La troisième technique « Dans un véhicule en marche, par Le balancement rythmé, l'expérience. Ou, dans un véhicule immobile en oscillant en lents cercles invisibles. »

 

« Dans un véhicule en marche ...,) Imaginons que vous êtes dans un train ou dans un char à bœufs (à l'époque où cette technique a été mise au point, on voyageait en effet en char à bœufs) sur une route indienne (les routes sont, restées les mêmes). A chaque secousse, vous essayez de rétablir' votre équilibre. Quand la voiture penche vers la droite, vous résistez au mouvement en vous penchant vers la gauche et ainsi de suite. Vous luttez contre les mouvements que la route lui imprime, ou contre les secousses du train.
C'est ainsi qu'après un voyage en train, vous vous sentez fatigué. Vous n'avez pourtant rien fait, apparemment. Alors, pourquoi vous sentez-vous fatigué ? En réalité, vous avez déployé une grande énergie sans le savoir. Vous avez lutté contre tous les mouvements du train, vous avez résisté à toutes les trépidations. Si vous voulez pratiquer cette technique, la première chose à faire, c'est de ne pas résister. Il faut, au contraire, suivre le mouvement du véhicule, l'accompagner. Voyez les enfants. ils ne sont jamais fatigués après un long voyage.
A ce propos, je vous citerai l'exemple de Poonam (un disciple) qui vient d'arriver de Londres, avec ses deux enfants. Quand elle est entrée dans ma chambre elle était morte de fatigue, alors que les enfants se sont mis immédiatement à jouer. Après un voyage de dix-huit heures! Ils n'étaient pas fatigués parce qu'ils ne savent pas encore comment résister.
Ainsi un ivrogne peut voyager toute une nuit dans un char à bœufs et être frais le lendemain. Parce qu'il est incapable de résister aux mouvements du véhicule; il ne lutte pas; il fait corps avec le véhicule.
« Dans un véhicule en marche, par le balancement rythmé... »
Ne résistez pas. Puis essayez de créer un rythme dans vos mouvements, rendez les harmonieux. Oubliez la route ; ne maudissez pas l'incurie du gouvernement, ou la maladresse du conducteur. Oubliez-les. Fermez les yeux; ne résistez pas. Balancez-vous en rythme, faites de vos mouvements une musique, une danse « Dans un véhicule en marche, par le balancement rythmé, l'expérience, » dit le sutra.
« Ou dans un véhicule immobile ...» Ne me demandez pas où vous allez trouver un char à bœufs ! N'essayez pas de vous leurrer. Car le sutra dit aussi, « ou dans un véhicule immobile, en oscillant en lents cercles invisibles. » Alors, asseyez-vous et imprimez un mouvement rotatif à votre torse. Décrivez d'abord un grand cercle, puis ralentissez votre mouvement en rétrécissant lentement le cercle, jusqu'à ce que votre corps soit apparemment immobile tout en le sentant bouger intérieurement.
Décrivez d'abord un grand cercle, les yeux fermés. Tournez, tournez, de plus en plus lentement, en rétrécissant le cercle. Apparemment, votre mouvement s'arrêtera, mais à l'intérieur de vous-même, vous sentirez un mouvement subtil. Maintenant ce n'est plus votre corps qui tourne, c'est votre esprit. Continuez à ralentir ce mouvement léger et soudain, vous vous trouverez au centre de vous-même.
Gurdjieff travaillait avec cette technique. Toutes les danses qu'il a créées et qu'il utilisait dans son école ont pour base cette technique. Il fallait, enseignait-il, tourner sur soi-même, la conscience éveillée, tournée vers l'intérieur et ralentir doucement le mouvement. Il arrive un moment où le corps s'arrête. Mais l'esprit continue à tourner.
Après avoir voyagé vingt heures d'affilée en train, par exemple, quand vous descendez du train, vous avez toujours l'impression de rouler. Le mouvement s'est arrêté, mais il s'est imprimé dans votre esprit.
Gurdjieff a créé des danses merveilleuses; il a fait des miracles. Et non pas ceux de Satya Sai Baba que n'importe quel magicien peut faire. Non, Gurdjieff a fait de véritables miracles.
Lorsqu'il a présenté, pour la première fois, à New York, un groupe d'une centaine de personnes ayant travaillé dans son école, le public lui-même a eu l'impression de danser. Et quand il a indiqué, d'un geste, à ces cent personnes vêtues de blanc de cesser de tournoyer, un silence de mort a régné dans la salle. Les personnes dans la salle ont ressenti un choc, leur esprit s'est arrêté, mais sur la scène, les danseurs continuaient à tourner en esprit. La danse se poursuivait en eux, jusqu'à ce que le tournoiement intérieur se ralentisse, se ralentisse et qu'ils soient au contre d'eux-mêmes.
Un soir, les danseurs, en tournoyant, arrivèrent au bord de la scène. Un pas de plus et ils tombaient. Tout le monde, dans la salle, attendait que Gurdjieff leur fasse signe d'arrêter. Mais ce dernier, tournant le dos aux danseurs, alluma tranquillement un cigare. Tous les danseurs firent le pas fatidique et tombèrent de la scène, sur un sol de ciment.
Ce fut un beau tohu-bohu dans la salle; les gens criaient, hurlaient; tout le monde pensait qu'il devait y avoir des blessés. Mais il n'y eut pas un seul blessé, pas une seule ecchymose.
On demanda à Gurdjieff ce qui s'était passé, comment cela était possible. C'est tout simplement qu'ils avaient oublié leur corps, qu'ils étaient en train de découvrir leur centre.
Quand vous avez totalement oublié votre corps, vous n'opposez plus de résistance aux chocs. D'ordinaire, lorsque vous tombez, vous résistez à l'attraction de la gravité, et c'est ainsi que vous vous faites mal.
Essayez de pratiquer cette technique. Tournez sur vous-même, comme les enfants le font. Quand vous sentez que vous allez tomber, continuez! Fermez les yeux et tournez. Votre esprit se mettra aussi à tourner et vous finirez par tomber. Votre corps tombera, mais votre esprit continuera à tourner, en se rapprochant de plus en plus du centre intérieur. Et soudain, le centre !
Les enfants adorent ce jeu. Et les parents, au lieu de les en empêcher, devraient plutôt les encourager. Quand ils tournent sur eux-mêmes, les enfants ont l'impression d'avoir perdu leur corps, parce que, pour eux, le corps et l'âme sont encore séparés.
A sa naissance, l'enfant n'a pas encore l'âme bien fixée au corps. C'est ainsi qu'il ne peut pas coordonner ses actions. Son corps est prêt à faire certaines choses, mais il n'est pas capable de les faire. Sa conscience est encore vague, non fixée.
La méditation sert à créer cette rupture entre le corps et la conscience. Pour que vous ne pensiez plus, « je suis mon corps. » Pour que vous sentiez que vous êtes, au-delà du corps. C'est dans ce sens que ce sutra peut vous aider.