QI ET DANTIAN

La théorie de la médecine traditionnelle chinoise fait du Dantian à la fois la centrale du Qi et son lieu de régénération. Dantian peut se traduire par « Champ de Cinabre » .Dan signifie le cinabre en tant que substance.
Dans les temps anciens, les empereurs, les hauts fonctionnaires et les médecins utilisaient des préparations médicinales contenant du cinabre, dont il était dit qu'il avait la vertu de prolonger la vie. Le remède était comprimé en boulette sphérique et enveloppé de cire. Tout médicament en boulette est encore de nos jours appelé Dan par les Chinois. Dan, dans le langage médical, veut dire aussi « le meilleur, l'excellence, le noyau du médicament ». Les empereurs exigeaient de leurs fonctionnaires, médecins et moines guérisseurs, le meilleur Dan pour pouvoir vivre éternellement et devenir des dieux. Aujourd'hui encore le cinabre est réputé d'une « efficacité miraculeuse ».
Tian signifie champ ou refuge. Ce mot apparaît également dans la mythologie, où il est décrit comme suit: « Derrière les monts enneigés à l'ouest il y a un " Tian ", non accessible aux hommes. Il constitue le royaume des dieux le royaume du bonheur. » Dan et Tian ensemble désignent le lieu le plus précieux dans le corps humain. L'enseignement biologique traditionnel parle du Dantian comme de quelque chose de mystérieux. Dans la tradition des arts martiaux (Wu Shu) il est dit:« Quand ton Qi originel est mêlé au Qi de la grande nature dans le respect de la Règle, quand il se régénère sans cesse dans le Dantian, aucun ennemi sous le ciel ne peut te nuire. »
 Le Dantian joue également un rôle primordial dans l'art du chant et dans les prodigieuses performances acrobatiques de l'Opéra de Pékin.
De tout temps les initiés ont refusé de dévoiler le secret du Dantian. C'est la raison pour laquelle on trouve des indications très différentes sur sa localisation. De nos jours, on enseigne trois localisations : le Dantian supérieur, le Dantian moyen et le Dantian inférieur. Le Dantian supérieur coïncide avec le « Baihui » , qui veut dire « 100 réunions » ou « 100 rencontres », est le point le plus haut du corps humain. Il est situé sur le Vaisseau Gouverneur, à l'endroit où celui-ci est croisé par une ligne verticale imaginaire partant du sommet de l'oreille. Le Dantian moyen se situe entre 2 et 3 travers de doigt sous le nombril, à environ 5 cm de profondeur, dans l'abdomen, sous la paroi abdominale. Le Dantian inférieur se situe entre la vessie et le rectum. Le Dantian âuquel nous avons affaire dans nos exercices est le Dantian moyen.
Une pratique juste et régulière permet au Qi de couler de tous les méridiens Yin dans le Vaisseau Conception et de là dans le Dantian. Le Qi se déverse dans le Dantian comme les fleuves dans la mer. Le point d'acupuncture correspondant au Dantian se nomme Qihai , « mer du Qi » ; il est situé sur le Vaisseau Conception. Dans son passage du Dantian au Vaisseau Gouverneur, le Qi franchit la liaison Rein s coeur et coule déjà partiellement vers le haut par cette liaison (équilibre entre Eau et Feu) .Du méridien du Rein il doit rejoindre le Vaisseau Gouverneur d'un bond, comme s'il franchissait un seuil. Pour faire ce bond, il lui faut une impulsion; celle ci est de nature mentale et constitue un maillon important de la chaîne des exercices. La médecine chinoise enseigne que l'énergie est sans cesse amenée dans le Dantian par le Qi originel Yang et le Qi originel Yin.
 
 
 

QI ET LA RESPIRATION

 
L'action du mouvement respiratoire sur le Qi est comparable à celle d'un moteur. Nous avons vu plus haut que le Qi circule à chaque respiration par les méridiens dans tout l'organisme. Mais ce qu'on entend par respiration, en Qi Gong, est bien plus que ce que nous comprenons en physiologie sous ce même terme.
La physiologie nous apprend qu'à chaque respiration le thorax et la paroi abdominale sont mis en mouvement à l'aide des muscles striés. Les muscles striés se tendent ou se détendent sous l'effet de la volonté et de la conscience. Nous pouvons donc, par notre conscience, influencer la respiration. Le diaphragme, la grande membrane musculaire séparant le thorax de l'abdomen, joue un rôle essentiel dans celle-ci. A l'inspiration on fait pénétrer de \'oxygène dans l'espace pulmonaire; à l'expiration on élimine de l'oxyde de carbone. Pendant l'inspiration le diaphragme se tend et s'abaisse, la cage thoracique augmente de volume, les poumons se dilatent ; en même temps les muscles du ventre se détendent et la paroi abdominale se soulève. La cavité abdominale, qui avait diminué par l'abaissement du diaphragme, se modifie donc et retrouve son volume. Les viscères abdominaux sont déplacés vers la profondeur. A l'expiration les côtes s'abaissent, le diaphragme se détend et remonte, la cavité thoracique se rétrécit, les poumons diminuent de volume et l'air qui doit être expiré peut s'écouler vers l'extérieur. La paroi abdominale s'abaisse, légèrement tendue. Les viscères abdominaux se redéplacent vers le haut. "
Quand la respiration est négligée, le diaphragme ne se tend ni ne se détend suffisamment; c'est le début de toutes nos maladies de civilisation. Pendant nos activités en position assise nous l'utilisons avec économie. Quand nous avons mal nous le contracturons, car il ne se contracture pas automatiquement. Lorsque nous sommes pressés ou stressés, notre inspiration n'est pas suffisamment ample, et encore moins notre expiration, ce qui provoque un déséquilibre du système neurovégétatif, car l'inspiration stimule le sympathique et l'expiration le parasympathique. En cas de tensions psychiques nous n'expirons pas assez profondément. La deuxième composante du système neurovégétatif, le parasympathique, est donc insuffisamment excitée. Les douleurs contracturent aussi le diaphragme. En cas de crampes abdominales on peut diminuer celles-ci en tendant et détendant très fort le diaphragme. Les excitations psychiques excessives peuvent toutes être réduites par la respiration diaphragmatique, en sorte qu'elles cessent d'être préjudiciables à la santé.
Une colonne vertébrale contracturée est elle aussi un empêchement à la respiration diaphragmatique profonde. La hâte, la précipitation, et le travail derrière un bureau où l'on est constamment assis, rendent la respiration trop superficielle, le diaphragme n'étant pas assez mobile. L'air inspiré ne parvient pas dans toutes les parties du poumon et l'air censé être expiré n'est pas complètement expulsé. D'où la nécessité de réapprendre dans des « écoles de respiration » cette fonction naturelle de notre organisme. Il est étonnant de constater combien de maladies disparaissent avec le réapprentissage de la « vraie » respiration.
Dans la pratique du Qi Gong la respiration ne signifie pas seulement absorption d'air atmosphérique chargé de Qi dans les poumons et rejet de gaz produits par les échanges tissulaires. Pendant une respiration lente, calme et profonde, descendant jusque dans le petit bassin, on accompagne et conduit le Qi par l'imagination dans les méridiens à travers tout le corps. L'attention est entière- ment rassemblée sur la respiration et l'on oublie complètement son entourage. Cette attitude méditative influence également la respiration cellulaire, car la « présence » à la respiration ne se réduit pas à l'activité physique des muscles respiratoires: on est présent avec son organisme tout entier, dans son unité ternaire, c'est-à-dire le Jing, le Qi et le Shen. Dans tout exercice de Qi Gong l'attention est portée exclusivement à la respiration et, par là, .ZJ la conduction du Qi. C'est ce qu'on appelle l'aspect méditatif du Qi Gong. Dans ce type de méditation l'esprit est pleinement en éveil, toutes les zones du cortex cérébral étrangères à la respiration sont mises au repos et leur aptitude à augmenter la force de résistance de l'organisme peut ainsi jouer. Des recherches toutes récentes nous ont appris que la méditation est susceptible de modifier l'ensemble de l'état immunitaire d'un organisme. Il est donc aisément compréhensible que la respiration méditative soit inséparable des exercices de Qi Gong.
Diverses techniques respiratoires nous sont connues par les monastères taoïstes et bouddhistes. Elles ont de tout temps servi à mobiliser le Qi ou à le concentrer d'une manière bien précise. Le Qi Gong « mou »,le plus courant en thérapeutique, utilise ces techniques. A savoir:
1. la respiration naturelle,
2. la respiration régulée,
3. la respiration-Qi, 
4. la respiration-Vent.
A ces modes respiratoires il convient d'ajouter la respiration avec participation de la voix.
 
Nous respirons en moyenne seize à dix-huit fois par minute. Pendant la pratique du Qi Gong le pratiquant ne respire que dix fois au maximum, six fois seulement pendant certains exercices. Durant l'exercice « mouvement du Qi pur dans les Vaisseaux Gouverneur et Conception », on peut arriver sans mal (il suffit d'un peu d'entraînement) à ne respirer que trois fois par minute. Au cours de cet exercice le métabolisme de base est tellement diminué qu'une quantité relativement faible d'oxygène suffit à l'organisme. Mais pendant ce temps le Qi circule, riche en quantité, en qualité et en intensité, et se renouvelle sans cesse dans le Dantian.
 
a) La respiration naturelle
 
La respiration « naturelle » est ronde, douce, lente et profonde. « Ronde » signifie qu'elle vient et va comme le jour et la nuit. Le passage de l'inspiration à l'expiration est imperceptible, jamais brutal. Un peu avant la fin de l'inspiration on se prépare déjà lentement à l'expiration; celle-ci croît puis diminue, se transforme imperceptiblement en une nouvelle inspiration. On respire sans que les muscles respiratoires aient à fournir d'effort, et jamais jusqu'à la pleine capacité pulmonaire.
On inspire et on expire par le nez. Certains exercices (par exemple « la méthode à dix-huit facettes »,) mettent sous tension certains groupes musculaires pendant l'expiration; il convient néanmoins de veiller à ce que le mouvement respiratoire descende profondément dans l'abdomen. Il est important d'utiliser le temps de repos entre deux exercices pour respirer avec rondeur et dans une détente optimum. Ce mode respiratoire rééquilibre un système neurovégétatif hyper excité.
 
b) La respiration régulée (Tiaoxi)
 
Il s'agit de rentrer le ventre pendant l'inspiration, ce qui tend la musculature abdominale. Le diaphragme, en se tendant et s'abaissant davantage, diminue plus encore le volume de la cavité abdominale, comprimant ainsi les viscères abdominaux et en « exprimant » le sang veineux. Mais un tel mode respiratoire réduit aussi le volume de diffusion du Qi, de sorte qu'il est poussé hors du Dan- tian vers les méridiens, à l'intérieur et à la périphérie du corps. La cage thoracique conserve en revanche le même volume que lors d'une respiration diaphragmatique naturelle. A l'expiration, la paroi abdominale se détend et se soulève. Le volume abdominal est augmenté de manière optimale. Le Qi peut se répandre en grande quantité dans le Dantian. Le mouvement respiratoire parcourt la paroi abdominale à la manière d'une grosse vague.
Ce mode de respiration est utilisé quand il s'agit de conduire consciemment le Qi pur dans tous les méridiens (ou seulement dans certains méridiens bien précis) et d'amener le Qi en très grande quantité dans le Dantian. Cette technique, appelée « Tuna », sert à « nourrir » et entretenir le Qi. Dans le traitement des cancers elle est utilisée comme méthode « de réarmement », tout comme dans l'exercice dit « des Cinq Animaux » et l'exercice intitulé « mobiliser le Qi pur dans la petite circulation ». Le but de ces exercices est essentiellement d' « entretenir » le Qi. A chaque circulation le Qi doit par- venir au Dantian pour y être « rechargé » et ainsi être mis à la dis- position de l'organisme avec d'autant plus de force et de puissance.
Le bâillement est ce qui intensifie le plus la respiration régulée. Aucune autre activité respiratoire ne met autant le diaphragme sous tension; la paroi abdominale est rentrée à l'extrême, les poumons dilatés au maximum. Les muscles de la tête, du visage, du cou et de la nuque sont tendus, ainsi que l'anneau musculaire du gosier. Il s'ensuit une agréable sensation de détente dans tout le corps. La tension musculaire inhabituellement forte provoque, dans toute la tête et tout le cou, le massage de points d'acupuncture autrement inaccessibles. Chacun devrait se laisser aller de tout coeur à ce réflexe à tout moment.
 
c) La respiration-Qi
 
Cette respiration consiste à inspirer par le nez et expirer par la bouche. A l'inspiration la langue se place derrière les incisives supérieures, ce qui relie le Vaisseau Gouverneur et le Vaisseau Conception. A l'expiration la pointe de la langue s'abaisse pour se placer derrière les incisives inférieures, ce qui rompt la liaison entre ces deux méridiens. Le Qi lié à des substrats à éliminer peut ainsi quitter l'organisme par la bouche en quantité optimale. Cette technique est proposée par Mme Guo Lin dans les exercices d'ouverture et de conclusion, et les exercices auxiliaires. La respiration-Qi sera décrite en détail dans chacun des exercices correspondants.
 
d) La respiration-Vent
 
Cette respiration a été introduite par Mme Guo Lin dans le traitement des cancers. On inspire une, deux ou trois fois de suite par le nez, puis on expire lentement, en abaissant profondément la paroi abdominale. La respiration-Vent est une forme modérée de la respiration régulée et sera décrite en détail dans le chapitre consacré au traitement des cancers.
 
e) La respiration avec participation de la voix
 
De même, on peut mettre en résonance n'importe quelle partie du corps par l'émission de voyelles ou/et de consonnes. On peut même faire vibrer les viscères individuellement par l'imagination, en pensant certains sons. Il est surprenant de constater que la pensée du son « OMMM » fait vibrer l'oreille moyenne droite et pas la gauche. Ces exercices vocaux ne doivent pas être sous-estimés dans leur vertu de guérison et d'entretien des viscères correspondants ; ils mènent en effet à une harmonisation du Yin et du Yang.
Il existe quelques exercices, qui ne font d'ailleurs pas directe- ment partie du Qi Gong dur, où la respiration se fait comme en un mouchage puissant par le nez (cf. le Jingang Qi Gong et les exercices respiratoires Demantene), ce qui effectue en quelque sorte un massage de points d'acupuncture, non accessibles aux aiguilles, dans le pharynx et les fosses nasales. En outre, la pression abdominale induite par le rejet de l'air est suivie d'un relâchement d'autant plus grand du diaphragme et de la paroi abdominale, ainsi que de la musculature lombaire.
Chacun de nous devrait observer sa manière de respirer pendant son travail quotidien et apprendre à connaître et à neutraliser les tensions qui entravent sa respiration. Ce travail est un premier pas vers l'objectif suivant: ne pas se laisser emporter par ses émotions, diminuer et finalement voir disparaître les peurs et les inhibitions qui en découlent. On ménage ainsi ses viscères, car « l'excès de joie nuit QU Coeur, 10 trop grande peur QU Rein, le souci QU Pou- mon, trop de pensées nostalgiques blessent 10 Rate, 10 colère nuit QU Foie », comme cela est déjà écrit dans le Huang Di Nei Jing.
Les exercices avec participation de la voix sont avant tout des exercices vocaux qui font vibrer des zones bien détermin4es du diaphragme. Les viscères proches du diaphragme (comme le Coeur, la rate, les poumons, le foie, l'estomac, les reins) , mais aussi le plexus solaire entrent en vibration lorsque certaines voyelles sont chantées. Le Qi circule alors multiplié dans les méridiens qui passent dans le diaphragme.
 
I) Difficultés pouvant survenir pendant la respiration
 
Les marques distinctives de la « respiration naturelle » (c'est- à-dire rondeur, douceur, lenteur, régularité) sont bien sûr relatives. La musculature respiratoire ne doit jamais être mise en action avec force ni même par force. Au début le pratiquant peut avoir des difficultés à respirer « lentement » et « profondément », surtout s'il souffre de maladies du coeur ou des poumons. Chacun commencera avec sa respiration et développera progressivement, à partir de ses possibilités propres, une respiration abdominale profonde. On ne doit jamais se sentir mal à l'aise pendant les exercices. Le malade souffrant d'asthme ou d'emphysème peut se faciliter la tâche en plaçant ses mains à plat de part et d'autre du thorax pour le comprimer à l'expiration, mais sans mettre sous tension la paroi abdominale. Il peut ainsi rejeter une partie de l'air restant dans les poumons, le tissu conjonctif pulmonaire peut se recréer et retrouver peu à peu son élasticité.
Prolonger l'expiration dans certaines limites présente des avantages pour les pratiquants souffrant d'hypertension, d'emphysème pulmonaire ou d'épuisement nerveux -à condition toutefois que l'expiration se fasse sans aucun effort de la part de la musculature respiratoire. La mise sous tension de celle-ci provoquerait en effet une compression contrainte du thorax; il s'ensuivrait une sensation de tension dans la tête pouvant aller jusqu'à la douleur. Ce conseil est valable pour le malade comme pour le bien-portant : il faut toujours éviter l'impatience dans les exercices; ne jamais vouloir appliquer coûte que coûte ce qu'on connaît par la théorie! Certains débutants se plaignent de palpitations, de tension thoracique. La raison en est toujours une inspiration trop profonde et une expiration trop forte. C'est pourquoi il convient de revenir sans cesse à la respiration naturelle, puis de nouveau lentement à la respiration profonde.

LE QI ET L'HEURE DU JOUR

 
L’ancienne Chine déterminait les heures du jour à l'aide d'une horloge à eau. Cette horloge comportait douze baquets placés les uns sous les autres, légèrement décalés latéralement les uns par rapport aux autres. Après chaque fraction de deux heures un baquet débordait et son eau se déversait dans le baquet suivant, placé au- dessous les unités de deux heures n'étaient pas identifiées au moyen de chiffres, mais dénommées selon les douze signes des « branches terrestres ». Déjà en ce temps-Ià il était connu que le Qi a une fonction spécifique selon les heures du jour. Bien que le Qi se déplace sans arrêt, l'intensité de son mouvement est spécifique dans un viscère donné en une période déterminée. Le Qi se meut ainsi d'une manière particulièrement forte :
 
Dans le méridien du :
Poumon Gros Intestin, Estomac Rate. Coeur Intestin Grêle. Vessie. Rein. MAÎTRE du Cœur, Triple Réchauffeur Vésicule Biliaire. Foie.
 
Entre:
3-5 heures 5-7 heures 7-9 heures 9-11 heures 11-13 heures 13-15 heures 15-17 heures 17-19 heures 19-21 heures 21-23 heures 23-1 heures 1-3 heures
 
Période dite :
 
Yin Mao Chen Si Wu Wei Shen Yu Xu Hai Zi Chou
 
L'alternance du jour et de la nuit module aussi l'activité du Qi. La nuit est une phase de restauration. Celui qui ne la respecte pas comme telle invite le malaise et nuit à sa santé. Les patients alités, s'ils s'observent bien, peuvent souvent indiquer l'heure d'apparition d'un symptôme ou l'heure à laquelle leurs troubles augmentent ou s'atténuent. Une telle information représente pour le médecin une très bonne aide au diagnostic. De même, les points d'acupuncture correspondants peuvent être influencés, de façon particulièrement efficace, par les aiguilles à des heures déterminées. La vieille sagesse chinoise suscite depuis quelque temps un grand intérêt chez les scientifiques occidentaux. Au point actuel de la recherche scientifique, il est possible d'affirmer que les êtres vivants ont en eux une « horloge biologique ».

LE QI ET SES VOIES DE CONDUCTION

 
Les méridiens sont une partie importante de la théorie du Qi. Ils font l'objet de recherches en physiologie et sont en partie responsables de l'influence morbide exercée par un viscère malade sur tout l'organisme.
Les méridiens, nous venons de le dire, sont les voies sur lesquelles se déplace le Qi. Ils courent aussi bien verticalement qu'horizontalement, aussi bien en profondeur que tout près de la surface du corps, et ils sont reliés les uns aux autres par de multiples ramifications. Le Qi se déplace dans les méridiens de haut en bas et de bas en haut, de l'intérieur vers l'extérieur et de l'extérieur vers l'intérieur, de droite à gauche et de gauche à droite, si bien qu'il pénètre chaque cellule du corps. S'il ne restait du corps humain que les vaisseaux sanguins, ces vaisseaux reproduiraient encore la forme du corps. S'il ne restait du corps que les nerfs, sa forme serait préservée. S'il ne restait du corps que les méridiens, sa forme serait également préservée.
Cependant, alors que les nerfs et les voies sanguines sont visibles, les méridiens sont, selon les connaissances actuelles, dénués de tout substrat anatomique, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient une fiction. Dans les temps anciens déjà on s'est efforcé de prouver leur existence. Ils ne sont absolument pas assimilables aux courants d'action dans les nerfs, les muscles et les vaisseaux sanguins. Seraient-ils en rapport avec la pulsation du milieu colloïdal dans le tissu conjonctif dont parlent les biochimistes ? Une telle hypothèse concorderait avec l'expérimentation d'après laquelle le Qi circule dans les méridiens de façon optimale en cas de détente optimale, où muscles, capsules articulaires et tendons sont parfaitement relâchés. Car une détente insuffisante détériore l'état du tissu conjonctif, entravant, voire bloquant, la circulation du Qi.
 
On pourrait comparer les méridiens à des tunnels ou des canaux parcourant la matière physique et permettant au Qi de pénétrer dans toutes les cellules de l'organisme. Dans le Nei Jing on peut lire : « Grâce aux méridiens tout dans l'homme est lié ensemble, formant une unité. Ce sont eux qui décident de la vie et de la mort. Ils maintiennent l'équilibre du Yin et du Yang. Ils triomphent des maladies, égalisent le " vide " et le " plein ", le disponible et le non disponible. »
L’hypothèse des biochimistes selon laquelle les voies de conduction sont en rapport avec les modifications phasiques de l'état colloïdal du tissu conjonctif vient également confirmer une opinion moderne: l'homme, dit-on, a l'âge de son tissu conjonctif. Quoi qu'il en soit, une chose est prouvée: la qualité de ce tissu est améliorée par les exercices de Qi Gong et les voies de conduction non perméables sont rendues perméables grâce à la multiplication et l'intensification des séances d'entraînement.
Comment un méridien peut-il perdre sa perméabilité au Qi ? Par des influences mécaniques, comme des blessures ou des interventions chirurgicales, mais aussi par des comportements psychiques perturbés. Chaque attitude de détente ou de crispation se reflète dans la colonne vertébrale. Une colonne tendue, rigide, donne lieu à des tensions dans le tissu conjonctif, les muscles, les tendons et les capsules articulaires. Et les tensions provoquent à leur tour des modifications du comportement des colloïdes. Si cette attitude perturbatrice dure, qu'elle devient chronique, elle entraîne des modifications chroniques du tissu conjonctif. Les fréquentes contrariétés figurent parmi les causes des maladies: « l'énervement nuit à la santé ».
 
a) La petite circulation énergétique
 
Le Qi circule sans arrêt par des voies bien déterminées et dans des sens précis. Les figures 1 et 2 représentent schématiquement deux méridiens, le Ren Mai ou « Vaisseau Conception (1) » et le Du Mai ou « Vaisseau Gouverneur (2) ». Le Vaisseau Gouverneur émerge au périnée, au point Hui yin (pour les hommes entre l'anus et les testicules, pour les femmes entre l'anus et le vagin) .Il suit la ligne médiane du dos, de la nuque, de la tête, jusqu'à la lèvre supérieure et le milieu du palais. Le Vaisseau Conception émerge lui aussi au point Hui yin, suit la ligne médiane du ventre, du thorax, du cou, du menton, jusqu'à la lèvre inférieure et le milieu de la mâchoire inférieure. Certains auteurs font continuer son trajet selon deux ramifications, l'une à droite, l'autre à gauche, allant jusqu'au milieu des rebords orbitaires inférieurs (cf. Han Qiu-seng) .
Une branche du Vaisseau Conception traverse la paroi abdominale, puis rejoint au bas-ventre le Dantian ou « Champ de Cinabre » .Le Qi se déplace dans ces deux méridiens à l' état de Qi pur , non lié à des substances organiques. Pendant l'expiration le Qi pur descend de la lèvre inférieure au Dantian. Pendant l'inspiration il remonte du Dantian dans le bas-ventre qu'il traverse, rejoint le Vaisseau Gouverneur, qu'il longe jusqu'à la lèvre supérieure et derrière les incisives. Ce mouvement se nomme « petite circulation du Qi pur » (cf. Li Shao-po) .Dans certains exercices taoïstes de méditation on fait circuler le Qi, par l'imagination, dans ces deux méridiens, en sens inverse. Cependant, pour Li Shao-po la circulation embryonnaire se fait comme décrite précédemment.
 
Vaisseau Conception Fig 1  Vaisseau Gouverneur Fig 2
 
 
b) La grande circulation énergétique
 
 
La circulation énergétique appelée grande circulation s'accomplit en même temps que la petite circulation. Pour la comprendre il faut connaître le trajet des 12 méridiens principaux. On distingue 12 méridiens principaux (de trajet vertical) et 8 autres méridiens appelés « vaisseaux extraordinaires » (également de trajet vertical) qui, à leur tour, relient les méridiens principaux entre eux. Le trajet de ces méridiens est surtout superficiel. Bien que leur nom et leur trajet soient décrits dans tous les livres enseignant l'acupuncture, il est indispensable de les exposer ici car ils devront être utilisés isolément dans certains exercices de Qi Gong. Il faudra se souvenir de leurs trajets et de leurs sens.
Les 12 méridiens principaux sont reliés aux 12 viscères. Ceux-ci sont divisés en deux groupes: 6 sont dits « organes- greniers » (Zang) et 6 « organes ateliers » (viscères creux, Fu). Les organes greniers sont des viscères Yin, les organes ateliers, creux, sont Yang et ont pour fonction d'être des centres de collecte et de distribution. Les 6 greniers sont le Coeur, le Maître du Coeur, le Poumon, le Rein, la Rate et le Foie. Les viscères creux sont l'Intestin Grêle, le Gros Intestin, le Triple Réchauffeur, la Vessie, l'Estomac et la Vésicule Biliaire. Le Triple Réchauffeur n'a pas de réalité anatomique; la médecine chinoise entend par ce terme trois parties de l'organisme. Le premier Réchauffeur (ou Réchauffeur Supérieur) comprend le cou, la cage thoracique avec les poumons (organes de la respiration) .Le deuxième Réchauffeur (ou Réchauffeur Moyen) comprend la partie supérieure de l'abdomen et les organes digestifs, le troisième Réchauffeur (ou Réchauffeur Inférieur) la partie inférieure de l'abdomen et les organes d'élimination.
Les figures 3 à 5 représentent les trois méridiens Yin, qui partent de la partie supérieure du thorax, suivent la face de flexion du bras et de la paume de la main, et se terminent à la racine des ongles :
Méridien du Poumon: il commence sur la face latérale du thorax, dans le creux en avant de l'épaule, et finit à la racine de l'ongle du pouce (fig. 3).
Méridien du Coeur : il commence aussi en avant du creux de l'épaule et se termine à la racine de l'ongle du petit doigt (fig. 4).
Méridien du maître cœur : il commence à côté du mamelon, décrit une courbe par-dessus le creux de l’épaule, passe au milieu du pli du coude, au milieu de l’avant bras puis de la paume et se termine à la racine de l’ongle du majeure. C’est seulement pendant l’expiration que le qi circule dans ces voies jusqu’au bout des doigts (fig 5).
 
Meridien du Poumon Fig3  Meridien du Coeur Fig 4 Meridien Maitre Coeur Fig 5
 
Les figures 6 à 8 représentent les méridien yang des membres supérieures. Il partent du bout des doigts et vont rejoindre les organes des sens au visage :
Méridien du gros intestin : il commence à la base de l’ongle de l’index et longe la face dorsale de l’index, de la main et du bras. Puis li franchit l’épaule, le cou et se termine de part et d’autre du nez fig 6.
Méridien de l’intestin grêle : il commence à la base de l’ongle du petit doigt, longe la face dorsale du petit doigt, de la main, du bras, de l’épaule, du cou et se termine en avant de la base du lobe de l’oreille, à sa partie cartilagineuse fig 7
Meridien du triple réchauffeur : il commence à la racine de l’ongle du 4è doigt, suit la face dorsale de la main, du bras, franchit l’épaule et le cou, traverse de l’arrière vers l’avant le pavillon de l’oreille pour s’achever en un pôint situé à l’extrémité du sourcil fig8
 
Meridien du Gros Intestin Fig 6 Meridien Intestin Grele Fig 7 Meridien du Triple Rechauffeur Fig 8
 
Les figures 9 et 11 représentent les trois méridiens yang de la jambe, qui vont du visage jusqu’au bout des doigts de pied :
Méridien de l’estomac : il commence au milieu du rebord inférieur de l’orbite, croise la face latérale du visage, le cou, la poitrine, l’abdomen, la cuisse, longe le bord externe du genou et se termine à la racine de l’ongle fig9.
Méridien de la vésicule biliaire : son point d’origine se situe à l’angle externe des paupières ; de la il va vers l’oreille, qu’il contourne vers l’arrière en un premier crochet vers la zone occipitale, ouis en un deuxième crochet de la zone occipitale en avant vers le milieu du front. De ce point, il revient en angle aigu vers l'arrière jusqu'à la nuque, descend aux épaules qu'il traverse; puis le méridien décrit deux angles aigus sur la face latérale du thorax, passe sur la face externe de la hanche, de la jambe, jusqu'à la racine de l'ongle du 4e orteil (fig. 10) .
Méridien de la Vessie: son point d'origine se situe à l'angle interne des paupières; ensuite, il monte par le front et le milieu de la tête et arrive à la nuque où il se divise en deux branches. L'une suit de près la colonne vertébrale, longe la face arrière de la cuisse jusque dans le creux du genou. L'autre s'incline obliquement vers l'extérieur, puis longe le dos parallèlement à la première branche et à l'extérieur de celle-ci ; ensuite il contourne la fesse, croise la face arrière de la cuisse et rejoint la première branche dans le creux du genou. Il n'y a plus alors qu'un seul méridien qui se prolonge vers le bas, le long de la face externe de la jambe, la malléole externe, qu'il contourne. Le méridien se termine à la racine de l'ongle du petit orteil (fig. 11).
 
Meridien de l'Estomac Fig 9 Meridien de la Vesicule Biliaire Fig 10 Meridien de la Vessie Fig 11
 
Les figures 12 à 14 représentent les trois méridiens Yin du membre inférieur :
Méridien de la Rate: il commence à l'angle médial de l'ongle du gros orteil, longe le bord interne de la voûte plantaire, la face interne du membre inférieur, le côté de l'abdomen et du thorax, et se termine en un point situé sur la ligne axillaire, à la hauteur de la 7e côte (fig. 12).
Méridien du Foie: il commence à l'angle latéral de l'ongle du gros orteil, suit un trajet parallèle à celui du méridien de la Rate, qu'il croise à la jambe, et se termine sous le mamelon à la hauteur de la 6e côte (fig. 13) .
Méridien des Reins: il commence à la « Source jaillissante » sous la plante du pied, longe la face interne de la cheville et de la jambe jusqu'au pubis, puis suit de près la ligne médiane de l'abdomen au thorax et se termine dans l'angle formé par les extrémités internes de la clavicule, de la première côte et par le sternum. Au pubis s'en détache une branche qui va en profondeur vers le petit bassin et le Dantian (fig. 14) ."
C'est pendant l'inspiration que le Qi circule dans ces trois méridiens, en remontant du pied vers le haut du thorax.
 
Meridien de la Rate Fig 12 Meridien du Foie Fig 13 Meridien du Rein Fig 14
 
La circulation du Qi dans ces douze méridiens est appelée grande circulation énergétique. Pendant l'inspiration le Qi se déplace dans les méridiens Yin du membre inférieur en montant du pied vers l'épaule, et dans les méridiens Yang du membre supérieur en montant des extrémités des doigts jusqu'au point de terminaison au visage. A l'expiration, le Qi suit les méridiens Yin du membre supé- rieur, depuis le thorax jusqu'au bout des doigts, et les méridiens Yang du membre inférieur, depuis leurs points d'origine (au visage) jusqu'aux orteils. Les deux méridiens médians déjà décrits dans la petite circulation énergétique (Vaisseau Gouverneur et Vaisseau Conception) sont les seuls conducteurs du Qi fetal avant la naissance, mais remplissent aussi une fonction importante après la naissance : tous les méridiens Yin sont reliés au Vaisseau Conception, tous les méridiens Yang le sont au Vaisseau Gouverneur.
Connaître le trajet des douze méridiens Yin et Yang est chose très utile. Lorsqu'on a acquis une certaine maîtrise du Qi Gong, il devient possible de diriger volontairement le Qi dans l'ensemble des méridiens ou seulement dans certains d'entre eux. Connaître le sens du mouvement du Qi est donc indispensable.
Les méridiens Yang commencent ou se terminent tous à proximité des organes des sens. Il est indispensable de le savoir pour traiter les maladies des yeux, des oreilles ou du nez.
Pour être complet, il nous faut encore mentionner les 8 « vaisseaux extraordinaires » qui, à la différence des 12 méridiens principaux, portent le nom générique « Mai », vaisseaux. Deux d'entre eux nous sont déjà connus: le Ren Mai et le Du Mai. Les six autres se nomment: Chong Mai, Dai Mai, Yinwei Mai, Yangwei Mai, Yin- chiao Mai et Yangchiao Mai.
A ces 19 méridiens verticaux (plus le Dai Mai) viennent s'ajouter 15 vaisseaux en réseaux (Luo) qui constituent des liaisons transversales. Les différentes liaisons et divisions des voies énergétiques forment dans le corps comme un filet très dense. Les points d'acupuncture marquant les principaux noeuds de ce filet à la surface du corps sont à eux seuls au nombre de 669. Faire de l'acupuncture, c'est placer des aiguilles à certains points des voies de conduction du Qi, de telle manière que celui-ci se déplace des viscères où il y a trop de Qi vers les viscères où il n'y en a pas assez. Tout cela est véritablement un art, nécessitant naturellement un long temps d'étude, de pratique et d'expérience.

LA SUBSTANCE DU VIVANT

 
« L'homme doit sans cesse veiller à lui-même, pour ne pas perdre la bonté innée. Grâce au contrôle de sa respiration, il doit inspirer et expirer le souffle de l'univers. »
 
Mengzi (372-289 av. Co).
 
Erwin Rousselle écrit: « La physiologie et la psychologie chinoises voient en l'homme trois flux ou courants : les germes Jing, le souffle Qi et le génie Shen. Ces trois courants ne sont pas identiques à leurs équivalents corporels mais ils agissent en eux et sont en même temps leur représentation psychologique. Les germes portent en eux l'impulsion de pousser vers l'extérieur, d'agir de manière créative et autonome, et de contrôler les forces supérieures de l’âme.»
 
Que signifient ces trois notions centrales ? Selon Laozi, le Qi est matière qu'on ne peut voir. Le Qi est présent partout et agit comme support énergétique aux effets sensibles, expérimentables, perceptibles. Shen est souvent traduit par « esprit », mais cette traduction est source d'erreurs compte tenu de ce que nous avons l'habitude de comprendre par le terme « esprit ». Alors que le Jing représente le potentiel externe de l'aspect externe des processus ayant cours dans la matière vivante fine (comme la synthèse et la dégradation des protéines), le Shen, lui, englobe une forme supérieure d'énergie, qui permet au Jing d'assurer ses fonctions. Le Shen recouvre les fonctions de la conscience, mais aussi celles de l'inconscient, lequel gouverne l'ensemble des processus dans l'organisme. La pensée rationnelle ne représente qu'une petite partie du Shen, en quelque sorte le sommet de l'iceberg.
Aucun être, qu'il soit unicellulaire ou groupe de cellules hautement organisé, ne peut vivre s'il ne possède pas de Jing, de Qi et de Shen. Que l'un d'eux disparaisse et l'organisme n'est plus viable. Le Qi donne au Jing l'énergie indispensable à ses fonctions et à sa diversification. Shen est l' « âme » des fonctions exprimées par le Jing. Chacun de ces trois trésors de vie a des tâches spécifiques, mais ensemble ils constituent une unité indivisible. Le Jing est le logis du Shen. Si celui-ci est blessé, Shen et Qi fléchissent. La vie s'éteint. Si le Qi est contrarié dans ses fonctions, le Jing et le Shen meurent. Qi est la force originelle, la force vitale. Il donne à la matière vivante, détentrice des plans de construction de la vie, la capacité de réaliser ces plans. Shen (âme, esprit ou tout terme analogue par lequel on pourrait traduire cette notion) commande l'exécution de ce plan.
Dans le Su Wen Shang Gu Tian Zhen L un, livre médical classique, on peut lire: « Le Jing vient du Ciel. C'est le Jing originel. Il est attelé au Qi originel. Il est la source de la vie. » Pour employer un langage moderne, on pourrait dire que le plan de construction de la vie est contenu sous forme de code dans le Jing originel. La matière a pour fonction de faire naître d'elle la vie humaine, toute vie, d'en être le support ; le Qi en fournit l'énergie, le Shen qui anime la matière en a la direction « interne ».
Au cours de la vie s'accomplissent les « dix mille mutations ». La substance vitale à la fois s'use sans arrêt et se reconstitue sans arrêt. La substance usée doit être évacuée, éliminée, processus dont l'énergie est fournie par le Qi. Il y a donc sans arrêt déperdition de Qi, de sorte qu'il faut constamment puiser le complément à la « Grande Nature ».
Le Qi, dont on dit qu'il est présent partout, est puisé dans l'air par les organes de la respiration et la peau, dans la nourriture par les organes digestifs, si bien qu'il se renouvelle sans cesse. La circulation sanguine en fait parvenir une partie aux cellules. Le reste de Qi est libéré des substances qui le contiennent et circule sous forme de « Qi pur » le long de ses voies de transport (méridiens).  L'embryon, qui ne respire pas d'air et n'absorbe pas d'aliments, ne fonctionne qu'avec deux méridiens: le Vaisseau Gouverneur (Du Mai) et le Vaisseau Conception (Ren Mai) (fig. 1 et 2) dont nous faisons mention ici parce qu'il en sera question dans un des exercices, la « circulation embryonnaire du Qi ».
Après la naissance, le Qi remplit sa fonction spécifique en chaque endroit du corps et dans chaque viscère. Il livre l'énergie de croissance, de construction, et assure l'évacuation de l'inutilisable. Si les processus d'apport ou d'évacuation sont perturbés dans un viscère, celui-ci devient malade. Les perturbations de l'apport ou de l'évacuation du Qi sont provoquées par une déviation ou une modification des voies de transport. Dans ce cas le Qi nouvellement absorbé s'accumule en amont de l'endroit défectueux du méridien, il peut irradier dans les environs, causant des dommages ; le Qi utilisé pour l'élimination des résidus rend malade le viscère correspondant. Santé et voies de transport perméables vont de pair. Recouvrer la santé, cela implique d'ouvrir les voies de transport obstruées, d'amener dans le corps du Qi frais, « chargé » d'énergie puissante, d'évacuer et éliminer le Qi usé. Pour rester sain ou le redevenir, le mieux est de pratiquer le Qi Gong, si possible en plein air.
Le Qi pur, celui libéré de la substance qui le transporte, oxygène de l'air ou nourriture absorbée, circule inlassablement à travers l'organisme et, finalement, parvient là où le besoin s'en fait sentir. Le rôle et les particularités du Qi changent suivant les viscères, comme du reste son nom. Dans les organes urogénitaux féminins il prend le nom de « Yin-Qi originel », dans le foie « Qi du Foie », dans le coeur « Qi du Coeur » et ainsi de suite. Le Qi qui assure l'apport énergétique indispensable à l'évacuation des métabolites inutilisables est appelé « Qi de lutte ».
Les chemins empruntés par le Qi dans l'organisme sont appelés voies de conduction ou de transport, ou méridiens. La force qui fait mouvoir le Qi dans ces méridiens est la respiration.