Sushumnâ

 

La sushumnâ, dont la position est centrale, passe à travers le merudanda (la colonne vertébrale). D'après V.G. Real, elle prend naissance à l'intérieur du kanda (matériau fibreux entourant le tissu nerveux), qui se trouve approximativement au niveau du nombril. La plupart des textes sur le yoga, et notamment la Shandilya-upanishad, contredisent toutefois ce point, puis- qu'ils situent le siège de la sushumnâ au niveau du mûlâdhara. Le Shiva Svarodaya mentionne 72 000 nâdis et n’en cite que trois principaux: idâ, pingalâ et sushumnâ.

La sushumnâ prend donc naissance dans le mûlâdhara-chakra et remonte le corps jusqu'au talu (situé à la base du crâne) avant de rejoindre sahasrâra (plexus de mille nâdis au sommet du crâne, connu comme le « lotus aux mille pétales »). Ce nâdi se divise en deux branches: antérieure et postérieure.

La branche antérieure rejoint le âjnâ-chakra, situé dans l'alignement des sourcils, puis le Brahmâ randhra. La branche postérieure passe derrière le crâne pour rejoindre, elle aussi, le Brahmâ randhra. Cet espace creux est également appelé bhramara gupha (« cave du bourdon » ) et andha kupa ( « le puits aveugle » ou dixième porte -voir l'illustration page 14). Il s'agit de « la partie membraneuse », (la fontanelle) encore ouverte chez le nouveau- né. On y sent le battement du pouls pendant les premières semaines; au bout du sixième mois, elle commence à durcir. Par la suite, on ne peut la rouvrir qu'en ayant recours à certaines pratiques du laya-yoga, svara-yoga, kriyâ-yoga ou nâda-yoga. Dans les shâstra (textes anciens), il est dit que celui qui quitte son corps par la dixième porte franchit le « chemin de non retour » (il est alors libéré du cycle de la mort et de la renaissance. Certains yogis observent une discipline de préparation de la dixième porte de telle manière qu’à leur dernier souffle, leur âme puisse la traverser et donc, être libérée.

 Une des autres caractéristiques de la sushumnâ est qu'elle n'est pas liée au temps. Lorsqu'un yogi en méditation se place au point médian entre les sourcils, dans l'âjnâ-chakra (troisième oeil), et transcende le prâna dans la région du Brahmâ randhra, il se trouve au-delà du temps. Il devient trikaladarshi (c'est à dire qu'il connaît le passé, le présent et le futur). Dans l'âjnâ-chakra, il dépasse le temps, et la mort ne peut plus l’atteindre. Les fonctions du corps physique s'arrêtent et le vieillissement est interrompu. Juste avant la mort, tous les êtres vivants font l’expérience de la respiration sushumnâ, lors de laquelle les deux narines travaillent simultanément. On dit que la mort en dehors d'une mort accidentelle n'est pas possible lorsque l'idâ ou la pingalâ domine; en d'autres termes, lorsque seule la narine droite fonctionne, ou lorsque l’on respire principalement par la narine gauche, la mort ne survient pas.

Sarasvatî nâdi et brahmâ nâdi sont d'autres noms donnés à la sushumnâ. Il ne s'agit toutefois pas d'une appellation précise puisque la sushumnâ sert de canal à d'autres nâdis sukshma (subtils) et que sarasvatî est un nâdi complémentaire de la sushumnâ.

 La Sushumnâ travaille lorsque les deux narines sont actives en même temps. Cette activité est également appelée Sarawati. A travers la Sushumnâ, le yogi accède à l'éternité.

 Selon le Lalita Sahasranama (texte tantrique consacré à la divinité), la sushumnâ tamasika, d'un rouge vif, renferme un vajra nâdi rajasika, qui a la nature du soleil et du poison, et un chitra nâdi sattvika, pâle et sécrétant un nectar, qui a la nature de la lune. C'est le nâdi responsable des rêves, des hallucinations et des visions. En sanscrit, chitra veut dire image ou peinture. Ce nâdi est systématiquement actif chez les peintres, les poètes et les artistes visionnaires. L'extrémité du chitra nâdi est appelée brahmâ dvara « la porte de brahman », et c'est par cette porte que la kundalinî devi rejoint sa dernière demeure le manasa chakra, lalana chakra ou soma-chakra point de rencontre de kâmeshvara et kâmeshvarî (Shiva et Shakti), qui se trouve juste au-dessus de l'endroit où réside Kamadhenu (la vache qui exauce les voeux).

Comme on l'a déjà mentionné, le mûlâdhara-chakra est le point de rencontre des trois principaux nâdis et est appelé yukta triveni (de yukta « engagement » et triveni (« rencontre de trois flux »). Du mûlâdhara, ils pas sent tour à tour à chaque chakra, jusqu'à l'âjnâ-chakra. Là, ils se réunissent à nouveau pour former un noeud doux avec la sushumnâ. La rencontre des trois flux à cet endroit est appelée mukta triveni (mukta signifiant « libéré »). Le sixième chakra (âjnâ-chakra) étant au-delà des éléments, le yogi qui atteint ce niveau via la sushumnâ est libéré de ses chaînes. À ce stade, il maintient un état de kevali kumbhaka (capacité à réduire le flux de la respiration). Au-delà du noeud de l' âjnâ-chakra, idâ et pingalâ aboutissent respectivement à la narine droite et à la narine gauche et par suite, chitra et vajra agissent comme des courants lunaire et solaire, tandis que le nâdi brahmâ joue le rôle de fou- gueuse sushumnâ tamasika. Les nâdis vajra et chitra sont les courants intérieurs, solaires et lunaires, de la sushumnâ. Ce sont des nâdis manovahi, que mentionnent le Sushruta Samhita ainsi que le philosophe bouddhiste, Vîjnâ- nabhikshu. Un yogi siégeant dans ce chakra est devenu tattvatita (au-delà des éléments), mais il est encore soumis aux changements d'humeur induits par la prédominance de l'un ou l'autre guna (attribut, qualité). Il n'est pas encore gunatita (au-delà des attributs). Une fois gunatita, il a atteint nirvikalpa samâdhi (également appelé nirbîjâ ou « sans semence » samâdhi), un état particulier de méditation profonde et durable.

Les nâdis idâ et pingalâ se situent sur la droite et la gauche de l’espace extérieur au merudanda (colonne vertébrale). La substance du nâdi sushumnâ est composée de canaux triples, les gunas.

 

 

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