LE MAGNETISME SOLAIRE
"Si quelqu'un te raconte qu'il a vu le Soleil , moque-toi de lui", Un vieux Maître
Nous voici à présent sur le sentier des mystiques. La psychologie méconnaît cet espace de la conscience humaine.
Avec l'Arbre de la Kabbale comme modèle, nous comprenons aisément pourquoi: la psychologie n'a appréhendé jusqu'à présent que les états de conscience liés aux émotions et à la sphère du mental discursif, c'est à dire l'espace de la personnalité, admirablement bien décrypté par Freud . Jung, pour sa part, a été le seul à explorer l'espace de l'individualité.
Le premier évolue entre la Terre (la matière) et la Lune (les émotions et l'imaginaire); le second se situe entre la Lune et le Soleil (la conscience). En termes ésotériques, le premier se réfère à l' astral lunaire a Maya), l'autre à l'astral solaire (l'équivalent du supra mental de Sri Aurobindo).
De nos jours, encore, la plupart des psychologues et des scientifiques sont de l'avis de Voltaire qui traitait les phénomènes mystiques de "pure démence". Souvenons-nous de ce qu'il disait à propos de Marguerite- Marie Alacoque, mystique et visionnaire de Paray le monial (1647-1690) : "II est encore des prophètes: nous en avions deux à Bicêtre en 1723 : l'un et l'autre se disaient Elie . On les fouetta, et n'en fut plus question. " Cet esprit sarcastique qui caractérise le Français freine toute appréhension de ce qui lui est supérieur . Montherlant s'en plaignait ainsi: "Français. Ce qui n'est pas bas les étonne ou les exaspère". Fréderic Ferney, Ed. Bourin.
Certains assimilent donc crise d'hystérie et états mystiques. Pourquoi ne pas admettre que chaque phénomène de la conscience s'appuie nécessairement sur du physiologique et sur du psychologique ? La transcendance consiste justement à dépasser ces limites tout en les intégrant. Elle est comme un retournement en doigt de gant. Encore faut-il être capable de le concevoir !
La transcendance n'est pas réductible à ce que l'observateur est capable de comprendre. Ainsi René Held définit-il l'extase: "C'est un sentiment de félicité qui s'empare de certains sujets au cours de crises à tonalité hystérique et (ou) mystiques. " "Métanora", Aimé Michel.
Force est de constater que Held ne comprend pas grand chose à la transcendance et à la sublimation.
Cela a toujours été le point faible des psychanalystes freudiens lorsqu'ils ont voulu approcher les oeuvres d'art. Les essais de Freud sur Léonard de Vinci se résument à des tentatives vaines et toujours avortées pour saisir le fondement de l'art tout en le réduisant à ses propres conceptions de l'âme humaine! Serait-ce là la raison pour laquelle les psychanalystes sont de si grands amateurs d'oeuvres d'art ?
L'état mystique: une hallucination ?
Si l'état mystique n'est pas une hallucination, cela lui ressemble bigrement !
Envisageons alors la possibilité d'hallucinations à une octave supérieure...
Grâce à la boîte à images que nous possédons à l' intérieur de nous, nous aurons la possibilité, tout au long de notre vie, de traduire des " vibrations" en images (émotions, sensations...).
L'hallucination que nous rencontrons chez le nouveau né , lorsqu'il a besoin de téter, est un phénomène régressif, que nous, nous pouvons détecter dans la psychose. L'individu de ce niveau n'a pas intégré l'unité de son sentiment d'être. Il se vit comme morcelé. Il n'a pas passé le stade que Jacques Lacan nomme le "stade du miroir".
Le vrai mystique -il existe en effet des crises dites "mystiques" et qui, en réalité, sont des délires a symbolisé sa relation à l'autre. C'est un individu qui est en mesure de fantasmer comme tout le monde , mais qui est aussi capable d'aller bien au-delà du fantasme (Jean de la Croix parle d'abandonner l'exercice inférieur des sens l' imagination et du raisonnement par lesquels on cherche Dieu d'une façon mesquine).
Il existe en effet un travail alchimique de l'image. Il atteint ce que Corbin appelle l'imaginai. L'imaginai serait comme l'imaginaire du symbolique. L'être qui fait ce chemin est tout simplement passé à un deuxième stade du miroir: cette fois ci, ce ne sont pas les différentes parties de son corps et de son sentiment d'être qu'il voit en synthèse, dans le miroir et sous le regard de la mère, mais bien les différentes parties de son être spirituel, ses multiples couleurs qu'il saisit en intuition , et qu'il tente de rassembler: c'est le mythe d' Osiris.
La personnalité hystérique est tapageuse, certes, mais elle possède les qualités d'une sensibilité supérieure à la moyenne. Celle-ci se manifeste directement en impressions corporelles. L'hystérique traduit immédiatement dans son corps les impressions qu'une partie de lui reçoit: il fait un travail d' imprimante !
L'hystérique est en fait un grand médium ! Les mystiques manifestent ces dons médiumniques, mais leur Esprit est en contact avec des réalités plus élevées que les réalités de leur petite personne. Ils fabriquent quelque chose de leur médiumnité.
Les résistances d'un grand nombre de scientifiques à accepter la réalité mystique sont très compréhensibles. La première erreur consiste à ne pas envisager que ces états puissent être profondément humains (sans pour autant être ordinaires) et qu'ils ne concernent pas seulement la sphère du mental, mais le corps tout entier.
La deuxième erreur est de ne pas avoir la modestie d'accepter j'existence de phénomènes que nous ne comprenons pas encore.
La troisième erreur est d'avoir peur. Peur du vertige que nous contractons quand nous sommes face à des univers qui fonctionnent selon d'autres lois d'espace-temps que celles que nous connaissons.
Le principe du Soleil
Nous le comprenons sur le plan symbolique (le symbole est de même nature que le réel; il est, selon nous, une mémoire sans la dimension du temps) quand nous comparons son rayonnement direct sur la Terre à son rayonnement différé par la Lune.
Cette incidence immédiate symbolise la pleine conscience, la lumière de l'Esprit, sa clarté. Si des civilisations aussi évoluées que celles des Egyptiens et des Aztèques en ont fait un Dieu, c'est précisément parce qu'ils ne considéraient pas uniquement le soleil comme un "luminaire", mais bien davantage les forces spirituelles dont il est la meilleure représentation.
Quand nos professeurs d'histoire auront compris que les êtres qui vivaient sur la planète il y a 5 000 ans leur étaient supérieurs, nous aurons enfin la possibilité d'ouvrir l'esprit de nos enfants, de leur transmettre une vision plus édifiante de l'être humain.
Le Soleil symbolise la conscience claire, illuminée par les forces de l'intuition. En tant que "luminaire", le soleil est généreux : il est dispensateur de lumière, de chaleur et d'énergie. Sa correspondance logique dans le microcosme (l'homme) est le coeur qui dispense avec fidélité l'énergie du sang à l'ensemble du corps. Les sacrifices de sang appartiennent à des rituels d'ordre solaire : il s'agit de capter l'énergie subtile qu'il transporte.
Si nous approfondissons la symbolique solaire transmise par l'Arbre des Séphiroth, nous verrons que ce luminaire occupe une place particulière, au centre de quatre planètes Sephiroth : Mars (Gueburah), Jupiter (Chesed), Mercure (Hod), Vénus (Netsah).
Il équilibre leurs énergies, celles d'en haut avec celles d'en bas, celles de la force avec celles de la forme: il transmute.
Son énergie est mystique. Placé entre des forces supérieures, dites divines (et dont l'homme ne perçoit que les ombres) et les forces psychiques qui sont attribuées à la Lune, le luminaire est l'espace premier de la conscience personnel le et cosmique où peuvent s'incarner les forces divines. C'est pourquoi l'on dit, dans la dimension évangélique, qu'il est le niveau d'incarnation christique, l'état de suprême perfection spirituelle que l'homme puisse atteindre de son vivant.
L'homme qui accède à cet état spirituel se distingue mal- gré lui par les prodiges qu'il déclenche. Il est guérisseur, car il a sur la matière un pouvoir de transmutation qui se passe de tout rituel et de toute invocation de forces. L'humanité a produit quelques grands maîtres de cet ordre. Leur conscience fut assez vaste pour prendre en charge la conscience de l'humanité existante et la transmuter. Ce fut l’oeuvre du Christ, pour ne parler que de notre culture.
Il va sans dire que les Maîtres de ce niveau sont rares, mais combien sont-ils, ceux qui ont entrepris humblement le voyage ?
Ils sont nombreux, à n'en pas douter, et quelques hagiographes nous ont transmis leurs oeuvres.
Quelle vie étonnante que celle de ces hommes et femmes qui ont tenté la "voie de la flèche" : la voie des mystiques.
Sont-ils tous des Saints ?
Expliquons-nous : avons-nous affaire à un cas de sainteté chaque fois que nous remarquons un phénomène extraordinaire ?
Ne nous hasardons pas à une conclusion trop hâtive. Certains phénomènes extraordinaires peuvent être le fait d'hommes entraînés à une ascèse et qui ont acquis un pouvoir sur leur psyché.
La force cosmique
Dès lors que nous abordons le niveau de conscience solaire, nous constatons l'importance particulière de la dimension "Amour" : c'est cet Amour qui transforme, agit, dissout toute conscience du petit moi et tout esprit de volonté mentale; lui seul est assez puissant pour diluer l'ensemble des autres énergies. C'est un amour sans objet. Il met l'être qui le vit en état de synchronicité permanente.
Il est. Les mystiques en parlent comme d'un feu qui les consume et qui les conduit parfois à vivre des situations peu confortables.
Citons l'exemple de Marie-Madeleine de' Pazzi, fille de l'une des deux grandes familles florentines du X Vie siècle. On raconte que certaines de ses extases la transportaient dans un état de consumation mystique qui se traduisait, sur le plan corporel, par une augmentation importante de sa température, au point qu'elle "brûlait" ce qui la touchait. Elle en parlait comme d'un embrasement d'amour qui saisissait son coeur.
Voici ce qu'en dit Aimé Michel dans son livre sur les phénomènes physiques du mysticisme: "Elle brûle vraiment d'amour: une formidable hyperthermie envahissait son corps, et surtout sa poitrine, dégageant une chaleur qui rayonnait comme celle d'un poêle et que ses voisins ressentaient parfaitement, non sans terreur: " Et ce n'était pas là le "seul inconfort" dont la jeune femme et son entourage furent les victimes ! Ces êtres Là ont cessé, malgré eux, de se plier aux convenances.
Je me souviens d'avoir rencontré un homme -que je ne peux qualifier de psychotique tant cela aurait été trop réducteur qui était plongé dans son univers mystique au point de ne plus savoir comment tirer une chaise à lui pour s'asseoir.
Ainsi Marie-Madeleine pouvait-elle rester les mains dans la glace sans s'en apercevoir, simplement parce qu'elle était rentrée en extase. Mais elle avait, dit-on, la possibilité d'exercer un contrôle sur ces états, ce que ne peut pas faire un psycho- tique. Quand sa supérieure lui intimait de redescendre parmi ses soeurs, elle en acceptait l'injonction. Et pour certains mystiques, descendre est à prendre au sens propre... car il leur arrive de léviter !
On parle également de cas (ils sont nombreux) de jeûnes prolongés pendant des années. Le mystique chrétien se nourrit de la substance spirituelle de l'hostie. Dans les autres traditions, on rencontre aussi des êtres de cette dimension dont le corps est tellement spiritualisé que la simple énergie transmise par la respiration (prana) suffit à vivre.
On se préoccupe beaucoup aujourd'hui de savoir si certains prodiges observés -telle la stigmatisation sont induits par des causes naturelles ou surnaturelles.
Stigmates ou suggestion ?
Le docteur Lechler s'aperçoit que lorsqu'il suggestionne "Elizabeth", celle-ci produit sur son corps les stigmatisations suggérées. Le problème me paraît mal posé: cela suppose qu'il y a séparation entre le monde des humains et le monde des Dieux. Dieu est encore mis à l'extérieur. Pourquoi une petite parcelle de Dieu ne se manifesterait-elle pas dans la suggestibilité ? L'hypnose, que l'on comprend encore mal, n'a pas fini de nous réserver des surprises.
A travers l'hypnose, toutes les suggestions peuvent être données, toutes ne seront pas suivies: cela dépend de l'état d'acceptation intérieure et surtout des barrières que la personne hypnotisée s'impose. Néanmoins, il n'en reste pas moins que l'hypnose est comme le rêve: c'est la voie royale vers l'inconscient !
Elle facilite le contact avec l'inconscient. Ce qui ne signifie pas pour autant que n'importe qui, suggestionné par le docteur Lechler, aurait donné des stigmates! L'hypnose permet d'entrer en contact avec ce que j'ai appelé le "monde astral lunaire". S'il est vrai que les refoulements sont stockés dans ce monde, l'inconscient n'est pas réductible à ses objets refoulés. Il est en contact avec l'inconscient planétaire, et avec ce que l'homme appelle Divin, ou ce qui lui paraît être des "expériences d'extase".
En contactant ce monde, l'homme entre en communication avec sa divinité intérieure, s'il en est déjà proche. Il peut dépasser cet univers "astral lunaire" pour contacter le niveau dit "astral solaire" (le supra mental), celui des grandes visions telles les apparitions ou celui des grands prodiges et des grandes guérisons.
L'être qui est capable de se brancher sur ces dimensions peut se passer de l'hypnose. Son état en est proche. Peut-être est-il déjà en état hypnotique: et alors! Il se peut qu'il y ait plusieurs paliers et différentes qualités qui dépendent de l'âme de chacun.
Le mystique est en contact d'Esprit avec l'essence du symbole qui s'incarne en lui. Cela n'a rien à voir avec la suggestion. Ainsi, le sentier qui nous mène de la Lune au Soleil (Tiphereth), sentier vertical sur l'Arbre des Sephiroth, rencontre, pour former une croix, le sentier qui relie Mercure à Vénus. C'est un sentier de bouleversements, de ruptures et de détachements (la Maison Dieu du tarot symbolise ce sentier).
Cette croix, qui se repère sur l'Arbre, correspond à ce que Jean de la Croix appelle l'instant "crucial" (à prendre au sens propre comme au figuré), passage par la "nuit obscure de l'âme", ou nuit des sens. Cette Croix, symbole entre tous de l'univers chrétien, s'incarne chez les stigmatisés de plusieurs façons :
.soit par les stigmates aux pieds, aux mains et à la poitrine, comme le Christ crucifié (Historique ou symbolique);
.soit sur la poitrine de certains d'entre eux, où la chair et le sang sont sculptés à l'image de ce symbole
Ne dirait-on pas que le stigmate est à l'archétype ce que la somatisation est à la suggestion psychique ?
Les lois psychiques et psychologiques restent les mêmes : il y a passage de l'esprit à la matière, mais cela se situe à une octave supérieure chez les mystiques.
Il existe une différence de niveau entre un fantasme qui s'incarne (hystérie) et un archétype qui s'incarne (mystique). Nous avons expliqué l'écart entre un fantasme et un archétype en démontrant comment le mythe d'Osiris était un stade du miroir à une octave supérieure. Cela mériterait un développe- ment que nous ne pouvons faire ici.
Les prodiges que nous constatons en sont la consécration. Ces adeptes de la voie mystique agissent sur la matière.
Stigmates, jeûnes prolongés, lévitations... sont des phénomènes que nous retrouvons dans toutes les traditions. Ils sont au point d'intersection entre l'esprit et la matière. On peut reprendre les très belles paroles, reçues en rêve, de l'âme de Pachita, chaman Mexicaine, citées par Maurice Cocagnac : "Si tu veux on pourrait dire que les fibres de l'âme et les fibres du corps sont de même nature, c'est comme les gerbes anciennes, six tiges de blé tenues en tresse tenaient toute la gerbe. Il ya des fibres dans l'homme qui tiennent tout..."'
Enchaînons sur un autre prodige que l'on raconte à Tunis. Un Sage soufi (XIVe siècle), Sidi Belhassen Ash-ashadli, avait le tort de déplaire au pouvoir (cela arrive !). Les autorités ordonnèrent qu'on l'emmurât avec ses disciples alors qu'il prodiguait son enseignement. Quarante jours plus tard, les soldats détruisirent le mur. Ils furent très surpris de se voir invités à partager les restes du repas par les religieux; ces derniers avouèrent qu'ils ne s'étaient pas rendu compte que quarante jours venaient de s'écouler. Ils achevaient tout juste une prière qui avait duré quarante jours... "Les anciens croyaient que l'année ou le siècle sont des faisceaux de jours" continue Pachita. Peut-être n'étaient-ils pas loin de la vérité si l'on en croit ce prodige.
Le font-ils volontairement ? Je ne pense pas que ce soit leur préoccupation, et cette influence sur la matière peut par fois être très inconfortable pour eux.
Ce fut notamment le cas pour la soeur Lukardis d'Oberweimer (1276-1309), qui lévitait... mais les pieds en l'air.
1. Rencontre avec Carlos Castaneda et Pachita la guérisseuse", Collection Spiritualité Vivante, Edo Albin Miche!.
On rapporte qu'elle supportait cette position pendant un temps considérable, la tête ou l'épaule touchant juste le sol. Ce n'était pas la seule bizarrerie de cette pauvre soeur qui semblait largement dépassée par les forces qu'elle déclenchait. Voici ce que nous en dit Michel Aimé, reprenant un texte écrit avant 1320 : "La servante de Dieu, parfois pendant le jour; parfois pendant la nuit, se mettait à courir à une vitesse si impétueuse que les hommes les plus agiles ne pouvaient la suivre sans être épuisés. Parfois elle courait en rond, parfois droit devant elle... Quand elle n'avait pas de place pour courir; elle se heurtait brutalement aux murs. Il y avait aussi des jours où, couchée, elle tournait sur elle-même pendant longtemps, comme une pièce à la broche rôtissant au feu. "
On peut se demander l'utilité des telles bizarreries, et si cette religieuse ne pouvait pas utiliser ses forces à des fins plus intelligentes! N'oublions pas toutefois que les ascèses pratiquées déclenchent des forces psychiques parfois trop fortes pour le véhicule psychophysiologique qui en est le support. Ces "puissances" n'ont pas d'intelligence propre: la seule qui puisse les gouverner est celle de l'Esprit du mystique, quand elle a été fécondée par l'Esprit supérieur. Est-ce toujours le cas ?
Sri Aurobindo nous dit: "Le pouvoir ne descend pas dans l'intention d'exciter les forces inférieures, mais à cause de son mode de travail actuel ce soulèvement se produit en réaction. Ce qu'il faut, c'est établir à la base de la nature entière une conscience calme et vaste; ainsi, lorsque la nature inférieure apparaît, ce n'est pas comme une attaque ou un conflit, mais un Maître des forces est là, qui voit les défauts du mécanisme actuel et fait pas à pas le nécessaire pour y porter remède et le changer. " Sri Aurobindo. "Le guide du yoga", Collection Spiritualité Vivant Ed. Albin Michel
Les Occidentaux préfèrent, semble t il, que Dieu se manifeste dans les prodiges plutôt que dans la discrétion. Les Maîtres savent, quant à eux, qu'il vaut mieux éviter ce genre de phénomène qui n'est pas nécessairement un signe d'évolution spirituelle.
La stigmatisation, si elle était désirée par certains (toujours ce phénomène de soeur Lukardis) constituait pour beaucoup d'autres une épreuve car elle était très douloureuse. Ainsi, la pauvre Anne Catherine Emmerich, née en 1774 en Westphalie, eut à subir non seulement les souffrances de ses stigmates, mais aussi la grossièreté des médecins qui voulaient s'assurer de l'authenticité du phénomène.
Une alchimie de la conscience
Entre un comportement banal de la matière, qui répond aux critères de la science dans son état actuel d'évolution, et ce comportement prodigieux de la matière dont les lois nous échappent pour l'instant, l'observateur ne voit qu'un gouffre qui le trouble.
Le mystique, lui, ne cherche pas les pouvoirs. Son action permet au Divin de se manifester dans la matière, même si cela prend parfois une tournure cocasse (car à ce niveau, les critères ne sont plus les mêmes... pour la bonne raison qu'il n'y a pas besoin de critère !)
Sri Aurobindo et Mère, à Pondichéry, ont insisté sur l'aspect alchimique du travail du yoga, sur la nécessité de faire ce travail afin que l'homme se bâtisse un nouveau "véhicule" plus adapté aux mutations futures. Voici ce que dit Sri Aurobindo: "La méthode de Yoga que nous suivons ici a un but différent des autres, car elle vise non seulement à nous faire passer de la conscience terrestre ignorante habituelle dans la conscience divine, mais encore à faire descendre le pouvoir supra mental de cette divine conscience ici-bas dans l'ignorance de l'intellect, de la vie du corps, à les transformes; à manifester le Divin sur terre et à créer une vie divine dans la matière. " Sri Aurobindo, .Le guide du yoga", Collection Spiritualité Vivante, Ed. Albin Michel.
Même si nous avons potentiellement les possibilités de l'emprunter, le chemin reste difficile et dangereux: il y a peu d'élus. Toutefois, ce n'est qu'après coup qu'il apparaît dangereux; il est en effet préférable d'entreprendre cette progression dans un esprit de paix et de confiance, plutôt qu'avec un sens du drame et avec la certitude que la voie sera semée d'embûches. C'est avant tout une question de représentations conscientes et inconscientes.
La maladie mystique
Il existe des "maladies mystiques" : comment le corps et la sphère émotionnelle pourraient-ils supporter sans danger une énergie "spirituelle" qui les contraint à élargir les limites de la matière ?
Passer d'une octave à l'autre ne peut se faire sans secousses. La matière a un niveau vibratoire qui est très lourd comparé aux énergies subtiles que l'ascète met en oeuvre par sa pratique: l'adombrement ne se fait pas sans risque d'éclatements physiques ou psychiques.
Des maladies graves, en effet, peuvent se déclencher comme si toutes les parties de l'être, refusées jusqu'à maintenant par le conscient ces parties que Jung appelle "l'Ombre", se renforçaient et se coagulaient dans un dernier sursaut de résistance, sous l'effet des forces spirituelles qui les obligent à s'ouvrir.
Si la maladie physique n'est pas élaborée en conscience, si sa signification n'est pas comprise, alors elle emportera son sujet car "le temps est peut-être venu". Même la mort, envisagée de ce point de vue, est un état transitoire: une force s'est incarnée, a traversé un corps, a agi à travers lui et sa conscience relative, avant de réintégrer le grand courant cosmique dont elle est issue.
Si c'est une maladie psychique qui se déclare, une psy- chose par exemple, ou un délire qui "délie" de la réalité car il est des délires utiles: nos grandes inventions sont toujours sorties d'un délire!, le même travail de conscience doit être accompli.
Ce que faisaient Maîtres et confesseurs autrefois (et encore un peu maintenant), ce sont désormais les psychothérapeutes qui doivent l'accomplir, en prenant garde bien sûr de ne pas réduire les phénomènes à une grille uniquement freudienne.
Pour nous résumer, nous pourrions poser cette devinette : quelle différence y a-t-il entre une "psychose mystique" et une vraie psychose ? Dans la première, c'est le psychiatre qui est malade !
On mesure combien il est délicat de juger de ces aspects dans une société qui impose tant de contraintes matérielles et qui ne supporte aucune originalité.
Les trois couches de la psyché
La psyché est constituée de plusieurs couches, chacune ayant une fonction bien définie.
- La première est cette partie de nous-mêmes, reliée à l'inconscient : c'est une forme de sixième sens, d'intuition (à ne pas confondre avec le don prophétique, qui suppose une participation de l'Esprit supérieur} qui se manifeste particulièrement chez les enfants et les médiums.
- La deuxième est une couche adaptative, qui s'établit au moment de la "greffe du langage" (une expression que nous empruntons au Dr Jacques Donnars). Elle se fait, la plupart du temps, au détriment de la première, mais c'est elle qui nous fait homme. Elle intervient vers l'âge de deux ou trois ans. C'est le moment où l'enfant demande toujours: "pourquoi ?".
En fait, l'enfant souhaiterait qu'on lui confirme sa place et sa fonction sur terre, qu'on lui explique sa conception, en esprit et en pratique, qu'on le renseigne sur ses ascendants, sur sa famille, sur la société des hommes à laquelle il appartient, sur la société des planètes qui composent ce ciel qu'il contemple en levant les yeux la nuit. Mais il faut bien lui préciser que tout est ordonné et obéit à des lois.
L'enfant sort d'un monde dont il ne connaît que des morceaux épars; il ne perçoit pas les grandes lois qui gouvernent; il a besoin d'être rassuré, de sortir de sa peur du chaos. Il lui faut, dans ces thèmes là, des réponses très concrètes et non pas un discours philosophique. Il a besoin de retrouver sa place dans le désir de ses parents et le désir de sa planète, afin qu'il puisse organiser sa vie sur des bases concrètes et rassurantes, qui lui laisseront le loisir de donner libre cours à son imagination et de recontacter cette première couche de sa psyché. Il est vital pour lui de pouvoir s'appuyer sur le Désir de la Vie.
De sa relation duel le avec sa mère, il va passer à la relation triangulaire avec le père et s'installer dès cette époque dans l'espace symbolique social. Je ne dis pas qu'il faille un père physiquement présent, bien que cela soit la meilleure solution, mais il est important que le père soit "nommé" et qu'il inter- vienne en quelque sorte dans l'existence de l'enfant, d'une manière ou d'une autre.
Vers six ou sept ans, l'enfant quitte l'intensité de la crise œdipienne et sort du gynécée pour se scolariser. La scolarité telle qu'elle est conçue actuellement, fait tout pour couper l'enfant de ses sources créatrices, elle l'oblige à apprendre à se servir des "outils" au service d'une société.
La pensée conceptuelle survient vers le début de l'adolescence. Période difficile, car l'ouverture sur l'univers conceptuel donne une sensation de toute puissance à l'enfant -bien que contraint par un corps en pleine mutation qui accentue la sensation de déséquilibre et de fragilité. La mentalisation à outrance de l'école durant cette période renforce le déséquilibre de la balance.
La plupart des gens restent fixés à cette étape. Elle correspond à une bonne normalisation qui ne met pas en danger les institutions. L'intérêt de ces personnes se pose plus particulièrement sur la résolution d'aspects concrets de la vie.
- La troisième couche de la psyché correspond au monde de l'esprit. Elle est créative: mystique, artistique, ou tout autre domaine qui demande de ne faire aucune concession à la peur de la vie.
Certaines personnes en effet préfèrent tenter une autre quête. Il leur faut donc les mêmes outils que les premiers et d'autres en plus (et non pas en moins, comme on pourrait être tenté de le croire).
Des êtres de la dimension de Thérèse d'Avila et Jean de la Croix, s'ils étaient mystiques, n'en n'avaient pas moins la responsabilité d'un couvent, de plusieurs même... ce qui demande aussi d'avoir les pieds sur terre entre deux lévitations !
L'Amour pour une Entité
Les mystiques ont autre chose en plus: ils ne s'approprient jamais ce qui se passe, mais l'attribuent à leur divinité. Ceci est très important.
Ils sont en effet en contact avec des forces d'un ordre cosmique, des Entités. Même le rationaliste peut comprendre ce qu'est une Entité. Le Larousse définit une entité comme une "chose considérée comme une individualité".
L'Entité n'est t elle pas le concept archétype qui regroupe les forces et les pensées de même nature ? A ce niveau très élevé de la conscience humaine, l'être est dans une relation plus large avec ces grands archétypes. Ce contact ne se situe pas au niveau mental que la plupart d'entre nous connaissent celui de la pensée discursive mais à l'échelon "supra- mental", pour reprendre les termes de Sri Aurobindo. Par ailleurs, l'homme peut percevoir ces forces sous forme anthropomorphe. Il en a créé divers Panthéons, où nous retrouvons toujours les mêmes archétypes quels que soient les pays. La plupart des traditions autorisent des représentations de ces forces à l'image de l'homme. Elles apparaissent à certains revêtues de formes humaines, mais c'est l'oeil de l'homme qui les voit ainsi, involontairement: sa boîte à images est ainsi conçue qu'elle balaye la gamme de vibrations possibles. Elle ne perçoit que ce qui correspond à son niveau de conscience. Ces grandes Entités sont douées de conscience et peut-être avons-nous là une part de responsabilité! "Dieu créa l'homme à son image et il le lui rendit bien" : peut-être sommes-nous co-créateurs de l'Univers
Et le guérisseur dans tout cela ?
Est-il nécessaire de préciser que celui qui est sur le Sentier que nous venons de décrire possède de surcroît les qualités nécessaires pour guérir ce qui doit être guéri.
C'est alors que nous pouvons parler de guérisons miraculeuses. N'oublions pas cependant que le Christ lui-même refusait d'intervenir sur certaines personnes.
Même à ce niveau de pouvoir sur la matière, le guérisseur n'est pas nécessairement un mystique. L'implication personnelle que nécessite cette approche est un travail de conscience. Il est au-delà de toute dévotion, de toute identification. Il est en dehors de tout, car il a dépassé les images religieuses.