« Les six sons sacrés »  

Les « six sons sacrés » sont un exercice avec utilisation de la voix qui vise à stimuler la circulation du Qi dans les « cinq organes ». A chaque organe correspond un certain son. L'exercice tire son origine d'une très ancienne tradition taoïste; du reste, dans son utilisation actuelle en République populaire de Chine, il est fait explicitement allusion à cette origine. Il est actuellement enseigné dans les hôpitaux et diffusé par la télévision (dans une nouvelle description, dont l'auteur est maître Ma Li-tang). Cet exercice est du Nei Gong pur, c'est-à-dire pratiqué pour amplifier la circulation du Qi interne des organes. Chaque son émis fait vibrer le larynx, les cordes vocales, les sinus et le diaphragme. Puis la vibration, nettement perceptible, se transmet aux méridiens internes qu'elle parcourt jusqu'aux points périphériques de la tête, des pieds et des mains, se propageant ainsi aux méridiens périphériques. Afin de rester en conformité avec le circuit correspondant des Eléments, l'exercice doit être nécessairement accompli dans l'ordre suivant: Foie, Coeur, Rate, Poumon, Rein, Triple Réchauffeur et Vésicule Biliaire sont ajoutés dans un sixième exercice, uniquement pour stimuler les méridiens Yang.

Préparation: se tenir debout, entièrement détendu, les articulations des genoux relâchées, les plantes des pieds fermement posées au sol par la balle du gros orteil et celle du petit orteil. Les épaules pendent, les creux des aisselles sont ouverts comme s'ils logeaient une balle de tennis. Le Bai Hui, le point le plus élevé du corps, est amené dans l'alignement du sacrum par un léger mouvement de retrait du menton, en sorte que l'axe de la colonne soit perpendiculaire à la terre.  

a) Foie  

Utiliser le son HSU... la voyelle « U » n'est pas à prononcer lèvres en pointe, selon l'habitude dans nos langues européennes, mais avec les lèvres relâchées, largement ouvertes, langue posée sur le plancher de la bouche . A l'inspiration, lever latéralement les bras jusqu'à la hauteur des épaules, paumes vers le bas. Tourner ensuite les paumes vers le haut, conduire les mains devant la poitrine, extrémités des doigts se faisant face; puis abaisser les mains et poser les paumes l'une par-dessus l'autre sur le Dantian (les hommes posant d'abord la main gauche, les femmes d'abord la main droite) .Les points du milieu des paumes doivent très exactement se superposer, de sorte à être placés très exactement dans l'alignement du point Qihai (à environ 4 cm sous le nombril) , juste devant le Dantian. Suivent quelques respirations durant lesquelles on doit sentir les muscles lombaires et abdominaux se dilater pendant l'inspiration ; à l'expiration, les mains appuient légèrement sur le ventre. A l'inspiration, incliner le corps légèrement vers l'avant, de tout son poids; à l'expiration, émettre le son HSU. ..Tout en pressant la balle et le bout du gros orteil contre le sol. Puis le corps se fléchit légèrement vers l'arrière, si bien que son poids est juste un tout petit peu reporté sur les talons. A exécuter six fois ou plusieurs fois six fois.  

b) Coeur  

Les traductions européennes transcrivent le son correspondant de diverses façons: par HA, mais aussi par HO. Maître Ma Li-tang le transcrit par KHO. Ces divergences reposent sur le fait que les sons HO... et HA... sont représentés par le même idéogramme, lequel sert en outre à transcrire les sons Ko et Ke. Ouvrir grand la bouche, dents écartées de deux travers de doigts. Les lèvres sont largement écartées de sorte qu'aucune voyelle précise ne peut être formée; c'est un son entre « a », « o » et « e » qui est émis. On respire donc KHO. .., le bout de la langue replié sur le plancher buccal, à l'arrière de la bouche.  Cet exercice est accompagné de mouvements des bras. A l'inspiration, élever les bras à hauteur d'épaule, paumes vers le bas. Puis tourner les paumes et conduire les mains devant la poitrine. Dans cette position les paumes sont de nouveau tournées vers le bas, le bout des doigts de l'une et l'autre main se touchant presque. Pendant l'expiration émettre le son KHO. ..Les mains s'abaissent devant le corps jusqu'au Dantian, puis à côté des cuisses. Les muscles de la nuque et du cou restent relâchés, le son doit être régulier, sans tremblements dans la voix ni modification de tonalité, cela étant le signe que les muscles sont tous détendus. A exécuter six fois ou plusieurs fois six fois.  

c) Rate  

Utiliser le son HOU. ..Les lèvres sont semblables à l'orifice d'un étroit tuyau. A l'inspiration, conduire les mains devant le corps, paumes vers le haut, jusqu'à la hauteur du point « milieu de la poitrine » entre les mamelons. Ensuite, arrondir légèrement les mains, tourner les paumes vers l'extérieur et conduire la main droite dans cette position vers le haut, la gauche vers le bas à côté de la hanche, tout en expirant le son HOU. .. Les pratiquants atteints d'hypertension artérielle lèveront la main droite jusqu'à la hauteur du front, alors que ceux dont la tension artérielle est normale ou basse la lèveront un peu au-dessus de la tête. Pendant une nouvelle inspiration, tourner les paumes avec souplesse, descendre la droite par le milieu du visage jusqu'à la poitrine et élever la gauche jusqu'à la poitrine. La paume gauche est alors placée devant la poitrine, paume droite devant la gauche. Tourner de nouveau les paumes vers l'extérieur, tout en émet- tant le son HOU... Lever la main gauche, baisser la main droite jusqu'à côté de la hanche droite. A exécuter trois fois à droite et trois fois à gauche  

d) Poumon  

Émettre le son SSSE. ..les dents presque serrées, le bout de la langue devant la fente dentaire. Le SSSE. ..sort de la bouche à droite et à gauche, au ras des dents, entre les lèvres. A l'inspiration, élever les mains, paumes vers le haut, jusqu'au point du milieu de la poitrine. Tourner ensuite les paumes vers l'extérieur, pouces et index arrondis se faisant face; les autres doigts sont aussi légèrement arqués. En émettant le son SSSE. ..Écarter les mains jusqu'à l'horizontale, puis les abaisser, relâchées, à côté des cuisses. A exécuter six fois ou plusieurs fois six fois.  

e) Rein  

Émettre le son TCHOUI. ..A l'inspiration tirer le dos des mains le long des faces latérales du thorax, un peu en arrière d'elles, jusque sous les aisselles, puis les tirer vers l'avant, jusqu'à 40 cm en avant de la poitrine, comme si on tenait des bras et des mains un gros ballon. Expirer en émettant le son TCHOUI... les jambes se fléchissent et les mains s'abaissent jusque devant les genoux. Étant en position accroupie, veiller à garder le haut du corps droit. A l'inspiration, se redresser, les mains se plaçant à côté des cuisses, et tirer de nouveau les dos des mains vers le haut, le long des faces latérales du thorax. A exécuter six fois ou plusieurs fois six fois.  f) Triple Réchauffeur  Le son, ici, est CHIlI. ..Certains pratiquants remarqueront qu'en prononçant le CH leur bouche est asymétrique, de sorte que le CH se forme plus dans sa partie gauche que dans sa partie droite. Ce défaut est à corriger, sans quoi il y aura stimulation asymétrique des méridiens de la Vésicule Biliaire. A l'inspiration, élever les mains jusque devant la poitrine, comme décrit précédemment, puis tourner doucement les paumes vers l'extérieur. En émettant le son CHIlI. ..lever les mains soit jusqu'au front, soit jusqu'au-dessus de la tête. Pendant l'inspiration suivante tourner les paumes et abaisser les mains devant le visage. A la hauteur de la poitrine tourner les paumes vers le bas; expirer, sans émettre de son, tout en abaissant les mains à côté des cuisses. La hauteur d'élévation des mains dépend de la tension artérielle du pratiquant. A exécuter six fois ou plusieurs fois six fois.  

g) Shou Gong, récupérer le Qi  

Élever les bras latéralement jusqu'à la hauteur des épaules, paumes vers le bas. Puis tourner les paumes, les avant-bras conduisent les mains devant la poitrine, où elles se réunissent, les extrémités des doigts se faisant face. Expirer en abaissant les bras. (Conduite à l'extérieur, fluidité à l'intérieur.) A exécuter deux ou trois fois.  Ces exercices peuvent également se pratiquer en position couchée, sans mouvement des bras. Le pratiquant peut ainsi arriver à des observations intéressantes, par exemple ressentir les méridiens des viscères correspondants ou sentir des picotements à certains points d'acupuncture du méridien du Poumon pendant l'exercice pour le Foie. Mais ce sont surtout les points terminaux des méridiens qui deviennent nettement sensibles. Pendant l'exercice pour le Triple Réchauffeur, il peut arriver que l'annulaire se mette à trembler. Ces sensations, très certainement variables d'une personne à l'autre, autorisent des déductions diagnostiques. Il arrive aussi qu'on prenne nettement conscience de ses viscères.      

Effets physiologiques de l'exercice  

a) Effets sur le système nerveux central  

La mise au repos du cortex cérébral provoque des modifications visibles du tracé électrique de l'électro-encéphalogramme. L'amplitude des ondes alpha est augmentée et leur rythme ralenti. Les potentiels cutanés ont des courbes plus aplaties et les potentiels d'action des muscles se ralentissent. Le « repos » de pensée agit donc sur les ondes alpha, action qui est cependant différente de celle du sommeil naturel et radicalement différent de celle des calmants et des somnifères. L'aptitude à mettre le cortex cérébral au repos vient avec l'entraînement : plus elle est grande, moins les émotions ont de prise sur le cerveau et plus le cortex cérébral devient apte à assurer ses fonctions de défense contre les maladies, notamment en cas d'hyper- tension artérielle ou d'instabilité nerveuse, ce qui, à son tour , influence la régulation des fonctions des viscères.  

b) Effets sur le système neurovégétatif  

Le système neurovégétatif est la partie du système nerveux qui gouverne tous les mécanismes de l'organisme non soumis directement à la volonté. Il régularise la tension artérielle, les battements du coeur, l'activité des organes digestifs et le métabolisme, la fonction rénale, etc. On peut dire, de façon imagée, qu'il a deux « rênes », le sympathique et le parasympathique. Tantôt c'est l'un qui est davantage sous tension, tantôt c'est l'autre. L'inspiration est surtout gouvernée par le sympathique, l'expiration par le parasympathique. Chez l'homme sain, l'action de ces deux rênes est dans un équilibre fluctuant. Quand le sympathique est très tendu la tension artérielle monte, le coeur bat plus vite, les viscères digestifs s'affaiblissent. Quand le parasympathique est davantage tendu, la tension artérielle baisse, le coeur bat lentement, l'estomac et l'intestin peuvent se contracter jusqu'à provoquer des crampes. Ce n'est là qu'une petite partie de l'influence du système neurovégétatif. Santé et bien-être n'existent que s'il y a équilibre du système neurovégétatif. La respiration à elle seule exerce déjà une influence sur le système neurovégétatif. Et l'« accès au calme » contribue de son côté à l'harmonisation du système neurovégétatif. Comme on pouvait s'y attendre, le Qi Gong participe nettement a'u rétablissement de cet équilibre. A l'électrocardiogramme, la durée P-Q et la durée de la dépolarisation sont normalisées. Et les influences externes, dont on aurait pu attendre qu'elles provoquent de fortes réactions psychiques, ne rencontrent plus que de l'impassibilité chez le pratiquant.   

c) Effets sur la respiration et les échanges tissulaires  

La respiration Tiaoxi, fine et douce, soulage la musculature respiratoire. La fréquence respiratoire est réduite, le volume respiratoire relativement bas. Simultanément, on assiste à une réduction de 20 % du métabolisme de base et de 30 % du besoin d'oxygène. Une telle action a d'heureuses répercussions sur la consommation du corps malade, les forces mentales sont élaborées plus facilement, le besoin énergétique est manifestement abaissé. De plus, la musculature diaphragmatique est renforcée par l'abaissement du métabolisme de base. L'élévation et l'abaissement du diaphragme sont trois ou quatre fois plus importants qu'avant la thérapeutique par le Qi Gong.  

d) Effets sur les viscères digestifs  

La respiration régulée rend plus ample le mouvement du diaphragme, ce qui le fortifie, et les viscères voisins qui se meuvent en même temps que lui en sont massés. L'inspiration exerce une pression sur les viscères abdominaux, laquelle en exprime le sang. A l'expiration la cavité abdominale s'agrandit au maximum; les viscères ont de la place, ils peuvent se dilater et être abondamment perfusés de sang frais chargé de Qi. La sécrétion de salive est augmentée, ce qui stimule l'appétit, et l'état général en est amélioré. La joie de vivre grandit.   

e) Autres effets  

Sur la peau, on ne constate pas seulement une élévation de la température mais aussi une multiplication des influx électriques. Celui qui, angoissé par ces manifestations, va consulter un médecin ignorant que ces mouvements du Qi sont naturels, risque de ressortir de chez ce dernier plus angoissé encore. Quant à celui voulant impatiemment éprouver les sensations décrites, qui les attend, il devient nerveux, de sorte que sa pratique ne peut être couronnée de succès.  Il ne faut pas éprouver de peur, mais pas non plus d'impatience et de curiosité à l'égard de ce qu'on va vivre et ressentir.  

Phénomènes pouvant apparaître pendant l'exercice  

Au cours de l'exercice on peut être amené à constater sur soi toutes sortes de phénomènes inhabituels, mais dont on n'a pas à avoir peur. Ces sensations sont signes de l'ouverture des méridiens en périphérie. Quelques-uns d'entre eux sont rapidement décrits ci- dessous, résumés d'abord en un seul mot :  

1. « Grand » : on se sent plus grand que (l'habitude, toutes les parties du corps sont imprégnées de chaleur. La fonction défensive du cerveau est en pleine action: le Qi pur coule sans arrêt.

2. « Léger » : inspirer et expirer correctement produit à la longue la sensation d'être léger comme une feuille flottant sur l'eau d'un lac. On a l'impression dé « monter et descendre » ; dans les ouvrages anciens il est écrit qu'on « s'élève et retombe comme une hirondelle ».

3. « Lourd » : le Qi, en coulant vers le bas, peut créer l'illusion qu'on devient lourd comme une pierre. (L'art martial appelé Wu Shu utilise ce processus, de sorte que le pratiquant expérimenté devient capable de soulever les poids les plus lourds.)

4. « Frais » : on peut être pris d'une sensation de fraîcheur que les théoriciens expliquent ainsi: lors du passage du Qi dans les Reins, le Yin des Reins descend et l' « Eau des Reins » reste en surface.

5. « Chaud » : c'est la sensation la plus fréquente. On ressent d'abord de la chaleur au « nid du Coeur », puis dans le Dantian, puis dans les bras et les jambes, et finalement dans tout le corps. La température du corps, comme celle du point Bai Hui, peut s'élever de 1 ou 2°C. L'augmentation de la température va de pair avec un accroissement des défenses contre les maladies infectieuses.

6. « Démangeaisons » : signe de l'ouverture des méridiens, cette sensation disparaît habituellement après une dizaine de jours.

7. « Fourmillements » : sensation fréquente, en rapport avec une refermeture des méridiens.  II peut y avoir d'autres manifestations encore, comme par exemple l'apparition soudaine de tics musculaires. Certains témoignages parlent de cercles de lumière (vus par l'oeil intérieur) apparaissant puis disparaissant au point Bai Hui. (Dans la préface, ce phénomène a été évoqué par les enfants ayant des « dons extraordinaires ».)

Action de l'ensemble du cycle  

Dans cet exercice, chaque degré conditionne le suivant et, durant chaque degré, le pratiquant s'apercevra de certains changements en lui :

Du premier au troisième degré: la respiration devient douce, profonde et régulière, ce qui génère du Qi pur dans le Dan- tian, où il s'enrichit et acquiert une force neuve. Dans les livres anciens cette phase est dénommée: « Conduire le Qi pur dans la petite circulation énergétique (antérieurement circulation embryonnaire) .»

Au quatrième degré le Qi pur est rassemblé en abondance dans le Dantian et envoyé vers le haut, directement dans le cerveau, afin de renforcer ses fonctions de protection. Cette phase fut dénommée : « Transformer le Qi pur en conscience (Shen).» La conscience équivaut, selon cette conception, à une forme transformée dans le cerveau de l'énergie Qi. Pendant ce degré on ne se concentre plus que sur l'approvisionnement du cerveau en Qi frais et rechargé. Le Qi ainsi « entretenu » va pouvoir accomplir ses trans- formations énergétiques avec une intensité d'autant plus grande.

Au cinquième degré les deux grandes voies du Qi ne doivent plus « s'ensabler ». Tel est l'objectif à atteindre. L'homme entre dans la zone de silence; en lui tout est calme comme le miroir d'une eau dormante. Ce degré est dénommé: « Laisser la conscience accéder au vide. » Celui qui a atteint ce haut degré de perfection par une pratique persévérante et patiente, et dont le calme intérieur est si parfait qu'il devient prédominant et protège des agitations extérieures, celui- là est entré dans un nouveau paysage mental et spirituel. Il ne se préoccupe plus de lui-même et ne s'identifie plus à ses connaissances, ses projets et activités. La notion taoïste Wu Wo, le « non-Moi », s'est pour lui chargée de sens. La description ci-dessus n'est qu'une introduction, une indication de programme d'action. Pour ce qui est du vécu, celui-là seul peut en témoigner qui a l'expérience des cinq degrés de l'exercice.

Les exercices  

Premier degré: porter uniquement son attention sur l'expiration et le « nid du Coeur »  

La zone appelée en chinois « nid du Coeur » (Xi~wo) est, nous l'avons dit plus haut, située dans la partie moyenne du sternum.   Toutes les conditions préliminaires énoncées plus haut doivent être remplies: lieu calme, corps détendu, etc. Après une pratique de respiration naturelle et calme, l'agitation doit céder à l'indispensable tranquillité.  Pendant cet exercice on ne doit entendre que son souffle, à vrai dire l' « entendre et en même temps ne pas l'entendre ». Il faut respirer suivant une courbe sinusoïdale, mais dont la partie descendante est moins abrupte que la partie ascendante; autrement dit, l'expiration doit être un peu plus longue que l'inspiration. De même que dans une sinusoïde les sommets et le creux sont arrondis, ainsi le passage de l'inspiration à l'expiration, comme celui de l'expiration à l'inspiration, doit être arrondi. A l'expiration, garder sa pensée sur le « nid de Coeur ». Si l'esprit vagabonde, compter les mouvements respiratoires, allant jusqu'à dix inspirations et expirations. Arrivé à « dix », recommencer à « un », jusqu'à disparition des pensées parasites. Le débutant a besoin d'une ou deux semaines pour s'affranchir des pensées vagabondes et pouvoir se passer du comptage des respirations.  

Quand pratiquer ?

 Il est préférable de toujours pratiquer aux mêmes heures, afin de donner à l'organisme un rythme stable et augmenter l'efficacité des exercices. L'idéal est de s'exercer 30 mn trois fois par jour: matin, midi et soir.

Quels sont les phénomènes qui peuvent apparaître ?

Après environ une semaine de pratique régulière on ressent à l'expiration une agréable sensation de chaleur au milieu du sternum, au « nid du Coeur » .Il serait prématuré de vouloir diriger sa pensée sur le Dantian dès ce premier degré. Si la sensation de chaleur n'apparaît pas, il ne faut ni renoncer ni chercher à forcer son apparition. Continuer tranquillement de s'entraîner, l'arrivée du flux de chaleur naîtra immanquablement. Au début, très souvent le corps perd le maintien correct. Aussi faut-il sans cesse s'examiner, vérifier si toutes les articuif1tions et tous les muscles sont bien relâchés. Que l'entraînement se fasse assis, debout immobile ou en marchant, il est très utile de s'imaginer sus- pendu au ciel par un fil de soie attaché au point Baihui (ce qui permet de maintenir et corriger la position corporelle) .La position de langue doit aussi être vérifiée et, s'il le faut, corrigée. Les lèvres sont censées être jointes et le bout de la langue placé à la racine des incisives supérieures; la langue constitue alors un pont entre le Vaisseau Gouverneur (Du Mai) et le Vaisseau Conception (Ren Mai) .Une fois les difficultés surmontées, passer au deuxième degré.  

Deuxième degré: la pensée suit le Qi ; le Qi accompagne la pensée au Dantian  

Une fois le flux de chaleur ressenti au « nid du Coeur », on peut, par l'attention, laisser le Qi se déplacer librement vers le bas dans le Vaisseau Conception (fig. 1) .Cet exercice est également à pratiquer 30 mn trois fois par jour. Après une dizaine de jours on ressent le flux de chaleur au milieu du bas-ventre.

Effets: le Qi dans le Dantian a pour effet de stimuler tous les viscères abdominaux. L'appétit et les selles sont régularisés et l'on constate une amélioration dans les cas d'impuissance ou de troubles fonctionnels des organes sexuels.  

Troisième degré: porter son attention sur le Dantian  

Pendant les deux premiers degrés on aura veillé de très près à l'activité respiratoire. L'extension de la cavité abdominale étant devenue automatique, cette attention n'a plus de raison d'être. L'attention ira désormais au Dantian, où le Qi pur devient toujours plus abondant, acquiert toujours plus de force, et où il naît constamment une douce chaleur. Si l'on continuait de veiller à l'expiration, la chaleur y deviendrait excessive. S'exercer à ce degré trois fois 30 mn par jour, pendant dix jours. Si la chaleur devient trop forte, pratiquer quelques respirations naturelles afin de la réduire.

Effets: quand le Dantian est rempli de Qi, le Qi pur parvient aussi aux Reins, et de là au Coeur. Selon la théorie de la médecine traditionnelle chinoise, cela signifie qu'Eau et Feu s'équilibrent. Le sommeil est calme et profond, la nervosité diminue. La littérature ancienne parle, elle, d'une « colline de Qi » sensible sous le nombril, qui descend progressivement dans le bas-ventre.  L'expérience prouve que les organes chargés de la digestion et des échanges tissulaires tirent un meilleur profit des aliments à la suite de cet exercice. Les malades reprennent du poids: trois ou quatre livres en trente à quarante jours. La fonction d'élimination des reins est améliorée, l'impuissance chez l'homme et l'irrégularité menstruelle chez la femme sont favorablement influencées. De même, il est prouvé que la fonction hépatique s'améliore grâce à cet exercice, même chez les cirrhotiques.  

Quatrième degré: mobiliser le Qi pur dans la petite circulation énergétique 

Lorsque le Qi prospère dans le Dantian, il se déverse dans le Vaisseau Gouverneur (fig. 2) .Accompagné par l'attention, il peut alors monter dans ce méridien. Si l'attention se fixe en un point du Vaisseau Gouverneur, le Qi s'immobilise lui aussi en ce point. A l'inverse on peut dire: « Si la pensée s'immobilise là, c'est parce que le Qi ne peut monter plus haut. » II ne faut alors pas vouloir contraindre l'attention à progresser, la force accumulée dans le Dantian n'étant pas encore suffisante pour permettre au Qi de s'élever plus haut dans le Vaisseau Gouverneur. Imaginer le Qi dans le Vaisseau Gouverneur comme une colonne de mercure dans un tube capillaire: quand le Dantian sera à nouveau rempli, le Qi recommencera à monter. Quand la pensée cherche à forcer le Qi à monter plus haut, alors qu'il n'y a pas de réserve dans le Dantian, la « colonne de mercure » se rompt. Les effets qu'on pouvait attendre de cette fraction du Qi sont alors perdus pour l'organisme. Une métaphore chinoise dit: « Le paysan stupide se met à tirer sur les plants pour les aider à pousser, et ainsi détruit par avance sa récolte. » Si le Qi reste bloqué au « Coussin de Jade » (Yuzhen, cf. la description page 90), porter son attention au sommet de la tête ; cela suffit pour permettre au Qi de continuer sa progression vers le haut.  Pour cet exercice, augmenter le nombre des séances quotidiennes et leur durée (s'exercer chaque fois entre 40 et 60 mn) .Une semaine suffit habituellement pour rendre perméable l'ensemble du Vaisseau Gouverneur. (il advient que ce résultat s'obtienne dès le premier essai chez des sujets jeunes et en bonne santé.)

Phénomènes susceptibles de se produire pendant l'exercice : le passage du Qi du Dantian dans le Vaisseau Gouverneur, au point d'acupuncture « Porte de la Vie » (Mingmen) , se fait pour ainsi dire par bonds. Le Dantian a toutefois besoin de force pour faire franchir ce seuil au Qi. Ce franchissement réchauffe tout le système uro-génital. Il se produit là encore de la chaleur à la « Porte de la Vie », et celle-ci monte comme un courant le long de la colonne vertébrale. Mais là où elle s'immobilise, il faut également immobiliser son attention tout entière. Chez certains pratiquants le Qi monte plus haut à chaque séance. Certains réussissent à le faire monter tout de suite, d'autres plus tard. Certains réagissent si violemment qu'ils se sentent comme tirés en arrière. Lorsque le Qi coule sans encombre dans le Vaisseau Gouverneur jusqu'à son point terminal au palais (derrière les incisives supérieures), sa conduite par le Vaisseau Conception jusque dans le Dantian ne présente plus de difficultés. Séance après séance, la quantité de Qi pur dans le Dantian s'accroît et le Qi originel confère à ce Qi pur un potentiel et une force augmentés. La littérature ancienne décrit le quatrième degré comme le plus important des cinq. Le Qi pur, extrait des substances absorbées avec la nourriture et l'air, circule à présent dans la « circulation embryonnaire », c'est-à-dire dans les Vaisseaux Gouverneur et Conception. Ce faisant, il approvisionne l' « esprit » (Shen) de force issue du Qi originel du sujet (ou de ses cellules reproductrices) .En retour, le Shen (esprit, âme, conscience) , amené au repos grâce au rassemblement mental, peut agir sur le Qi. Il se produit donc une action réciproque du Qi et du Shen.

Effets: une pratique réussie des quatre degrés peut améliorer de nombreuses maladies, par exemple l'insuffisance rénale ou certains troubles dus à une insuffisance d'élimination du rein: bourdonnements d'oreilles, vertiges, insomnies, manque de mémoire, pensée confuse, troubles de l'humeur, fatigue des lombes et des pieds, troubles du rythme cardiaque, troubles respiratoires, troubles hormonaux (glandes surrénales et génitales) , et beaucoup d'autres maladies chroniques difficilement guérissables.  

Cinquième degré: action sur la matière corporelle  

A présent, il convient d'imaginer le Qi « volant » de haut en bas et de bas en haut entre le Dantian et le Baihui (le « Dantian supérieur ») .Il n'est plus besoin de le conduire par le Vaisseau Gouverneur et le Vaisseau Conception. Les deux centres: Dantian et Bai Hui, débordent d'énergie. L'énergie du Dantian est une énergie Yin, née de la confluence des méridiens Yin dans le Vaisseau Conception. Le point Bai Hui est, lui, plein d'énergie Yang car tous les méridiens Yang se jettent dans le Vaisseau Gouverneur. En laissant monter et descendre le Qi entre ces deux centres énergétiques, le Qi se déverse au Bai Hui dans le cerveau, logis de la conscience (Shen) .Il en résulte une action de l' « esprit » sur la composante matérielle du vivant. Aux trois premiers degrés, le Qi de la matière agit sur le Qi pur (Qi originel) .Au quatrième degré le Qi pur agit sur l' « esprit », tandis qu'au cinquième degré l' « esprit » réagit en retour sur les composantes matérielles du vivant. Ainsi se reconstitue l'unité ternaire des principes de la vie. Cette cinquième étape est la plus difficile. La moindre perturbation génère une gêne extrême. S'y exercer trois fois par jour de 30 à 40 mn pendant au moins quarante jours. C'est après ce temps seulement qu'on peut espérer une action en retour de l'esprit sur le corps. Cette action ne doit cependant pas être attendue avec impatience. Dans le Daodejing (Taoteking) Laozi dit: « C'est avec convoitise qu'on observe le visible, mais c'est sans convoitise qu'on observe le mystère. »  

Conclusion de l'exercice: placer les mains l'une par-dessus l'autre sur le Dantian, les hommes posant d'abord la main gauche, les femmes d'abord la main droite. Décrire 36 mouvements spiraliques allant en s'élargissant vers l'extérieur, puis intervertir la position des mains et décrire 24 mouvements spiraliques en sens inverse, c'est-à-dire se rétrécissant vers l'intérieur le centre. Les mouvements en spirale peuvent aussi être imaginés comme se déroulant dans la cavité abdominale: 36 mouvements s'élargissant vers l'extérieur et 24 mouvements se rétrécissant vers l'intérieur.  En pratiquant ce cinquième degré il arrive qu'on ressente les dix premiers jours comme un continuel courant électrique le long de la colonne vertébrale. En outre, les sensations et impressions les plus diverses peuvent se produire: fourmillements, démangeaisons de la peau, tension sourde aux ailes du nez et aux lèvres, corps alter- nativement froid et chaud, peau comme tirée vers le haut à l'inspiration et vers le bas à l'expiration (dans des proportions minimes bien sûr) ; sensation d'être tantôt léger comme une feuille, tantôt pesant comme une montagne, tantôt immensément grand, tantôt infiniment petit. Les théoriciens de l'ancien temps disent que ce sont là des signes indiquant que des méridiens s'ouvrent à nouveau sous l'effet du flot de Qi. Ces sensations ne se produisent assurément pas de la même manière chez tous les pratiquants. Et si elles n'apparaissent pas, il ne faut pas vouloir les obtenir de force. En revanche, tous les pratiquants disent (rares sont les exceptions) qu'ils perçoivent un « flux animé » irradiant du Bai Hui. On peut mesurer à cet endroit des élévations de la température cutanée et enregistrer des potentiels d'action dérivés. La liaison fluctuante entre les deux pôles, induite par la pensée, conduit à une harmonie du corps et de l'esprit. Et plus on est pris en profondeur par cet exercice, plus cette harmonie devient grande et rayonnante.