La situation et les idéologies du monde
Avant que nous n'abordions le côté plus technique de notre travail, je voudrais que vous réfléchissiez un moment à la situation et aux idéologies du monde sous l'angle de l'éducation. Je voudrais que vous les examiniez à fond, du point de vue des relations de groupe fondamentales existantes, en envisageant la nécessité de préparer la jeunesse de l'avenir à l'âge nouveau dont on n'aperçoit encore les grandes lignes que faiblement. Je souhaiterais que vous parveniez, si possible, à une idée générale de l'actuelle situation mondiale, en ne traitant que les grandes lignes, et en négligeant l'examen des détails ou des personnalités spécifiques, sauf à titre d'illustration. Dans mes autres ouvrages, j'ai posé les fondements de ceci, lorsque je me suis brièvement efforcé d'envisager le problème psychologique des diverses nations, sa cause ou ses causes, et la contribution particulière que chaque nation spécifique doit apporter à l'ensemble du monde.
Nous allons essayer de mettre en lumière certains faits marquants qui, néanmoins, seront peut-être plus normalement reconnus par les ésotéristes que par le monde en général. Mais nous travaillons, ou essayons de travailler en ésotéristes. Ces faits sont :
1. Le fait que certaines idées de base se sont fait jour au cours des âges, et ont amené l'humanité à son point actuel d'évolution. Les idées sont la substance de la poussée à l'évolution.
2. Le fait qu'une direction cachée a persisté au cours des âges ; son existence peut être déduite du plan qui se dégage nettement, en ce qui concerne la conscience de l'homme.
3. Le fait que tout développement se fait par l'expérience, la lutte et la persévérance, d'où le bouleversement moderne actuel. Il indique une "poussée vers la lumière, la lumière du monde, ainsi que l'antahkarana de groupe".
Il est évident qu'une grande partie de ce que je vais vous communiquer dans ces instructions n'aura peut-être pas une application immédiate. Il est toutefois demandé aux étudiants de réfléchir et de penser, dans le sens que je pourrai indiquer, car c'est seulement si un noyau de penseurs se forme ainsi, qu'il deviendra possible à la Hiérarchie des Maîtres d'obtenir les résultats souhaités dans leur travail pour réaliser les plans de Dieu. Les Maîtres ne peuvent pas travailler et ne travaillent pas sans leurs points focaux qu'ils ont choisis sur le plan physique. Je vous demande à nouveau de vous considérer comme des postes avancés de la conscience de Ceux qui, sur le plan intérieur de la vie, cherchent à apporter une nouvelle lumière sur la question des organisations sociales, de la relation de l'individu au tout, des tendances nouvelles et désirables en éducation. Je vous demande de vous soumettre à un entraînement de la pensée, à cette fin. Notez la manière dont j'ai formulé ma demande : d'abord, considérer ; puis, entraîner. D'abord la foi quant au contact ; puis les mesures nécessaires pour faciliter et développer ce contact.
Notre thème est d'étudier l'organisation de l'éducation dans l'humanité, ce qui implique, dans ses derniers stades, responsabilité et action juste. Nous allons envisager, dans ses grandes lignes, le développement de l'homme, à partir d'une unité personnelle isolée, passant par les stades de la vie de famille, de la vie tribale, de la vie nationale, jusqu'au stade actuel d'une humanité aux aspirations idéalistes. Cet idéalisme et cet esprit de recherche très répandu sont responsables du chaos mondial actuel ; ils sont la cause des idéologies contradictoires, de l'apparition dramatique de sauveurs nationaux, de prophètes et de travailleurs mondiaux, d'idéalistes, d'opportunistes, de dictateurs et de chercheurs dans tous les secteurs de la pensée humaine et en tous pays. Cet idéalisme est un bon signe. Il est responsable aussi de l'agitation, de la demande urgente de meilleures conditions, de plus de lumière et de compréhension, d'une coopération plus profonde, d'une sécurité basée sur des réajustements corrects, de paix et d'abondance, au lieu de la peur, de la terreur et de la faim. Je n'ai pas l'intention de traiter cette question à la manière des nombreux manuels modernes sur le gouvernement, les lois, ou les nombreux projets économiques, politiques, etc., qui retiennent aujourd'hui l'attention de manière si prépondérante. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails ou de donner des définitions. Les interprètes des différentes croyances peuvent fournir les écrits nécessaires et présenter leur cas beaucoup mieux que moi. Les protagonistes d'une idéologie peuvent exprimer leurs croyances et leurs objectifs avec beaucoup plus de ferveur et d'espoir que cela n'est possible pour moi. Je vais m'adresser à vous comme quelqu'un qui voit se dégager le schéma – modèle plus clairement que vous, car je peux voir à la fois l'intérieur et l'extérieur, ainsi que les plans confiés à la garde de la Hiérarchie. Je vais écrire comme quelqu'un qui a cherché, en conférence avec des membres de la Hiérarchie, à comprendre les objectifs et à collaborer aux plans immédiats, en ce temps de crise et de bouleversement planétaires, de changements rigoureux, d'élévation de l'humanité vers des niveaux de vie nouveaux, et vers des états de conscience plus élevés ; comme quelqu'un qui a étudié passablement à fond le passé, les modes de méditations, et qui est ainsi parvenu à une certaine faculté d'embrasser le passé, le présent et l'avenir, ce qui n'est naturellement pas possible pour vous actuellement.
J'essaierai de vous exposer certains des plans et certaines des idées gouvernant l'action hiérarchique ; je les laisserai fermenter dans vos esprits, ce qui vous amènera soit à les rejeter, soit à être convaincus. Je cherche seulement à suggérer. C'est à vous de faire les déductions, de tirer les conclusions intelligentes, de penser dans le sens indiqué. Je souhaite que vous vous plongiez dans cette ligne de pensée, afin que soit facilité mon travail sur votre mental, et que la construction en groupe des ponts de lumière avance rapidement. N'oubliez pas que, moi aussi, je dois faire un effort pour vous rendre intelligibles ma pensée et mes idées ; ce n'est possible que si je faispreuve de sagesse, et si vous faites preuve d'intelligence et de persévérance. Quand l'instructeur est sage et l'élève intelligent, beaucoup de choses deviennent possibles.
Je demande que votre attitude soit (pour un temps du moins) exempte de critique ; que vous écartiez temporairement vos idées préconçues ; que vous cultiviez la bonne volonté à envisager et à peser, non pas l'évidence cette fois, mais la structure interne de l'événement ésotérique de plus grande importance que les événements extérieurs, et que vous saisissiez ainsi quelque peu le butde l'éducation nouvelle. Réfléchissez à cette dernière expression, et considérez à fond ce que je veux dire. Je souhaiterais que vous parveniez à une position verticale, accompagnée d'un point de vue horizontal. Réfléchissez aussi à cette expression.
Lorsque nous étudions la voie de l'homme, alors qu'il tâtonne pour sortir de la condition animale et atteindre son attitude actuelle de plus en plus intellectuelle, alors qu'il progresse vigoureusement vers un avenir de possibilités très grandes, rappelons-nous toujours que pour les Gardiens du Plan de Dieu et pour Ceux qui mettent en oeuvre les événements nouveaux, lecôté forme de la vie, l'expression extérieure tangible, est d'importance tout à fait secondaire. Votre vision est souvent faussée par la souffrance que subit la forme (votre propre forme, ou celle des autres, individuellement ou en masse), de sorte que vous ne percevez pas clairement le dessein et l'urgence de la viedans la forme. Pour beaucoup d'entre vous, par exemple, la guerre mondiale a été un désastre suprême, une douleur à éviter dans l'avenir à tout prix, un événement néfaste et atroce indiquant la perversité des hommes et l'indifférence incroyable et aveugle de Dieu. Pour nous, du côté intérieur, la guerre mondiale a été une sorte d'opération chirurgicale majeure faite dans le but de sauver la vie du malade. Une violente streptococcie avait menacé la vie de l'humanité (en termes symboliques).
Cette opération fut faite afin de prolonger les chances du malade et de sauver la vie, non de sauver la forme. L'opération a réussi pour une large part.
Le germe, évidemment, n'est pas extirpé, et se fait sentir dans des zones infectées du corps de l'humanité.
Il se peut qu'une autre opération chirurgicale soit nécessaire, non pour détruire la civilisation actuelle, mais afin de dissiper l'infection et de se débarrasser de la fièvre. Cependant, on pourra peut-être l'éviter, car un processus de dissipation, de distribution et d'absorption s'est poursuivi, qui sera peut-être efficace. Travaillons à cette fin. Mais, par ailleurs, n'oublions jamais que c'est la Vie, son dessein et son destin intentionnellement dirigé qui a de l'importance. N'oublions pas non plus que lorsque la forme se révèle inadéquate, trop malade ou trop mutilée pour exprimer ce dessein, ce n'est pas un désastre – du point de vue de la Hiérarchie – que la forme doive disparaître.
La mort n'est pas un désastre à craindre ; le travail du Destructeur n'est en vérité, ni cruel, ni indésirable. Je vous dis cela, moi qui suis sur le Rayon d'Amour et connais sa signification.
Il y a deux manières de détruire : celle qui est infligée par les êtres humains, sans compréhension des desseins de la vie, qui agissent aveuglément et dans l'ignorance, poussés par un désir égoïste, par l'amour du pouvoir ou par la haine ; celle, par ailleurs, qui est permise par l'âme au moment correct et voulu et qui vient quand un nouveau véhicule d'expression est nécessaire à la vie intérieure. En conséquence, les Gardiens du Plan permettent beaucoup de destructions ; beaucoup de mal est transformé en bien, car la fin est perçue depuis le commencement, et la conscience est assez mûrie par l'expérience pour abandonner la forme en vue des avantages qu'elle sait devoir en tirer. Ceci est vrai des individus, des nations et des races. La sensibilité à la souffrance du monde est une grande et divine caractéristique. Néanmoins, quand elle est marquée par l'émotion, elle devient séparative dans ses interprétations, centrée dans l'esprit partisan et les personnalités ; elle apparaît ainsi sous forme de mirage et d'illusion, jette la confusion dans les vrais problèmes et aveugle les hommes aux faits divins.
Je voudrais vous rappeler que l'ésotériste raisonne toujours de l'universel au particulier. C'est ce que nous ferons toujours, neutralisant ainsi le point de vue fragmentaire, le premier plan déformé, et la myopie de vision de l'étudiant. Nous étudierons les tendances majeures, le large mouvement de la conscience humaine qui émerge et exige – en permanence – une modification dans l'éducation, la religion et l'organisation sociale, proportionnelle à son développement. Les civilisations, les cultures, les races et les nations apparaissent et disparaissent, mais ce sont les mêmes individualités qui vont et viennent avec elles, recueillant les fruits de l'expérience, et avançant progressivement vers un auto-gouvernement plus complet, vers l'organisation de groupe et la synthèse.
Je voudrais vous rappeler aussi qu'il existe une qualité particulière chez tout être humain – caractéristique innée, inhérente et inévitablement présente – que l'on pourrait nommer la "perception mystique". J'emploie ce terme dans un sens beaucoup plus large qu'on ne le fait ordinairement, et je voudrais que vous considériez cette qualité de perception mystique comme englobant :
1. La vision mystique de l'âme, de Dieu et de l'univers.
2. La possibilité d'entrer en contact et d'apprécier le monde des causes, monde subjectif de la réalité qui se fait jour.
3. La possibilité d'aimer et d'aller vers ce qui est autre que soi-même.
4. La faculté de saisir les idées et de les recevoir par intuition.
5. L'aptitude à pressentir l'inconnu, le désirable et le désiré. La détermination et la persévérance qui en découlent et permettent à l'homme de chercher et de vouloir cette réalité inconnue. C'est cette tendance mystique qui a engendré les grands mystiques de réputation mondiale, les nombreux explorateurs et inventeurs.
6. La faculté de sentir et d'enregistrer le bien, le beau et le vrai. C'est ce qui a produit l'écrivain, le poète, l'artiste et l'architecte.
7. Le désir ardent de découvrir les secrets de Dieu et de la nature, et d'y pénétrer. C'est ce qui a produit le savant et le religieux.
En étudiant ces définitions, vous verrez combien large est le terme "perception mystique". Ce n'est ni plus ni moins que le pouvoir inné chez l'homme d'atteindre et de saisir ce qui est plus grand et meilleur que lui-même, ce qui l'a poussé, passant progressivement par des cultures et des civilisations en développement, à se tenir aujourd'hui sur le bord d'un nouveau règne de la nature. C'est le pouvoir d'apprécier et de s'efforcer d'atteindre le bien, apparemment inaccessible. Que cette proposition large et générale soit donc toujours présente à notre pensée quand nous étudions le pouvoir croissant de s'exprimer, de se déterminer, de se gouverner par soi-même.
Quelles sont les idées de base, en commençant par les instincts connus qui ont conduit l'homme, pas à pas, à sa lutte actuelle pour un monde meilleur, l'appréciation du groupe, l'autodétermination naturelle, dans le but – inconscient pour une large part – de fournir un meilleur organe d'expression au sein de l'organisme vivant qu'est l'humanité ?
J'ai parlé de cela ailleurs, lorsque j'ai traité de l'actuel Plan de Rayons pour l'humanité dans le domaine de la politique, de la religion et de l'éducation ; j'aimerais répéter une partie de ce que j'y disais, car cela a un rapport direct avec notre thème.
En dernière analyse, le principal problème du gouvernement du monde est la sage utilisation des idées. C'est là que le pouvoir de la parole se fait sentir, exactement comme le pouvoir du mot écrit et de la page imprimée se fait sentir dans le domaine de la religion et de l'éducation. En politique, les masses sont sous l'empire de leurs orateurs, maintenant plus que jamais, vu l'utilisation de la radio. Sans arrêt, de grandes idées sont serinées aux oreilles du public – des théories sur la dictature, le communisme, le nazisme, le fascisme, le marxisme, le nationalisme et les idéaux démocratiques. Des méthodes de gouvernement par tel ou tel groupe de penseurs sont présentées au public, sans lui laisser le temps de réfléchir ou de penser clairement. On répand les antipathies de race, on exprime les préférences et les illusions personnelles, ce qui aboutit à tromper ceux qui ne pensent pas. L'homme à la langue dorée, l'homme qui sait jouer avec les mots et met l'accent sur les griefs du peuple, celui qui jongle avec les statistiques, le fanatique qui a un remède sûr pour tous les maux sociaux, l'homme qui aime attiser la haine de race, tous peuvent trouver des partisans. De tels hommes peuvent facilement renverser l'équilibre de la communauté et conduire un groupe de partisans qui ne pensent pas à un succès et à un pouvoir temporaires, ou au déshonneur et à l'oubli.
A partir de ce maniement d'idées, de cet impact constant sur la conscience humaine des grands concepts sous-jacents à notre processus d'évolution, l'humanité développe sa faculté de penser, de choisir, et de construire une solide base. La présentation de ces idées, selon l'évolution, provoque une marche régulière vers la liberté de pensée, selon l'ancienne méthode d'expérimentation, d'élimination, d'effort renouvelé avec des concepts toujours nouveaux ; cette liberté permettra à l'humanité de construire en conformité avec les grandes pensées modèles qui sous-tendent la structure extérieure de notre monde. Les personnes de notre époque, dont le mental est attentif, sont constamment sensibilisées à ces modèles, afin que le mental individuel puisse en prendre conscience pour les arracher à l'obscurité et les placer dans la lumière du jour. C'est ainsi que les vrais modèles deviendront accessibles et contribueront à conduire l'humanité vers sa destinée, vers les réalisations plus profondes qui façonnent les types raciaux, et vers la synthèse de compréhension qui aboutira à la mise en oeuvre de la Fraternité. Les pensées jouent donc leur rôle, et le problème des idées sera de mieux en mieux compris jusqu'au jour où nous aurons des penseurs et des intuitifs entraînés, capables de travailler directement dans le monde des concepts et d'en ramener, pour l'usage de l'humanité, les idées – modèles sur lesquelles on pourra construire. En disant cela, je me rends compte que l'on peut m'accuser d'enjoliver et de communiquer l'impossible ; mais le temps démontrera la vérité de ce que je prédis. La structure du monde est construite sur certaines idées – modèles intérieures dont elle émerge, et ce sont ces pensées-modèles qui engendrent le flot actuel d'expérimentations gouvernementales parmi les nations. Mais aujourd'hui il n'y a pas d'entraînement quant à la méthode de contact avec le monde des modèles, ou quant à l'interprétation des idées ; c'est de là que viennent les problèmes. Plus tard, quand l'humanité percevra ses problèmes avec clarté, elle agira avec sagesse et entraînera soigneusement ses Observateurs et ses Communicateurs. Ce seront des hommes et des femmes dont l'intuition se sera éveillée, sous la pression urgente de leur intellect ; ce seront des gens dont le mental sera tellement subordonné au bien du groupe, si exempt de tout sens de séparativité qu'il ne présentera pas d'entrave au contact avec le monde de la réalité et de la vérité intérieure. Ce ne seront pas nécessairement des personnes "religieuses" dans le sens ordinaire du terme, mais ce seront des hommes de bonne volonté, de capacité intellectuelle élevée, dont le mental sera riche et doué de moyens d'action. Ils seront sans égoïsme et sans ambition personnelle, animés par l'amour de l'humanité, et par le désir de l'aider. Un homme de ce genre est un homme spirituel.
Traité sur les Sept Rayons, Vol. I, pages anglaises 179-181.