliste. La capacité d'y parvenir et de vivre tous ces états simultanément descend maintenant jusqu'aux niveaux de vie humaine que nous appelons les "classes submergées".
Tout ceci est très bien et fait partie du plan. Qu'il s'agisse de l'idéal démocratique, de la vision de l'état totalitaire, ou du rêve du communiste fervent, l'effet produit sur la conscience de l'humanité dans son ensemble est nettement bon. La prise de conscience mondiale de l'homme s'accroît véritablement, sa faculté de se considérer comme la partie d'un tout se développe rapidement. Tout ceci est désirable, juste et prévu dans le plan divin.
Il est évidemment tout à fait vrai que ce processus est gâté et handicapé par des méthodes et des motifs hautement indésirables, mais les êtres humains ont l'habitude de gâter ce qui est beau. Ils ont une aptitude très développée à être égoïstes et matérialistes, et, du fait que leur mental est encore pratiquement ni exercé, ni développé, ils ont peu de pouvoir de discernement et peu d'aptitude à distinguer entre l'ancien et le nouveau, ou entre le bien et le mieux. Ils ont été habitués à l'égoïsme et aux attitudes matérialistes, sous l'empire de leurs parents ou des systèmes d'éducation de l'époque, aussi le cours de leur pensée suit normalement ces lignes indésirables.
Pendant l'ère des Poissons qui disparaît, la jeunesse de tous les pays a été élevée sous l'influence de trois idées de base. L'ensemble de ces idées pourrait s'exprimer dans les termes des questions suivantes :
1. Quelle profession dois-je choisir, qui me procure le bien-être matériel que mes conditions dans la vie et mes désirs me permettent ?
2. Qui sont mes supérieurs qu'il me faut respecter et honorer, et qui sont ceux qui sont au-dessous de moi dans l'ordre social ; jusqu'où pourraije monter dans l'échelle sociale, et ainsi progresser ?
3. Dès l'enfance, on m'a enseigné que mes penchants naturels étaient de faire le mal, d'être vilain, ou (s'il s'agit d'un cadre étroitement orthodoxe) que je suis un misérable pécheur, indigne d'un bonheur futur. Comment puis-je éviter les conséquences de mes tendances naturelles ?
Le résultat de tout ceci est d'engendrer dans la race une profonde ambition sociale et matérielle, ainsi qu'un complexe d'infériorité qui éclate nécessairement sous quelque forme de révolte chez l'individu, en explosions raciales, ou encore, du point de vue individuel, en une attitude de vie farouchement centrée sur soi.
L'humanité devra finalement se dégager de ces tendances déformées et de ces idéaux rétrogrades. C'est en en prenant conscience que certaines nations ont insisté exagérément sur le bien national, ou le bien de la race, et sur l'Etat en tant qu'entité. Ceci a conduit à miner la structure hiérarchique de l'ordre social.
Cette structure hiérarchique est une réalité éternelle, fondamentale, mais ce concept a été si déformé et si mal employé qu'il a suscité une révolte dans l'humanité, et provoqué une réaction presque anormale de liberté et de licence qui prend des proportions indésirables.
On le voit par l'exigence très répandue (dans certains pays) de la Jeunesse moderne qui veut s'amuser, qui est irresponsable et refuse de voir en face les vraies valeurs de la vie. Cet état de choses est à son pire degré dans les pays démocratiques. Dans les pays totalitaires ce n'est pas permis sur la même échelle, car la jeunesse de ces pays est obligée d'assumer des responsabilités et de se consacrer au plus grand tout ; elle ne passe pas sa vie en gaspillant son temps, en "prenant du bon temps". Ce bon temps est généralement pris aux dépens des autres, et se situe dans les années formatrices, ce qui conditionne et détermine inévitablement l'avenir du jeune individu.
Je ne parle pas ici politiquement et ne défends aucun système gouvernemental. Une activité imposée et une responsabilité imposée relèguent la masse de ceux qui sont conditionnés ainsi au stade infantile, alors que l'humanité devrait atteindre la maturité, avec sa volonté de prendre des responsabilités et son sens grandissant des vraies valeurs dans les modes de vie. Le sens des responsabilités est l'une des premières indications, chez l'individu, que l'âme est éveillée. Actuellement l'âme de l'humanité est aussi en train de s'éveiller d'où les indices suivants :
1. Le développement de sociétés, organisations et mouvements de masse, pour le progrès de l'humanité en tous lieux.
2. L'intérêt grandissant de la masse pour le bien commun. Jusqu'ici, la couche supérieure de la société s'y était intéressée pour des raisons égoïstes d'autoprotection, ou à cause d'un paternalisme inné.
L'intelligentsia et les professions libérales ont examiné et étudié le bien public, par intérêt mental et scientifique, s'appuyant sur une base matérielle générale, la classe moyenne inférieure a naturellement partagé ce même intérêt, du point de vue des bénéfices financiers et commerciaux. Aujourd'hui, cet intérêt se trouve dans les classes les plus basses de l'ordre social, et toutes les classes sont vivement sensibles et éveillées au bien général, national, racial ou international.
Ceci est très satisfaisant ; c'est un signe encourageant.
3. L'effort philanthropique et humanitaire culmine, parallèlement aux cruautés, haines, anomalies, engendrées par des idéologies nationales exaspérées, l'agressivité et l'ambition, dans la vie de tous les peuples.
4. L'éducation devient rapidement un effort de masse et les enfants de tous les pays, du haut en bas de l'échelle sociale, sont formés intellectuellement comme ils ne l'ont jamais été. Evidemment, cet effort est fait surtout pour leur permettre de satisfaire aux conditions matérielles et nationales, pour qu'ils soient utiles à l'Etat, et non une charge économique pour celui-ci. Le résultat général, néanmoins, est dans la ligne du plan divin et, sans aucun doute, il est bon.
5. Les dirigeants reconnaissent de plus en plus que l'homme de la rue est un élément dont il faut tenir compte dans les affaires mondiales. Il est atteint de tous côtés par la presse et la radio ; il est assez intelligent aujourd'hui et assez intéressé pour tenter de se faire une opinion personnelle, et arriver à ses propres conclusions. C'est un état encore embryonnaire, mais les indices de cet effort existent
indubitablement ; d'où le contrôle de la presse et de la radio que l'on retrouve en tous pays, sous une forme ou sous une autre ; car on ne peut pas échapper de façon permanente à la structure hiérarchique qui sous-tend notre vie planétaire. Ce contrôle tombe dans deux catégories principales :
Contrôle financier, comme aux Etats-Unis.
Contrôle gouvernemental, comme en Europe et en Grande- Bretagne.
On dit aux gens exactement ce qui est bon pour eux ; la réserve et la diplomatie secrète influencent la relation du gouvernement avec les masses, et l'impuissance de l'homme de la rue est encore pitoyable – face aux autorités dans le domaine politique, aux décisions entraînant la guerre ou la paix, aux théologies imposées, et aux attitudes économiques – mais pas aussi grande, ni aussi rigoureuse qu'elle l'a été. L'âme de l'humanité est en train de s'éveiller et les conditions actuelles peuvent être considérées comme temporaires.
Le but des systèmes d'éducation de l'avenir sera de sauvegarder l'intégrité de l'individu, de promouvoir le sens de la responsabilité individuelle, d'encourager une conscience de groupe croissante quant aux relations de base, individuelles, nationales et mondiales ; en même temps, on organisera l'expression des facultés, des intérêts et des aptitudes. Parallèlement, on s'efforcera d'intensifier le sens civique, à la fois dans le monde extérieur tangible du plan physique, dans le royaume de Dieu, et dans les relations d'âme.
Afin de le réaliser et de changer complètement les attitudes mondiales actuelles et les valeurs faussement placées, on a permis la situation planétaire catastrophique actuelle.